AFFAIRE OUTREAU _ horreur à la Tour du Renard

  • il y a 5 mois
En février 2001, trois enfants qui ont été placés dans une famille d'accueil disent avoir été victimes d'abus sexuels répétés de la part de leurs parents. Des sévices auxquels auraient également participé des voisins. Débute alors la tragique affaire d'Outreau, qui a mis en lumière de graves dysfonctionnements de l'institution judiciaire.
Transcript
00:00 Daniel Legrand, lorsqu'au premier procès, le président de la Cour d'assises a égrené les noms des accusés, qu'il en est venu à vous,
00:07 et que vous avez entendu coupable, qu'est-ce que vous avez ressenti ?
00:11 Du dégoût. J'ai été dégoûté d'avoir été condamné à un statum ère.
00:16 Et j'ai été reconnu coupable d'agression sexuelle alors que j'ai jamais agressé d'enfant.
00:22 J'ai pas compris.
00:24 Votre vie après ce cauchemar, c'est quoi ?
00:28 Difficile de remonter la pente.
00:31 Vous avez eu un passage très douloureux, très pénible, notamment par la drogue.
00:37 Qu'est-ce que vous preniez ?
00:38 De l'héroïne, cannabis, cocaïne.
00:42 Mais bon, ça j'aurais pas dû connaître ça, si l'affaire Doutrou n'aurait pas été là.
00:46 Je serais toujours sportif à l'heure actuelle.
00:49 Mais là, même le sport, je suis plus attiré.
00:51 [Musique]
01:12 Des faits comme ceux-là, très franchement, dépassaient totalement ce qu'on avait connu avant.
01:18 Comment ces choses-là sont-elles possibles ? Comment peut-on faire ça à des enfants ?
01:21 Comment des adultes peuvent avoir ce genre de comportement ?
01:24 Outreau s'était devenu un tabou.
01:26 Outreau m'a complètement détruit.
01:29 Tout l'argent du monde, tout l'or du monde ne peut pas réparer ce qu'on nous a fait.
01:34 C'était un procès qui avait enflammé ce pays.
01:38 C'était le procès du siècle.
01:39 Tous les médias nous ont servi la même soupe, la même version.
01:44 Il suffit de taper le nom de Badaoui sur Internet,
01:46 pour que vous y ayez une multitude d'articles.
01:48 C'était la première fois où on jugeait de problèmes, on va dire, de procédures.
01:54 On a fait un choix à mi-chemin, qui est satisfaisant pour personne.
01:58 Le juge Burgot, il n'a pas été sanctionné du tout.
02:00 Monsieur Burgot est quelque part celui par qui le scandale est arrivé.
02:05 Et ça, je pense qu'ils ne le lui pardonneront pas.
02:09 On voit encore les flashes, les images.
02:14 On voit encore les détails, les cris, les pleurs.
02:16 Accusés des pires atrocités, victimes des plus odieuses calomnies,
02:31 ils ont suscité la curiosité de l'opinion publique,
02:34 passionné les médias et même inspiré le cinéma.
02:37 Leur histoire a bouleversé le système judiciaire français.
02:41 Outreau, un fiasco judiciaire sans précédent.
02:45 Un scandale dont la justice est sortie affaiblie, meurtrie.
02:49 Que sont devenus ces acteurs ?
02:51 Qu'a changé cette affaire au niveau des lois, des investigations scientifiques,
02:55 des méthodes d'enquête, de l'approche judiciaire,
02:58 du droit des victimes ou encore de la réparation ?
03:01 Avec Imen Gouali, nous avons décidé de retrouver les protagonistes de l'affaire d'Outreau
03:07 et d'analyser avec eux les conséquences et les répercussions de ce dossier hors norme.
03:13 - Au sommaire de cette édition, l'acquittement pour les 6 accusés d'Outreau.
03:20 Il aura fallu pour cela près de 8 heures de délibération au juré de la Cour d'Assise de Paris.
03:25 Tout commence le 22 février 2001, lorsque 3 enfants de 3, 5 et 7 ans,
03:32 placés en famille d'accueil, dénoncent des abus sexuels.
03:36 Quand ils rentrent chez leurs parents le week-end à la Tour du Renard à Outreau,
03:40 dans le Pas-de-Calais,
03:41 Chérif, Dimitri et Jonathan Delay expliquent qu'on leur fait des manières.
03:47 Leur père Thierry Delay les viole.
03:52 Leur mère Myriam Badaoui regarde et participe, disent-ils.
03:56 Parfois, il y a aussi un couple de voisins, Aurélie Lafranc et David Delplanque.
04:01 Les enfants Delay sont soumis à un examen médical.
04:05 - Je trouve des lésions évidentes d'actes de pénétration répétés chez l'un d'entre eux
04:12 et chez les autres, des actes moins évidents, mais compatibles avec des pénétrations répétées.
04:17 Et les enfants donnent des noms.
04:20 Les dénonciations s'enchaînent.
04:22 En plus de leurs parents et du couple de voisins,
04:24 ils accusent maintenant une boulangère, un chauffeur de taxi,
04:28 un huissier, une mère de famille, un abbé et un handicapé mental.
04:33 Tous sont accusés des pires sévices.
04:36 - Ce qui était quand même assez frappant dès le départ,
04:39 c'est qu'on ne limitait pas la dénonciation au père, à un oncle, à un frère,
04:45 mais la dénonciation portait sur les gens de l'immeuble,
04:49 la famille, les gens de l'immeuble et des personnes extérieures.
04:52 Ce qui avait, évidemment, dès le départ, donné à cette affaire une connotation particulière.
04:56 De plus en plus de coupables et de victimes aussi.
04:59 Les enfants de lait affirment que d'autres enfants ont été violés, plusieurs dizaines.
05:04 - Les gens avaient peur à la tour du renard, qu'on leur enlève leurs enfants.
05:08 Il y avait des enfants qui étaient partis. Les gens se sont cachés.
05:11 Et la tour du renard a changé.
05:13 Sur ces accusations, 2 semaines plus tard,
05:16 25 enfants sont aussitôt retirés de chez eux
05:19 pour être placés dans des foyers ou dans des familles d'accueil.
05:23 L'instruction se charge ensuite de faire le tri.
05:26 Véritables victimes, faux accusés, vrais coupables.
05:29 Le dossier devient tentaculaire.
05:31 17 adultes sont mis en examen.
05:33 Les médias parlent de pornographie, de proxénétisme,
05:37 de réseau en Belgique, de zoophilie, d'une fillette assassinée
05:41 et même de notables impliqués dans cette incroyable affaire.
05:45 - Le dossier, il est sur un chemin de non-retour.
05:48 On ne peut plus faire machine arrière, on ne peut plus faire de la vie.
05:51 On ne peut plus faire machine arrière, on ne peut plus remettre personne en liberté
05:54 puisque c'est devenu une affaire immense.
05:57 Jusque-là, c'était un inceste doublé de vicieux de proximité
06:01 qui venaient de temps en temps faire des saloperies avec les enfants.
06:04 C'était comme ça qu'était vu le dossier.
06:06 Et là, maintenant, ça devient un réseau international de prostitution,
06:09 des enfants qui disparaissent, un enfant qui est assassiné.
06:11 C'est quelque chose de tout à fait hors norme.
06:13 Et là, le dossier échappe à tout le monde.
06:15 Il échappe aux juges, il échappe aux procureurs,
06:17 il échappe aux avocats de la défense, il échappe à la partie civile.
06:19 Il devient totalement incontrôlable.
