L'Union européenne, l'art de l'équilibre - ARTE

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L'Union européenne, l'art de l'équilibre - ARTE
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00:00 Le jour de son élection à la présidence de la Commission européenne, Ursula von der
00:13 Leyen lance une déclaration de guerre.
00:15 Le jour de son élection à la présidence de la Commission européenne, Ursula von der
00:39 Leyen lance une déclaration de guerre
00:59 de l'Union Européenne.
01:10 Juillet 2023, rencontre à Rome des deux dirigeantes.
01:14 Si elles sont adversaires, elles n'en laissent rien paraître, se montrant souvent côte
01:22 à côte comme des alliés.
01:24 Est-ce Mélanie qui s'est rapprochée du centre politiquement ou von der Leyen qui
01:29 s'est droitisée ? Les deux femmes incarnent les deux pôles du débat en cours sur l'avenir
01:34 de l'Union Européenne, davantage de pouvoir à Bruxelles ou au contraire, un renforcement
01:40 des États-nations.
01:41 Du 6 au 9 juin 2024, 350 millions d'Européens vont élire leurs représentants au Parlement
01:48 européen.
01:49 Les sondages annoncent une poussée des partis d'extrême droite, ce qui pourrait changer
01:54 significativement le destin de l'Union Européenne.
01:57 Quelle dose de compromis peut supporter l'Europe ? Et quelles sont les limites politiques à
02:02 ne pas franchir ?
02:03 Strasbourg, siège du Parlement européen.
02:17 A quelques mois des élections, les députés se prononcent sur les derniers règlements,
02:22 directives et décisions de la mandature.
02:24 Des actes législatifs qui ont des effets sur la vie de tous les citoyens du continent.
02:29 Les textes sont adoptés à la majorité, ce qui oblige les différents groupes politiques
02:40 à rechercher un terrain d'entente en amont du vote.
02:42 Nous avons besoin d'une Europe unie pour survivre dans le monde de demain.
02:52 C'est-à-dire que j'estime qu'il faut donner à l'Europe les moyens d'agir, d'avoir
03:00 en fait les moyens d'un État normal.
03:02 Mais cet état d'esprit se heurte ici aux élus nationalistes, pour qui la législation
03:07 européenne va souvent trop loin.
03:09 Le problème depuis quelques années, c'est qu'on essaie de priver les États de leurs
03:16 compétences.
03:17 A nos yeux, l'Union européenne doit être une alliance de nations libres.
03:26 Plus à droite encore se trouvent les eurosceptiques convaincus.
03:32 S'ils militaient auparavant pour la fin de l'Union, ils réclament désormais une
03:37 refonte complète de sa politique.
03:39 Gauche, droite et centre ont tous droit de citer au Parlement européen.
03:56 Mais plus on se rapproche des extrêmes, plus la perspective d'arriver au compromis s'éloigne.
04:01 Le journaliste allemand Erich Bönze est correspondant à Bruxelles depuis une vingtaine d'années.
04:06 A l'heure actuelle, l'Union européenne rassemble 27 États souverains.
04:13 Des élections ont lieu dans ces différents pays et on constate une forte progression
04:19 de l'extrême droite.
04:20 Elle a déjà remporté des victoires dans de grands pays comme l'Italie, la Suède,
04:28 la Finlande ou dernièrement les Pays-Bas.
04:31 Et ce n'est pas sans conséquences.
04:33 Au Parlement, les députés sont regroupés non par pays mais par affinités politiques.
04:38 A l'heure actuelle, le camp europhile est majoritaire.
04:47 Il inclut le centre droit, les libéraux, le centre gauche et les verts.
04:54 Les députés d'extrême droite se répartissent en deux groupes.
04:58 Identité et démocratie, le plus à droite sur l'échiquier, regroupent des élus eurosceptiques,
05:04 notamment français et allemands.
05:06 Les conservateurs et réformistes européens se définissent eux-mêmes comme plus modérés.
05:11 On y trouve les représentants italiens de la formation présidée par Giorgia Meloni
05:15 ou les polonais du PIS, le parti droit et justice.
05:19 Pour marquer des points, ils proposent des solutions simples aux problèmes qu'ils
05:25 jugent prioritaires, inflation, crise énergétique, guerre et immigration.
05:30 Tous les sondages prévoient une poussée de l'extrême droite, c'est-à-dire une
05:36 progression des nationalistes, des populistes de droite, voire des post-fascistes, et un
05:42 recul du camp pro-européen.
05:44 Si l'économie est en berne, ce serait à cause des décisions prises au niveau européen.
05:49 Telle est la thèse de l'extrême droite qui prône un renforcement des intérêts nationaux,
05:55 une politique particulièrement dirigée contre l'immigration.
05:58 Les images des rassemblements des patriotes français autoproclamés circulent sur les
06:02 réseaux sociaux.
06:03 Marine Le Pen surfe sur cette vague et accuse l'immigration de provoquer une dilution
06:08 de l'identité nationale.
06:10 A ses yeux, la France serait mieux représentée au sein d'une alliance des nations moins
06:15 contraignante.
06:16 Le candidat qui mène la liste RN aux élections européennes est sur la même ligne.
06:21 Le 9 juin, nous devrons être tous derrière Jordan Bardella pour porter la voix et les
06:25 aspirations des millions de patriotes qui, partout en Europe, refusent cette Europe.
06:32 La situation française est inquiétante, car Marine Le Pen et le Rassemblement National
06:37 sont en tête de tous les sondages.
06:38 Sa nièce, Marion Maréchal, est elle candidate aux élections européennes sur la liste Reconquête.
06:45 Ce parti d'extrême droite entend reconquérir une France qu'il estime livrée aux étrangers
06:51 et assujettie à Bruxelles.
