Bertrand Usclat : « On a commencé pendant trois mois à écrire ce truc et au bout de trois mois, on a dû tout jeter à la poubelle parce que ce n'était pas bien »

  • il y a 4 mois
Après 176 vidéos quotidiennes de Broute, parodie de Brut, qui lui ont apporté audience et popularité à la fois sur Youtube et canal +, Bertrand Usclat revient avec un format plus long, dans la même veine : « Broute 24 » c’est « 24h dans la vie de » toujours autour de personnages outranciers et losers. La série est diffusée sur Canal +.

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00:00Bonjour Bertrand Husqvarna. Bonjour. Un maire d'extrême droite obligé d'accueillir une famille d'immigrés pour permettre à son école de ne pas fermer.
00:07Un principal de collège vraiment adepte du pas de vagues ou un CRS épouvantable lors des manifestations des Gilets jaunes.
00:15Ça faisait longtemps Bertrand Husqvarna que vous disiez que vous vouliez arrêter Brout pour faire quelque chose de plus long.
00:21C'est ça en fait ? C'est ça à quoi vous pensiez quand vous avez arrêté Brout en janvier, en juin dernier ?
00:26C'était Brout mais en plus long. Alors ce n'était pas forcément quelque chose qui s'appelait Brout mais il se trouve que la marque existait et que j'avais envie de continuer un petit peu comme ça.
00:33Et puis j'ai l'impression que plus globalement quoi que je fasse dans ma vie ce sera toujours un peu Brout.
00:38C'est juste parfois peut-être sur un titre différent. Il se trouve que là ça correspondait bien à une version plus longue de ce qu'on avait déjà fait en cours.
00:45Alors c'était la parodie de Brout avec un format carré. Là c'est la parodie de quoi finalement ?
00:52C'est une émission télé-relatée de M6 parce qu'en fait ce dans quoi vous êtes fort aussi c'est le fait de parodier la télévision.
01:00Et là vous aviez quoi en tête ?
01:02Non j'avais encore Brout une fois. Je les avais encore en tête parce qu'eux-mêmes font parfois des documentaires un peu plus longs qui posent sur leur chaîne YouTube de 10, 15 parfois 20 minutes.
01:11Donc je me dis pourquoi est-ce qu'on ne pouvait pas le faire nous-mêmes ? La différence c'est que nous on avait un petit format aussi avant à respecter.
01:17Donc on a dû faire un format hybride entre ce qui était Brout de cour, quelque chose de très punchline avec quelque chose d'un peu plus long, avec un peu plus de dramaturgie et de l'apparition de personnages avec des intrigues.
01:27Alors ce qui est compliqué c'est que là vous n'en avez que 8 et pas 176. Comment vous avez choisi les thématiques ?
01:35Les thématiques elles étaient simples. C'était en fait on s'est dit il faut qu'on trouve des choses qui n'existaient pas il y a 10 ans en vrai.
01:40C'était le but de se dire en termes de sociétalement qu'est-ce qui aujourd'hui a une résonance qui n'était pas la même il y a 10 ans.
01:44Dans quoi est-ce qu'on peut vraiment être dans l'ère du temps ? La grande difficulté c'était qu'on ne pouvait pas trop se rattacher à l'actu mais plus à l'ère du temps, à la société puisque c'est des formats de production plus lents, plus longs.
01:55Donc on a simplement pris un chapeau, on a mis toutes les thématiques dedans et dès qu'on en avait 8 un peu solides, au final enfin on en avait 12, il y en a 4 qui ont disparu et on en a gardé 8.
02:04Le père qui décide de prendre son congé de paternité par exemple ça c'était quelque chose... Quel était le premier qui était venu en tête ?
02:13Le premier c'était le CRS, c'était des trucs un petit peu obligés parce que c'était un personnage emblématique de Brut, c'est celui qui vraiment pour la première fois avait fait des scores au-delà de 4 millions de vues en quelques jours sur internet.