06:21 - C'est ainsi que se bâtit l'affaire Doutreau.
06:24 Sur les déclarations d'enfants victimes,
06:26 parfois avérées, parfois imaginaires,
06:28 et les déclarations de Myriam Badaoui,
06:30 qui accusa Touva et qu'un juge d'instruction croit.
06:34 Il s'appelle Fabrice Burgot.
06:36 Dès le début, le magistrat d'à peine 30 ans
06:39 semble persuadé de tenir l'affaire du siècle.
06:42 Alors, lorsque Myriam Badaoui et ses enfants donnent des noms,
06:46 il leur donne des interpellations.
06:48 Et quand les interpeller nient, le juge les fait incarcérer.
06:52 - Mon frère, il a dit, moi, j'ai rien à foutre là-dedans.
06:54 Et il mettait des coups de poing dans la cellule.
06:56 Il dit, moi, j'ai violé personne.
06:58 Et eux, ben, ils l'ont bourré de médicaments
07:01 pour être tranquille, quoi, pour qu'il se calme.
07:03 Mais il s'est bien battu.
07:05 Quand j'avais été levé à une fois au parloir,
07:07 il avait plein de sanglots, parce que tellement qu'il tapait
07:09 dans la porte de la cellule.
07:11 - Le juge a été très impressionné à ce moment-là,
07:16 parce que, moi, je me souviens très bien
07:18 de ces interrogatoires.
07:20 Je suis sorti de là avec la certitude
07:22 que les enfants disaient très exactement
07:25 ce qu'ils avaient vécu.
07:27 Et cette authenticité, elle nous avait marqués à l'époque.
07:30 Au moment où vous vivez ces instants-là,
07:35 vous êtes dans la souffrance des gosses,
07:37 vous êtes dans l'horreur du comportement des adultes,
07:40 vous êtes dans le ressenti, vous êtes un petit peu,
07:42 je ne dis pas dans la haine, parce qu'on n'a pas à avoir de haine,
07:45 mais en même temps, on se dit comment ces choses-là
07:47 sont-elles possibles, comment peut-on faire ça à des enfants,
07:49 comment des adultes peuvent avoir ce genre de comportement ?
07:52 Et à ce moment-là, vous êtes emporté par la passion.
07:55 - Une passion qui mènera tout droit vers un fiasco judiciaire.
07:59 Après 3 années d'instruction passées derrière les barreaux
08:04 pour la plupart des accusés,
08:06 le procès des pédophiles d'Outreau s'ouvre en mai 2004
08:09 devant la cour d'assises de Saint-Omer.
08:13 17 accusés sont dans le boxe.
08:15 Ils sont désormais tristement célèbres.
08:18 Roselyne Godard, Karine Duchochoy, Alain Marécaud,
08:22 Daniel Legrand, père et fils, Sandrine et Franck Lavier, Thierry Dosk.
08:27 La plupart d'entre eux protestent de leur innocence.
08:30 Ils dénoncent le calvaire que la justice leur inflige.
08:33 - Odile et moi n'avons rien fait.
08:38 Nous sommes accusés à tort.
08:40 J'ai mon innocence qui va être démontrée.
08:45 J'ai besoin de me reposer. Excusez-moi, monsieur.
08:47 Mais devant la cour, Myriam Badaoui continue à invectiver l'un,
08:51 à accuser l'autre, à exhorter un dernier à avouer.
08:54 Elle ne leur laisse aucun répit.
08:57 - C'est une cocotte minute.
08:59 Quand elle a envie d'exploser, elle explose, rien ne l'arrête.
09:01 Quand elle a envie de pleurer, elle pleure.
09:03 Elle est dure, elle invective les autres accusés.
09:06 On sent qu'elle a de la poigne et qu'elle a du poids.
09:09 On sent d'ailleurs son mari à côté d'elle.
09:13 C'est un personnage phallo.
09:15 Elle est dure, elle a de la poigne jusqu'à ce qu'elle craque.
09:22 Après 2 semaines de procès, Myriam Badaoui s'effondre et reconnaît.
09:30 Et elle donne les noms des seuls coupables.
09:32 Elle, son mari et le couple de voisins.
09:38 - Elle se tourne vers les autres accusés qui sont derrière elle.
09:42 Et elle leur parle.
09:44 "Toi, la boulangère, t'étais gentille. Pardon, pardonne-moi.
09:48 "M. Maréco, je le connais même pas.
09:50 "Toi, Pierre Martel, t'as jamais rien fait."
09:53 Myriam Badaoui s'excuse et innocente les 13 autres accusés.
09:58 Avant de faire volte-face.
10:00 Finalement, tous sont violés. Ils sont tous coupables.
10:04 Un comportement déroutant pour un verdict tout aussi dérangeant.
10:09 Après 2 mois de procès, Myriam Badaoui est condamnée à 15 ans de prison.
10:16 Son compagnon Thierry Delay prend 20 ans.
10:19 Le couple de voisins David Delplanque et Aurélie Lafranc
10:22 écopent de 6 et 4 ans.
10:24 Quant aux autres, 7 accusés sont innocentés par la justice.
10:28 Ils sont acquittés.
10:31 -Odile Maréco, acquittée.
10:33 Roselyne Godard, acquittée.
10:35 Pierre Martel, acquittée.
10:37 Karine Duchochoy, acquittée.
10:39 -Daniel Legrand, père.
10:43 David Brunet et Christian Godard sont acquittés eux aussi.
10:47 Quant aux 6 derniers, ils sont condamnés.
10:50 Jugez coupable, Luissier Alain Maréco.
10:54 Daniel Legrand, fils.
10:56 Sandrine et Franck Lavier.
10:59 Thierry Dosc et l'abbé Vielle.
11:02 Immédiatement, les 6 condamnés font appel.
11:05 Et ce n'est qu'un an et demi plus tard
11:10 que la cour d'appel de Paris les acquitte.
11:13 L'un d'eux, pourtant, François Mourmand,
11:16 n'aura pas la joie de voir son innocence reconnue.
11:19 Il est mort en prison d'une surdose médicamenteuse.
11:23 -Le 9 juin, à 7 h du matin,
11:26 mon père me téléphone et me dit "Qu'est-ce que tu fais ?"
11:30 Je dis "Je dors, qu'est-ce qui te prend de ma place ?"
11:33 Il se met à pleurer.
11:35 "Est-ce que tu es au courant que j'ai au courant de quoi ?"
11:38 Il me dit "Ton frère est mort en prison."
11:41 Mon frère se battait pour faire prouver son innocence
11:44 et personne n'a voulu l'entendre.
11:46 Seulement un aurait dû l'entendre, aujourd'hui, il serait vivant.
11:55 -Aujourd'hui, près de 15 années ont passé.
11:58 Dans l'esprit de tous, l'affaire Doutreau reste définitivement
12:02 associée à un nom, Burgo, celui du juge d'instruction
12:05 par qui le scandale est arrivé.
12:07 Depuis, Fabrice Burgo a dû rendre des comptes à ses supérieurs.
12:11 Il a été accusé d'accumulation de manquements systématiques,
12:15 voire volontaires, et d'atteinte au droit de la défense.
12:19 -C'était la 1re fois où on jugeait de problèmes,
12:22 on va dire, de procédures, de la manière dont un juge avait travaillé.
12:27 Habituellement, on juge les comportements problématiques
12:31 ou les dérives de certains magistrats,
12:34 mais là, on jugeait pour la 1re fois le travail d'un juge.
