L'affaire avait été le déclencheur de plusieurs nuits de révolte d'une intensité exceptionnelle dans les rues de plusieurs villes de France. Près d'un an après la mort de Nahel, jeune de 17 ans tué le 27 juin 2023 par un tir de police, la justice organisait ce dimanche 5 mai une reconstitution des faits en présence des protagonistes à Nanterre en présence de Maitre Nabil Boudi.
Regardez L'invité de RTL avec Amandine Bégot du 06 mai 2024
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00:00 *RTL matin*
00:02 RTL 7h43, Amandine Legault, vous recevez donc ce matin l'avocat de la mère de Naël, Maître Nabil Boudi.
00:09 Naël, on le rappelle, c'est ce jeune homme de 17 ans tué le 27 juin dernier après un refus d'obtempérer
00:14 alors qu'il était au volant d'une puissante voiture immatriculée en Pologne.
00:17 C'est ce drame qui avait déclenché les émeutes du début de l'été.
00:20 Une reconstitution a eu lieu hier à Nanterre, sur les lieux.
00:24 C'est un moment très important, Maître, puisque pour la première fois, tous les protagonistes étaient réunis.
00:29 Le policier qui a tiré, son collègue également, ainsi que les deux passagers qui se trouvaient dans la voiture avec Naël,
00:34 deux jeunes âgés de 14 et 17 ans au moment des faits.
00:37 Vous y étiez, la mère de Naël également, elle n'y était pas obligée, pourquoi est-ce qu'elle a voulu y assister ?
00:43 Vous savez, la maman de Naël, au Khmounia que je représente, c'est une maman endeuillée qui a vécu un terrible drame,
00:51 qui a vu la mort de son fils quasiment en direct, se faire exécuter comme ça de sang-froid,
00:57 on en parlera ensuite sur les conditions.
01:00 Je pense qu'elle arrivera à faire son deuil quand l'enquête sera terminée, quand on aura un procès.
01:06 Donc naturellement, hier, voir le véhicule de son fils sur la scène,
01:13 voir les policiers qui ont ôté la vie de son fils, a été un moment particulièrement douloureux pour elle,
01:20 qu'elle attendait, qu'elle appréhendait,
01:23 qui a ravivé un certain nombre de souvenirs particulièrement douloureux pour elle,
01:27 mais comme depuis le début de la procédure,
01:31 elle a fait preuve d'un immense courage, d'une immense résilience,
01:36 d'une particulière dignité, puisqu'elle s'est rendue dans la zone, en tout cas, de la reconstitution,
01:44 et elle a passé toute la journée à attendre,
01:46 à attendre que la reconstitution avance,
01:49 elle a posé des questions à son conseil,
01:52 pour essayer de comprendre ce qui se passait,
01:54 pour essayer d'avoir plus d'éclaircissement,
01:56 d'avoir des détails sur les raisons qui ont conduit à la mort de son fils.
02:01 Donc il y a quand même eu une part de soulagement de sa part hier.
02:04 Maître Boudi, l'enjeu de cette reconstitution, c'était notamment de savoir si les policiers étaient ou non en danger au moment des faits.
02:12 On va, point à point, voir ce qui s'est passé, ce qu'il a pu se passer,
02:16 et surtout ce qu'a dit la reconstitution d'hier.
02:18 Florian M, le policier qui est mis en examen pour homicide volontaire,
02:21 avait donné avant cette reconstitution, trois raisons à sentir.
02:24 Première raison, il dit avoir eu peur pour son collègue,
02:27 peur qu'il se fasse renverser, embarquer ou écraser.
02:29 Est-ce que ce matin, après la reconstitution d'hier, cette explication tient toujours ?
02:34 - Vous imaginez que je ne suis pas en capacité aujourd'hui de répondre à toutes les questions,
02:39 notamment celles qui sont couvertes par le secret de l'instruction,
02:41 mais on a des images.
02:43 Et la reconstitution telle qu'elle a été produite hier, c'est sur la base de ces images-là qu'elle a été imaginée.
02:51 Vous savez, l'expert qui a positionné le véhicule s'est appuyé sur les images qui circulent depuis le départ.
02:56 Depuis le départ, quelle est la position de la partie civile, de la maman que je représente ?
03:00 C'est de dire, et on le voit très bien sur les images,
03:03 qu'au moment où le policier va faire usage de son arme,
03:08 vous savez c'est bien réglementé, l'usage d'une arme à feu, en service,
03:12 et les conditions de la légitime défense sont des conditions strictes.
03:16 - Très encadrées. C'est le code de sécurité intérieure.
03:19 - Exactement. Ce que dit le code, c'est qu'un policier peut faire usage de son arme,
03:24 doit faire utilisation de son arme en cas de nécessité absolue.
03:31 - Qu'est-ce que ça veut dire ? - S'il est en danger ou si autrui est en danger.
03:33 - Oui. - Nécessité absolue, allez-y.