06:52 Marion Maréchal n'a que deux ans quand elle fait sa première apparition sur la scène
07:05 politique.
07:06 Plus précisément sur une affiche électorale dans les bras de son grand-père, Jean-Marie
07:11 Le Pen, fondateur du Front National, alors récemment condamnée pour propos révisionnistes.
07:16 Elle refuse de se laisser dicter sa conduite par l'Union Européenne, estimant que c'est
07:22 Bruxelles qui doit s'incliner face aux intérêts des États membres.
07:25 Pour diffuser ses slogans de campagne, elle exploite au mieux la viralité des réseaux
07:30 sociaux.
07:31 Madame Von der Leyen n'est pas notre patronne.
07:33 Madame Von der Leyen est notre employée.
07:39 Les réseaux sociaux jouent désormais un rôle central dans les élections européennes.
07:43 Maximilian Krah est la tête de liste de l'AFD, Alternative für Deutschland.
07:50 Député européen depuis 2019, il occupe le terrain notamment sur TikTok.
07:55 A force d'excès, son parti d'extrême droite a été placé sous surveillance par les services
08:00 de renseignement allemands.
08:01 Petit échantillon.
08:02 L'AfD n'est pas contre l'Europe, c'est contre l'UE.
08:06 Elle nous dénonce la bureaucratie, elle a fait de l'argent pour nous et nous a mis
08:10 dans un coup.
08:11 Des vidéos courtes, au langage simple, qui jouent sur l'émotion et ne s'embarrassent
08:16 pas de contexte.
08:17 Et des formules chocs en apparence plausible, impossibles à vérifier sans un minimum de
08:21 connaissances.
08:22 En Italie, l'extrême droite ne se contente pas de faire de bons scores dans les sondages.
08:31 La présidente du conseil a d'ailleurs conscience du séisme provoqué par son élection à
08:36 l'étranger.
08:37 Je suis décrit comme un danger à la démocratie, à l'Italie, à l'Europe et à l'internationalité.
08:46 Chef du gouvernement depuis octobre 2022, Giorgia Meloni est issue d'un parti qui se
08:52 veut néonationaliste, traditionnel, chrétien, conservateur et hostile à l'islam.
08:58 A ses yeux aussi, l'intérêt national passe avant l'Union européenne.
09:03 Dans ses discours de campagne, elle promet que désormais, l'Italie donnera le la et
09:08 n'acceptera plus les contraintes de l'UE.
09:10 La capitale d'Italie est Rome.
09:14 Rome devrait être la capitale de l'Union européenne et je veux porter cette révéndication
09:21 au Parlement européen.
09:23 Pour comprendre les enjeux au cœur des élections de 2024, il faut revenir en arrière au moment
09:29 de l'entrée en fonction d'Ursula von der Leyen.
09:34 Fin 2019, c'est-à-dire avant le Covid, la guerre en Ukraine et la crise économique,
09:41 sa priorité ne fait aucun doute.
09:43 Chers parlementaires, en juillet, immédiatement après ma nomination, j'ai placé l'action
09:57 climatique au cœur de mon programme politique.
10:00 Ce sont les peuples d'Europe qui nous ont appelés à une action décisive contre le
10:07 changement climatique.
10:08 Les Européens ont fait entendre leur voix dans les rues et dans les urnes.
10:13 C'est pour eux que nous sommes ici aujourd'hui.
10:17 C'est pour eux que nous présentons un pacte vert pour l'Europe aussi ambitieux.
10:24 Ce pacte vert, ou Green Deal, se veut une réponse aux conséquences alarmantes du réchauffement
10:30 de la planète.
10:31 Il vise à mettre fin aux émissions nettes de gaz à effet de serre en Europe.
10:35 Pour changer en profondeur l'industrie et la société, l'Union prévoit de consacrer
10:40 1 000 milliards d'euros à une série de priorités telles que la production d'électricité
10:45 durable, l'isolation des bâtiments ou les mobilités douces.
10:48 Le pacte définit les grandes orientations.
10:50 Mais c'est le Parlement européen qui doit le traduire en acte législatif afin qu'il
10:55 puisse être mis en œuvre par les États membres.
10:57 Les eurodéputés y travaillent donc depuis 2019.
11:00 Aurore Laluc siège dans le groupe des sociodémocrates.
11:05 Économiste de formation, elle cherche une façon équitable de financer la lutte contre
11:11 le changement climatique.
11:12 "C'est qu'on a besoin d'argent pour faire la transition écologique et sociale,
11:20 parce que ça va demander des sommes astronomiques en termes d'investissement public, pour
11:25 éviter aussi que les gens se retrouvent au chômage, pour pouvoir faire des conversions
11:28 industrielles, bref, pour tout ça on a besoin d'argent public."
11:33 A ses yeux, l'une des solutions consiste à instaurer un impôt européen sur la fortune.
11:39 Taxe the rich.
11:41 Elle s'efforce d'en convaincre ses collègues des autres États membres, comme René Répasi,
11:46 membre du SPD, le parti socialiste allemand.
11:48 "La fiscalité c'est une question de justice sociale.
11:53 En gros, les très riches aujourd'hui sont beaucoup moins taxés que les classes moyennes
11:58 et les plus pauvres.
11:59 Ce qui nous semble être une injustice totale parce qu'en gros ceux qui ont les moyens
12:02 de payer les impôts, évitent l'impôt.
12:05 Alors qu'ils ont les moyens de les payer 100 fois, 200 fois, 300 fois, je ne sais pas
12:09 combien."
12:10 Aurore Laluc observe que l'urgence climatique a longtemps fait l'objet d'un large consensus
12:15 au-delà des divisions politiques qui s'effrite aujourd'hui.
