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00:00 L'invité éco, Camille Revel.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous, nous parlons AAA, double A, à moins avec notre invitée,
00:09 on parle l'agence de notation.
00:10 Six mois après la rétrogradation de la note de la France par Fitch, c'est Moody's qui
00:14 rend son verdict ce soir.
00:15 Bonsoir Anne-Sophie Elsif.
00:16 Bonsoir.
00:17 Vous êtes chef économiste au cabinet BDO France, professeur d'économie à la Sorbonne,
00:21 spécialiste des prévisions économiques.
00:23 Justement, qu'est-ce qui peut faire que la note française baisse ou ne baisse pas ?
00:26 C'est toujours le niveau d'endettement, c'est vraiment le point que regardent beaucoup les
00:30 agences de notation et de dire quel est le niveau de notre dette qui, comme vous le savez,
00:35 les dernières années a énormément augmenté.
00:37 Et puis, quel est également notre trajectoire ? Est-ce qu'on a une trajectoire de désendettement
00:41 solide concernant notre dette publique mais également notre déficit public ?
00:44 Et là, notre dette a franchi la barre des 3 000 milliards.
00:48 Qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce qu'on peut en faire une prévision ? On n'a évidemment
00:51 pas de boule de cristal mais est-ce qu'on peut avoir une petite idée ?
00:54 Alors, c'est sûr que la prévision, on peut se dire que ça va être assez négatif puisque,
00:59 comme l'ont fait déjà les autres agences, il y a des perspectives négatives à cause
01:04 notamment de ce taux d'endettement qui a énormément augmenté depuis la crise Covid
01:09 mais aussi après avec la crise ukrainienne et l'inflation.
01:12 Donc, c'est vrai qu'on va sûrement avoir une perspective négative et donc une vision
01:15 qui est négative.
01:16 Par contre, une fois qu'on a dit ça, ce qui peut être aussi intéressant, c'est qu'ils
01:21 mettent en avant tout ce qui est dette mais également tout ce qui est perspective.
01:24 Et dans les perspectives, c'est quelle est la trajectoire de désendettement et comment
01:28 l'agence l'apprécie au regard du dernier projet de loi de finances.
01:33 Oui, sachant que la France vient de présenter son budget pour 2024.
01:36 Et alors, qu'est-ce qu'elles en pensent les agences de notre budget ?
01:39 Alors, bien évidemment, souvent elles trouvent que les prévisions sont assez optimistes.
01:44 Nous-mêmes qui faisons des prévisions, on trouve que c'est assez optimiste, notamment
01:46 sur le niveau de déficit, par exemple sur le taux de chômage.
01:48 C'est aussi le jeu que les perspectives soient plutôt positives aussi pour faire
01:52 les chiffres et les projections.
01:54 Par contre, ce qu'on peut voir à moyen long terme, c'est qu'une fois qu'on a fait ces
01:57 perspectives, qu'est-ce que ça veut dire ?
01:59 On l'a dit sur la trajectoire des finances publiques, des dépenses et des recettes.
02:02 Et c'est là en fait où ça peut être compliqué.
02:04 C'est vrai que la méthode du gouvernement, c'est quoi ?
02:07 C'est qu'on conserve la croissance coûte que coûte.
02:09 Et ça, c'est plutôt une bonne nouvelle parce que par exemple, au sein de la France,
02:12 on s'attend cette année à avoir une croissance de 0,8 - 0,9 %.
02:15 C'est un des taux de croissance les plus élevés de la zone euro.
02:17 Et parce qu'on aura de la croissance économique, qu'on n'est pas en récession, comme par
02:20 exemple l'Allemagne, on aura des recettes.
02:23 Et grâce à ces recettes, on va se désendetter.
02:25 C'est ça un petit peu le pari qui est fait.
02:27 On mise tout sur la croissance, même si on doit faire de la politique d'échec.
02:30 Et donc creuser la dette et les déficits pour garder la croissance économique et se
02:34 désendetter.
02:35 Et si notre note n'est pas très bonne, quel impact ça a sur la charge de notre dette
02:40 et sur notre capacité à emprunter ?
02:42 Alors c'est sûr que c'est toujours négatif puisque ça peut avoir une conséquence d'augmenter
02:47 la charge de la dette, c'est-à-dire les intérêts que la France rebourge chaque année
02:53 parce qu'on a une dette importante et que le coût augmente.
02:56 Alors là aussi, il faut faire attention.
02:58 C'est vrai que quand on a vu les autres agences de notation et qu'il y a eu ces perspectives
03:01 négatives, il peut y avoir un impact ponctuel, conjoncturel, mais sur le moyen long terme.
03:07 C'est sûrement d'autres facteurs qui peuvent expliquer l'augmentation des taux, dont notamment
03:11 la fameuse politique monétaire de hausse des taux entrepris par la Banque Centrale
03:17 Européenne depuis plus de deux ans avec plus de 10 hausses des taux d'intérêt.
