7 mai 1954, il y a 70 ans jour pour jour, au nord du Vietnam, près de la frontière avec le Laos, la bataille de Diên Biên Phu se termine. Elle oppose depuis le 13 mars les combattants du Viêt Minh et l'armée française prise à son propre piège. Assiégés, les combattants du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient et les troupes autochtones vont vivre plusieurs semaines d’enfer. Les survivants, prisonniers, connaîtront ensuite une captivité souvent inhumaine. Quelles sont les raisons de cette catastrophe, de cette cuisante défaite ? Explications en compagnie du professeur François Cochet, co-auteur de "La guerre d'Indochine - Dictionnaire" (éditions Perrin).
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00:00Bonjour à tous,
00:227 mai 1954, il y a 70 ans, jour pour jour, au nord du Vietnam, près de la frontière avec le Laos, la bataille de Dien Bien Phu se termine.
00:33Elle oppose depuis le 13 mars les combattants du Viet Minh et l'armée française prise à son propre piège.
00:39Assiégés, les combattants du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient et les troupes autochtones vont vivre plusieurs semaines d'enfer.
00:46Les survivants prisonniers connaîtront ensuite une captivité souvent inhumaine.
00:50C'est cette page sombre pour l'armée française que nous allons évoquer aujourd'hui en compagnie de notre invité François Cochet.
00:57François Cochet, bonjour.
00:58Bonjour.
00:58Vous êtes historien, professeur agrégé, aujourd'hui professeur émérite de l'université de Lorraine-Metz,
01:05et vous êtes un spécialiste de l'expérience combattante et de la mémoire des guerres.
01:09Vous êtes l'auteur de très nombreuses publications, une trentaine, notamment sur le sujet qui va nous intéresser aujourd'hui.
01:14Je peux citer « Français en guerre » de 1870 à nos jours chez Perrin, en 2010, paru en 2017.
01:21« La guerre des années folles » 1919-1925, j'ai passé composé cette fois-ci en 2021.
01:27Plusieurs ouvrages également sur l'expérience combattante, paru chez Riveneuve entre 2011 et 2014.
01:35Et sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui, vous avez dirigé avec Yvan Cadot et Rémi Porte
01:42un dictionnaire de la guerre d'Indochine, paru chez Perrin en 2021.
01:49Alors, en 1953, voilà huit ans que la guerre d'Indochine a débuté.
01:56Quelle est d'une part la situation politique, c'est-à-dire les buts de guerre déterminés par le gouvernement,
02:03et ensuite la situation militaire d'autre part ?
02:06Alors commençons par la situation militaire, c'est plus simple.
02:10Il faut distinguer effectivement plusieurs phases de cette guerre d'Indochine qui dure depuis 1945 en fait.
02:15Première phase qui a été une phase de reconquête coloniale.
02:19C'est la 12ème DB qui a été chargée de ça, c'est Leclerc qui est chargé de cela par la toute jeune 4ème République.
02:27Et il s'agit effectivement de remettre de l'ordre dans la péninsule indochinoise
02:31qui a été considérablement bouleversée pendant la 2ème guerre
02:34puisque occupée par les Japonais notamment en plusieurs étapes à partir de 1940 puis surtout 1945.
02:41Donc, phase de reconquête très mal vue, il faut le signaler, très mal vue des Américains.
02:47Parce que les Américains voient cette phase de recolonisation justement comme une phase de reconquête coloniale.
02:53Or, ils sont très hostiles à cette notion de colonisation.
02:57L'armée française de 1946 qui combat en Indochine est une armée pauvre.
03:02C'est une armée de briquet de broc.
03:04C'est une armée qui récupère des matériels chez les Japonais, chez les Anglais, etc.
03:09et qui vient de terminer la guerre, la 2ème guerre mondiale.
03:14En face, le Vietmine est tout aussi pauvre.
03:16Il y a un équilibre donc de la pauvreté, si je puis dire.
