• il y a 8 mois
Pour réduire ces écarts "il faut une loi", demande mardi Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France, alors que l'ONG révèle dans un rapport qu'en 2022 les patrons du CAC 40 ont gagné en moyenne 130 fois plus que leurs salariés.

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00:00Bonsoir à toutes et à tous. En moyenne, en 2022, selon Oxfam, les PDG du CAC 40 ont
00:10gagné 130 fois plus que leurs salariés. Bonsoir Cécile Duflo.
00:14Bonsoir.
00:15Directrice générale d'Oxfam France, votre ONG publie ce rapport chaque année avec un
00:18écart qui s'accroît au fil des ans.
00:20Avec un écart qui est délirant en fait si on y réfléchit puisque 130 fois plus c'est
00:28pas raisonnable par rapport aux efforts fournis par les uns et les autres et ce qui est le
00:32plus inquiétant c'est que si cet écart augmente c'est parce qu'en fait les dirigeants
00:36sont remerciés par les actionnaires de distribuer massivement des dividendes et si cette distribution
00:41de dividendes se fait c'est au détriment des salariés.
00:43On pourrait vous répondre que les dirigeants ont une rémunération qui augmente parce
00:46qu'ils tiennent leurs objectifs.
00:47Ils tiennent les objectifs au profit des actionnaires, c'est ça que je disais et
00:51c'est là où le système marche sur la tête.
00:52C'est qu'en fait c'est plus l'intérêt de l'entreprise qui est en jeu c'est l'intérêt
00:56des actionnaires et un intérêt qui est souvent d'intérêt purement financier et
00:59de très court terme.
01:00Vous avez sur le podium, si on peut dire ça comme ça, le groupe Téléperformance, numéro
01:051 du mondial des centres d'appel, dont le PDG gagne 1453 fois plus que le salaire moyen
01:11dans son groupe.
01:12Carrefour, deuxième position, 426 fois plus et Stellantis 341 fois plus.
01:17Ce n'est pas le même trio de têtes que l'an dernier ?
01:20Non, de façon étonnante on pourrait dire, ou pas.
01:24Alexandre Bombard est remonté très largement puisqu'il est aujourd'hui le patron de Carrefour,
01:29deuxième sur le podium.
01:30Deuxième sur le podium alors que les prix de l'alimentaire ont énormément augmenté,
01:35que les salaires dans le secteur ont été très contraints, y compris ceux de Carrefour
01:39et qu'il mène une politique sociale qui est une politique totalement aberrante, en
01:44tout cas pour l'intérêt des salariés, puisqu'il pousse à la franchise des magasins
01:48pour faire sortir les salariés des avantages du groupe.
01:50Dans le même temps, lui, il augmente massivement son salaire.
01:53Donc l'intérêt de l'actionnaire là, c'est de faire baisser la situation des salariés,
01:58de faire une pression sur les salariés, donc c'est inacceptable et je pense que cet écart
02:01de salaire chez Carrefour et la position d'Alexandre Bombard, elle illustre la nécessité de réguler
02:07ces écarts de salaire et d'avoir un salaire maximum.
02:09Alors on va la donner la position de Carrefour qui vous répond que vos calculs ne correspondent
02:13pas à une quelconque réalité parce qu'il rapporte la rémunération d'Alexandre Bombard
02:17à celle de ses plus de 300 000 salariés dans le monde, malgré des écarts de pouvoir
02:22d'achat entre pays.
02:23Vous, qu'est-ce que vous répondez à cet argument-là ?
02:25D'ailleurs, c'est un débat intéressant qui s'est ouvert de longue date de la part
02:29des ONG mais plus récemment de la part de Michelin qui dit justement, et c'est une
02:34entreprise privée, qu'elle souhaite que tous ses salariés soient payés un salaire
02:37décent.
02:38Le PDG de Florent Monego, effectivement, le rappelle, il a annoncé que son groupe allait
02:41payer un salaire décent partout dans le monde.
02:44Donc si Alexandre Bombard justifie son salaire en expliquant qu'il arrive à exploiter encore
02:48davantage les salariés en diminuant leur salaire dans un certain nombre de pays, on
02:53voit bien que la justification elle-même montre à quel point on a raison, c'est-à-dire
02:57à quel point ces écarts de salaire sont inacceptables et insupportables.
03:01Le PDG de Stellantis, qui est aussi sur votre podium, Carlos Tavares, interrogé sur sa
03:05rémunération cette année, dit lui-même « faites une loi, je la respecterai ».
03:09Eh bien, on est d'accord avec Carlos Tavares.
03:11Et d'ailleurs, je pense qu'il y a un certain nombre de grands patrons qui ne sont pas hostiles
03:16à cette approche-là.
03:17Personne n'a besoin de gagner en quelques heures ce que gagne un salarié en un an,
03:23tout simplement parce qu'il y a des gens qui ont le sens de la mesure.
03:26On ne met pas tous les patrons du CAC 40 dans le même panier, mais c'est vrai qu'ils
03:29se comparent entre eux.