03:35 - Mais qu'est-ce que ça veut dire nécessité absolue ?
03:37 - Avant même de vérifier si les conditions sont réunies,
03:40 pour savoir s'il y a un danger ou pas un danger,
03:43 qu'est-ce que c'est la nécessité ?
03:45 C'est-à-dire que le code, le législateur a imposé au policier
03:48 de vérifier s'il n'y avait pas d'autre moyen de parvenir à son objectif
03:51 que celui de faire usage de son arme. D'accord ?
03:54 - Sauf que là, dans le cas présent, visiblement, on lui demande à plusieurs reprises,
03:58 un, de s'arrêter la course pour se continuer,
04:00 deux, de couper son moteur, et il ne le coupe pas.
04:03 - Vous savez, le policier dans sa première version, vous vous souvenez de ce qu'il a dit ?
04:06 Il a dit que le véhicule était en train de lui foncer dessus.
04:09 Or, cette version a été contredite par les images,
04:12 et l'évolution des explications et des justifications
04:17 l'a été uniquement en raison de ces images-là.
04:20 Qu'est-ce que ça signifie concrètement ?
04:22 Que si la scène de ce drame n'avait pas été filmée,
04:26 je ne serais pas devant vous aujourd'hui.
04:28 Il n'y aurait pas eu d'affaire Naël.
04:30 Donc, on est en mesure aujourd'hui de douter des explications.
04:34 - Vous dites que c'est un usage disproportionné,
04:37 il n'aurait jamais dû sortir son arme.
04:39 C'est ce que vous nous dites ce matin, qu'on comprenne bien.
04:41 - Il y a quelque chose qu'il faut comprendre, et que je dis depuis le départ.
04:43 Moi, ce qui m'a intéressé, quand j'ai repris ce dossier-là,
04:46 c'est comment on en est arrivé à ce qu'il y ait une scène de cette violence,
04:50 avec une telle intensité,
04:52 et qu'on n'ait pas pu interpeller ces individus,
04:55 et moi, on ne l'enlèvera pas.
04:57 Naël aurait dû être descendu de son véhicule,
05:00 comme les témoins l'expliquent depuis le départ.
05:03 Des témoins qui n'ont aucun lien, ni avec les victimes,
05:06 ni avec les mises en examen,
05:08 ont expliqué que quand les policiers sont arrivés à la hauteur du véhicule,
05:13 il n'y a pas eu de discussion possible.
05:15 - Oui, sauf que, maître, pardonnez-moi,
05:17 mais ça faisait plusieurs minutes que ces policiers
05:19 essayaient d'arrêter ce véhicule,
05:21 il y a eu cette course aux poursuites.
05:23 Naël, qui était au volant de cette voiture, je rappelle, il a 18 ans,
05:25 il n'a pas de permis, il n'est pas censé être au volant d'une voiture.
05:28 - Il avait pas 18 ans. Vous savez, madame...
05:30 - Il a failli renverser un cycliste, un piéton.
05:33 Le cycliste, il raconte avoir eu la peur de sa vie.
05:36 Si vous voulez, les policiers arrivent enfin à l'arrêter,
05:39 alors même que ça fait plusieurs fois qu'ils lui demandent
05:42 de multiples façons de l'arrêter.
05:44 - Vous savez, madame, moi, je ne suis pas ici pour essayer de vous convaincre.
05:48 La seule chose que je voudrais dire, c'est qu'il ne faut pas inverser les rôles.
05:51 Ce n'est pas à la partie civile, ce n'est pas aux victimes,
05:54 de venir expliquer pourquoi ils ont été tués.
05:57 C'est aux policiers qui ont ouvert le feu sur un individu
06:02 qui n'était pas armé, qui était à l'arrêt,
06:05 qui était en train de coopérer, conformément à ce que racontent les témoins.
06:08 C'est à ce policier-là de nous expliquer pourquoi il a utilisé son arme à feu
06:12 alors que celui-ci a expliqué depuis le départ qu'il avait fait feu
06:17 alors que le véhicule lui fonçait dessus.
06:20 - Il a changé sa version après...
06:22 - Après avoir vu les images.
06:24 Et quelles conséquences vous en tirez, vous, de cette évolution-là ?
06:26 - Je ne suis pas là pour juger quoi que ce soit.
06:28 - Mais c'est ces questions-là qu'il faut poser.
06:30 Pourquoi la version du policier évolue ?
06:33 Parce que le policier, si la vidéo ne sort pas,
06:37 il n'y aurait pas eu d'affaire Nael.
06:39 - Donc le policier ment de A à Z d'après vous ?
06:41 - Alors, chacun tira les conséquences.
06:42 La seule chose que je dis, c'est qu'heureusement qu'on a des images dans ce dossier.
06:46 Sans les images, il n'y aurait pas eu d'affaire Nael.
06:48 - La reconstitution, elle a permis de montrer quoi ? Qu'il mentait ?