03:20Mais les Américains ne soutiennent absolument pas cette première phase de la guerre.
03:24Puisque pour eux, c'est encore une fois une phase de reconquête coloniale.
03:28Cette première phase dure jusqu'à 1949, fin 49.
03:33Là, il y a une 2ème phase qui s'implique.
03:36Parce que la situation mondiale a considérablement changé.
03:39Décembre 49, c'est la victoire de Mao Zedong en Chine.
03:42C'est donc la victoire des communistes chinois avec, bien entendu, une frontière avec l'Indochine.
03:48Frontière au Tonkin, dans le nord de l'Indochine.
03:50Et là, c'est une catastrophe pour les Français.
03:53Puisque, désormais, il y a une fidélité, je dirais, non seulement idéologique,
03:59mais en termes de matériel, qui peut s'exprimer à plein.
04:02C'est-à-dire que le Vietmine, qui était une armée pauvre, une armée révolutionnaire pauvre,
04:07se voit doté de plus en plus de matériel, de plus en plus lourd,
04:12avec des volontaires chinois pour servir de colis, etc.
04:17Et ça se manifeste d'une manière aggressante pour les Français.
04:22La première grande défaite française, c'est octobre 1950.
04:25C'est la fameuse défaite de la RC-4, de la route coloniale numéro 4,
04:30qui longe, effectivement, la frontière tonkinoise,
04:33et dans laquelle vous avez une dizaine de bataillons français qui sont laminés, exterminés,
04:37en voulant évacuer l'Anson, par exemple.
04:40Donc, cette défaite de la RC-4, d'octobre 1950,
04:45est un véritable signal d'alarme pour les militaires français.
04:50Parce qu'ils s'aperçoivent que vous avez une montée en puissance du Vietmine,
04:55à laquelle ne répond pas encore une montée en puissance française.
04:58Mais c'est un changement de cap pour les militaires français,
05:01c'est aussi un changement de cap pour les Américains.
05:04Parce qu'avec la victoire communiste en Chine,
05:07les Américains se rendent compte que l'Indochine fait partie d'une stratégie globale communiste.
05:14Et qu'au nom de la stratégie des dominos, si l'Indochine tombe,
05:18c'est une grande partie de l'Extrême-Orient qui va tomber.
05:21Donc, changement de cap aussi pour les Américains à partir d'octobre 1950,
05:26fin 1949 en fait déjà,
05:28l'hostilité qu'ils développaient à l'égard des Français se transforme en soutien.
05:33Et en soutien qui va prendre des formes de livraison de matériel,
05:37de livraison de pièces détachées, ce à quoi ils se refusaient auparavant,
05:41et de financement de la guerre.
05:44En 1954, plus de la moitié des dépenses de la guerre d'Indochine
05:48sont pris en charge indirectement par les États-Unis.
05:51La troisième phase de cette guerre, c'est à la suite du choc,
05:55pas seulement psychologique, mais du choc militaire que constitue cette défaite de la RC4,
06:00l'arrivée de Jean Delattre de Tassigny.
06:03Jean Delattre arrive en 1951, va rester jusqu'en 1952,
06:07et ça correspond à une période clé,
06:11une espèce de période rose du moral des troupes françaises,
06:16puisque par ses discours, mais aussi par ses actions militaires,
06:22Delattre de Tassigny va remonter,
06:25va permettre de remonter le moral des troupes
06:28qui sentent qu'elles sont dirigées,
06:31qui sentent qu'il y a un cap,
06:33notamment par la fortification du golfe du Tonkin,
06:37du delta du Tonkin.
06:40Et là, ça se solde effectivement par une série 51-52
06:44de victoires militaires contre le Vietmine de Giap,
06:48qui est en sérieuse difficulté fin 51 début 52.
06:52Ça c'est la deuxième phase.
