• il y a 6 mois
Imaginer la France de 2050. Imaginer les enjeux socioéconomiques du pays. Dans quel environnement vivrons-nous dans un contexte de changement climatique ? Une réindustrialisation du pays est-elle possible ? Quel visage aura l'école et comment seront formés les travailleurs de demain ? Comment seront organisés les systèmes de santé ? Frédéric Gilli économiste est l'invité de Yves Calvi.
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 23 mai 2024

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Transcription
00:00 7h-9h, RTL Matin.
00:02 *Musique*
00:04 - Il est 8h23, bonjour Frédéric Gilly. - Bonjour.
00:06 - Vous êtes économiste, professeur à sciences pour éco, auteur d'un livre passionnant "La France en perspective".
00:11 Vous nous proposez d'imaginer les années 2050 aux éditions "Autrement"
00:14 avec que vos confrères Aurélien Delpirou et Martin Vannier.
00:17 Sur les 160 pages de ce travail, vous dessinez le portrait de notre pays dans 25 ans.
00:21 Ça arrive très vite 25 ans, contrairement à ce qu'on pense.
00:23 Forte évolution climatique, changement de vie, que ce soit au travail, à la maison
00:27 ou même dans les relations amoureuses.
00:29 C'est à la fois passionnant, impressionnant et totalement déstabilisant.
00:32 Parmi les questions que vous posez, qui serons-nous ? Dans quel monde vivrons-nous ?
00:36 À quoi servirons-nous ? Alors cette France de 2050, en quelques mots, elle ressemble à quoi ?
00:41 - Je dirais que...
00:44 Je ne sais pas.
00:45 C'est ça qui donne le vertige.
00:48 C'est que cette France de 2050, vous avez dit, ça va passer très très vite.
00:52 Elle est en grande partie déjà là. - Oui.
00:55 - Et elle est en grande partie à construire.
00:58 C'est ce qu'on a essayé de faire dans ce livre-là.
00:59 C'est de dire, de mettre un peu tout le monde face à ses responsabilités.
01:04 On a des grands choix à faire sur le climat, sur la famille, sur la société, sur l'énergie, l'industrie.
01:10 Mais on ne peut pas les faire tout seuls, on ne peut pas les faire dans le vide.
01:13 - Alors d'emblée, vous citez le climat et vous avez raison, il va faire évidemment beaucoup plus chaud.
01:16 Vous prévoyez par exemple qu'à Perpignan, une nuit sur quatre sera caniculaire.
01:20 Il y a cette carte de France de l'assèchement des sols qui est totalement marron, couleur marron.
01:25 Et je ne parle pas des submersions marines.
01:27 Il vous est arrivé d'avoir peur en écrivant ce livre ?
01:29 - Je dirais que les chiffres en tant que tels ne font pas peur.
01:33 Ce qui peut donner un peu d'effroi, c'est de se dire, est-ce que notre classe politique,
01:39 est-ce que notre société sera à la hauteur de ces défis-là ?
01:44 Notre société, moi, mon boulot au quotidien, en dehors d'écrire des livres,
01:48 c'est d'aller à la rencontre des Françaises et des Français,
01:50 de leur tendre le micro, discuter, d'échanger, de travailler avec eux.
01:54 Et je vois au quotidien un écart majeur entre l'énergie, l'envie, les projets
02:00 que portent les jeunes, les entreprises, les associations,
02:04 et ce qu'on nous sert dans le discours politique.
02:07 Et d'une certaine manière, le bouquin, il est le fruit de...
02:10 Mais si cet écart-là est vrai, d'où il vient ?
02:13 Est-ce que c'est parce que le discours global sur le déclin de ce pays
02:18 est déconnecté de la réalité ?
02:19 Gérard Larcher parlait tout à l'heure à cette antenne de déni de réalité.
02:23 Il disait qu'il y a une envie et un besoin dans le destin collectif.
02:27 Moi, je sens ça dans le pays.
02:29 Et quand je regarde les chiffres, justement, ceux qui sont dans le livre,
02:32 je me dis, mais il y a un défi de cette nature-là.
02:35 Parlons chiffres avec des exemples très simples.
02:36 Est-ce qu'on pourrait vraiment dépasser les 50 degrés régulièrement dans notre pays ?
02:40 C'est un des chiffres qui est cité dans votre livre.
02:41 Oui, oui. Et d'une certaine manière, si on arrive à construire des villes
02:47 qui permettent de vivre ensemble avec des arbres, avec un peu d'eau, etc.
02:53 Il y a plein d'endroits où, par exemple, en 2050,
02:56 on estime que Paris pourrait avoir le climat d'Istanbul.
03:00 On y vit bien à Istanbul.
03:01 Ce n'est pas extraordinaire par rapport à Paris ou Lille aujourd'hui,
03:05 mais on peut y vivre bien.
03:07 La question, c'est est-ce qu'on est capable d'anticiper ça ?
03:09 Alors, je donne quelques exemples.
03:11 L'apparition de nouvelles espèces en France, l'écureuil de Sibérie,
03:14 le chacal doré ou encore la tortue de Floride.
03:17 Et en face, bien entendu, les espèces qui pourraient disparaître,
03:19 l'anguille, le pingouin, certaines pies.
03:21 Comment expliquer ces évolutions et surtout les prévoir ?
03:24 Vous nous prévenez ou vous nous annoncez des choses ?
