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Sa maison a été attaquée à la voiture-bélier début juillet durant les émeutes : Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ-Les-Roses (Val-de-Marne), répond aux questions de Amandine Bégot près de deux mois plus tard.
Regardez L'invité de RTL du 28 août 2023 avec Amandine Bégot.

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00:02 RTL Matin
00:06 Excellent journée à vous tous qui nous écoutez. RTL il est 7h42.
00:10 Amandine Bégaud vous recevez donc ce matin Vincent Jambrin, le maire de l'Aile-et-Rose.
00:14 Bonjour Vincent Jambrin.
00:15 Bonjour.
00:15 Et merci beaucoup d'être ce matin sur RTL. Vous êtes le maire, Yves le disait, de l'Aile-et-Rose dans le Val-de-Marne.
00:20 Et si on a voulu vous inviter ce matin, deux mois jour pour jour, après la toute première nuit des meutes,
00:25 c'est parce que justement vous êtes l'un des visages, l'un des symboles, une des victimes de ces violences qu'on a connues au tout début de l'été.
00:32 Votre domicile, je le rappelle, et cela avait choqué de très très nombreux auditeurs, a été attaqué par plusieurs individus.
00:39 Ils n'ont pas hésité à enfoncer le portail de votre jardin à l'aide d'une voiture bélier, à incendier votre véhicule.
00:44 Les flammes s'étaient ensuite propagées à votre maison où dormaient votre épouse et vos deux enfants.
00:49 Tous trois avaient été réveillés en sursaut et avaient dû fuir sous les tirs de mortier. Comment vont-ils aujourd'hui ?
00:56 Merci de poser la question.
00:58 Le plus dur est passé, il faut le dire comme ça. L'été et le calme de l'été ont permis de se reconstruire, de se retrouver.
01:06 Maintenant le traumatisme est fort, ça va prendre encore du temps pour qu'on se reconstruise.
01:11 On sera sûrs en se disant que ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort.
01:14 On dit même parfois, vous savez, qu'un os brisé quand il se reconstruit, quand il se ressoud, il est plus solide.
01:18 C'est ce qu'on vise. On vise à être encore plus fort, plus solide. Après en tant que papa c'est toujours très difficile
01:23 de voir ses enfants grandir aussi brutalement. Découvrir finalement
01:27 la haine de l'autre ou plus exactement pouvoir être victime de la haine de l'autre, c'est quelque chose qui est extrêmement difficile.
01:32 En tout cas je voudrais juste profiter de votre antenne pour remercier les milliers, milliers de personnes qui ont pris la peine d'écrire un courrier,
01:38 envoyer un mail,
01:39 adresser leur solidarité, leur soutien. Ça nous a énormément touchés et beaucoup aidés.
01:42 Vous dites en tant que papa. En tant que papa, à aucun moment, Vincent Jombrin, vous ne vous êtes dit "j'abandonne, ça n'en vaut pas la peine".
01:49 Alors si, je me le suis dit. Je me suis dit
01:51 juste après l'attaque. Quand je quitte mes enfants, enfin endormis, je dirais à 4h30 du matin,
01:57 et que j'enjoins ma femme à l'hôpital.
01:59 Oui bien sûr, mes premiers mots c'est "si tu veux on arrête tout".
02:03 Rien ne vaut de mettre en péril la vie de sa famille en fait. En tout cas pas ça.
02:08 Et j'ai eu l'occasion de le dire, mais c'est ma femme, mon épouse, qui est là à ce moment-là sur un lit d'hôpital,
02:14 qui me dit "mais c'est hors de question qu'on arrête". Ou plus exactement, si on doit arrêter un jour, c'est parce qu'on l'aura choisi,
02:18 parce qu'on aura envie de faire autre chose.
02:20 Mais pas parce qu'on a peur, pas parce qu'on est terrorisés en fait. On ne peut pas les laisser gagner.
02:24 Et donc depuis cette conversation, depuis ce coup de boost en fait, cette énergie qu'elle m'a communiqué,
02:31 il est hors de question d'arrêter, parce qu'effectivement je ne veux pas les laisser gagner.
02:34 On ne peut pas les laisser gagner. C'est qui "les" ?