06:51 - Alors, moi je ne suis pas là pour accuser telle ou telle personne de mensonge.
06:55 La seule chose que je dis, et que je vais répéter devant vous,
06:58 c'est que, conformément aux vidéos,
07:01 ce qu'il faut comprendre, c'est que la reconstitution s'est fondée sur les vidéos.
07:05 Les vidéos qui ont été diffusées largement dans le public.
07:08 Ce qu'on voit sur la vidéo, c'est que le policier n'est pas en danger.
07:13 Il a expliqué au départ que le véhicule lui fonçait dessus,
07:16 et que c'est pour ça qu'il a fait usage de son arme.
07:18 Donc, la conséquence principale de cette évolution-là,
07:22 c'était que le policier n'était pas en danger de mort.
07:25 N'était pas en danger tout court.
07:27 Et par conséquent, l'usage de son arme n'était pas nécessaire.
07:31 - Il n'était pas en danger, son collègue non plus, sauf qu'autour, il y avait du monde.
07:34 Il était 8h du matin, Nanterre, c'est une heure où il y a du monde.
07:39 Il a pu se dire, si je le laisse filer, il va renverser des gens, et pourquoi pas les tuer ?
07:45 - Dans ces cas-là, ce que vous êtes en train de nous dire, madame,
07:48 c'est que toutes les fois où un véhicule démarre,
07:53 suite à un refus d'obtempérer, il faut faire feu.
07:56 C'est ça que vous nous dites ?
07:57 - Moi, je ne dis rien. Je vous pose la question.
07:59 - Alors, moi, je vous dis que le code est précis.
08:03 L'usage d'une arme à feu doit se fonder uniquement sur un danger imminent, et non pas un danger...
08:08 - Et donc là, le danger n'est pas imminent, d'après vous ?
08:11 - Non, il n'est pas imminent, il est uniquement hypothétique,
08:13 et dès lors, on ne peut pas utiliser une arme à bout portant,
08:16 une arme létale sur un individu de 17 ans, sur la base d'une hypothèse.
08:20 - Maître Boudi, est-ce que vous comprenez qu'une partie des gens qui nous écoutent ce matin se disent
08:25 que Nahel aurait dû s'arrêter dès le départ,
08:28 qu'il a mis en danger la vie de plusieurs personnes,
08:31 que tout ça ne serait sans doute pas arrivé s'il ne s'était pas trouvé au volant de cette voiture,
08:35 s'il s'était arrêté quand les policiers lui le demandaient ?
08:38 - Alors, encore une fois, je ne suis pas là pour faire le procès des victimes,
08:45 il ne faut surtout pas tomber dans ce piège-là d'inverser les accusations...
08:49 - Il ne s'agit pas d'inverser les accusations, de resituer un contexte,
08:52 c'est ce que se disent beaucoup de gens qui nous écoutent sans doute ce matin.
08:54 - Oui, alors, ce que moi je dis aujourd'hui, ce qui intéresse l'enquête,
08:58 c'est les agissements des policiers.
09:01 C'est l'auteur du tir qui est mis en examen.
09:04 Ce ne sont pas les personnes qui sont dans le véhicule,
09:06 parce que leur statut de victime à ces personnes-là, aujourd'hui,
09:09 est confirmé par la justice.
09:11 Donc c'est uniquement aux personnes dont les responsabilités vont probablement être engagées,
09:17 qui doivent s'expliquer aujourd'hui.
09:19 Et c'est tellement vrai que...
09:21 L'enquête, elle s'intéresse à quoi aujourd'hui ?
09:23 Elle ne s'intéresse pas au refus d'obtempérer.
09:25 Elle s'intéresse uniquement à l'épisode qui a eu lieu, place Nelson Mandela.
09:30 - Pour vous, l'homicide volontaire, il ne fait aucun doute ?
09:34 Le policier dit "je n'avais pas l'intention de tuer".
09:36 - Alors, je ne vais pas rentrer sur des détails sur l'intention homicidaire ou pas.
09:41 À bout portant, on est à moins d'un mètre, une arme létale, en direction d'une zone vitale,
09:48 le résultat a été imminent.
09:51 - La prochaine étape, c'est le procès.
09:54 Juste d'un mot, c'est une question de mois, de jour, d'année plutôt ?
09:59 - Oui, alors, vous savez, les instructions sont souvent longues.
10:02 La seule chose que je peux dire aujourd'hui, c'est que l'enquête avance bien, l'enquête avance vite.
10:08 Le juge d'instruction a réalisé, à mon sens, les actes les plus élémentaires pour cette procédure-là.
10:15 Il y en aura d'autres à venir, mais l'enquête avance assez vite
10:18 et on espère un procès assez rapidement pour la vérité et pour Naël.
10:22 - Merci beaucoup, Maître, d'avoir été avec nous ce matin.
10:24 - Le policier n'était pas en danger, vient de nous dire Maître Boudi, qui évoque lui un danger hypothétique.