06:54Nous sommes maintenant en 53,
06:57et Jean Delattre est parti, il meurt à Paris de son cancer,
07:02et c'est Raoul Salon qui le remplace,
07:05puis qui va être remplacé effectivement en 53 aussi
07:08par un autre général.
07:10Notons au passage que sur l'ensemble de la durée
07:12de la guerre d'Indochine jusqu'en 54,
07:14il n'y aura pas moins de sept généraux en chef
07:16qui vont se succéder.
07:18C'est terrible parce que ça signifie
07:20qu'il n'y a pas une continuité opérationnelle,
07:24et ça signifie comme vous le dites effectivement
07:26qu'il n'y a pas de continuité politique.
07:28En gros, la quatrième république ne sait pas
07:32ce qu'elle veut faire de l'Indochine.
07:35Ce sont des gouvernements de centre-gauche
07:37qui appartiennent plus ou moins
07:39au ce qu'on appelle le lobby colonial,
07:41qui veulent garder l'Indochine,
07:43mais qui en même temps ne veulent pas
07:45faire la guerre jusqu'au bout,
07:47qui négocient en permanence,
07:49et on envoie des troupes
07:51d'assez médiocre qualité souvent.
07:53– Ce ne sont pas les troupes, ce n'est pas le contingent,
07:55il faut le présider.
07:56– Ce n'est pas le contingent.
07:57Il y a bien entendu chez les hommes politiques
08:00de la quatrième un refus très fort
08:03d'envoyer le contingent.
08:05Et donc, pas de ligne politique cohérente,
08:10un remplacement de Salan par le général Navarre
08:15qui ne connaît rien à l'Indochine.
08:17– On va en venir, mais avant,
08:19est-ce qu'il y a des buts de guerre
08:21qui sont déterminés par le gouvernement ?
08:23– Non, il n'y a pas véritablement du but de guerre,
08:27on ne sait pas que faire de cette colonie
08:30ou de cette union,
08:32puisqu'il y a différents statuts d'États différents
08:35dans la péninsule.
08:37Simplement, ce que l'on veut,
08:39ce que les hommes politiques de la quatrième république
08:42par exemple veulent, c'est sortir.
08:44Sortir de la guerre.
08:46Sortir de la guerre, c'est pratiquement le seul but,
08:48puisqu'on a compris dès justement
08:52le désastre de la RC4,
08:54qu'on ne pourrait pas l'emporter militairement.
08:57Leclerc, lorsqu'il était arrivé en 45,
09:00avait dit, donnez-moi 500 000 hommes et je gagne.
09:03C'était vrai en 45, ça n'est plus vrai.
09:06– C'est plus vrai en 53.
09:07– En 53.
09:08Et d'autre part, il n'y aura jamais 500 000 hommes,
09:10parce qu'on va être à 200, 250 000 hommes,
09:13quand le Vietmine, lui, monte en puissance
09:17avec des chiffres à 400 000.
09:19– Donc en 53, la quatrième république
09:22connaît un nouveau président du conseil,
09:23il faut dire qu'il y a une valse des gouvernements permanents,
09:25donc ça n'aide pas, j'imagine.
09:27Donc là, c'est René Maillère, qui est un radical socialiste.
09:30Et là, comme vous l'avez dit, c'est lui qui remplace Salan.
09:33– Qui va remplacer Salan, effectivement.
09:35Il y a trois gouvernements successifs
09:36sur la fin de la guerre d'Indochine.
09:38Il y a René Maillère, puis Laniel,
09:42pendant la bataille de Dien Bien Phu,
09:44et enfin Madès France, pendant la conférence de Genève.
09:48Alors, Maillère nomme un avare
09:54qui a fait sa carrière dans le renseignement militaire,
09:57qui ne connaît rien à l'Indochine.
09:59Alors, c'est présenté comme un avantage à l'époque,
10:04puisqu'on estime que Salan, qui lui, au contraire,
10:06a été surnommé le mandarin,
10:08qui connaissait tous les rouages de la guerre d'Indochine,
10:10mais on le juge un peu trop mou, Salan, pas assez offensif.
