Les réseaux mafieux recrutent de plus en plus de jeunes adolescents. Engagé par des organisations criminelles, très souvent sur les réseaux sociaux comme Snpachat, un jeune tueur à gage peut espérer gagner entre 20.000 et 30.000 euros par assassinat. L'adolescent de 14 ans, suspecté d'avoir été recruté comme tueur à gage dans le cadre d'un règlement de compte sur fond de narcotrafic, et qui a tué un chauffeur VTC à Marseille, sans lien avec son contrat, avait été recruté pour 50.000 euros. Écoutez Jean-Michel Decugis, grand reporter au "Parisien-Aujourd'hui en France", qui publie "Tueurs à gage, enquête sur le nouveau phénomène des shooters", chez Flammarion.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 08 octobre 2024.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 08 octobre 2024.
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00:00RTL Matin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:05Il est 8h15 et on est encore tous sous le choc des règlements de comptes du week-end à Marseille
00:09avec notamment le recrutement de tueurs à gages mineurs.
00:12Ce matin, Amandine, vous avez donc choisi d'inviter un de ceux qui connaît le mieux ce dossier.
00:16Il sort d'ailleurs un livre sur ce sujet. C'est Jean-Michel Decujis.
00:19Bonjour Jean-Michel Decujis, grand reporter aux Parisiens.
00:22Vous publiez donc ce livre, Tueurs à gages, enquête sur le nouveau phénomène des shooters.
00:26Le livre sort demain chez Flammarion et je le dis très sincèrement aux auditeurs,
00:30c'est le meilleur livre que j'ai lu depuis la rentrée.
00:33C'est passionnant et on apprend plein de choses.
00:35Résultat de plus d'un an d'enquête, donc, sur ces tueurs à gages d'un nouveau genre.
00:39Est-ce que vous aussi, qui connaissez parfaitement ce sujet,
00:41vous avez été surpris par le très jeune âge de ce garçon mis en examen à Marseille ? 14 ans !
00:47En fait, c'est une des problématiques du livre,
00:49c'est qu'on constate un rajeunissement de tous les acteurs du narcomanditisme,
00:55les guetteurs, les vendeurs, les gérants, les grossistes, et maintenant les tueurs à gages.
01:01Donc on devient guetteur à 9 ans, tueur à gages à 14, quoi ?
01:04Voilà, c'est exactement. Tous nos tueurs à gages du livre,
01:07eh bien, ils ont entre 15 et 20 ans, parfois, au plus vieux, 25 ans.
01:13Ces nouveaux tueurs à gages, ils se surnomment les Shooters.
01:16C'est le titre d'ailleurs d'un morceau de rap signé Kaaris.
01:19Je suis né pour les Shooters, oh oh, je suis là pour les lover, oh oh,
01:25je suis né pour les Shooters, oh oh, je suis là pour les lover, lover, lover.
01:31Tu voulais faire quoi, plus grand ? Moi, je voulais faire de la maille.
01:35Des gamins en survêtement, Lacoste, Basket, Nike, ils ressemblent à mille autres.
01:38« Je voulais faire de la maille », dit la chanson qu'on vient d'entendre.
01:42C'est pour ça qu'ils font ça, pour l'argent ?
01:44Alors, c'est une des motivations. Elle n'a pas du gain, mais ce n'est pas seulement ça.
01:48C'est aussi une espèce de quête de valorisation de son existence,
01:53parce que c'est des types complètement déstructurés, complètement désœuvrés.
01:57Ils se rêvent en guerriers.
02:00On est un peu dans le même phénomène que le djadisme.
02:04Vous les comparez aux jeunes qui... Le même mécanisme.
02:08C'est-à-dire qu'ils cherchent à se valoriser, ils cherchent une gloire éphémère.
02:14Ils ont un sentiment d'héroïsation à travers l'appartenance à un groupe criminel
02:20qui fonctionne un peu comme une secte.
02:22Et on voit bien qu'ils sont recrutés sur les réseaux sociaux
02:25comme étaient recrutés les djadistes depuis les sites en Syrie,
02:29où vous aviez des types en Syrie qui recrutaient des jeunes Français à travers les applications.