03:27 Ce qui n'est pas tout à fait la même notion, vous comprenez ma question.
03:31 - Il y a des choses sur lesquelles on ne va pas avoir complètement la main.
03:34 La démographie au Nigeria, on n'a pas tout à fait la main.
03:37 En revanche, sur plein de domaines, on a la main.
03:41 Par exemple, vous parliez tout à l'heure de la submersion.
03:46 L'eau va monter, on le sait, mais c'est dans 30 ans.
03:49 Donc en fait, tous les équipements qu'on va construire dans les 30 prochaines années,
03:54 il ne dépend que de nous de les construire aux bons endroits.
03:56 Et si quand l'eau monte, ils ne sont pas construits à l'endroit où ça va monter,
03:59 et bien en fait, on n'aura pas à les détruire.
04:01 - On est quand même un pays patrimonial avec des immeubles, un acquis, une histoire.
04:06 Ce qui veut dire que tout ne sera pas neuf, vous comprenez ?
04:09 En vous lisant, je me disais régulièrement ça.
04:11 - Tout ne sera pas neuf, mais justement, on peut faire le choix
04:13 de qu'est-ce qu'on doit absolument préserver,
04:15 de qu'est-ce qu'il va falloir préserver, y compris dans des formes évolutives.
04:20 Ça, c'est des questions politiques, ça c'est des questions de qui sommes-nous ?
04:23 Ça veut dire quoi être français en 2050 ?
04:26 Ça veut dire quoi être européen en 2050 ?
04:28 On est en pleine campagne européenne.
04:30 Moi, c'est des questions que j'aimerais bien entendre parler.
04:32 - Oui. Alors je vais revenir à des choses peut-être un petit peu plus concrètes.
04:36 Il y a des changements liés au réchauffement climatique,
04:38 et puis il y a ceux qui sont là pour transformer l'homme.
04:40 Nous serions a priori plus grands, plus gros, et de plus en plus célibataires.
04:43 Pourquoi ? Là, je suis page 56, il y a un chapitre qui s'appelle "Je t'aime, moi non plus".
04:47 Qu'est-ce qui va nous arriver ?
04:49 - Plus célibataires parce que, en fait, à plein de reprises dans ce livre,
04:54 on s'est rendu compte que les transformations que nous sommes en train de vivre
04:58 renvoient pour une bonne part à des modèles hérités quasiment du 19e siècle.
05:02 Celui, par exemple, de la famille.
05:04 - Oui, mais ça veut dire que le couple avec enfant vit ses dernières heures ?
05:08 - Il va falloir le réinventer, mais ça ne veut pas dire qu'on va être tout seul.
05:10 Ça veut dire qu'on va être un peu plus en solo,
05:14 mais tout le temps dans des configurations qui vont évoluer.
05:17 On va être à certains moments avec des colocataires,
05:19 à d'autres moments avec une amie ou un ami, puis un hôte, puis un hôte,
05:22 et puis avec ses parents, avec ses enfants.
05:25 On va peut-être vers un format plus tribal, de tribu, de copains, d'amis.
05:30 Et ça, c'est à nous de l'inventer.
05:32 - Alors, on découvre également que les Français vont vivre de plus en plus à la campagne.
05:35 Le modèle de la ville s'efface d'une certaine façon, ou c'est parce qu'on la fuit ?
05:38 - Alors, est-ce qu'on va vivre plus à la campagne,
05:41 ou est-ce qu'on va réinventer la relation entre la ville et la campagne ?
05:44 C'est déjà en cours.
05:45 On a ce schéma entre Rennes et Nantes,
05:47 sur la transformation de tous les villages entre Rennes et Nantes.
05:52 Et on a tous les débats aujourd'hui autour du zéro artificialisation net,
05:55 l'impossibilité de construire sur de nouvelles terres.
05:58 On voit par exemple en Ile-de-France,
06:00 on a réussi dans les dernières années à quasiment atteindre le zéro artificialisation net.
06:05 Si on a réussi à le faire en Ile-de-France,
06:07 ça veut dire que ce n'est pas une catalymité pour le reste du pays.
06:09 - Alors, vous posez des questions passionnantes comme "Page 68",
06:12 "Aura-t-on encore la foi en 2050 ?"
06:14 Je ne vais pas vous demander d'y répondre.
06:15 En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on aura une France moins catholique,
06:18 plus musulmane et majoritairement athée.
06:19 Mais avant de nous séparer, et ce sera ma dernière question,
06:22 je voudrais savoir ce qui, vous, Frédéric Gilly,
06:24 vous a le plus surpris dans cette France 2050 que vous nous décrivez.
06:27 - Je dirais que ce qui m'a le plus surpris, c'est en travaillant sur le livre,
06:31 c'est le niveau d'impréparation dans lequel nous sommes.
06:34 On a des défis majeurs à relever et sur plein plein de domaines,
06:38 on a dû suer sang et eau pour arriver à trouver les chiffres,
06:42 parce qu'en fait, je ne m'attendais pas à ce qu'on ait quasiment aucune donnée
06:47 dans les services de l'État sur à quoi ressembleront les besoins
06:53 économiques, sectoriels de notre pays en 2040.
06:55 - On n'anticipe rien ?
06:56 - On n'anticipe plus grand-chose, oui.
06:58 - Je rappelle votre livre "La France en perspective".
07:01 Imaginez 2050...

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