02:23Donc on s'est dit bon celui-là il faut qu'on lui rende hommage mais aussi qu'on le traite différemment, c'est-à-dire que là où le personnage qui était né en fait pendant les gilets jaunes pour traiter des violences policières,
02:31on en faisait un débile profond sur les formats courts, là on s'est dit pour le traiter plus longuement on va un peu abaisser la caricature pour que le monde autour de lui soit un peu plus fou, qu'il soit aussi un peu témoin de ce qui se passe.
02:41Ils sont tous des losers magnifiques, vous les tournez tous en ridicule ces pauvres types en fait ?
02:46Oui en fait moi ce qui m'intéresse c'est à chaque fois de voir quelqu'un qui a des valeurs quelles qu'elles soient, alors de gauche, de droite, d'extrême gauche ou d'extrême droite et qu'à un moment ça se retourne contre lui.
02:53J'adore ce moment où quand on porte des valeurs dans la vie on essaye de les appliquer et qu'il y a une caméra qui nous suit et que face à cette caméra qui nous suit toute la journée on doit défendre ses valeurs mais que la réalité nous propose autre chose.
03:04J'adore cette espèce de tête à queue, ce 180 degrés, c'est quelque chose qui m'intéresse beaucoup.
03:08Et vous adorez aussi ces regards caméra où on voit, puisque c'est filmé comme une télé-réalité, où tout d'un coup votre pauvre personnage est complètement désemparé parce qu'il lui tombe dessus, parce que toutes ses idéaux tombent à chaque fois.
03:18C'est ça qu'on essaie de capturer, c'est pour ça qu'on voulait vraiment faire un faux documentaire et que j'adore ce format-là, j'adore un peu le cinéma de posture en fait, j'adore ce que font ces réseaux sociaux avec des gens qui se filment avec leur téléphone et ils affirment les yeux dans la caméra ce qu'ils sont, c'est un peu une nouvelle entité de cette époque.
03:37Avant on ne se filmait pas pour dire qui on était, comment est-ce qu'on mange bien, on trie bien, on fait du sport, on annonce que son mode de vie est le meilleur, c'est quelque chose d'assez neuf et puis de montrer que la réalité derrière nous rattrape, je trouve ça vraiment délicieux à filmer.
03:49Et alors après, c'est vous qui incarnez tous ces personnages, donc le CRS, comment il parle le CRS ?
03:55Il parle plutôt normalement, c'est un gars qui essaye juste de gérer le quotidien des choses, c'est pas du tout…
04:01C'est-à-dire qu'on en faisait un débile sur des formats courts qui parlaient un peu comme ça, on faisait un gros cheveu sur la langue pour faire une caricature, là on fait quelqu'un d'assez concrète, terre-à-terre.
04:08Et le principal, lui, il est terrible ce principal, il s'aplatit devant tout ce qui se passe, il a peur du moindre cours sur les caricatures ?
04:16C'est quelqu'un qui est terrifié, qui va essayer d'empêcher son prof d'histoire géo de faire un cours sur les caricatures, parce qu'il a très très peur, il applique vraiment à la lettre la politique du pas de vague.
04:25Et c'est quelqu'un, encore une fois, qui est au bout de ses valeurs de ne pas faire de vagues, qui est en fait à l'inverse de ce que doit proposer l'éducation.
04:32Et là, c'est pareil, vous l'incarnez comment ? Il a une chemise à carreaux, rien que dans l'aspect déjà, il est un peu décalé ?
04:40Il est plus que décalé, parce qu'en fait c'est un personnage où, pour ce personnage-là spécifiquement, je me suis fait une calvitie.
04:45C'est le dernier épisode que j'ai tourné, et c'est le dernier épisode, le matin, mon coiffeur me dit on fait quoi pour ce personnage ?
04:51Et je lui dis tu sais quoi, je pense qu'en fait, moi je voulais faire un type qui avait un peu lâché l'affaire, il est un peu en bon point, il ne s'habille pas très bien.
04:56Et je lui dis je voudrais même que ses cheveux aient lâché l'affaire sur son crâne.
04:59Il me dit on peut faire une calvitie, je fais comment on fait une calvitie ?
05:01Il me dit on fait une calvitie, ok comment on fait une calvitie ?
05:03Il me manque les ciseaux, et je dis go, plus jamais je ferai ça de ma vie, ça reprend à peine forme.