02:35Et là, on n'est pas... C'est exactement la même chose.
02:36Et ils postent leurs exploits, et je mets là de très gros guillemets, sur les réseaux sociaux aussi.
02:42Alors, ils postent leurs exploits.
02:44On a Mathéo, là, qui est dans le livre, qui est peut-être le personnage le plus emblématique.
02:49Pourquoi ? Parce qu'il avait...
02:51On va revenir sur Mathéo.
02:52D'accord, ok.
02:53Et donc, lui, posté, dès qu'il avait fait...
02:56Même avant, avant d'aller tuer, il se montrait, il se postait sur les vidéos.
03:01Juste encore un mot de l'argent.
03:03L'adolescente de 14 ans qui a été mise en examen à Marseille,
03:06il dit qu'on lui a proposé 50 000 euros pour tuer.
03:0850 000 euros, c'est le tarif ?
03:10C'est beaucoup.
03:12Nous, on a des... Parfois, il y a des offres pour 35 000 euros pour 5 meurtres.
03:16On est dans une grille entre 5 000 et 25 000 euros, à peu près.
03:20Mais il y en a qui font ça pour 2 000 euros, pour 1 000 euros.
03:24Ce qui est frappant aussi, c'est que ces jeunes ne sont pas du tout des spécialistes du maniement des armes.
03:29Pas ou peu d'expérience, et ils tuent dans la précipitation, l'improvisation,
03:33ce qui donne plein d'autres victimes, des victimes collatérales.
03:37Oui, ils sont complètement inexpérimentés.
03:40En général, c'est des petites mains du trafic.
03:42C'est des types qui étaient vendeurs, et tout d'un coup, qui ont été propulsés comme tueurs.
03:46Ils ne savent pas manier les armes, et ils tirent en rafale.
03:50Et Sokhaina, qui est l'exemple le plus terrible pour moi...
03:54Cette étudiante qui a été tuée alors qu'elle révisait...
03:56C'est une étudiante qui a été tuée au 3ème étage alors qu'elle était en train d'étudier, de réviser,
04:00parce qu'elle voulait devenir avocate.
04:04Et elle a été tuée par une balle de kalash, par un gamin qui avait 15 ans au moment des faits,
04:08et qui a tiré comme ça, en rafale, au pied d'un immeuble.
04:11Une des balles a rentré au 3ème étage et a touché la gamine.
04:16Il avait 15 ans, celui qui a été interpellé.
04:19Au moment des faits, oui.
04:20Et il était... C'est un fils de trafiquant.
04:24Comme le gamin de 14 ans qui a été arrêté, ses parents sont trafiquants.
04:29Jean-Michel Décudis, vous disiez recrutés sur les réseaux sociaux.
04:32Ils sont recrutés par qui ? Par des gens qui sont en prison ?
04:36Alors la plupart, 85% des meurtres qui ont eu lieu à Marseille en 2023,
04:42ont été commis depuis la prison.
04:44Par des commanditaires qui sont très...
04:4680% ? Mais c'est énorme ! 85% ?
04:49Oui, mais là on cite dans notre livre une dizaine de commanditaires qui sont en prison
04:56pour des grosses peines et qui continuent leur business.
05:00Parce qu'aujourd'hui, la prison n'arrête plus, ne stoppe plus les têtes de réseau.
05:06Ils continuent leur business, même ils commanditent des meurtres,
05:09ils montent dans la hiérarchie en prison.
05:12La prison est devenue une espèce de plateforme de télétravail,
05:15une espèce d'agence de consultants pour le crime.
05:18La prison, disait-on il y a quelques années, c'est l'école du crime.
05:20Aujourd'hui, c'est ce que vous écrivez, elle est devenue l'université du mal.
05:23Jean-Michel Décudis, je voudrais qu'on s'arrête sur le cas de Matteo,
05:26que vous évoquiez, qui est effectivement un cas hallucinant.
05:2918 ans au moment des faits, au moins 6 assassinats à son actif,
05:346 assassinats en moins d'un mois, c'est colossal.
05:38Et alors, vous avez rencontré sa maman, il ne la manquait ni d'amour ni d'argent.