12:38 -Finalement, en avril 2009, après des semaines de réflexion,
12:42 le Conseil supérieur de la magistrature a infligé au juge Burgo
12:46 la plus faible des sanctions, une simple réprimande.
12:50 -Cette réprimande n'avait pas été votée à l'unanimité.
12:54 Il y a eu 6 voix pour et 5 contre.
12:58 Donc, franchement, on peut toujours dire
13:02 que les paires ont protégé le juge Burgo,
13:06 mais ce que je veux dire, c'est que ses erreurs
13:09 n'étaient pas aussi flagrantes que ce qu'on en a dit,
13:13 et je ne sais pas si le juge Burgo méritait ce lynchage médiatique
13:18 qu'il a eu.
13:20 -Le Conseil supérieur de la magistrature a par ailleurs reconnu
13:24 que le juge Burgo n'a jamais suscité d'observations négatives
13:28 de la part de ses nombres supérieurs.
13:30 Parmi eux, le procureur Gérald Le Cygne.
13:32 Il a dû quitter ses fonctions et s'acclimater à une nouvelle région,
13:36 la Normandie. Aujourd'hui, il est substitut général à Caen.
13:40 Quant au juge Burgo, il a été muté à la Cour de cassation,
13:44 la 1re juridiction de France.
13:47 Mais inutile d'y voir une promotion.
13:50 Il est auditeur affecté au service de documentation
13:53 des études et du rapport. Autrement dit, le juge Burgo
13:56 ne signe désormais plus aucun acte.
13:59 -On peut considérer d'une certaine part que la justice,
14:03 le corps en lui-même a été, on ne dira pas complaisant,
14:10 peut-être reconnaissant à M. Burgo d'avoir porté
14:14 tout le fardeau de cette affaire.
14:16 Mais dans le même temps, il n'est pas certain
14:20 que M. Burgo fasse la carrière à laquelle il aspire.
14:24 Parce que la profession est rancunière.
14:27 Et M. Burgo est quelque part celui par qui le scandale est arrivé.
14:32 Et ça, je pense qu'ils ne le lui pardonneront pas.
14:37 ...
14:54 -Patrick Maisonneuve, vous êtes l'avocat du juge Burgo.
14:57 Est-ce qu'il a l'impression d'être au placard ?
15:00 -Il a une fonction qui est loin de tout contact avec le public.
15:05 Son avenir sera très difficile.
15:08 Son nom est intimement lié à l'affaire Doutreau.
15:13 Il est magistrat, il est à la cour de cassation.
15:17 -Avec le recul, quel regard portez-vous aujourd'hui
15:21 sur l'instruction qu'il a menée dans l'affaire Doutreau ?
15:24 -On peut toujours émettre des critiques sur une instruction.
15:27 Sur celle-là comme sur d'autres.
15:29 On peut toujours essayer de refaire l'histoire.
15:32 C'est plus facile de la refaire que de la vivre.
15:35 Le juge Burgo s'est toujours défendu de dire
15:39 qu'il avait fait les choses parfaitement,
15:42 qu'il n'aurait pas commis d'erreurs.
15:44 Ce qu'il a toujours contesté, c'est d'avoir fait les choses de mauvaise foi,
15:48 de façon partisane, de façon orientée.
15:51 Ça, il n'a jamais voulu l'admettre, il n'a jamais changé sa position.
15:55 -On lui a reproché d'avoir instruit à charge, surtout.
15:58 -N'oublions pas qu'il n'était pas seul.
16:00 Je rappellerai que les actes du juge Burgo
16:03 ont été confirmés par les magistrats de la cour d'appel de Douai.
16:07 Il y a eu plusieurs magistrats de la cour,
16:10 beaucoup plus expérimentés que Fabrice Burgo,
16:13 qui ont eu à connaître de ce dossier,
16:15 et qui n'ont pas pourtant critiqué ou infirmé les ordonnances du juge.
16:19 On lui a fait porter, et on lui fait porter encore aujourd'hui,
16:23 une responsabilité, alors que s'il veut y avoir une critique,
16:27 il faudrait voir les choses de façon beaucoup plus collective.
16:31 -En même temps, côté sanctions, il s'en est vraiment bien tiré.
16:35 -Tout cela est une profonde hypocrisie.
16:37 De 2 choses l'une, soit on estimait qu'il y avait des fautes professionnelles
16:41 et on pouvait prononcer une peine significative,
16:44 soit il n'y avait pas de faute professionnelle caractérisée
16:47 et à partir de ce moment-là, on le relaxait.
16:50 On a fait un choix à mi-chemin qui est satisfaisant pour personne.
16:54 ...
16:56 Musique sombre
16:58 ...
17:00 -De leur côté, les Aquités d'Outreau sont réhabilités.
17:03 Aujourd'hui, leurs avocats sont devenus des stars.
17:06 Parmi eux, Eric Dupond-Moretti, l'avocat de la boulangère,
17:10 est maintenant l'un des pénalistes les plus célèbres de France.
17:14 Aquités et avocats ont droit aux hommages de la République.
17:18 Le président Jacques Chirac et le garde des Sceaux,
17:21 Pascal Clément, leur expriment regrets et excuses.
17:25 -C'était un juste retour des choses que la République,
17:30 qui les avait, comme on disait, jetées aux chiens,
17:35 c'était ça, l'expression d'un président de la République,
17:38 on les avait jetées aux chiens,
17:40 eh bien, les invite dans les ors de la République
17:44 pour y prendre l'apéritif, une petite collation,
17:47 et puis dire beaucoup, vous savez, tout ça...
17:51 Tout ça me laisse évidemment bien dubitatif,
17:54 et les a laissés, je pense, également bien dubitatifs.
17:58 -5 ans après le début de l'affaire, en janvier 2006,
18:02 une commission d'enquête parlementaire
18:04 est chargée de rechercher les causes
18:06 des dysfonctionnements de la justice dans le dossier d'Outreau.
18:09 André Valigny, député de l'ISER,
18:11 est nommé président de cette commission.
18:14 André Valigny, les excuses, les regrets de la République,
18:17 est-ce que ça suffit à effacer les traces
18:20 de ce qu'ont vécu les victimes d'Outreau, et la honte aussi ?
18:24 -Les victimes, évidemment, resteront marquées à vie.
18:27 Je crois que l'affaire d'Outreau a concentré à elle seule
18:31 tout ce qui peut mal fonctionner dans une affaire judiciaire.
18:35 Il y a eu des dysfonctionnements en cascade.
18:37 Les services de police ont mal travaillé, au début en tout cas,
18:40 les magistrats, et pas seulement le juge Burgot.
18:43 Les journalistes aussi ont dérapé, ont reconnu devant la commission
18:46 qu'ils avaient mal travaillé, pour certains, en tout cas.
18:49 Ils se sont laissés aveugler par l'horreur de ce qu'ils entendaient,
18:52 de ce qu'on apprenait sur cette affaire d'Outreau,
18:54 et ils ont foncé tête baissée dans le sens de la culpabilité
18:57 de ceux qui étaient accusés et qui se sont révélés innocents.
19:00 Et puis les experts ont, eux aussi, mal travaillé,
19:02 et ils l'ont reconnu, eux aussi,
19:04 devant la commission d'enquête parlementaire.
19:06 -Une commission d'enquête pour comprendre
19:08 comment la justice a pu s'égarer ainsi,
19:10 en tirer des enseignements et faire des propositions.
19:13 Les députés ont entendu 221 personnes pendant plus de 200 heures
19:17 décortiquer l'instruction, pointer les dysfonctionnements
19:21 et établir les responsabilités de chacun.