02:36 C'est les ennemis de la République, c'est ces voyous, ces criminels, ces gens qui
02:42 ont attaqué les drapeaux tricolores.
02:44 Il y a des collègues maires qui me disaient "il y a deux bâtiments communaux, l'un qui n'était pas voisé avec les drapeaux, pas l'autre,
02:49 il vient de brûler celui qui a les drapeaux, il ne touche pas l'autre". Parce qu'en fait on n'est même plus dans "je lis,
02:53 j'écris tôt, savoir si c'est un bâtiment municipal ou pas". On est dans "j'attaque le symbole de la République".
02:57 Moi je suis profondément
03:00 pour la défense de la démocratie et de la République.
03:03 Je considère que malgré tout, il ne faut pas être naïf, il y a des ennemis de la République aujourd'hui, que ce soit les mafias, les gangs,
03:09 que ce soit
03:10 des mouvements radicaux qui veulent lutter contre les valeurs
03:13 qui sont les nôtres, eh bien ceux-là il faut être capable de les combattre et de s'armer pour les combattre.
03:17 - A l'issue de cette attaque contre votre domicile, une information judiciaire a été ouverte, notamment pour tentative d'assassinat.
03:23 Il y a eu des interpellations au début du mois de juillet, le 12 juillet,
03:27 mais aucune poursuite. Ça veut dire quoi ? Que les émeutiers qui se sont pris à votre domicile, Vincent Jambrin, courent toujours aujourd'hui ?
03:33 - Je vous confirme. - Ils n'ont pas été identifiés ? - Ils sont en liberté, ils courent toujours.
03:36 Ce qui est extrêmement difficile parce que, effectivement, pour vraiment pouvoir
03:40 passer à autre chose, pour ma femme, pour mes enfants, pour moi-même, puis pour les habitants de ma commune,
03:45 l'idée qu'ils courent toujours est assez insupportable. - Mais on sait qui c'est ?
03:48 - Non, on ne sait pas qui c'est. - Vous ne savez pas qui c'est ? Vous aviez pourtant eu des menaces quelques jours précédemment.
03:52 - Il y avait eu effectivement des menaces, des tags disant "on a vos adresses,
03:56 on viendra vous brûler vivant", et on les avait peut-être sous-estimées ces menaces.
04:00 Ce qui est certain, c'est que
04:03 même si on a très peu d'éléments,
04:06 on a l'impression qu'il y a un professionnalisme dans l'attaque. Une organisation, une anticipation, un vol de véhicules,
04:11 une certaine gestion du stress sur place, par passez-moi l'expression, avec une attaque éclair, et puis
04:19 les agresseurs quittent les lieux dans un timing parfait pour éviter d'être brûlés par la police. - Donc c'était préparé ?
04:24 - C'était parfaitement préparé. - Professionnel ? - Et ça laisse entendre le fait qu'on est sur des personnes qui maîtrisent la violence, en fait.
04:30 Donc des gens qui sont habitués à attaquer, à voler des véhicules sans laisser trace, donc probablement des délinquants, peut-être des criminels,
04:37 et aujourd'hui les délinquants et les criminels dans nos quartiers, ils sont liés au trafic de drogue. Donc c'est une des pistes évidemment qui est explorée.
04:43 - Vincent Jambrin, vous dites "ça fait deux mois",
04:47 c'est pas vous qui le dites, selon les faits ça fait deux mois, ces gens là, dites-vous, se sont attaqués à la République.
04:55 Comment on peut croire encore à la République quand deux mois après des incidents aussi graves, les personnes en question n'ont pas été interpellées ?
05:02 Les gens qui nous écoutent, ils doivent se dire
05:04 "moi on m'a volé tel truc, j'ai porté plainte, ça n'a donné rien, on attaque un domicile
05:09 d'un élu, on met en danger une femme et ses enfants et deux mois plus tard il n'y a rien". Comment on restaure cette confiance
05:15 dans la République et dans l'ordre ? - Il faut absolument se donner des moyens. Ce que vous dites est très juste, c'est-à-dire qu'au-delà de cas personnels,
05:21 ce sont des millions de français aujourd'hui qui souffrent et qui ne comprennent pas pourquoi
05:25 notre société n'est pas capable de se défendre face à ses ennemis de la République. - Mais c'est quoi, un problème de moyens ?