05:43Comment est-ce qu'il en est arrivé là ?
05:45C'est quelqu'un qui a été happé, on va dire, par la cité.
05:48En général, même s'il n'est pas tout à fait conforme à tous les autres tueurs à gage,
05:54parce qu'effectivement, il vient d'une famille assez aisée,
05:58et quand les policiers sont venus l'interpeller,
05:59ils sont tombés sur un pavillon de 3 étages avec une piscine.
06:03Ils étaient un peu surpris.
06:04On est loin de l'image qu'on peut avoir du délinquant.
06:06Oui, mais c'est quelqu'un qui a été happé par le business,
06:10qui est rentré très vite dans les stups,
06:12il a été condamné à plusieurs reprises, à 17 ans il était déjà en prison.
06:16Et c'est quelqu'un, vraiment, qui est exactement dans le sentiment d'héroïsation,
06:21d'appartenance agro-criminelle, il rêvait d'être à la DZ, il se rêvait en guerrier,
06:26il se filmait avant d'aller commettre les meurtres,
06:29après avoir commis les meurtres, mais il était complètement...
06:33Et quand il est en prison, on a sonorisé sa cellule,
06:37et là, on se rend compte qu'il n'a absolument rien compris.
06:40Enfin, en tout cas, il n'est pas dans le repenti,
06:42il est encore dans la vengeance, il se parle de sortir très vite.
06:46Il pense que sa peine va être réduite.
06:49Ce qui est très étonnant, c'est que ce Mathéo, vous le disiez,
06:52il a été condamné à plusieurs reprises, il va faire des séjours en prison,
06:55c'est d'ailleurs là qu'il va rencontrer celui qui va le faire rentrer dans le monde naturel gège, son mentor.
07:00C'est quand même bien la preuve, ça Jean-Michel Décutis,
07:02qu'il y a un truc qui cloche dans nos prisons.
07:04On ne sait pas prendre en charge ces très jeunes délinquants,
07:06parce que tous ceux que vous citez, ils ont été condamnés, finalement, très jeunes.
07:11On aurait pu mettre un coup d'arrêt à...
07:12C'est encore pire que ça, c'est que toute la chaîne pénale est défaillante,
07:16mais aussi, au départ, la plupart sont des victimes.
07:20Ils sont placés à la DAS, ils sont placés à la ZE.
07:25Net social à l'enfance.
07:27Dans des foyers, et ils deviennent des criminels.
07:30Donc on les fabrique, presque.
07:32Oui, en fait, on les retire de leur famille, parce qu'effectivement, elles sont défaillantes,
07:36mais on les met dans des endroits qui sont aussi défaillants.
07:38Et on se rend compte que d'abord, avant d'être acteurs, ils sont d'abord victimes, pour la plupart.
07:43Donc ça, c'est vraiment un questionnement.
07:44Et puis après, le questionnement, c'est comment on peut,
07:47alors c'est vrai qu'on s'en est aperçu avec Amra,
07:49comment on peut, depuis sa prison, avec un téléphone, alors qu'on est à l'isolement,
07:54continuer à faire son trafic, à faire son business,
07:57et à commanditer des meurtres à l'extérieur.
08:00Et maintenant, vous avez des meurtres qui sont commandités depuis l'extérieur à l'intérieur.
08:05On est dans la mexicanisation des prisons, on est dans la mexicanisation du crime.
08:10Voilà, on est dans un moment assez grave,
08:13où si les autorités ne prennent pas leurs responsabilités, on va vers un narco-État.
08:18Et ça ne se passe pas qu'à Marseille, c'est ce que vous dites aussi dans ce livre,
08:22où l'on comprend plein de choses, cette DZ de mafia dont on entend beaucoup parler,
08:27et son ennemi juré, Yoda, les deux clans qui se font la guerre.
08:31Mille merci Jean-Michel Décujiste d'être venu ce matin sur RTL.
08:35Je rappelle le titre de ce livre,
08:36« Tueur à gage, enquête sur le nouveau phénomène des shooters »,
08:39c'est publié chez Flammarion,
08:41livre que vous signez avec deux autres de vos confrères du parisien,
08:45Jérémy Flamelé et Vincent.