10:15Donc, un avare est nommé dans une perspective,
10:20je dirais modérément offensive.
10:22Il s'agit effectivement de faire un plan étalé sur deux ans,
10:27qui va permettre à terme, au bout des deux ans,
10:30de reprendre une véritable offensive contre le Vietmine.
10:34Mais le seul but réel qui est donné par Maillère à un avare,
10:40c'est, je le cite, de préparer une sortie honorable de la guerre.
10:46C'est-à-dire qu'il faut, si vous me permettez l'expression,
10:49se dépatouiller de cette guerre.
10:51Il faut en sortir.
10:53Il faut en sortir parce qu'elle est coûteuse,
10:56parce qu'elle est impopulaire,
10:58parce qu'on se bat à 12 000, 15 000 kilomètres de la métropole,
11:02que la propagande communiste est fort efficace
11:05à réussir à populariser le thème de la sale guerre.
11:10On prétend qu'on se bat pour Michelin,
11:12pour les plantations d'Eva, etc.
11:14C'est une guerre qui n'est pas comprise par la métropole,
11:18sauf par les familles de combattants
11:22qui, elles, savent ce dont il s'agit.
11:26Mais c'est une guerre qui est impopulaire,
11:28c'est une guerre incomprise,
11:30c'est une guerre coûteuse à un moment où,
11:32n'oublions pas que la France est militairement
11:36en face de ce que j'appelle l'autanisation.
11:39Le traité de l'Atlantique Nord a été signé en 1949
11:42et la France doit s'engager à fournir
11:45un certain nombre de divisions blindées
11:48pour s'opposer aux forces du pacte de Varsovie.
11:52Donc, les meilleures troupes et les meilleurs matériels
11:55sont réservés au théâtre d'opérations ouest-européen
11:58et on a tendance à envoyer en Indochine
12:01non pas les moins bons matériels,
12:03mais effectivement des matériels souvent surannés.
12:07– Alors quel est le plan de Navarre ?
12:09– Le plan… – Il est dans deux ans,
12:10donc il y a plusieurs phases, j'imagine.
12:12– La mission donnée à Navarre,
12:14c'est en fait une phase 53-54
12:20qui passe par la pacification du sud de l'Indochine
12:27avec une simple défense du nord,
12:30mais on se concentre en 53-54 sur le sud
12:33et on opère ce qu'on appelle le jaunissement,
12:37c'est-à-dire qu'on va rétrocéder un certain nombre de missions militaires
12:41aux troupes des nations vietnamiennes d'Indochine.
12:47Ça c'est la première phase.
12:49Il doit suivre ensuite une deuxième phase, 54-55,
12:53où là, grâce au jaunissement des unités,
12:57on va pouvoir, en ayant libéré un certain nombre
13:00de troupes métropolitaines ou de troupes légions étrangères,
13:04parachutistes et troupes de l'Empire colonial français,
13:09on va pouvoir théoriquement disposer d'une masse de manœuvres
13:13en 54-55 permettant de reprendre l'offensive, y compris au nord.
13:19Bon, ça c'est le plan d'entrée de jeu.
13:23– C'était un plan réaliste ?
13:25– Pas très réaliste, parce qu'il ne tient pas compte
13:29des évolutions rapides sur le terrain.
13:32Il ne tient pas compte notamment de deux facteurs à mon sens.
13:37Le premier facteur, la Chine.
13:39Les Chinois qui vont, à partir effectivement de 53,
13:46encore augmenter leur aide aux Vietmines.
13:51Alors, notamment sous forme de matériel.
13:55On parle de canons antiaériens, de canons tout court, etc.,
13:59on va y revenir, mais sous la forme aussi de camions.
14:02La propagande vietmine dira à propos de Dien Bien Phu
14:05que la bataille a été gagnée par les vélos
14:08portant de lourdes charges avec des paysans poussant ces vélos.