05:29 - C'est évidemment un problème de moyens à certains endroits, mais c'est d'abord un problème de courage politique.
05:34 Il y a un certain nombre de choses qu'il faut mettre en place.
05:36 Il faut être capable d'aller au devant de nos concitoyens et de leur expliquer que l'état de droit, eh bien, il la nécessite de pouvoir
05:43 se reposer sur l'autorité. Il faut pouvoir reposer sur une police qui est forte, une justice qui est forte. Aujourd'hui c'est plus le cas.
05:49 Moi je voudrais vraiment remercier tous les fonctionnaires de police, les fonctionnaires de la justice, tous ceux avec qui je suis en contact,
05:54 sont dévoués, sont les derniers remparts de la République.
05:57 Objectivement, le ministre de l'Intérieur a mis les moyens pour protéger ma famille. Je ne peux être que reconnaissant.
06:03 Et en même temps, c'est parce que je suis reconnaissant que je me dis qu'on ne peut pas laisser les choses dans l'état, c'est pas possible.
06:07 Il faut absolument leur donner des moyens et du courage politique. - Et pourquoi ils n'ont toujours pas interpellé ceux qui s'en sont pris à votre maison ?
06:12 - Mais parce qu'à un moment donné,
06:15 je pense qu'on a des grandes démocraties dans le monde qui ont des outils beaucoup plus persénants que les nôtres,
06:19 notamment dans la capacité à aller fouiller les téléphones, fouiller les boîtes mail. Nous, on est la République française, on a défendu les libertés
06:26 individuelles, et c'est auquel je tiens tout particulièrement.
06:28 Mais parfois à l'excès, c'est-à-dire qu'en gros, on a moins de pouvoir d'enquête que certaines... - Donc la police n'a pas assez de pouvoir ?
06:35 - Je pense qu'elle pourrait avoir plus de pouvoir et qu'au lieu d'être dans le principe de précaution en disant il faut éviter
06:41 toute ingérence de la police, on doit être dans un principe de responsabilité, donner plus de liberté à la police, plus de pouvoir d'enquête,
06:47 et après derrière, évidemment, des instances de contrôle inflexibles qui permettent de montrer qu'il n'y a pas d'abus. Mais c'est vrai que
06:52 beaucoup de gens me l'ont dit.
06:55 Aujourd'hui, on a peur. Ce qui vous est arrivé effectivement deux mois plus tard, il n'y a pas de sanction.
07:01 On a peur. Des personnes me disent qu'elles réfléchissent à se protéger elles-mêmes,
07:07 à prendre des armes chez elles. C'est un discours qu'on ne peut pas imaginer. Il y a quelques années, moi je ne l'imaginais pas.
07:14 Et en même temps, quand on est dans une ville qui a connu un climat aussi insurrectionnel que le nôtre, et comme toutes les villes qui ont
07:19 connu ça, on comprend que la peur est présente. Et cette peur, elle n'est jamais bonne conseillère.
07:25 Et moi, c'est ce qui m'inquiète. C'est qu'aujourd'hui, il y a un basculement de nos concitoyens que l'on peut comprendre,
07:30 tant il y a de la colère et de la peur, vers des solutions radicales et extrémistes. Parce qu'en fait, la démocratie,
07:37 j'allais dire modérée,
07:39 aujourd'hui, donne l'impression d'être faible et impuissante.
07:41 Et ça, c'est le combat que j'ai envie de mener. C'est de faire en sorte de faire des propositions concrètes pour qu'on sorte de ça.
07:46 - Mais ça veut dire durcir le ton,
07:48 restaurer l'autorité. C'est une expression qu'on a entendue ces derniers jours, que ce soit de la part d'Emmanuel Macron, de la part de Gérald Darmanin,
07:54 qui était ici même vendredi matin, de la part de Nicolas Sarkozy, qui le répète
07:57 à l'envie en faisant la promotion de son livre. Ça veut dire quoi, restaurer l'autorité ?
08:03 - C'est qu'à un moment donné, il y a une règle, elle est claire. Si elle n'est pas respectée, il y a sanction.
08:08 - Vincent Gendrin, vous avez grandi dans ces quartiers à l'Île-des-Roses.