05:08Aujourd'hui j'avais des trous dans les cheveux pendant 4 mois après, c'était l'enfer, j'avais d'autres tournages, j'ai dû masquer ça avec de la bombe à mater, c'est l'enfer.
05:14Comment on fait pour ne pas décevoir les amateurs de Brut qui étaient habitués ?
05:17Alors des fois il y avait des Brut qui duraient 4 minutes, mais en fait là ce sont des épisodes de 15 minutes.
05:24Qu'est-ce que ça change dans l'écriture ? Vous êtes avec les mêmes à peu près pour écrire ces épisodes.
05:29Ce que ça change c'est que là on est obligé de creuser un peu plus la notion de personnage,
05:34et pour ne pas décevoir le spectateur il faut simplement faire ce qui nous plaît, ce qui me plaît en l'occurrence,
05:38c'est-à-dire essayer de ne pas trop penser au candiraton de ces épisodes,
05:41vraiment d'être un petit peu fidèle à ma fibre comique,
05:44ou quand je me dis tiens, c'est extrêmement gênant comme sujet de société actuellement, est-ce qu'on va réussir à en rire ?
05:50C'est un petit peu ça que j'essaie de faire.
05:52Ça veut dire quoi, ne pas avoir peur du candiraton ?
05:56C'est-à-dire que là vous avez dit par exemple les pitches des épisodes,
05:59on peut tendre une oreille un peu horrifiée en se disant attends, ça va parler des caricatures, des violences policières,
06:03ou ça va parler de l'extrême droite, et moi de me dire oui, bon, en fait ce sont des sujets,
06:08ça peut faire un peu peur, comment est-ce qu'on va en rire ?
06:10Comment on va trouver une manière de décaler un petit peu tout ça,
06:12juste pour jouer, sans donner des leçons, de réussir à faire marrer avec ça.
06:15Et en fait ça c'est ce qui me fait rire moi profondément à chaque fois,
06:17c'est ce qu'on appelle le cringe en anglais, c'est l'humour de malaise.
06:20Le cringe ?
06:21Le cringe, ouais, ce qu'on peut avoir dans The Office par exemple.
06:24Donc c'est vraiment comment est-ce qu'on fait frotter des personnages
06:26qui n'ont pas du tout les mêmes valeurs et qui doivent coexister.
06:28Alors ce qui vous a fait décoller, c'est notamment le fait, vous le disiez dans les années 2010,
06:34que sur Youtube il y avait beaucoup de vidéos comiques,
06:37qui utilisaient le code internet, que vous connaissiez par cœur,
06:40mais il n'y avait pas vraiment de vrais comédiens.
06:42Et vous dites qu'il y avait un prof au conservatoire,
06:45qui vous a appris énormément de choses sur le cours de comédie.
06:49Qu'est-ce qu'il vous a appris, Ivo Mentes, qui était le prof de clown ?
06:53Ouais, dès que je peux en parler, lui.
06:55En fait, il m'a appris que l'écriture, ça se fait avec les gens.
06:58C'était ça qui m'a fasciné dans le clown.
07:01En général, au théâtre, quand on rentre sur scène, on rentre avec une convention.
07:03Si j'ai une armure et que je dis, il y a derrière ces coulisses un château,
07:06les gens vont y croire.
07:07Le clown n'a pas le droit de faire ça.
07:08Le clown arrive sur scène, il est nu, et tout ce qui se passe sur scène
07:11doit se passer avec le spectateur.
07:13C'est-à-dire qu'il doit se passer avec ce qui se passe dans la salle,
07:15avec un défi qu'il se pose sur scène.
07:17Et j'ai trouvé que c'était un cours d'écriture formidable,
07:20parce que je trouvais que ça forçait à partir de zéro avec le spectateur.
07:23Et qu'est-ce que vous avez utilisé, par exemple, pour Brut ou Brut 24 ?
07:28Beaucoup de choses.
07:29Déjà, l'utilisation du cadre.
07:30On avait un format carré sur les premiers épisodes.
07:32Et en fait, ce cadre était extrêmement théâtral.