19:23 -Une commission parlementaire qui a duré 4 mois,
19:26 4 mois d'audition, des journalistes dont je faisais partie,
19:31 des magistrats, des avocats, des experts,
19:35 mais aussi des acteurs sociaux, médicaux,
19:39 sont passés devant une trentaine de personnes,
19:42 dont la plupart étaient des parlementaires,
19:45 et ont essayé d'expliquer ce qu'ils avaient fait.
19:49 Ces parlementaires ont souvent donné beaucoup de leçons,
19:52 et c'était ça qui était un peu gênant,
19:54 parce que ces parlementaires, c'est quand même eux
19:57 qui votent le budget de la justice,
20:00 le budget misérable de la justice,
20:03 et c'était un peu fort de café,
20:05 qu'ils donnent des leçons à tout le monde,
20:07 alors que quand même, une des raisons du fiasco judiciaire d'outreau,
20:11 c'était aussi parce qu'il y a quand même un manque de moyens flagrants dans la justice.
20:16 -Il y a encore tout un tas de propositions qui ont été émises par la commission,
20:21 et qui aujourd'hui n'ont pas été mises, malheureusement,
20:24 qui n'ont pas été traduites par la loi, c'est vrai,
20:26 donc il y a encore du chemin à parcourir.
20:28 -Moi je dirais que cette commission, elle a accouché d'une souris,
20:32 mais je suis sans doute malpensant.
20:36 [Musique]
20:44 -André Valigny, la commission que vous présidiez a suggéré des réformes,
20:49 lesquelles ont été adoptées ?
20:54 -Depuis quelques années, j'entends beaucoup dire que cette commission n'a servi à rien,
20:58 et que cet énorme travail parlementaire, finalement, a débouché sur quasiment rien.
21:02 C'est faux. Des réformes ont eu lieu.
21:05 Et la loi de 2007 a notamment prévu que dans chaque département,
21:09 existe désormais une cellule de recueil des informations préoccupantes,
21:13 une crip pour repérer et signaler surtout les enfants en danger,
21:17 en danger de maltraitance.
21:19 De la même façon que depuis la commission Outreau,
21:22 la détention provisoire a été mieux encadrée.
21:25 Il est moins facile aujourd'hui pour un magistrat
21:28 de mettre quelqu'un en détention provisoire.
21:30 Les critères à remplir sont plus nombreux et plus précis.
21:33 Troisième avancée que l'on doit à la commission Outreau,
21:36 mais pas seulement à la commission Outreau, c'est la réforme de la garde à vue.
21:39 A l'époque d'Outreau, les avocats n'avaient pas accès à la garde à vue.
21:42 Aujourd'hui, grâce à une loi de 2011,
21:45 les avocats peuvent assister leurs clients en garde à vue.
21:48 La seule vraie grande réforme que nous avions préconisée,
21:52 et qui n'est pas mise en oeuvre aujourd'hui, c'est la collégialité de l'instruction.
21:55 Parce que tous les débats autour de l'affaire Outreau,
21:58 en termes de procédure pénale,
22:00 tous ces débats tournaient finalement autour du juge d'instruction.
22:03 Est-ce qu'il faut supprimer ou non le juge d'instruction ?
22:06 Nous avons conclu à la majorité, pas à l'unanimité,
22:09 mais à la majorité de la commission, qu'il fallait conserver le système
22:11 de l'instruction à la française, à condition d'en finir avec le juge unique,
22:15 seul, solitaire.
22:17 C'est toujours dangereux, un juge unique, solitaire,
22:20 surtout s'il est inexpérimenté, comme c'était le cas dans l'affaire Outreau.
22:23 Dans Outreau, qu'est-ce que ça aurait changé, la collégialité des juges ?
22:26 Notre idée, c'est de faire en sorte que les affaires qui vont à l'instruction,
22:31 c'est-à-dire les affaires les plus difficiles,
22:33 que ces affaires soient instruites par trois magistrats instructeurs.
22:37 Un juge expérimenté, un juge qui débute,
22:40 et puis un juge en pleine capacité professionnelle,
22:43 à trois, ces trois juges pourraient sans doute faire un meilleur travail.
22:48 C'est toujours utile d'avoir des regards croisés,
22:50 de pouvoir échanger avec ses collègues,
22:52 de savoir si on ne fait pas fausse route.
22:55 - Avec le recul, on peut se poser la question.
22:58 Plusieurs juges sur un même dossier,
23:00 cela aurait-il empêché Myriam Badawi d'accuser à tort et à travers ?
23:04 Peut-être.
23:06 Aujourd'hui, celle par qui le scandale est arrivé est libre.
23:10 Myriam Badawi est sortie de prison en septembre 2011
23:14 après avoir purgé 10 ans, soit les 2/3 de sa peine.
23:18 - Madame Badawi, vous avez été la première femme à avoir été accusée
23:22 de la mort de son fils.
23:24 - Madame Badawi a été condamnée moins sévèrement que son mari.
23:30 Moi, j'ai eu un peu de mal à le comprendre.
23:34 La justice est passée, Madame Badawi a purgé sa peine,
23:40 elle est sortie de prison.
23:42 Comme on dit, elle a payé sa dette à l'égard de la société,
23:45 à la hauteur de ce qui avait été fixé.
23:48 C'est vrai qu'elle est à sa manière la pierre angulaire de cette procédure
23:52 et que sans doute, elle sait encore pas mal de choses
23:55 qu'elle ne dit pas, qu'elle n'a pas dites.
23:58 - Aujourd'hui, Myriam Badawi veut refaire sa vie,
24:01 loin d'outreau, loin de son passé et de ses enfants.
24:05 - Myriam Badawi, elle est sortie de prison,
24:09 elle a trouvé un travail, a priori.
24:13 Elle est, on va dire, en Angloise de la France.
24:17 Elle a changé complètement physiquement,
24:20 il paraît qu'on ne la reconnaîtrait plus, c'est ce qui se dit.
24:22 - Aurélie Grenon et Thierry Delplanque sont sortis eux aussi
24:29 et tentent de se faire oublier.
24:31 A ce jour, seul Thierry Delay, le mari de Myriam Badawi,
24:34 est toujours derrière les barreaux.
24:36 Condamné à 20 ans de prison, il serait libérable en 2021.
24:40 Maître Crépin, vous la voyez, que fait-elle ou vit-elle aujourd'hui ?
24:44 - Elle essaie de se reconstruire dans une structure d'accueil,
24:47 je dirais en bricolant, c'est-à-dire en rendant service.
24:50 Dès qu'il y a une heure de travail à effectuer,
24:53 elle est prête à l'effectuer, elle est disposée.
24:56 Parallèlement, elle a son suivi socio-judiciaire
24:58 avec ses mesures d'accompagnement psychologique et psychiatrique.
25:01 Elle est en phase de reconstruction.
25:03 Je suis convaincu, pour ma part, qu'elle y arrivera.
25:05 - Myriam Badawi n'a pas le droit de s'exprimer aujourd'hui.
25:08 La justice le lui a interdit. Est-ce que vous trouvez ça normal ?
25:12 - Ce n'est pas normal. Cette femme est muette.
25:15 Il faut qu'elle soit muette pendant 10 années à partir de sa libération.
25:19 Qu'est-ce qu'on craint ?
25:20 Je crois que Myriam Badawi a été une arme extrêmement utile
25:23 et qu'on craint sans aucun doute qu'elle puisse s'expliquer aujourd'hui
25:27 les conditions dans lesquelles elle a pu non seulement faire des aveux,
25:30 mais également porter des accusations extrêmement graves.
