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Les deux agences de notations américaines annoncent ce vendredi si elles dégradent ou non la note de la dette souveraine de la France. Pour Xavier Timbeau, économiste, directeur de l'OFCE, une agence de notation "transcrit plus le consensus général, qu'elle n'apporte une véritable information." Il est l'invité éco de franceinfo le vendredi 26 avril 2024.

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Transcription
00:00 *Générique*
00:04 Bonsoir à toutes et à tous, nous parlons agence de notation ce soir.
00:07 Moody's et Fitch se prononcent sur la note de la France.
00:10 Bonsoir Xavier Timbeau.
00:11 Bonsoir Camille.
00:12 Vous êtes économiste et directeur de l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques.
00:16 Il y a trois grandes agences, j'en ai cité deux, on ajoute Standard & Poor's, S&P.
00:20 Aujourd'hui, quelle est la note, quelles sont les notes de la France et que disent-elles de notre pays et de sa situation ?
00:26 Donc la note, alors chaque agence a son barème mais disons que la note de la France, elle est dans ce qu'on appelle le high grade.
00:33 Ça veut dire très bonne qualité.
00:35 Il y a un cran au-dessus qui est quand même le prime grade et ça c'est le triple A et la France l'a perdu depuis quelque temps maintenant.
00:42 Donc on est dans la zone très bonne note mais il y a mieux.
00:47 Donc si vous voulez c'est un 17, 17 et demi.
00:50 Donc on est quand même sur de la très bonne note.
00:52 On est sur de la très bonne note, on est sur de la très bonne qualité et ça a quand même une importance parce que ce que ça dit c'est que si vous investissez dans une dette publique française,
00:59 en fait vous achetez quelque chose de sûr.
01:01 Donc qu'est-ce que ça veut dire de sûr ?
01:03 Ça veut dire qu'il n'y aura pas de défaut sur cette dette.
01:07 Je vous rappelle la dernière fois que la France a fait défaut sur sa dette, c'était en 1797.
01:11 Donc ça remonte à quand même très très longtemps.
01:13 Donc il n'y aura pas de défaut, il n'y aura pas de défaut partiel.
01:17 Et donc vous pouvez y mettre votre argent en toute confiance même si la rémunération qui est associée est plutôt faible.
01:24 Ça c'est l'avantage d'avoir un titre de bonne qualité, c'est que ça ne coûte pas cher d'emprunter et ça ne rapporte pas beaucoup quand vous placez votre argent dessus.
01:31 Bon si j'écoute bien ce que vous me dites, nous n'avons pas de boule de cristal mais est-ce que ça veut dire qu'on peut s'attendre à ce que la note française ne soit pas dégradée ce soir ?
01:40 Alors c'est difficile à dire.
01:42 En plus, les agences s'entretiennent soigneusement de ce point de vue-là.
01:46 Leur communication, en fait c'est la notation des pays.
01:50 Il faut voir que pour ces agences de notation, c'est une sorte de vitrine et de moyen de faire parler d'eux.
01:55 Puisque ça fait gratuitement.
01:57 C'est fait gratuitement, donc personne ne paye pour ça.
02:01 Le boulot des agences de notation, c'est de noter tous les titres financiers, mais vraiment dans le secteur privé.
02:07 Et là, c'est un moyen pour qu'on sache qu'elles existent.
02:09 Et donc, le plus on parle d'elles, le plus content elles sont.
02:13 Alors, elles ne vont probablement pas dégrader la France parce que la France est dans une situation qui est plutôt solide.
02:20 Les marchés financiers prêtent à la France un taux qui n'a pas bougé malgré les mauvaises nouvelles économiques.
02:26 Les mauvaises nouvelles économiques, on pourrait dire oui, mais ça, ça doit forcément dégrader la note.
02:29 Parce qu'il y a eu la dette qui dépasse les 3000 milliards, le déficit qui atteint 5,5% du PIB en 2023.
02:36 Mais vous dites non, ça n'entraîne pas forcément de dégradation.
02:39 Ce n'est pas automatique.
02:40 Ce sont des mauvaises nouvelles.
02:41 Mais la question, ce n'est pas de savoir quand il y a des mauvaises nouvelles, hop, ça se traduit par une dégradation de la note.
02:46 C'est de savoir est-ce que ces mauvaises nouvelles induisent une augmentation du risque de défaut de la France ?
02:51 Et là, c'est difficile d'avoir un raisonnement qui permettrait de justifier ça.
02:55 Alors, ça se voit en particulier parce que sur les marchés financiers, les taux d'intérêt pratiqués pour la France ne sont pas montés.
03:01 L'écart avec l'Allemagne est faible.
03:03 Et donc, les agences de notation ne vont pas prendre le risque de porter un jugement très négatif.
03:08 Alors que tout le monde semble dire qu'il n'y a aucun problème aujourd'hui.
03:13 Après, la communication du gouvernement a été jugée assez peu claire,
03:19 pas un sentiment de bien maîtriser sa stratégie budgétaire.