03:30Donc il dit justement « il faut une loi ». Nous, ça tombe bien, c'est ce qu'on dit.
03:33Avant l'existence d'un salaire minimum, il n'y avait pas de loi, elle date de 1950.
03:36On peut très bien imaginer qu'il y ait aujourd'hui une loi qui mette un salaire
03:40maximum, et en particulier dans toutes les entreprises qui bénéficient des aides publiques.
03:44Et alors on fait quoi ? On fait une loi à l'échelle française, européenne ? Qu'est-ce
03:47qu'elle doit dire selon vous ?
03:48Nous, on est favorables à ce qu'il y ait une réglementation internationale, européenne,
03:53mais elle peut aussi d'abord être française, on l'a fait sur le devoir de vigilance, c'est-à-dire
03:57l'obligation pour les entreprises de faire attention à la manière dont travaillent leurs
04:00sous-traitants.
04:01On l'a fait d'abord en France, ça se généralise au niveau européen.
04:03Donc on peut très bien être pionnier en la matière.
04:06Vous le disiez, effectivement, il y a beaucoup de disparités entre les différentes rémunérations
04:11et les différents écarts entre la rémunération d'un PDG d'un groupe et le salaire.
04:15Ce n'est pas que des écarts dans des échelles de milliers ?
04:17Non, et notamment dans les PME, ce n'est pas du tout de cet ordre-là.
04:21Mais ce qu'on veut pointer, c'est justement que le CAC 40, qui tire une partie de l'économie
04:25et qui a aussi beaucoup d'emplois, parce qu'on parle de très grandes entreprises,
04:29il est en train d'être déraisonnable à double titre.
04:33À l'égard d'une politique sociale et de la lutte contre les inégalités, en accroissant
04:38ces inégalités, en distribuant la valeur créée par les salariés.
04:42Sans les salariés, il n'y aurait pas de valeur créée dans les entreprises, massivement
04:46aux actionnaires, dans cette espèce de pacte Faustien avec une augmentation des rémunérations
04:50des grands patrons.
04:51Mais parallèlement, ils n'investissent pas suffisamment dans la transformation écologique
04:55de leurs modèles, dans la transition énergétique de leurs activités, et donc qui sont dans
04:59une logique très court-termiste.
05:01Donc nous, on veut remettre de la régulation et de la mesure, et s'il faut passer par
05:05une obligation.
05:06D'ailleurs, Carlos Tavares le dit bien, il dit probablement qu'on ne peut pas le
05:09faire nous-mêmes et le décider nous-mêmes, mais si c'est une obligation légale, il
05:12s'y pliera.
05:13Et c'est très bien.
05:14Donc il faut que ce débat soit pris en charge par les responsables politiques, par Bruno
05:17Le Maire aujourd'hui.
05:18Vous mettez aussi en lumière dans ce rapport d'Oxfam des inégalités de genre parmi les
05:22patrons et les patronnes du CAC 40.
05:24Oui, d'abord, on met en avant le fait qu'il y a plus de patrons du CAC 40 qui ont genre
05:28dans leur prénom que de femmes.
05:29Et cette situation, elle dure depuis longtemps, elle perdure et elle n'avance pas.
05:34Et elle dit aussi quelque chose du fait que la manière dont on dirige ces très grandes
05:38entreprises, c'est un entre-soi.
05:40Et il nous semble absolument important d'aller au-delà des obligations qui ont été faites
05:44de parité dans les conseils d'administration.
05:46Parce que mettre de la diversité, lutter contre les inégalités, c'est le faire à
05:50tous les niveaux, y compris au sommet des entreprises.
05:52On a parlé de plusieurs de vos recommandations.
05:54Un salaire décent, encadrer les rémunérations.
05:58Vous demandez aussi une taxe sur les superprofits.
06:00Le débat revient régulièrement sur la table.
06:02Bruno Le Maire, le ministre des Finances, a fermé la porte en disant qu'il y avait
06:05suffisamment d'impôts en France.
06:06Vous le regrettez ?
06:07C'est irresponsable.
06:08C'est irresponsable quand dans le même temps, Bruno Le Maire dit qu'il faut faire
06:11des économies sur les chômeurs, sur la santé.
06:14C'est indécent.
06:15Et ça crée une tension dans le pays qui est une tension très grande.
06:18On a vu ce qui s'est passé avec le mouvement contre la réforme des retraites qui était
06:21une réforme financière, tout le monde l'a bien vu.
06:24Donc dire qu'on va faire payer les plus pauvres et toutes les classes moyennes, mais laisser
06:30les superprofits tomber dans l'escarcelle des actionnaires via les dividendes, alors
06:35même que ces entreprises ont été massivement aidées pendant la crise Covid.
06:39Et on a soutenu cette politique de rachat d'actifs, de chômage partiel massivement
06:44subventionné.
06:45Mais ça veut dire que quand on revient dans une bonne situation et qu'on bénéficie
06:48de profits indécents, on redistribue.
06:50Cécile Duflo, directrice générale d'Oxfam France, vous êtes ce soir l'invité d'Eco de France Info.

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