08:10 - Absolument. - Quand est-ce que vous avez vu le basculement ? Votre ville, vous la connaissez parfaitement. Vous étiez un des gamins de cette commune.
08:16 - Tout à fait, un des gamins des tours de l'Île-des-Roses.
08:18 Difficile de voir exactement. Il n'y a pas un avant, un après. C'est simplement au fil du temps, ça s'est délité.
08:24 Et notamment avec, dans les quartiers, une jeunesse qui, pour moi, est devenue
08:29 beaucoup plus violente et s'est désociabilisée à partir du moment où elle a perdu l'espoir.
08:34 J'ai vu l'occasion de dire, au moment du grand débat Évry-Courcouronnes, où le président de la République avait invité tous les maires qui avaient
08:40 des quartiers sensibles. À ce moment-là, je lui avais dit, moi j'étais dans un quartier où
08:45 globalement, il y avait déjà toutes les caractéristiques qu'on peut imaginer,
08:48 mais la jeunesse qu'on était, on avait de l'espoir. On voulait s'en sortir, on était combatif, on avait envie de s'engager, de créer des entreprises, etc.
08:54 - Qu'est-ce qui fait qu'ils n'ont plus d'espoir ? - Cet espoir, il a été perdu. Il y a plein de causes à ça.
08:59 Une des causes notamment, c'est la conviction qu'en fait,
09:02 ces quartiers sont stigmatisés.
09:04 En fait, l'espoir est perdu, parce que vous le disiez il y a quelques instants, la promesse républicaine ne tient pas.
09:09 Quand on dit, vous enfants de la République, allez à l'école, travaillez bien et vous verrez, vous en sortirez,
09:15 vous serez protégés par la République, vous serez soignés par la République, vous serez éduqués par la République.
09:19 Et qu'en fait, dans ces quartiers-là, la République vous protège plus,
09:22 elle vous éduque plus, parce qu'en fait, tout simplement, au-delà du courage des professeurs qui sont dans ces quartiers,
09:26 il y a un manque de moyens concret. - Oui, mais il y a des milliards qui sont mis dans ces quartiers, il ne faut pas...
09:30 - Il y a des milliards qui sont mis, mais pas forcément au bon endroit.
09:33 C'était d'ailleurs l'interpellation que j'avais faite à Évry-Courcouronnes à l'époque.
09:36 Et je reviens à la question du courage politique.
09:38 Moi, je défendrais
09:40 des idées autour d'un plan anti-ghetto national.
09:44 Il faut qu'on puisse casser ces quartiers ghettos.
09:46 Il y a aujourd'hui des millions de Français, des millions de Français qui vivent dans ces quartiers, qui sont pris en otage.
09:51 Ils sont pris en otage par une toute petite minorité,
09:54 qui aujourd'hui sont des nouveaux geôliers, des geôliers qui sont armés de kalachnikovs,
09:58 et qui kidnappent ces gens, qui les empêchent de vivre dans la République.
10:02 Alors, le défi qu'on a devant nous, toute la classe politique,
10:05 c'est d'aller replanter le drapeau de la République dans ces quartiers, et de libérer ces habitants.
10:09 Et je comprends ces habitants qui soient en colère,
10:11 qu'ils aient peur, et qui de fait ne croient plus dans la République, parce que la République les a oubliés.
10:16 Oui, j'ai grandi dans un quartier prioritaire,
10:19 mais je peux vous dire une chose, en fait, il n'a jamais été la priorité de personne.
10:21 Donc, mettre de l'argent, c'est mettre un chèque, se dédouaner, c'est pas suffisant.
10:25 Il faut aller sur place, il faut avoir une politique courageuse,
10:28 en disant "le logement social, à vie, c'est fini".
10:30 Les tours, on doit devoir les casser, et si ça coûte un peu d'argent,
10:33 c'est pas grave, parce que c'est un investissement.
10:36 Là où on parfois gâche de l'argent, c'est qu'on saupoudre de l'argent à des associations,
10:40 on en donne, on en donne, on en donne, on se défausse, débrouillez-vous entre vous,
10:44 on repassera quand ce sera terminé. Ça, c'est pas acceptable.
10:46 Merci.
10:47 [SILENCE]

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