25:33 Il faut savoir que son nom était difficile à porter,
25:35 qu'elle a été l'objet de colibés, de violences
25:37 pendant toutes ces années d'incarcération,
25:39 et qu'elle soit aussi protégée contre elle-même,
25:41 qu'elle soit accompagnée, on peut le comprendre.
25:43 Mais qu'elle soit baillonnée, ce n'est pas normal.
25:45 - Un nom difficile à porter, aujourd'hui elle voudrait changer de nom ?
25:48 - Il faut qu'elle change de nom.
25:50 Il suffit de taper le nom de Badawi sur Internet
25:52 pour que vous ayez une multitude d'articles.
25:54 Un employeur qui tape Badawi constate immédiatement
25:57 que c'est cette femme qui a été, je dirais,
26:00 un des personnages essentiels du dossier d'Outreau.
26:03 Il faut qu'elle change de nom.
26:05 Il faut pour cela que le garde des Sceaux,
26:07 que le ministère de la Justice, que le ministre de la Justice
26:10 accepte la requête que nous allons déposer.
26:12 - Dernière question, crue.
26:14 Myriam Badawi a quand même laissé violer ses enfants par son mari.
26:20 Est-ce que ses enfants pourront lui pardonner un jour ?
26:23 - Ce sera aux enfants de nous le dire.
26:25 En tout cas, je crois que Myriam Badawi, aujourd'hui,
26:28 elle fait tout, et tout dans son attitude et dans sa démarche humaine.
26:31 Elle tend, pas par la recherche du pardon,
26:34 mais par la compréhension de la part de ses enfants.
26:37 Et si ces enfants-là comprennent, peut-être qu'un jour,
26:40 ils pourront pardonner.
26:42 Mais c'est une réponse qui leur appartient à eux et à eux seuls.
26:45 - Le pardon.
26:51 Myriam Badawi l'attend de ses enfants, mais aussi des acquittés d'Outreau.
26:55 L'un d'eux ne pourra jamais le lui accorder,
26:58 c'est François Mourmand, mort dans sa cellule.
27:01 - Ca a été quelque chose de terrible, ça.
27:04 Ca a été quelque chose de terrible de voir sa soeur,
27:07 cette petite bonne femme, qui était au procès
27:10 avec la photo qui portait le portrait de son frère,
27:15 de cet homme dont on ne sait pas s'il s'est suicidé,
27:18 où on sait qu'il est mort en prison, il prenait des médicaments,
27:21 il était au fin fond de son désespoir.
27:24 Ca, c'est terrible.
27:26 Parce que les autres sont restés des éclopés de l'institution judiciaire.
27:29 On ne peut pas se remettre d'une affaire pareille.
27:32 - Des éclopés dont certains ont été depuis à nouveau épinglés par la justice.
27:37 Les époux laviés.
27:39 Après avoir été acquittés en décembre 2005,
27:42 le couple a retrouvé ses enfants,
27:45 acheté une grande maison avec ses indemnités
27:48 et tenté de reprendre une vie normale.
27:50 Mais 6 ans plus tard...
27:52 - C'est leurs enfants de 10 et 11 ans qui ont fugué,
27:56 qui ont marché pendant des kilomètres
28:00 pour retrouver leur famille d'accueil dans laquelle ils avaient été placés
28:05 et qui ont fui la maltraitance de leurs parents,
28:09 qui les punissaient avec des punitions vraiment graves,
28:16 puisque l'expert, à l'époque médicale, a constaté des genoux déformés,
28:21 puisque les parents les ont obligés à rester sur des manches abalées,
28:25 et puis des bouts de doigts écrasés,
28:28 puisque visiblement les parents tapaient sur les bouts de doigts des enfants.
28:33 Donc ce n'est pas rien.
28:35 Ils étaient aussi accusés de corruption de mineurs.
28:38 Les policiers, lors de la perquisition,
28:40 avaient récupéré quand même des choses un peu ambiguës,
28:43 notamment une vidéo où on voyait le couple lavié
28:46 avec quatre autres adultes à moitié nus ou dénudés
28:50 simuler des rapports sexuels devant leurs enfants.
28:55 Voilà, bon, donc, franchement, un dossier lourd.
28:59 -Sandrine et Franck Lavier ont regretté ces gestes déplacés devant leurs enfants.
29:05 En 2012, ils ont été condamnés à 8 et 10 mois de prison ferme
29:09 pour violence habituelle sur leurs enfants.
29:12 Le tribunal n'a finalement pas retenu les faits de corruption de mineurs.
29:20 Aujourd'hui, rares sont les rescapés d'Outreau
29:23 qui ont réussi à revenir de l'enfer.
29:26 Daniel Legrand, fils, a été condamné au 1er procès d'Outreau
29:30 et a dû attendre un an et demi de plus
29:33 pour que son innocence soit reconnue.
29:35 Et ce n'est pas terminé.
29:37 Un procès l'attend encore, en 2015, à Rennes,
29:40 car une partie des faits dont il a été accusé
29:43 a eu lieu alors qu'il n'avait que 17 ans.
29:46 Même si la cour d'assises l'a blanchie,
29:48 Daniel Legrand va devoir s'expliquer de nouveau
29:51 devant une juridiction pour mineurs.
29:54 - Daniel Legrand, lorsqu'au 1er procès,
29:57 le président de la cour d'assises a égréné les noms des accusés,
30:01 qu'il en est venu à vous et que vous avez entendu coupable,
30:05 qu'est-ce que vous avez ressenti ?
30:07 - Du dégoût.
30:09 J'ai été dégoûté d'avoir été condamné à Saint-Omer.
30:12 J'ai été reconnu coupable d'agression sexuelle
30:15 alors que j'ai jamais agressé d'enfant.
30:18 J'ai pas compris.
30:19 - Finalement, votre innocence a été reconnue
30:22 lors du procès en appel.
30:24 Votre vie, après ce cauchemar, c'est quoi ?
30:27 - Difficile de remonter la pente.
30:31 - Vous avez eu un passage très douloureux,
30:34 très pénible, notamment par la drogue.
30:37 Qu'est-ce que vous preniez ?
30:39 - De l'héroïne, cannabis, cocaïne.
30:41 Mais bon, ça, j'aurais pas dû connaître, ça.
30:44 Si l'affaire Dupont n'aurait pas été là,
30:46 je serais toujours sportif à l'heure actuelle.
30:49 Mais là, même le sport, je suis plus attiré.
30:52 - Et comment vous avez fait pour vous en sortir ?
30:54 - J'ai eu un traitement et je l'ai encore aujourd'hui.
30:57 Sans ce traitement-là, je serais pas dans mon assiette.
31:01 - La prison, ça a été dur, j'imagine.
31:05 Il fait pas bon être pédophile en prison ?
31:08 - Des insultes derrière ma porte,
31:09 on frappe à ma porte des grands coups.
31:11 Ils m'ont traité de pointeur, de pédophile,
31:14 de du trou, tout ça.
31:16 Ils m'ont traité de tous les noms.
31:18 - Vous sortiez quand même de votre cellule ?
31:20 - Quand j'étais à l'âge, j'ai pas connu la promenade.
31:22 Après, j'ai été transféré à Longuesness.
31:24 Et quand j'étais transféré à Longuesness,
31:26 mon père, il a été transféré de Hamia à Frennes.
31:29 On l'a mis à Frennes, dans la région parisienne,
31:32 loin de sa famille.