14:14Mais c'est oublié le nombre de camions Molotovs
14:18fabriqués par la Chine sous licence,
14:21qui vont irriguer littéralement la bataille.
14:24Donc cette sous-estimation de la puissance chinoise
14:29et de l'aide que cette puissance chinoise apporte aux Vietmines
14:33est complètement patante.
14:36Premier obstacle au déroulement du plan Navarre.
14:40Deuxième obstacle, l'attitude que j'appellerais opportuniste de Giap.
14:45C'est-à-dire que Giap, en 53, ne sait pas trop comment réagir.
14:51Est-ce qu'il convient de s'attaquer au delta du Tonkin ?
14:55C'est la zone la plus proche des fortes bases arrière du Vietmine,
15:02mais c'est aussi la zone fortifiée par Jean Delattre de Tassigny.
15:06Donc ce serait prendre un risque.
15:08L'avantage, c'est que c'est un grenier à riz
15:11et que ça permettrait effectivement de nourrir les soldats vietmins.
15:16Et Giap va être opportuniste au sens où il va savoir profiter des événements.
15:25Et profiter des événements, ça veut dire qu'il comprend l'intérêt
15:30que les Français vont trouver à l'installation d'une base aéroterrestre
15:35dans la plaine de Dien Bien Phu et il va savoir réagir.
15:38La menace, c'est quoi pour les Français ?
15:40C'est l'invasion du Laos ?
15:43C'est effectivement faire une base aéroterrestre à Dien Bien Phu,
15:49donc 400 km au nord-ouest de Hanoi.
15:53C'est bloquer la voie du Laos,
15:58mais c'est surtout aussi symboliquement soutenir les maquis pro-français.
16:05Il y a de très nombreux maquis pro-français
16:07qui ont été organisés par la branche armée du contre-espionnage français, le SDEC.
16:13C'est le groupement de commandos mixtes aéroportés
16:17qui ont organisé notamment en Pai Thaï, et Dien Bien Phu est en Pai Thaï,
16:21des maquis pro-français qui sont très très gênants pour le vietmine.
16:26Pour nos téléspectateurs, le Pai Thaï, ce n'est pas la Thaïlande, c'est le nord.
16:29Non, non, c'est le nord, c'est dans le Tonkin, c'est-à-dire au nord de la péninsule indo-chinoise.
16:35Donc, danger dans ce cas-là, c'est ce qui va pousser Navarre à créer sa base aéroterrestre,
16:42on va en revenir, expliquer ce que c'est.
16:44Mais pourquoi s'installe-t-il à Dien Bien Phu ?
16:49Pourquoi s'installer à Dien Bien Phu ?
16:51D'abord, c'est la seule plaine d'envergure du Pai Thaï.
16:56Parce qu'on parle de cuvette.
16:58Oui, alors c'est un terme qui me semble inapproprié,
17:01si vous voulez, c'est une cuvette de 17 km sur 8 km,
17:05ça fait quand même une belle grande cuvette.
17:08Je préfère parler de plaine de Dien Bien Phu.
17:12Alors, c'est la seule plaine importante,
17:15donc qui va pouvoir permettre d'installer par exemple une piste d'aviation,
17:20qui est au cœur même de la notion de base aéroterrestre.
17:25Et pourquoi s'installer en pays ennemi ?
17:28Parce que nous sommes en pays ennemi, tenus déjà par le Vietmine.
17:32Il s'agit de fixer l'adversaire,
17:35il s'agit éventuellement de rayonner à partir de la base aéroterrestre,
17:42c'est-à-dire de se servir de la base aéroterrestre
17:45comme point de départ pour lancer des opérations limitées de part et d'autre du camp.
17:51Et il s'agit éventuellement aussi d'attirer le corps de bataille vietmine
17:58pour lui briser les reins,
18:01au nom de la supériorité d'artillerie et d'aviation française.