12:18 "Parce qu'on voit qu'il y a une montée des climato-sceptiques aujourd'hui en Europe
12:24 et là-dessus j'ai une vraie inquiétude."
12:26 Les anti-Europe et les nationalistes comme Marion Maréchal fustigent le programme européen
12:31 pour le climat et rejettent toute réglementation dans ce domaine.
12:35 "C'est un ensemble de textes qui organise le fameux tsunami réglementaire de l'écologie
12:39 punitive dont se plaignent notamment d'ailleurs les..."
12:42 En ces temps de guerre et de marasme économique, la politique climatique est passée au second
12:46 plan.
12:47 Maximilian Krah de l'AFD ne voit pas non plus d'urgence à agir.
12:51 "C'est un mensonge.
12:52 Ils croient que la planète va s'enfermer dans 50 ans parce que c'est 2 degrés plus
12:57 chaud."
12:58 Le pouvoir italien est au diapason lui aussi.
13:00 "Giorgia Meloni !"
13:04 En juin 2022, peu avant son élection, Giorgia Meloni attaque le pacte vert d'Ursula von
13:11 der Leyen lors d'un discours en Espagne.
13:13 "Avec le fondamentalisme climatique du pacte vert..."
13:19 Mais jamais elle ne précise les contours de sa propre politique en la matière qui,
13:24 à l'en croire, ne pénaliserait ni l'emploi ni la croissance économique.
13:28 "Nous avons des esclaves à exploiter !"
13:34 Ursula von der Leyen réagit en stratège.
13:36 Les inondations qui frappent l'Emilie-Romagne en mai 2023 lui donnent l'occasion de montrer
13:41 son soutien au peuple italien tout en ramenant sur la table la question climatique.
13:45 Mais l'issue est incertaine.
13:51 Au Parlement européen, les députés italiens nationalistes continuent de freiner l'adoption
13:56 des textes environnementaux qui ne conviennent pas à Giorgia Meloni.
14:00 A Bruxelles, Madame Meloni s'appuie sur Nicola Procaccini, issu lui aussi de Fratelli d'Italia.
14:08 Il est coprésident du groupe euroceptique des conservateurs et réformistes européens
14:13 ou CRE.
14:14 A sa grande satisfaction, le Parlement vient de rejeter un plan de limitation des pesticides
14:20 destiné à protéger la biodiversité et les consommateurs.
14:23 La proposition de la commission prévoyait une réduction de moitié des produits phytopharmaceutiques
14:48 d'ici à 2030.
14:49 Les conservateurs et l'extrême droite ont jugé ce projet de réglementation trop contraignant.
14:54 Nicola Procaccini suit avec conviction la même ligne que sa chef de gouvernement, faire
14:59 passer les intérêts nationaux au premier plan.
15:03 Giorgia Meloni est un exemple pour la droite modérée.
15:07 Un exemple qui pourrait faire école dans toute l'Europe.
15:19 Elle est amenée à jouer un rôle de premier plan.
15:22 Elle va devenir l'une des protagonistes du roman européen.
15:30 On la compare parfois à Angela Merkel ou à Margaret Thatcher.
15:38 Des femmes qui ont joué un rôle essentiel dans la politique de l'Europe.
15:46 Méfiez-vous, elle surprendra tout le monde.
15:53 Si une majorité d'États membres se mettait à privilégier leurs propres intérêts au
16:00 détriment du collectif européen, le risque serait d'aboutir à une multitude de positions
16:06 irréconciliables.
16:07 C'est l'avis d'Aurore Laluc.
16:10 Selon elle, le comportement de ses collègues italiens déteint déjà sur les autres parlementaires
16:16 – notamment ceux de la droite classique – qui se droitise de plus en plus.
16:20 C'est ça la crainte.
16:24 Et c'est la crainte qu'on ressent déjà tout de suite parce qu'on a vu que l'arrivée
16:29 d'un gouvernement d'extrême droite en Italie a déjà changé les positions de la
16:35 droite européenne.
16:36 C'est à partir de ce moment-là que la droite européenne est devenue beaucoup plus
16:41 climatosceptique, qu'elle s'est mise à rejeter des textes qui, avant, il n'y avait
16:47 aucun sujet, ils seraient passés.
16:49 Elle vise en particulier les conservateurs et notamment l'influent Manfred Weber.
16:57 Président du Parti populaire européen, PPE, et de son groupe à Strasbourg, il est aussi
17:02 vice-président de la CSU, le parti démocrate chrétien bavarois.
17:06 Le PPE s'est prononcé en majorité contre la restriction de l'usage des pesticides,
17:15 à l'instar de l'extrême droite italienne.
17:17 Parce qu'on vote non une fois, on est catalogués comme si on était opposés par principe à
17:26 toute mesure pro-environnementale ou à la protection des espèces.
17:30 Il faudrait apprendre à débattre et à écouter les arguments des uns et des autres.
17:36 Un parti comme le nôtre, chrétien démocrate, est issu de la ruralité à son propre point
17:41 de vue sur certaines questions.
17:43 Et sur certaines questions, en effet, son vote s'aligne sur celui des partis situés
17:48 à sa droite.
17:49 La CSU soigne sa base électorale, dont font partie les agriculteurs.
17:54 Elle cherche à leur épargner de nouvelles contraintes, comme le fait le Camp Mélanie.
17:59 Selon ses détracteurs, Manfred Weber anticiperait une reconfiguration des forces politiques
18:04 après les élections et l'apparition de nouvelles alliances.
18:07 Dans mon engagement, j'ai toujours voulu jeter des ponts et être un rassembleur.
18:22 Je suis à la tête du premier groupe du Parlement européen, mais il est loin de représenter
18:27 la majorité absolue.
18:29 La nature même du processus politique européen consiste à construire des majorités.