03:22 Le fait de ne pas respecter la procédure budgétaire par l'absence d'une loi de finances rectificative
03:27 et le recours à des décrets pour faire les fameux 10 milliards, puis 20 milliards d'économie en 2024.
03:33 Tout ça sont des éléments qui montrent qu'il y a un petit risque d'absence de consensus politique,
03:38 qui pourrait y avoir une opposition, un vote de défiance ou aux prochaines élections, un changement de majorité.
03:46 Ça, c'est des facteurs d'instabilité que les agences de notation peuvent pondérer.
03:49 Donc, peut-être qu'elles vont avoir un jugement un tout petit peu négatif en ne changeant pas la note,
03:54 mais en mettant une perspective négative sur cette note.
03:57 Et ça, quel impact ça a concrètement pour nous ?
03:59 Concrètement pour nous, ça n'a pas beaucoup d'impact.
04:03 Il faut quand même en avoir conscience.
04:05 En fait, les gens qui investissent, les investisseurs professionnels,
04:08 qui sont des grandes banques, des fonds de pension et qui disposent de portefeuilles de très grande taille,
04:14 ils cherchent des actifs sûrs, ils essayent d'acheter des titres de dette allemands.
04:18 Et quand il n'y a pas de titres de dette allemands, ils achètent des titres de dette français.
04:22 Et eux, ils s'informent, ils connaissent, ils suivent.
04:25 L'analyse que fait l'agence de notation, elle n'est pas très importante pour eux,
04:29 parce qu'en fait, ils sont capables de faire leur analyse eux-mêmes.
04:32 Il y a beaucoup de matériaux gratuits, disponibles partout.
04:37 Vous pouvez aussi aller interroger le gouvernement ou l'agence France Trésor.
04:41 Il y a beaucoup de communication qui est faite autour de ça.
04:42 Donc en fait, l'agence de notation, elle n'apporte pas grand-chose à tout ça.
04:47 Ce qui fait que quand elle dit quelque chose,
04:51 elle transcrit plus le consensus général qu'elle apporte une véritable information.
04:56 Quand elle note des titres privés, Renault veut émettre de la dette,
05:01 il va demander une notation.
05:02 L'agence de notation, elle est payée par Renault et elle va regarder en détail.
05:07 Elle va faire des simulations, elle va regarder les aspects juridiques,
05:10 elle va regarder les aspects économiques, elle va comparer avec d'autres entreprises.
05:15 Il y a un vrai travail d'analyse qui est fait.
05:17 Et ça, ce travail d'analyse, oui, il peut changer les choses suivant la situation de Renault.
05:22 Mais pour un pays souverain...
05:24 - Et est-ce que les agences s'influencent les unes les autres ?
05:27 Je m'explique, il y en a deux qui rendent leur décision ce soir.
05:29 La troisième arrive un petit peu plus tard fin mai.
05:33 Est-ce qu'en effet, on regarde ce que fait l'autre ?
05:36 - Oui, bien sûr, elles se regardent les unes les autres.
05:40 Il peut y avoir un petit jeu d'essayer de capter la lumière entre elles.
05:45 En même temps, derrière, il y a leur réputation de sérieux qui est engagée.
05:49 Donc elles ne peuvent pas non plus dire des choses qui sont trop dissonantes.
05:53 Mais oui, il peut y avoir à un moment donné un mouvement qui se fait avec une agence qui va dire
05:59 "moi, je vais sortir un peu du consensus et je vais dire ce que tout le monde pense, mais que personne ne dit".
06:05 Donc ça peut avoir un petit effet cathartique, une agence de notation.
06:09 Parce que c'est quand même parmi les acteurs qui donnent leur avis sur ce sujet,
06:14 un de ceux qui ont la plus de couverture médiatique.
06:18 Et donc, du coup, à cause de ça, ils ont un poids qui peut être important.
06:22 Mais il ne faut vraiment pas en attendre une surprise.
06:25 Ils ne vont pas nous annoncer des choses qu'on ne sait déjà.
06:28 En fait, tout est sur la table, tout est transparent.
06:30 - Et puis une note reste une opinion.
06:32 - Une note reste une opinion.
06:33 Ça n'engage que cette agence de notation.
06:35 Bon voilà, après, on sait quand même qu'une dégradation, si elle devait se produire,
06:40 aurait un impact assez fort quand même dans le débat politique.
06:42 En plus, dans une période préélectorale, on va bientôt avoir la campagne des européennes.
06:47 Et là, peut-être que ça, ça peut être aussi un argument pour dire
06:51 que les agences vont être prudentes.
06:53 Parce que derrière, il y a aussi leur relation avec le gouvernement.
06:56 Il y a la relation des gouvernements avec les investisseurs.
06:59 Peut-être que dans une période électorale, on ne joue pas trop avec le feu.
07:03 Mais bon, on verra.
07:05 - On nous seront fixés tout à l'heure.
07:06 Merci beaucoup, Xavier Timbaud, directeur de l'OFCE.
07:09 Vous êtes l'invité Echo de France Info ce soir.

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