31:34 Ça l'a détruit aussi, mon père.
31:36 - Effectivement, votre père n'est plus là aujourd'hui ?
31:39 - Non.
31:40 - Qu'est-ce qui s'est passé ?
31:41 - Il est tombé malade, puis il s'en est pas remis.
31:44 - Qu'est-ce qu'il a eu ?
31:46 - C'est une maladie, un cancer.
31:48 - Vous pensez que c'est l'affaire Doutreau qui l'a brisé ?
31:51 - Ça a beaucoup joué, ouais.
31:53 Mon père, il demandait rien à personne.
31:59 On demandait rien à personne, nous, les Legrands.
32:01 Et on est venus nous faucher du jour au lendemain.
32:04 On nous a pas fait de cadeaux.
32:05 Les Legrands, ils ont un bon dos.
32:07 On a le dos large, nous.
32:10 Les Legrands, on les salue bien.
32:14 Alors qu'on est des gens comme tout le monde.
32:16 - Bien que vous ayez été acquitté par la Cour d'assises,
32:21 vous allez devoir encore répondre pour la même chose,
32:24 pour les mêmes faits Doutreau, devant la Cour d'assises des mineurs.
32:28 - Ouais, mais c'est scandaleux.
32:30 C'est un procès pour rien.
32:32 Alors on nous a quitté à Paris, en procès en appel,
32:35 et là, on me refait un procès pour passer en mineur.
32:39 Faut arrêter, quoi.
32:41 Ca n'y que n'y peut-être.
32:43 - Vous êtes inquiet ?
32:45 - Pas vraiment, non.
32:47 Y a rien dans le dossier.
32:49 Ils peuvent pas me mettre en prison pour des choses que je n'ai pas faites.
32:52 Mais j'irai là-bas, rien, je me défendrai.
32:55 Enfin, j'en sortirai la tête haute, j'espère.
32:58 - Aujourd'hui encore, pour la plupart des protagonistes de l'affaire Doutreau,
33:07 comme pour Daniel Legrand,
33:09 le chemin de la reconstruction est encore long.
33:12 Roselyne Godard, la boulangère, s'est engagée dans des études de droit
33:16 pour devenir avocate avant de renoncer.
33:18 L'abbé Vielle, lui, a mis un point d'honneur
33:21 à retourner vivre dans la tristement célèbre Tour du Renard.
33:25 L'huissier de justice Alain Marécaud a retrouvé sa vie d'avant, enfin presque.
33:30 - Alain Marécaud, dans une sorte de pied de nez à l'institution judiciaire,
33:34 enfin c'est comme ça que ça a été compris, pas par lui,
33:37 mais par beaucoup de commentateurs,
33:39 a décidé de redevenir huissier de justice
33:43 et de prêter un nouveau serment au tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer.
33:48 Il a refait sa vie après son divorce, et voilà.
33:53 Et alors, ce qui est plus compliqué,
33:55 mais je pense que les choses finiront par s'arranger, je l'espère en tout cas,
34:00 mais ce sont ses enfants, la situation des enfants.
34:04 L'élan a été brisé de ses enfants.
34:06 C'est des enfants qui étaient très prometteurs au plan scolaire,
34:09 qui travaillaient bien, qui étaient bien équilibrés, etc.
34:14 Et puis, d'un seul coup, tout s'est arrêté.
34:17 - Quant à Karine Duchochoy, la plus visible des acquittées d'Outreau,
34:22 elle est la seule à s'en être véritablement sortie.
34:25 Devenue journaliste, elle anime depuis février 2013
34:28 une nouvelle série documentaire sur la chaîne Planète Crime Investigation,
34:32 baptisée "Engrenage infernal".
34:35 En parallèle, elle tient une chronique consacrée au droit
34:40 sur l'antenne de France Info.
34:42 Karine Duchochoy, vous êtes finalement l'une des seules
34:50 à être vraiment sortie de l'enfer d'Outreau.
34:52 - Moi, ça m'est arrivé, j'avais à peine 20 ans,
34:54 donc j'avais encore les ressources et, je pense,
34:57 les forces nécessaires pour rebondir et pour en faire autre chose.
35:01 Puis aussi, sûrement, une force de caractère
35:03 qui était chez moi déjà là et qui était en moi.
35:08 Et puis est venue cette affaire et je me suis dit,
35:10 mais non, je ne suis pas ça, je vais me battre,
35:14 je vais leur montrer que ce n'est pas vrai.
35:15 Je me suis battue, j'ai réussi à prouver que ce n'était pas vrai,
35:18 à être innocentée à Outreau, à Saint-Omer, en tout cas au procès.
35:23 Et là, j'ai dit, maintenant, je vais vous montrer qui je suis.
35:26 Et là, j'ai mis toute mon énergie à la reconstruction,
35:32 à ce métier de journaliste où j'ai dit, je veux devenir journaliste.
35:36 Je n'ai pas lâché, j'ai mis mon énergie et j'y suis arrivée.
35:38 - Vous vous avez échappée, vous, à la prison ?
35:40 - Je suis la seule dans toute cette affaire à ne pas avoir été en prison.
35:44 Ça a été ma chance, je pense, même si le juge Burgo
35:46 a voulu m'y mettre deux fois.
35:48 Le pire dans tout ça pour moi, c'est que quand même,
35:51 pendant toute cette période, on m'enlève mon fils,
35:54 à l'époque, il y a cinq ans, et je ne le retrouverai que trois ans plus tard,
35:58 à la cour d'assises de Saint-Omer, à huit ans.
36:01 - Aujourd'hui, vous l'avez retrouvé, votre fils ?
36:03 - Je ne l'ai jamais vraiment retrouvé, non.
36:05 Déjà, on ne vous le redonne pas comme ça tout de suite.
36:07 On vous dit, il va falloir le réapprendre à vivre avec vous.
36:10 Ce qui n'est pas faux. Ils ont raison, ils savent ce qu'ils font,
36:14 parce qu'ils savent très bien qu'ils détruisent les gamins pendant ce temps-là
36:17 et que le gamin, il ne peut pas revenir dans sa famille comme ça,
36:19 du jour au lendemain, et reprendre sa vie normale.
36:22 Donc, il a été quinze jours chez son père, quinze jours avec moi,
36:25 parce qu'on était séparés.
36:27 Et à la finale, il a choisi de repartir avec son père.
36:29 Et il est toujours resté avec son papa, encore aujourd'hui.
36:32 Donc, non, je n'ai jamais vraiment récupéré mon fils,
36:35 et encore aujourd'hui, je ne l'ai pas récupéré, non.
36:37 - Tous les aquités d'outreau ont été indemnisés.
36:39 Est-ce que votre indemnisation a été à la hauteur du préjudice ?
36:42 - Tout l'argent du monde, tout l'or du monde,
36:44 ne peut pas réparer ce qu'on nous a fait.
36:47 Parce que même si aujourd'hui, on était millionnaire,
36:49 on aurait une vie aisée, on n'aurait pas de problème,
36:52 on serait toujours passé par là où on est passé.
36:54 Donc, c'est pas une question d'argent.
36:56 Après, chacun a eu son préjudice, a été évalué
36:59 selon les mois de prison, les années de travail perdu,
37:02 s'il travaillait, etc.
37:04 Mais c'est pas l'indemnisation qui nous a rendu notre vie d'avant, non.
37:08 - Quinze ans plus tard, Karine Duchochois continue son chemin
37:15 dans le monde des médias.
