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Dans la nuit du 28 au 29 juin, quelques jours après la mort de Nahel lors d'un contrôle de police à Nanterre, la mairie de Mons-en-Barœul était incendiée en marge des émeutes qui ont éclaté dans plusieurs villes de France. Pour en parler, Rudy Elegeest, maire de Mons-en-Barœul.
Regardez L'invité de RTL du 05 octobre 2023 avec Amandine Bégot.

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00:02 RTL Matin
00:06 7h44
00:10 Je reçois
00:12 le maire de Mont-Saint-Barol, Rudi Elgeste. Bonjour monsieur le maire.
00:15 Oui bonjour. Merci beaucoup d'être en direct avec nous depuis votre commune. On le rappelle, Mont-Saint-Barol c'est 22 000 habitants dans le nord.
00:22 La dernière fois qu'on vous a reçus c'était le 29 juin dernier, après une nuit d'une violence inouïe. Une soixantaine d'individus
00:29 cagoulés s'en étaient pris à la mairie de Mons mais aussi à la salle des fêtes et un autre bâtiment.
00:33 Si vous le voulez bien je vous propose qu'on vous réécoute à l'époque. Voilà ce que vous nous disiez ce matin là.
00:38 Il n'y a plus rien. Il n'y a plus rien. Le rez-de-chaussée de la mairie,
00:41 tout le hall de la salle des fêtes, un bâtiment supplémentaire, tout ça a été complètement ravagé, détruit. Ça a été une nuit
00:51 extrêmement éprouvante. Une violence mais
00:54 absolument folle. Il y avait de la sauvagerie. Moi j'étais déjà maire en 2005.
00:59 Je n'avais jamais connu ça. Et ça c'était donc sur Ertel, je le disais, le 29 juin dernier. Vous étiez, on l'entend profondément,
01:05 marqué parce que votre commune avait subi une
01:08 nuit épouvantable, nous aviez vous dit. Trois mois plus tard, quel est votre état d'esprit monsieur le maire ? C'est toujours très douloureux j'imagine.
01:16 Écoutez c'est difficile de réentendre ces
01:20 paroles qui rappellent cette circonstance effectivement qui était une épreuve terrible pour nous.
01:25 Parce qu'au delà des dégâts matériels, des vitres cassées, de la mairie brûlée, c'est tout un environnement de travail de dizaines d'agents qui ont
01:32 perdu finalement leurs investissements, leurs repères, leurs habitudes.
01:36 C'est notre capacité de faire vivre ensemble les citoyens de cette ville, de tout usage, de toutes conditions, qui a été dégradée.
01:44 Votre question ça reste effectivement très très difficile.
01:48 Avec trois mois de recul, vous savez, j'essaye avec l'expérience de toujours trouver du sens aux choses.
01:55 De ne pas être dans l'immédiateté, dans la réaction.
01:58 Et j'avoue que là depuis trois mois je suis en quête de sens.
02:03 J'ai beaucoup de difficultés à en trouver parce que ça a été une autodestruction. C'est la maison commune, la maison de tous les monsoirs.
02:09 Finalement ce qu'on va devoir reconstruire maintenant diffère des projets qui concernaient même les jeunes de la commune.
02:17 Certains émeutiers qui ont été arrêtés ne connaissaient même pas le nom de ce malheureux Naël.
02:24 Vous voyez donc les auteurs pour certains étaient organisés, d'autres se sont agrégés au phénomène.
02:29 On a été confronté à une violence qui n'était pas un moyen, qui était finalement une fin en soi.
02:37 Et ça c'est difficile parce qu'effectivement on trouve pas de sens. On reconstruit,
02:42 mais on trouve pas de sens à ce qui s'est passé.
02:45 Rudi Elgest, cette commune vous la connaissez parfaitement. Vous y êtes maire depuis 23 ans, vous y avez grandi.
02:51 Vous évoquez ces trois mois de recul votre expérience. Malgré tout vous ne savez toujours pas dire pourquoi on en est arrivé là.