03:20 Donc c'est beaucoup plus ça qui joue que ces perspectives, mais c'est sûr que ce
03:23 n'est jamais positif.
03:24 Et quel impact ça peut avoir, si ça en a, pour nous, simples citoyens ?
03:27 Alors pour nous, à court terme, quand on se parle, ça n'a pas d'impact.
03:31 Par contre, l'impact, on l'a dit, si le niveau de remboursement de cette dette et
03:36 la charge de la dette augmente, ça veut dire surtout pour les générations futures, vos
03:41 enfants, vos petits-enfants, qu'il y aura cette dette toujours plus lourde à rembourser.
03:45 Est-ce que la dette française aujourd'hui est une valeur recherchée sur les marchés ?
03:48 Est-ce que c'est un actif sûr ?
03:49 Alors oui.
03:50 Alors vous allez me dire, comment est-ce possible ? Les niveaux d'endettement, le déficit,
03:53 les perspectives négatives.
03:55 Je dis toujours, en fait, il faut toujours être au milieu de l'obscurité, être un
04:01 petit peu en lumière.
04:02 Pourquoi ? Parce que c'est vrai qu'on a des chiffres, et surtout de finances publiques
04:06 qui sont dégradés.
04:07 Mais quand vous regardez au niveau mondial, énormément de pays ont aussi des finances
04:10 publiques dégradées.
04:11 Et pour un investisseur qui veut justement financer, qui doit diversifier son portefeuille,
04:16 finalement la dette française est assez sûre.
04:18 Souvent on regarde pourquoi les investisseurs investissent en France et achètent de la
04:21 dette française.
04:22 Déjà parce qu'on a une très bonne capacité à recouvrir la dette.
04:25 Donc demain, s'il y a un problème de finances publiques, on sait que le Trésor aura la
04:28 capacité d'augmenter les impôts ou en tout cas d'honorer notre dette.
04:32 Donc c'est vrai que malgré tout, la signature française est toujours une signature très
04:36 valide.
04:37 Avec six mois de recul, quel impact a eu notre rétrogradation par Fitch ?
04:41 Alors je vous l'ai dit, ponctuellement il y a eu un impact sur la charge de la dette
04:46 mais qui était très ponctuel.
04:47 Et en plus c'est très difficile de dire que c'était juste dû à ça.
04:50 Parce que comme vous le savez, il y a eu l'augmentation des taux d'intérêt, le contexte géopolitique
04:54 aussi qui ne fallicite pas la situation.
04:55 Donc c'est difficile de dire "c'est juste ça".
04:58 Là, ça sera exactement la même chose.
05:00 Le problème c'est ça encore.
05:01 C'est plutôt ce qui est écrit dans les perspectives à moyen et à long terme.
05:04 Certes on est dans le négatif, mais c'est quoi les perspectives ? Est-ce que si on met
05:07 en place de bonnes réformes pour retrouver des finances publiques soutenables, c'est
05:11 bien ? La déception un peu notamment pour le gouvernement, c'était la réforme des
05:13 retraites parce que normalement ça aurait dû leur donner un crédit positif, notamment
05:17 au niveau des agences de notation.
05:18 Ils ont regardé des réformes structurelles.
05:20 Ça n'a pas été le cas puisque c'est vrai que ça a été mené avec beaucoup de difficultés.
05:23 Donc là on voit, c'est beaucoup plus ça qui est inquiétant.
05:26 La trajectoire des endettements, c'est ça qui est vraiment à regarder.
05:29 Que les niveaux d'endettement qui sont bien sûr élevés en France mais également dans
05:31 d'autres pays.
05:32 Une dernière question, la saison des agences de notation, si on peut le dire, est ouverte.
05:35 Moody's, aujourd'hui, y aura Fitch la semaine prochaine en décembre standard and pause.
05:39 Il y en a une dont la vie compte plus que les autres.
05:41 Alors c'est sûr que traditionnellement, Moody's ou S&P étaient un peu plus regardés.
05:46 Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, on l'a vu d'ailleurs après la crise de 2010, on a beaucoup
05:51 critiqué ces agences de notation en disant qu'elles avaient un petit peu un monopole.
05:54 Donc là on est plutôt en effet en égalité et surtout encore une fois on regarde plutôt
05:58 leur perspective à moyen long terme.
06:00 C'est ça que les analystes et les gouvernements regardent avec attention, plus que juste les
06:05 perspectives dégradées qui correspondent en fait à des ratios niveau d'endettement
06:08 qui sont aujourd'hui énormes.
06:09 On regarde plus sur le long terme.
06:11 Merci beaucoup Anne-Sophie Alcif, vous êtes chef économiste au cabinet BDO France, professeure
06:15 d'économie à la Sorbonne, spécialiste des prévisions économiques et vous êtes
06:19 ce soir l'invité Echo de France Info.

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