37:17 Les médias qui ont une responsabilité incontestable
37:20 dans le dérapage de l'affaire d'outreau.
37:22 Ils auraient pu être un contre-pouvoir et, alertés,
37:25 ils n'ont fait qu'amplifier les atteintes aux personnes
37:27 injustement mises en cause, avant de prendre un virage.
37:31 Un virage à 180 degrés.
37:33 - Il y a une certaine presse qui aime la dramatisation des choses,
37:38 qui vit du scandale, qui vit de toutes ces affaires
37:41 un peu sulfureuses, vous savez.
37:43 Cette affaire d'outreau, elle va vraiment intéresser
37:46 une certaine presse, que quand il y a un huissier dedans,
37:49 un curé dedans, une boulangère dedans,
37:53 une infirmière dedans, et là on se dit,
37:55 c'est une espèce de notable qui vont faire leur marché
37:59 dans les HLM auprès des classes défavorisées,
38:02 et des familles qui prostituent des enfants, etc.
38:06 Bon, là, c'est un peu ça.
38:07 - Je pense qu'on en a trop fait, qu'on est passé d'un extrême à l'autre,
38:10 de tous coupables à, bon, entre guillemets, tous innocents.
38:13 Et les médias, je pense, on n'a pas été assez dans la nuance.
38:19 On a été un peu... On s'est emballés, comme souvent.
38:25 Aujourd'hui encore, plusieurs années après la fin de l'affaire,
38:29 Outreau ne cesse de nourrir les polémiques.
38:32 Une fiction a été réalisée pour le cinéma,
38:35 présumée coupable, avec Philippe Toretton.
38:38 Un film engagé, dur, qui raconte le calvaire d'Alain Maréco,
38:41 l'huissier d'Outreau.
38:44 Mais c'est le documentaire réalisé 2 ans plus tard
38:47 par le journaliste Serge Gard et produit par Bernard de la Villardière,
38:51 Outreau, l'autre vérité, qui provoque un séisme
38:54 dans le monde judiciaire et dans la vie des acquittés d'Outreau.
38:58 - A tous les jeunes de France.
39:01 A mon frère Dimitri, Jonathan, Dylan.
39:05 Et à mon père.
39:07 - Un documentaire choc qui, à 2 mi-mot, remet en cause
39:10 l'innocence de certains acquittés, blanchit le juge Burgo
39:14 et donne la parole aux enfants.
39:17 - ...enfance maltraité, pérennissieux, virus crété.
39:20 ...
39:27 - Serge Gard, vous êtes le réalisateur du film
39:30 Outreau, l'autre vérité. Comment vous est venue l'idée
39:33 de faire ce film ? - Ce qui m'est apparu très suspect,
39:36 c'est que tous les médias nous ont servi la même soupe,
39:41 la même version. Or, quand on regarde les grandes affaires
39:45 criminelles depuis que les courtes d'assises existent,
39:48 l'opinion publique et les médias ont toujours été divisés.
39:53 Sauf dans l'affaire d'Outreau. Outreau, c'était devenu un tabou.
39:58 Quiconque remettait en doute, ne serait-ce que sur
40:02 certains points secondaires. La version officielle,
40:06 qui est celle que tout le monde a dans la tête,
40:09 à savoir que l'affaire d'Outreau, c'est un fiasco provoqué
40:14 par une femme mythomane, par des enfants menteurs
40:17 et un juge incompétent. Dès l'instant où on touchait
40:21 à ce dogme, immédiatement, ça provoquait des réactions
40:25 d'une violence extrême.
40:28 Dans votre film, clairement, vous remettez en question
40:32 l'innocence de certains des acquittés.
40:35 Ce n'est pas ma démarche, encore une fois.
40:38 Il faut revenir aux faits et aux dossiers.
40:41 Vous avez à l'issue de deux procès, quatre adultes
40:46 qui sont condamnés pour des actes de viol,
40:52 des actes de barbarie, etc. Ils sont condamnés
40:55 pour proxénétisme. La question qui se pose,
40:59 c'est s'il y a proxénétisme, où sont les clients ?
41:02 L'autre couple ? Ça fait quatre personnes.
41:05 Admettons. Mais comment vous expliquer que douze enfants
41:08 ont été reconnus victimes de viol et indemnisés
41:11 en tant que tels ? Les quatre n'étaient pas les parents
41:15 de ces douze enfants. Alors, comment les douze enfants
41:18 sont venus se faire violer ? C'est leurs parents
41:21 qui les ont amenés ? Comment ça s'est passé ?
41:24 Moi, je n'ai pas la réponse à ça.
41:26 Votre film, est-ce que c'était un moyen de libérer
41:28 la parole de ces enfants ?
41:30 Tous les enfants qui ont été victimes de viol
41:37 et victimes de l'institution judiciaire dans cette affaire
41:41 vont très mal. Ils vont très mal.
41:44 Il faut bien mesurer que ça fait dix ans
41:47 qu'on répète partout que ce sont eux, les enfants,
41:51 qui sont responsables du fiasco d'outreau.
41:55 Que ce sont des menteurs.
41:56 Que ce sont des menteurs.
41:58 Je le dis très clairement,
42:01 ceux qui ont diffamé durablement les enfants
42:07 ont pris et continuent à prendre un gros risque
42:11 parce que ces enfants, on en a fait des bons bartardements.
42:14 Je crois qu'il faut bien mesurer leur souffrance
42:18 et, j'allais dire, leur dangerosité potentielle.
42:23 Vous savez, quand vous êtes victime d'abord de viol
42:26 et ensuite, vous êtes victime de la société
42:28 qui vous dit "tais-toi, t'es un menteur",
42:31 il y a de quoi péter un plomb.
42:34 Pour toujours, Outreau restera dans les annales judiciaires
42:38 l'affaire qui a changé le regard porté sur la parole des enfants.
42:42 Durant des siècles, les agressions dont étaient victimes l'enfant
42:46 au sein de sa famille étaient taboues.
42:48 La parole de l'enfant considérée comme peu fiable.
42:52 En 1989, la loi a enfin instauré un dispositif de protection
42:57 de l'enfance maltraitée.
42:59 Depuis une vingtaine d'années donc,
43:01 on accorde du crédit à cette parole.
43:04 Mais depuis l'affaire d'Outreau, nouveau retournement de situation.
43:08 Les spécialistes, les experts disent qu'effectivement,
43:11 il y a eu un avant et un après d'Outreau
43:13 et qu'ensuite, la parole de l'enfant
43:17 a été systématiquement mise en doute
43:22 et que, bien, il y avait, tout d'un coup,
43:27 l'enfant était devenu celui dont on devait se méfier
43:31 et on sait à quel point c'est difficile pour un enfant
43:35 ou pour un magistrat ou pour un expert
43:39 de récolter la parole d'un enfant qui a été abusé.
43:45 C'est très difficile, mais les spécialistes, en général, le disent.
43:49 Ils disent qu'il y a eu un avant et un après d'Outreau
43:51 et qu'on a payé, que l'on a vraiment payé
43:56 tout ce déballage et cette suspicion,
43:59 ce lynchage, on va dire, presque des enfants.
44:03 L'affaire d'Outreau a, à l'évidence,
44:06 changé le regard des professionnels de la justice
44:10 mais aussi des jurys populaires sur la parole de l'enfant.
44:14 Non pas que l'enfant, je dirais, mente de manière systématique
44:20 ou qu'il faille parce que c'est la parole de l'enfant,
44:24 systématiquement, sans méfier, suspecter que l'enfant puisse mentir,
44:28 mais simplement, Outreau affirme, de la manière la plus simple,
44:34 je dirais, avec un bon sens qui est tout à fait élémentaire,
44:37 que l'enfant peut mentir.