18:35 Ici, on ne pense pas gouvernement et opposition, juste et faux, on fait des compromis.
18:41 Je discute avec les sociodémocrates, les verts et les libéraux.
18:44 Mais qu'en est-il de la droite et de l'extrême droite ? Le PPE s'est fixé une ligne de
18:51 conduite claire.
18:52 En revanche, on refuse de s'allier à des gens qui, tout en rejetant le projet européen
19:01 et l'idée d'un vivre-ensemble dans une Europe démocratique, ont des responsabilités
19:05 au Parlement.
19:06 C'est la limite, le cordon sanitaire indispensable.
19:09 Le PPE a défini trois critères essentiels.
19:13 D'abord, nous ne collaborons qu'avec des acteurs qui acceptent les structures européennes
19:18 actuelles et veulent apporter leur pierre à l'édifice.
19:21 Ensuite, nos partenaires doivent consentir à coopérer avec l'Ukraine et à soutenir
19:25 Israël, c'est-à-dire à aider ceux qui partagent nos valeurs.
19:29 Le troisième principe auquel nous tenons est la défense de l'état de droit.
19:35 L'indépendance des médias et de la justice est fondamentale à nos yeux.
19:38 Il est donc exclu pour mon parti de travailler avec l'AFD, avec le PiS de Kaczynski en
19:44 Pologne ou avec le PEN en France.
19:46 Tous ces partis sont hors des clous.
19:47 S'agissant des eurosceptiques les plus radicaux, le message est clair.
19:54 Mais des convergences semblent se profiler avec les nationalistes italiens comme Nicola
19:59 Procaccini, qui se veulent plus modérés.
20:01 A l'approche des élections, le PPE comme le CRE veulent reléguer la question climatique
20:10 au second plan.
20:11 Le parti de centre-droit adopte donc une position plus à droite.
20:15 Au point de revenir sur des décisions prises dans le cadre du pacte vert, comme par exemple
20:21 la fin des moteurs thermiques dans l'Union Européenne votée en 2022.
20:24 A l'heure actuelle déjà, ces divisions freinent, voire empêchent la prise de décision
20:48 au sein de l'Union.
20:50 Des positions de la droite dures s'immiscent dans la recherche de compromis.
20:53 Le Green Deal d'Ursula von der Leyen se retrouve ainsi sous le feu des critiques,
20:59 et la présidente de la commission doit revoir ses priorités.
21:02 Le glissement général vers la droite fait passer un autre sujet au premier plan, la
21:07 politique migratoire, qui a elle-même dû évoluer sous l'influence croissante des
21:12 partis nationalistes.
21:13 En 2020, Ursula von der Leyen dénonce encore l'esprit de fermeture de l'extrême-droite.
21:20 "Nous sommes convaincus que chaque être humain a une dignité solennelle qui ne peut jamais
21:39 être touchée, indépendamment de l'origine de cet individu.
21:45 Et évidemment, l'extrême-droite a une vision différente, mais le haine n'a jamais donné
21:52 de bon conseil.
21:53 Nous allons donc toujours insister sur le fait que ça vous fait enroquer, ça vous fait
22:00 enroquer parce que nous l'avons à un point où il voit que nous sommes sur une âme différente
22:06 de ce qui nous concerne.
22:07 Et c'est la démocratie, vous devez vous en tenir."
22:13 A l'époque, elle est encore applaudie.
22:16 Mais la politique commune d'asile et de migration va devenir une question centrale dans les années
22:21 qui suivent.
22:22 Pendant sa campagne en 2022, la candidate Mélanie ne mâche pas ses mots.
22:27 "Non à la migration massive, non à la violence islamiste, si à frontières sécures."
22:39 Elle associe explicitement les flux de réfugiés au péril islamiste et fait de la politique
22:44 migratoire un enjeu de sécurité.
22:46 À quelle concession conduit la recherche de compromis ?
22:50 Un mois après son arrivée au pouvoir, Giorgia Mélanie rencontre à Bruxelles Roberta Mezzola,
22:57 présidente du Parlement européen.
22:58 Issue du centre droit, celle-ci est une partenaire importante.
23:02 Mais l'Italie, troisième économie de l'Union européenne, est aussi un acteur incontournable.
23:08 La parole de sa première ministre a un poids.
23:13 Martelant sa position, elle réclame un soutien au niveau européen.
23:16 Sous la pression de son électorat, Giorgia Mélanie essaie de conclure un accord bilatéral
23:42 avec la Tunisie.
23:43 Pays de transit de la plupart des migrants et réfugiés qui tentent de gagner les côtes
23:48 italiennes.
23:49 Mais sans succès.
23:50 Toute seule, elle n'a pas suffisamment à offrir.
23:53 Parallèlement, les entrées irrégulières en Europe par la Méditerranée progressent.
24:02 En 2023, elles connaissent une augmentation de 50% par rapport à l'année précédente.
24:07 L'opinion publique européenne s'en émeut, tandis que la répartition des nouveaux arrivants
24:13 et le financement de leur accueil font débat.
24:15 L'extrême droite, en particulier, en profite pour attiser les craintes.
24:23 Bruxelles s'est rendue compte qu'en l'État, sa politique migratoire ne pouvait pas continuer
24:31 ainsi et qu'elle risquait de poser un problème pour les élections européennes.
24:35 De plus, il est apparu qu'après la Grèce, c'est l'Italie qui joue un rôle crucial
24:41 pour un changement de cap dans ce domaine.
24:44 Sans elle, on ne pourra pas maîtriser la situation.
24:47 Dans ce sens, Giorgia Meloni a donc aussi une importance stratégique.
24:52 La réaction de la présidente de la Commission européenne est scrutée à la loupe.