07:34Donc, faire jaillir des choses dans le cadre, ce jeu de cadre,
07:37je trouve, joue beaucoup avec la surprise du spectateur,
07:39avec le point de vue.
07:40Et la question du point de vue est par essence dans la définition de la comédie.
07:44C'est-à-dire que c'est un point de vue différent sur une même chose
07:46qui donne un autre sens.
07:47Et ça, c'est quelque chose que j'ai beaucoup fait en clown
07:49et que j'essaie de perpétuer avec Brut 24.
07:51Alors, vous avez explosé grâce à Canal+.
07:53Oui.
07:54Mais j'ai lu une citation.
07:55Est-ce que c'est vrai, ça ?
07:56Vous aviez entière liberté.
07:57Mais par contre, sauf celle de critiquer CNews.
08:00Non, ce n'était pas exactement ça.
08:01C'était de parler en mal du groupe qui est avec moi.
08:05Mais que ce soit Mouloud Achour ou même une chaîne concurrente,
08:07parler de mal de quotidien ou je ne sais pas quoi.
08:09Moi, par exemple, quand j'ai fait des parodies de France Inter,
08:12c'était quelque chose que je faisais avec un certain respect.
08:15Parce que moi, mon but n'est pas d'aller critiquer quelque chose
08:18en disant « Ah tiens, je n'aime pas cet endroit, je n'aime pas ce média ».
08:20Je trouve que ce n'est pas prendre de la hauteur nécessaire
08:23à la pratique de l'humour, en tout cas aujourd'hui.
08:25Mais vous l'avez fait avec d'autres médias et pas avec les médias de Canal+.
08:28Non, ce n'est pas ça.
08:29Oui, mais je ne dis pas que c'est nul.
08:30C'est-à-dire que si je fais une parodie de Clic,
08:31moi, c'est le cadre qui va m'intéresser.
08:33Ça va être l'interview qui va m'intéresser.
08:35Je ne vais pas faire une parodie de France Info en disant que ce n'est pas bien.
08:37Non, ce n'est pas mon rôle.
08:39Moi, ce qui m'intéresse, c'est de créer des entités
08:41et de faire se poser des valeurs.
08:43Alors, vous avez arrêté Brut en juin 2023.
08:47Oui.
08:48C'était un travail de quatre ans, quotidien,
08:50pour pondre chaque semaine un épisode différent.
08:53Mais depuis, vous faites quoi alors ?
08:54Les vacances ?
08:55C'était un burn-out comme beaucoup d'écriveurs ou quoi ?
08:57Non, j'ai mis beaucoup de temps à écrire Brut24.
08:59Pour vous dire la vérité,
09:00on a commencé pendant trois mois à écrire ce truc.
09:02Et au bout de trois mois, on a dû tout jeter à la poubelle
09:03parce que ce n'était pas bien.
09:04J'ai fait une petite pause de dix jours au vert.
09:07Je suis allé à la campagne.
09:08J'ai respiré.
09:09On est revenu.
09:10Et là, on a trouvé comment les écrire
09:11et rendre des trucs un petit peu drôles.
09:12Donc, en fait, ça a été très, très, très…
09:13Qu'est-ce qu'il n'y avait de pas bien ?
09:15Le format était compliqué à trouver.
09:17En fait, cette idée de se dire…
09:19Le principe de Brut24,
09:20au-delà du fait que ça sorte en 2024,
09:22c'est qu'on va suivre un personnage pendant 24 heures.
09:24Ça paraît idiot comme ça.
09:25Mais en fait, elle est simple, cette idée.
09:27En fait, elle était très compliquée à trouver.
09:28Il fallait justifier pourquoi une caméra suit ce personnage.
09:31Et une fois qu'on a trouvé ce concept,
09:32on sait où mettre l'intrigue,
09:34on sait où mettre l'enjeu.
09:35Ne pas mettre trop d'intrigue.
09:36Mettre un peu plus de personnages.
09:37Ça paraît un petit peu technique, comme ça.
09:39Mais ça a été des prises de tête infinies.
09:41Merci Bertrand Oetzcler.
09:42Merci de l'accueil.

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