44:39 C'est pas que l'enfant ment et qu'il a vocation à mentir,
44:43 mais qu'il peut mentir.
44:45 Ce sont les enfants de Myriam Badaoui et de Thierry Delay
44:48 qui sont au cœur de la polémique.
44:51 Des enfants dont la souffrance est pourtant indéniable.
44:54 Des enfants à l'âge des cours de récréation
44:57 jetés devant une cour d'assises.
45:00 Pour avouer devant la France entière qu'ils avaient menti,
45:03 qu'ils avaient accusé des innocents.
45:06 Il suffit de les voir aujourd'hui pour comprendre
45:09 qu'il y a eu quand même un problème.
45:12 Ils sont, je le disais, en lambeaux, complètement déstructurés.
45:17 Et là encore, il y a une responsabilité.
45:19 Je sais pas, mais c'est vrai que ces enfants ont été placés
45:22 dans des familles d'accueil.
45:24 À 18 ans, pfiou, plus rien.
45:26 Bon, alors peut-être que c'est normal, je sais pas.
45:28 Mais à 18 ans, ils ont été livrés à eux-mêmes, complètement.
45:31 Donc on aurait pu quand même, je sais pas, se dire qu'à 18 ans,
45:36 peut-être qu'il fallait continuer à suivre ces enfants
45:40 qui n'en étaient plus, mais qui étaient des jeunes adultes, quoi.
45:43 Donc voilà, c'est vrai qu'eux le vivent très mal.
45:47 - Nous avons retrouvé Dimitri Delay, le second de la fratrie.
45:51 C'est lui qui a parlé le premier,
45:53 qui a dénoncé les viols que ses frères et lui subissaient.
45:56 C'est par lui que l'affaire Doutreau a éclaté.
45:59 Au moment de l'interview, Dimitri a 21 ans.
46:02 Il est sans emploi et sans domicile fixe.
46:05 Sa vie est en lambeaux.
46:07 - Dimitri Delay, on vous a traité de menteur.
46:12 - Oui. Plusieurs reprises.
46:17 Ca fait mal. Ca fait mal.
46:20 Et on se sent... On se sent rejeté, incompris.
46:23 On a l'impression d'être un yo-yo
46:26 qui est projeté de gauche à droite.
46:29 On n'a pas dit les choses pour se faire un buzz.
46:33 Je pense pas qu'un gamin de 7 ans arriverait à imaginer
46:37 ou quelqu'un le vissouflerait à l'oreille.
46:40 "Tiens, dis ça pour qu'il se passe ça." Non.
46:43 Ce qu'on a dit, c'est parce qu'on l'a vraiment vécu.
46:46 Parce qu'on voit encore les flashes, les images.
46:49 On voit encore les détails, les cris, les pleurs.
46:52 Les sentiments de sentir réinformé,
46:56 de pas avoir d'échappatoire.
46:59 Si je m'en sors pas, c'est que j'ai pas eu de repères.
47:03 On n'a pas vécu comme des gens normaux.
47:06 Y a rien qui était concret. Rien.
47:13 Aujourd'hui, j'ai pas d'objectif.
47:18 J'ai pas de porte qui s'ouvre.
47:21 J'ai pas de garantie.
47:24 Je sais pas ce qui sera fait pour moi demain,
47:27 ni au prochain jour.
47:30 J'ai pas confiance en moi, j'ai pas confiance aux gens.
47:33 - Vous dormez où ? Vous vivez de quoi ?
47:38 - Je vis à l'arrache. Je dors à l'arrache.
47:41 Je vis chez des copains,
47:44 des fois dans des squats, des lieux désinfectés,
47:47 dans des maisons abandonnées.
47:51 Tout ce qu'on peut trouver pour être à la horreur.
47:54 - Comment vous faites pour manger ?
47:58 - C'est la débrouille.
48:00 On vit avec ceux qui ont le cœur sur la main.
48:03 Sinon, quand on a pas ces personnes-là,
48:08 on fait comme on peut.
48:11 Moi, j'y pars. Je suis pas un saint.
48:14 Combien de fois je suis parti dans des magasins
48:17 pour voler des tartines et un paquet de tranches
48:20 de viande pour pouvoir manger ?
48:23 - Votre mère, Myriam Badaoui, est sortie aujourd'hui.
48:26 - Faut pas que je la voie.
48:29 Et vaut mieux pas. Mais j'ai même pas envie de la voir.
48:32 Pourquoi revoir des...
48:41 Revoir des monstres ?
48:45 Pourquoi être encore dans les cauchemars ?
48:48 On a plus des envies...
48:53 négatives qu'autre chose
48:58 envers ceux qui nous ont fait du mal.
49:01 - Pensez que vous pourrez pardonner un jour ?
49:04 - Non. Parce que...
49:07 Non, non.
49:13 Ils méritent pas qu'on leur donne le pardon.
49:16 Non. Ils méritent juste de s'en mordre les doigts
49:23 et de comprendre que, un jour ou l'autre,
49:26 tout se paye. La roue tourne.
49:29 Je dis pas "tout se paye pour faire une menace", non.
49:32 Mon objectif aujourd'hui, je pense même pas.
49:35 Je pense même pas à les attaquer.
49:38 Je pense même pas à les tuer.
49:41 Je pense même pas à les attaquer.
49:44 Je pense pas à aller chez eux et à les surveiller.
49:47 Non. J'espère juste qu'un jour,
49:50 ils vont se prendre un bâton dans les roues
49:53 et qu'ils vont galérer comme nous on galère depuis tant d'années.
49:56 Je pourrais partir comme beaucoup de gens,
49:59 beaucoup de gens qui ont subi des choses.
50:02 Ah, puis y a eu un détournement.
50:05 Ils ont explosé en eux-mêmes.
50:08 Ils ont décidé de faire leur propre justice.
50:11 Malheureusement, cette justice-là, elle est pas autorisée.
50:14 Je peux pas me permettre de la faire.
50:17 Ce que je peux me permettre, c'est de m'en sortir
50:20 et de leur montrer que, bah, vous voyez,
50:23 vous m'avez massacré toute mon enfance.
50:26 Aujourd'hui, je peux m'en sortir.
50:29 Et ça, je pense que ça sera ma plus grosse arme. Ouais.
50:36 -Des années après la révélation du scandale,
50:39 après le désarroi des victimes, les larmes désacquitées
50:42 et les excuses du président de la République,
50:45 l'affaire Doutreau brûle encore.
50:48 Elle reste un drame humain impossible à effacer
50:51 de la mémoire collective, mais aussi une crainte pour tous.
50:54 Un nouvel Doutreau est-il encore possible ?
51:03 -Est-ce que nous sommes à l'abri, au fond ?
51:06 Malheureusement, non. Malheureusement,
51:09 la justice peut encore se tromper. Elle se trompe parfois,
51:12 mais... ou trop bizarrement, paradoxalement.
51:15 On n'est pas une erreur judiciaire.
51:18 Parce qu'au final, les coupables ont été condamnés
51:21 et les innocents ont été acquittés. Mais au bout du compte,
51:24 malgré tous ces dégâts collatéraux, malgré toutes ces victimes,
51:27 malgré toutes ces souffrances, à la fois souffrances des enfants victimes,
51:30 mais souffrances aussi des acquittés,
51:33 ça n'est pas une erreur judiciaire.
51:36 (Générique)
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