02:58 Les causes sont multiples. Moi je déplore d'ailleurs les approches qui sont trop caricaturales là-dessus.
03:06 Ceux qui ont des certitudes et pour certains qui soufflent sur les braises.
03:11 Je regrette beaucoup,
03:14 vous parlez de ma ville, que ça ait finalement aussi dégradé le regard que l'on a sur ces villes, sur ces quartiers, même sur la jeunesse.
03:21 Vous savez, peu de jours après les événements, des collégiens de Rabelais, l'un des collèges de la commune, sont venus m'amener
03:28 un cadre avec des post-it, avec des
03:31 descriptions des endroits qu'ils aiment bien à Mons. Et ils avaient qu'un seul
03:35 message, c'était de me dire "vous savez monsieur le maire, Mons
03:38 ça n'est pas ça, c'est pas ce que vous avez vu cette nuit là".
03:43 Alors oui, les émeutes ne se sont pas passées que dans les quartiers.
03:46 Les quartiers ne sont pas les émeutes. Il y a aussi
03:50 beaucoup de solidarité, de l'énergie, des difficultés spécifiques, parce que je connais ce quartier effectivement depuis toujours.
03:57 Il y a des difficultés spécifiques, mais il y a aussi des volontés de s'en sortir. Donc c'est vraiment
04:03 dommage d'avoir abîmé comme ça à la fois les équipements publics et finalement l'image de ce quartier.
04:10 - Vous évoquiez les interpellations.
04:12 Quel est le profil de ces personnes qui ont été interpellées ? Ce sont des jeunes que vous connaissiez ?
04:16 - A ma connaissance, aujourd'hui, il y a 17 interpellations.
04:21 Certains sont déjà incarcérés, d'autres sont sous contrôle judiciaire.
04:27 Sur les 17, il y avait à ma connaissance encore à ce moment que 6 mensoirs.
04:33 Ça venait un peu de toute la métropole lilloise, parfois même en dehors de la métropole
04:39 lilloise. Mais c'était des noms qui avaient quand même une certaine
04:43 résonance à Mons.
04:45 Autre précision, sur les 17, il n'y avait qu'un mineur.
04:49 Voilà donc...
04:51 - Et ce sont des jeunes qui avaient des difficultés connues comme ayant des difficultés ?
04:55 - Ah ben c'était des jeunes, je vous dis, des noms qui
04:59 étaient assez connus finalement des services de police, même pour ceux qui n'habitaient pas à Mons.
05:07 - Ils avaient commis déjà par le passé des dégradations, du trafic de...
05:11 - Pour beaucoup, oui. Mais voilà, c'est un profil qui est homogène. Je pense qu'il y avait un noyau qui était
05:18 organisé, parce qu'il y a eu une chaîne logistique
05:21 qui était en place.
05:24 Mais après,
05:26 ils ont appelé les réseaux sociaux, ils ont agrégé tous les jeunes du quartier.
05:34 Parfois on jette, on critique beaucoup les familles. Moi je connais des
05:37 des mamans qui ont été assez, presque, héroïques ce soir-là. Enfin, qui étaient appelées à harceler au téléphone les jeunes.
05:44 Maman, famille monoparentale, vous voyez, cinq enfants.
05:49 Elles étaient appelées dans la nuit et finalement
05:53 elles ont résisté et réussi à garder leurs ados chez eux. - Ça veut dire que c'est possible même dans ces quartiers-là ?
06:00 - On peut dire que c'est normal, que ça fait partie du rôle éducatif, de la parentalité.
06:05 Quand on est à leur place, c'est pas aussi simple que ça.
06:08 C'est pas aussi simple que ça. - Ça veut dire que vous ne voulez pas qu'on pénalise les parents ?
06:14 - Je pense, vous savez, non mais sincèrement, est-ce qu'il y a un seul parent qui se soit
06:19 réjoui des agissements de ce type-là, commis par leurs enfants ?
06:22 Ça c'est une illusion. Il y a peut-être, effectivement, une petite minorité de parents
06:30 laxistes, mais pour le reste ce sont des parents qui sont parfois dépassés et qu'il faut aider sur leur tâche de parentalité.