24:58 Elle, qui avait fait du climat sa priorité absolue au début de son mandat, a peut-être
25:02 négligé la question de l'immigration.
25:04 Juillet 2023, Ursula von der Leyen se rend en Tunisie pour signer au nom de l'Union
25:14 européenne l'accord que Giorgia Meloni n'a pas pu négocier seule.
25:18 La dirigeante italienne est à ses côtés dans la continuité de sa première rencontre
25:22 avec le président tunisien.
25:24 - We will work with Tunisia on an anti-smuggling operational partnership.
25:31 We will also increase our coordination on search and rescue operations.
25:37 And we agreed that we will cooperate on border management, anti-smuggling, return and addressing
25:43 root causes in full respect of the international law.
25:48 - Thank you very much, Ursula, for your tireless work on that.
25:52 L'accord conclu semble convenir à l'Italie.
25:57 L'Union européenne promet à la Tunisie une aide financière qui pourra atteindre 900
26:01 millions d'euros.
26:02 Et la coopération avec les pays de départ ou de transit sera au cœur du nouveau pacte
26:07 de l'UE en matière d'asile et de migration.
26:09 Si l'esprit reste celui des partenariats précédents, comme celui signé avec la Turquie
26:15 en 2016, certains observateurs déplorent la fermeture croissante des frontières européennes,
26:20 conséquence d'un virage politique à droite.
26:23 Peu après, en septembre 2023, la situation se tend à Lampedusa, en Italie.
26:32 Le nombre de réfugiés arrivés par la Tunisie y est même plus important qu'auparavant.
26:36 Ursula von der Leyen promet l'aide de Frontex, l'agence européenne de garde-frontière
26:42 et de garde-côte.
26:43 Giorgia Meloni réclame une action ferme.
26:46 A Bruxelles, le pacte migratoire fait débat, notamment parce que les eurodéputés n'ont
26:56 pas été consultés.
26:57 On dénonce les violations des droits des migrants perpétrées par les autorités tunisiennes.
27:02 Pour couronner le tout, la Tunisie elle-même finit par récuser l'accord, dont l'avenir
27:07 est désormais incertain.
27:09 La recherche d'un arrangement coûte que coûte pourrait amener l'Union européenne
27:13 à oublier ses valeurs.
27:14 Arrivé de l'Eurostar Paris-Bruxelles, Arjouna Andrade, assistant parlementaire,
27:24 cherche sa députée.
27:25 Aurore Laluc fait constamment la navette entre les deux capitales pour préserver sa vie
27:36 de famille.
27:37 Le rythme est soutenu pour ses collaborateurs.
27:39 Parfois il faut savoir courir vite, parce qu'on pense qu'elle est quelque part,
27:47 elle est déjà partie ailleurs.
27:48 Donc c'est vrai que parfois il faut anticiper ce qu'elle-même doit avoir à faire pour
27:56 lui permettre de lui faciliter la vie parce qu'elle a tellement de trucs en parallèle
27:59 que ça part dans tous les sens.
28:02 C'est compliqué parfois à suivre.
28:05 Le travail de fond a lieu dans les locaux bruxellois du Parlement.
28:10 A quelques mois des élections, l'effervescence est grande.
28:13 On a plein de choses à faire.
28:17 Je ne sais pas si je suis optimiste ou pessimiste.
28:19 Ce qui est sûr, c'est que j'ai bien envie de me battre pour qu'on ait un groupe
28:25 politique progressiste fort et qu'on puisse continuer à faire ce qu'on a fait pendant
28:30 ce mandat-là, c'est-à-dire protéger au mieux les Européens et construire une Europe
28:35 qui permet de protéger les Européens de l'inflation, de la guerre et à mettre en
28:40 place cette transition écologique.
28:42 Les parlementaires passent beaucoup de temps en déplacement, entre leur domicile, les
28:47 réunions à Bruxelles et les séances plénières mensuelles à Strasbourg, où tout le monde
28:52 doit se rendre au moins une fois par mois pour voter.
28:54 Mais pour Aurore Laluc, c'est un privilège de construire l'avenir de l'Europe.
28:59 Je ne sais pas combien d'heures je fais par jour, je ne calcule pas, parce que de
29:09 toute façon, c'est un métier qu'on fait par conviction.
29:14 Actuellement, elle mène aussi campagne pour sa réélection.
29:19 Un surcroît de stress dans un quotidien sous pression.
29:22 L'experte en finances se préoccupe surtout, nous dit-elle, du sort des citoyens les plus
29:30 durement touchés par la crise économique et sociale.
29:32 Et c'est la seule chose, moi, qui me motive.
29:36 Pour qui je me bats ? Pour qui je fais ça ? Et moi, je me bats pour les prolos et pour
29:40 les classes moyennes, voilà, tout simplement.
29:42 L'équipe a rendez-vous avec des représentants d'autres groupes politiques.
29:46 Pour élaborer des projets législatifs destinés à tous les Européens, la députée doit
29:52 échanger avec des élus d'horizons variés.
29:54 Donc, ce n'est pas si difficile que ça, finalement.
30:03 Ça demande de la diplomatie, ça demande de faire des compromis, ça demande de lâcher
30:07 certaines choses et ça demande aussi d'essayer de comprendre d'où l'autre parle.
30:12 Il y a un groupe que je n'appelle jamais, parce qu'il n'est jamais là, c'est le
30:18 groupe d'extrême droite, par exemple, au Parlement européen.
30:20 Selon elle, les députés, identité et démocratie ne participent jamais à ces groupes de travail.
30:27 Elle n'y tient pas du reste, car elle ne partage ni leurs positions eurosceptiques
30:32 ni leurs objectifs politiques.
30:33 Les citoyens devraient avoir eux aussi leur mot à dire sur l'avenir de l'Europe.