06:37 Vous savez, je pense fondamentalement que l'éducation au sens large,
06:42 et certaines éducations par les parents bien évidemment en premier lieu, mais système éducatif, les éducateurs, les clubs sportifs, etc.
06:50 C'est certainement l'antidote le plus fondamental sur le long terme par rapport à des événements de ce type-là.
06:55 - Justement c'est ça que vous demandez au gouvernement, Elisabeth Born réunit un conseil national de la refondation. Vous en attendez quoi, monsieur le maire ?
07:02 - Ah bah ça fait partie, effectivement, ces questions éducatives font partie de la panoplie de mesures. Encore une fois, ceux qui ont une réponse
07:09 unique,
07:11 caricaturale, une certitude par rapport à ce qui s'est passé, moi je balaie tout ça. Je pense qu'il faut être beaucoup plus
07:16 fin, subtil, les raisons sont multiples et donc les solutions doivent être
07:20 réelles mais multiples aussi.
07:23 - Il n'y a pas besoin forcément de millions ?
07:26 - Ah il en faut aussi. Il y a l'axe de l'éducation que j'évoquais.
07:30 Je pense aussi qu'il faut continuer, continuer, poursuivre la rénovation urbaine de ces quartiers,
07:35 l'amplifier, l'accélérer parce qu'il faut arrêter de concentrer toutes les difficultés dans les mêmes secteurs.
07:43 Ça crée des risques d'explosion comme ceux que l'on connaît. Je parle du cas des quartiers dissensibles de grands ensembles issus des années 60.
07:52 Je pense qu'il faut vraiment arrêter de concentrer toutes les difficultés et pour ça il faut que des personnes aient envie
07:57 de venir aussi dans ces quartiers. Il ne faut pas que ne reste dans ces quartiers que les personnes un peu
08:02 captives qui restent là parce qu'elles ne peuvent pas faire autrement.
08:05 Il faut que ces quartiers redeviennent attractifs et donc les millions, même les milliards, je crois qu'on en est à 12 milliards
08:11 de consacrer à la rénovation urbaine en France,
08:14 doivent continuer et ça, ça doit continuer.
08:16 - Est-ce que vous redoutez que ça ne recommence, monsieur le maire ?
08:19 - Ah ben le pire, le pire aurait été... Vous savez, on est à une époque où on est souvent
08:24 dans l'instantanéité, l'immédiaté et l'oubli, dans l'émotion puis l'oubli. Le pire serait été qu'après les questions
08:31 de rappel, enfin de retour, maintien de l'ordre, les questions judiciaires et puis les réparations,
08:37 le pire serait que rien ne se passe. Il y a une forme de déterminisme. Les mêmes causes peuvent reconduire aux mêmes effets.
08:45 Imaginez pour nous ce que ce serait si après deux ans de travaux, 7 millions d'euros qu'on va consacrer aux équipements publics.
08:51 Imaginez ce que ce serait pour nous que ça recommence dans deux ans. Donc effectivement, on attend des solutions
08:57 qui sont encore une fois multiples, fines, pas caricaturales, sur l'éducation, sur la rénovation urbaine, sur le peuplement.
09:04 On a des difficultés avec la loi SRU sur le fait de répartir un peu plus harmonieusement
09:11 le logement social notamment. Mais il faut que sur le peuplement, ça suive. Là, ça a décroché. On a embelli,
09:17 on a amélioré les quartiers, mais par contre on continue en termes de politique de peuplement, j'aime pas ce mot-là, mais enfin c'est comme ça,
09:24 à concentrer beaucoup de difficultés dans les mêmes secteurs. Et ça, il faut arrêter. Ça n'est pas gagné.
09:29 Parce que les mentalités ne sont pas toujours en phase avec cette idée-là.
09:32 Merci beaucoup Rudy Elges d'avoir été avec nous. Je remercie aussi Antoine Decarnes qui a assuré la liaison.
09:37 et de la vie.
09:38 [SILENCE]

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