30:41 Ursula von der Leyen avait fait des promesses en ce sens lors de son élection.
30:45 C'est la raison d'être de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, une série de
30:51 débats organisées en 2021 et 2022.
30:55 800 Européens choisis de façon aléatoire se sont réunis pour discuter du futur visage
31:00 de l'Europe.
31:01 En parallèle, une consultation de la population a été lancée.
31:05 Il en ressort que les Européens veulent un Parlement plus fort et moins d'états-nations
31:10 qui tirent la couverture à eux.
31:11 Septembre 2023. Dans son dernier discours sur l'état de l'Union avant les élections,
31:18 Ursula von der Leyen dresse le bilan de son mandat et esquisse l'avenir voulu selon
31:23 elle par les citoyens européens.
31:25 Vive l'Europe!
31:26 Long live Europe!
31:27 Langue l'Europe!
31:28 As with any election, it will be the time for people to reflect on the state of our
31:35 Union and the work done by those that represent them.
31:40 But it will also be a time to decide on what kind of future and what kind of Europe they
31:47 want.
31:48 Issue de la CDU, Parti Chrétien Démocrate Conservateur, la présidente de la Commission
31:54 a mené une politique plutôt progressiste et veut faire évoluer l'UE.
31:58 And I will always support this House and all of those who want to reform the European Union
32:05 to make it work better for citizens.
32:08 And yes, that means including through a European Convention and treaty change if and where
32:15 it is needed.
32:16 Réformer l'Union Européenne, comme le souhaite Ursula von der Leyen, suppose de
32:21 remanier les traités.
32:23 Depuis ses débuts, le projet européen repose sur un vaste corpus de traités.
32:31 Chaque avancée vers une plus grande coopération a donné lieu à de nouvelles dispositions
32:35 contractuelles, notamment pour clarifier les compétences de l'Union et des États.
32:40 Toute modification de ces textes revient à intervenir dans un échafaudage de règles
32:45 complexes et doit recueillir l'accord des pays membres.
32:49 Les chefs d'État ou de gouvernement de l'UE se réunissent au moins quatre fois
32:58 par an à Bruxelles.
32:59 À l'heure actuelle, ce sont 27 dirigeants qui, conformément au traité, ont leur mot
33:05 à dire sur les grandes priorités européennes.
33:07 Finance, politique étrangère ou encore sécurité.
33:11 Ce Conseil Européen prend ses décisions à l'unanimité, ce qui complique l'élaboration
33:20 du consensus.
33:21 Je ne suis pas un grand fan de ces semaines de soirées, mais elles doivent être.
33:29 Il faut que chacun ait la capacité de se dire "je suis vraiment fatigué, mais il
33:38 faut trouver une solution".
33:39 Nous savons que nous ne pouvons pas sortir de la maison sans résultat, ce n'est pas
33:55 possible.
34:00 L'un des responsables de ces nuits de travail interminables est Viktor Orban, le Premier
34:06 ministre hongrois, nationaliste et conservateur.
34:09 En décembre 2023, il met son veto à un plan européen d'aide à l'Ukraine.
34:16 Aux yeux de ses détracteurs, cette attitude de blocage marque une tentative de faire pression
34:21 sur l'UE.
34:22 On le voit, la situation est déjà complexe pour les 27 Etats membres.
34:28 Un futur élargissement pourrait conduire l'Union à la paralysie si la prise de décision
34:33 à l'unanimité demeurait la norme.
34:34 A la place, il serait possible de passer à un principe de majorité, dans le cadre
34:40 d'une réforme donnant davantage de pouvoir au Parlement et à la Commission.
34:45 Les dirigeants à tendance nationaliste, comme Orban ou Meloni, y sont opposés.
34:49 Certaines règles se sont pourtant déjà assouplies.
34:58 Pour faire face aux crises des dernières années, les institutions ont dû adopter
35:03 des solutions sur mesure et repenser l'interprétation des traités.
35:06 Tout commence avec la pandémie de Covid.
35:12 Menée par Ursula von der Leyen, l'UE présente un front uni et organise la vaccination pour
35:17 tous en un temps record.
35:18 Les Etats jouent le jeu, car cette mutualisation des ressources est dans leur intérêt.
35:39 On a géré l'approvisionnement en vaccins et la politique de santé au niveau de l'Union.
35:49 C'était inédit.
35:50 Les traités ne prévoient pas cette compétence.
35:52 En 20 ans de journalisme, Eric Bonzey n'a jamais vu un tel élargissement des prérogatives
35:59 de l'Union européenne.
36:00 Madame von der Leyen tire les ficelles pour parler crûment.
36:08 Elle règne à Bruxelles comme une souveraine.
36:10 Avec Ursula von der Leyen, nous avons plus d'Europe.
36:22 A commencer par un deuxième budget, à savoir un plan de relance financé par la dette
36:27 commune dans le sillage du Covid.
36:29 La Commission a renforcé ses pouvoirs, elle décide pratiquement seule du versement des
36:33 fonds.
36:34 Et on évoque maintenant la défense, l'armement et d'autres domaines.
36:37 La guerre en Ukraine propulse Ursula von der Leyen au cœur de la politique étrangère
36:45 et surtout de la défense européenne, qui n'existe qu'à l'état d'embryon dans
36:49 les traités.
36:50 Traditionnellement, la Commission européenne est avant tout un appareil administratif responsable
36:58 de la régulation du marché intérieur et du budget.
37:01 La politique et les rapports de force restent l'apanage des gouvernements nationaux.
37:06 Mais en négociant avec d'autres grandes puissances contre la Russie, Ursula von der
37:12 Leyen assoit la stature de l'Europe.
37:15 Nous avons systématiquement travaillé pour construire un grand paquet de sanctions.
37:22 Et nous, c'est la Commission européenne, avec les États-Unis, avec la Grande-Bretagne
37:27 et avec le Canada.
37:28 Mais pour les gouvernements nationalistes, tout ça va trop loin.
37:31 Cette Commission qui s'affirme leur fait craindre une perte de pouvoir.
37:36 Et ils ne veulent pas entendre parler d'une réforme des traités qui transférerait de
37:40 nouvelles compétences à l'Union européenne.
37:42 Fin novembre 2023, Nicola Procaccini s'apprête à donner une conférence de presse importante
37:51 alors que le Parlement doit se prononcer sur le principe d'une réforme des traités.
37:55 L'extrême droite y est farouchement opposée.
38:04 Elle juge inacceptable de pouvoir être mise en minorité sur certaines questions européennes
38:13 importantes et de réduire encore les compétences nationales.
38:16 Nicola Procaccini siège dans le même groupe que le Polonais Jacek Sariuszewski.
38:30 Celui-ci l'affirme, si l'UE renforce encore son pouvoir, ses pays membres perdront toute
38:36 souveraineté.
38:37 Aux yeux de Nicola Procaccini, le rapport de force entre Etat et Union européenne est
39:03 au cœur du combat.
39:08 Le Parlement doit trancher le jour suivant.
39:24 Soit se rallier à la vision d'Ursula von der Leyen qui propose plus d'Europe, soit
39:29 suivre la droite dure qui s'y oppose.
39:31 Dernier préparatif pour Aurore Laluc et son équipe.
39:42 Aujourd'hui, les eurodéputés sont amenés à statuer sur toute une série de sujets.
39:46 L'élu connaît sur le bout des doigts le projet législatif qu'elle défend.
39:51 Son équipe l'abrife sur les autres thèmes suivis par ses collègues.
39:55 On va travailler ensemble parce que moi j'ai suivi les questions économiques par exemple
40:07 ou fiscales, je vais dire un groupe politique.
40:09 Voilà ce que je vous conseille de voter sur les questions économiques et fiscales parce
40:14 que j'ai pu suivre le dossier.
40:15 Et l'inversement.
40:18 Mais l'enjeu aujourd'hui est surtout la future réforme des traités.
40:24 L'élu sociodémocrate dit oui sans hésiter à de nouveaux textes et à une union européenne
40:29 plus forte.
40:30 Donc la construction européenne c'est quelque chose qui doit à mon avis toujours avancer,
40:39 on ne doit jamais y renoncer.
40:40 Les 705 députés européens convergent à présent vers l'hémicycle.
40:45 Manfred Weber, chef de file des conservateurs, veut lui aussi renforcer le pouvoir du Parlement.
40:53 Les groupes d'extrême droite en revanche sont contre ce projet.
40:59 Surplombant les débats,
41:29 la régie vidéo.
41:30 Toutes les séances sont filmées par plusieurs caméras.
41:33 Le marathon des votes peut commencer.
41:35 Voix de l'interprète.
42:05 Le moment est venu de se prononcer sur l'avenir des traités de l'Union.
42:33 Nicolas Procaccini ne commettra pas d'erreur sur ce point.
42:36 Résultat.
42:46 Le Parlement enterrine donc le principe d'une modification des traités.
42:55 C'est un revers pour Nicolas Procaccini.
43:00 Mais rien d'irréversible, car sur le fond, aucune décision n'est prise.
43:05 Les votes décisifs auront lieu après les élections européennes.
43:09 Et l'élu italien espère que le rapport des forces politiques aura évolué à son avantage d'ici là.
43:14 Selon les prévisions, son groupe pourrait passer de 68 à 90 sièges.
43:20 Nous pensons pouvoir utiliser cette force pour atteindre nos objectifs.
43:33 Je suis sûr que notre délégation pourrait devenir l'une des plus importantes de ce Parlement.
43:45 Peut-être même la plus grande.
43:51 Je crois que nous avons une occasion à saisir, que nous ne raterons pas.
43:56 Celle de montrer qu'une autre Union européenne est possible.
44:00 Il appelle de ses voeux une alliance qui protégerait les frontières extérieures et le marché intérieur,
44:06 tout en laissant les États agir en fonction de leurs intérêts.
44:10 Le groupe CRE de Nicola Procaccini prétend incarner un conservatisme modéré.
44:16 Mais la Ligue du Nord, partenaire de coalition en Italie,
44:20 est dans le groupe Identité et démocratie, aux côtés du RN et de l'AFD, opposition plus radicale.
44:31 Comme il existe différents degrés de radicalité au sein de la délégation italienne,
44:36 il est difficile de tracer une ligne claire et de maintenir le fameux cordon sanitaire en matière de coopération politique.
44:46 Les élections de 2024 devraient rebattre l'écarte au Parlement européen
44:50 et les grands gagnants pourraient bien être les deux formations de droite.
44:55 Le CRE table sur une progression et le groupe d'extrême droite, ID,
45:00 pourrait même devenir la troisième force de l'hémicycle.
45:04 Le camp pro-européen, du centre-droite à l'extrême-gauche,
45:08 perdrait alors du terrain tout en restant majoritaire.
45:12 Avec environ un quart des voix, sans être majoritaire,
45:21 les groupes de droite pourraient devenir un facteur de blocage suffisant pour perturber le fonctionnement du Parlement.
45:28 L'élaboration des textes législatifs pan-européens s'en trouverait compliquée
45:32 et exigerait une unité sans faille du bloc pro-européen.
45:36 A l'approche des élections, il devient donc plus essentiel que jamais de poser les bases de futures alliances.
45:46 Manfred Weber a des journées encore plus chargées.
45:55 Les choses sérieuses commencent.
46:00 On demande à 100 millions d'électeurs de se prononcer sur notre avenir commun et sur l'évolution de l'Europe.
46:05 La grande inconnue, ce sera le nombre d'élus d'extrême droite,
46:08 qui rejettent l'Europe et la coopération et contre lesquelles je me bats.
46:12 Eurodéputé depuis 2004, Manfred Weber est un pilier du Parlement.
46:18 Il préside en outre depuis dix ans le groupe des conservateurs, le premier par sa taille.
46:24 À quelques mois des européennes, de nombreux élus du PPE, mais aussi d'autres partis,
46:29 font la queue pour le consulter.
46:31 Les gens vous scrutent.
46:36 Quelle est la position de Manfred Weber, le chef du parti ?
46:39 Dans quelle direction allons-nous ? C'est une responsabilité.
46:43 Les entretiens stratégiques s'enchaînent, y compris avec Roberta Mezzola,
46:48 membre du même groupe politique que lui.
46:51 Notre caméra n'est pas autorisée à filmer.
46:57 L'opposition croissante du PPE à la politique environnementale d'Ursula von der Leyen inquiète à Bruxelles.
47:03 Beaucoup se demandent quelle forme prendra la concertation parlementaire après le scrutin de juin.
47:09 J'aime le débat, l'argumentation et la confrontation politique.
47:16 Mais je tiens à le faire sans brûler les ponts, pour trouver un terrain d'entente à la fin.
47:23 Bien entendu, Manfred Weber cherchera aussi le compromis avec la présidente de la commission.
47:28 Mais les relations sont quelque peu tendues entre ces deux poids lourds de la politique européenne.
47:34 C'est un jeu dans lequel chacun joue son rôle.
47:40 Mais Manfred Weber est assez intelligent pour ne pas se brouiller définitivement avec Ursula von der Leyen.
47:46 Tout le monde sait que ce n'était pas le grand amour au départ.
47:50 Manfred Weber briguait lui-même la présidence de la commission et n'a pas apprécié d'avoir été évincé.
47:56 Il y avait de quoi d'ailleurs, car Ursula von der Leyen ne s'était pas présentée et n'avait pas fait campagne.
48:03 En 2019, Manfred Weber est le candidat de la famille conservatrice à la tête de la commission.
48:10 Le voici dans son clip de campagne de l'époque, sans sa barbe.
48:16 Puisqu'il était tête de liste du groupe qui a remporté les élections européennes cette année-là,
48:20 il aurait dû logiquement accéder au poste convoité.
48:23 Mais les chefs d'État et de gouvernement ne l'entendent pas de cette oreille
48:28 et présentent leur propre candidate au dernier moment.
48:31 C'est un petit séisme.
48:33 De nombreux eurodéputés se braquent, notamment dans la délégation allemande.
48:37 En 2019, le score a été relativement serré
48:44 et ce sont des voix douteuses qui ont permis la victoire de Madame von der Leyen.
48:48 C'est surtout lié au fait que les sociodémocrates allemands n'ont pas voté pour elle,
48:52 et la plupart des Verts non plus.
48:54 Il y a eu aussi des défections chez les libéraux et même chez les chrétiens démocrates.
48:59 Résultat, Ursula von der Leyen est élue de justesse,
49:11 notamment grâce au vote des souverainistes hongrois et polonais.
49:14 Cinq ans plus tard, la majorité qui pourrait la reconduire dans ses fonctions est loin d'être acquise.
49:22 Et les voix des parties de droite pourraient de nouveau jouer un rôle clé.
49:26 On voit bien qu'Ursula von der Leyen est capable de composer avec l'extrême droite.
49:32 Elle la joue finement avec Giorgia Meloni, par exemple.
49:36 Elle la fait participer, l'emmène en Tunisie,
49:39 et déclare « c'est notre accord, c'est ça l'Europe ».
49:42 Giorgia Meloni ne peut plus rien dire puisqu'elle est partie prenante.
49:46 On peut penser qu'Ursula von der Leyen fera de même avec les autres.
49:50 Le PPE l'a officiellement investie candidate à sa propre succession,
49:56 mais à condition qu'elle modère sa politique climatique et ajoute une bonne dose d'économie.
50:04 Aurore Laluc porte un regard pragmatique sur le bilan d'Ursula von der Leyen.
50:10 C'est quelqu'un qui a des défauts comme tout le monde,
50:16 mais elle a été une vraie incarnation pour l'Europe dans des moments difficiles.
50:20 Je pense à la guerre en Ukraine, je pense au moment du Covid.
50:25 Maintenant, une fois que j'ai dit ça, peut-être qu'il serait bien d'avoir un bon débat,
50:30 un vrai débat sur qui devrait être à la tête de la prochaine Commission,
50:35 et peut-être que le changement ferait du bien.
50:38 Indépendamment de qui sera à la tête de la Commission,
50:44 la recherche du consensus risque de devenir de plus en plus difficile.
50:48 La stratégie consistant à s'arranger avec les eurosceptiques
50:52 s'accompagne d'un glissement général vers la droite.
50:56 Conséquences probables, une politique climatique réduite à la portion congrue,
51:01 une Europe de plus en plus fermée à l'immigration
51:04 et des traités qui ont peu de chances d'être effectivement réformés.
51:07 En juin, les électeurs décideront de la direction que prendra l'Europe.
51:12 Une influence accrue des groupes d'extrême droite au Parlement
51:15 impliquerait de multiplier les concessions pour espérer trouver des compromis.
51:20 Aujourd'hui, l'Europe doit faire face à de nombreux problèmes
51:25 qui dépassent les capacités des pays à l'échelle individuelle.
51:28 Une Europe qui a la capacité d'agir avec une politique commune
51:33 semble plus précieuse que jamais.
51:37 [Musique]
52:02 [Silence]

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