18:05Et cette notion de base aéroterrestre, c'est nouveau dans la technique militaire ?
18:09C'est pas tellement nouveau, d'une part,
18:12ça remonte à ce qu'on appelle la technique du hérisson,
18:15qui est employée dans toutes les guerres
18:18et qui a été notamment employée en juin 1940 dans la défense française.
18:24Mais surtout, la proximité immédiate est avec l'année 1952,
18:29où Salan avait organisé, déjà en pays ennemi,
18:33mais moins loin en pays ennemi, non pas à 400 km mais à 200,
18:37une base aéroterrestre de ce type à Nha San.
18:41Et il avait bien réussi son coup, si je puis dire,
18:46puisqu'effectivement, à Nha San, il avait attiré
18:51donc une bonne partie du corps de bataille de Jappe.
18:55Et ce corps de bataille s'était vu littéralement briser les reins
18:59par le jeu conjoint des forces de cette base aéronavale.
19:05Alors, qu'est-ce que c'est qu'une base aéronavale en gros ?
19:08Aéroterrestre, pardon, excusez-moi.
19:11Une piste d'aviation, qui permet le ravitaillement,
19:15qui permet aussi l'évacuation des blessés,
19:18qui permet d'avoir des avions à demeure,
19:20qui vont pouvoir faire de l'appui au sol.
19:22Ça, c'est l'artère vitale, la piste d'aviation.
19:27Deuxièmement, une forte puissance d'artillerie,
19:31qui obtient la supériorité de feu par rapport à l'adversaire.
19:36Et si possible, et c'est le cas à Nassan,
19:38et ce sera encore le cas à Dien Bien Phu,
19:40aux alentours de la plaine,
19:44des sommets tenus par les Français,
19:47qui ont pour fonction de protéger le camp principal.
19:51Donc, supériorité aérienne, supériorité de feu d'artillerie
19:55et contrôle de l'espace central.
19:58C'est ce concept-là qui joue à plein en 1952 à Nassan,
20:03qui se solde effectivement par une défaite cuisante du Viet Minh,
20:07dont une bonne partie du corps de bataille est détruit.
20:10Et Jaap le reconnaîtra lui-même.
20:12Mais justement, Jaap va en tirer toutes les conclusions nécessaires.
20:16Et côté français, on se dit, si ça a marché à Nassan,
20:19ça doit remarcher à Dien Bien Phu.
20:22– Dien Bien Phu.
20:23Donc, cette base aéroterrestre s'est établie en novembre,
20:26c'est ce qu'on appelle l'opération Castor.
20:28Pour l'établir, on arrive comment ?
20:30Avec des camions ? Avec des paras ?
20:32– Non, non, on est à 400 kilomètres de Hanoï,
20:36on est en plein territoire ennemi.
20:38C'est-à-dire que ça signifie opération aéroportée.
20:41Trois bataillons de parachutistes sont largués,
20:44donc le 20 novembre 1953, chez l'ennemi.
20:48– Il y a des combats tout de suite ?
20:49– Ah bah oui, bien sûr, parce que les paras sont largués chez l'ennemi.
20:52– C'est-à-dire que l'ennemi est déjà à Dien Bien Phu ?
20:54– Il est à Dien Bien Phu.
20:55Et donc, il faut nettoyer la plaine,
20:59et il faut ensuite organiser la plaine.
21:02Alors, avec des travaux assez spectaculaires.
21:07Le premier acte va consister effectivement
21:09à construire une piste d'aviation.
21:11– Ça veut dire qu'on a parachuté également les engins de terrassement ?
21:13– On a parachuté dans un premier temps des bulldozers,
21:17notamment en pièces détachées, qui ont été remontées.
21:19Et puis, quand la piste d'aviation sera opérationnelle,
21:22avec des lattes de tôle,
21:26eh bien, ce seront des avions de transport
21:29qui vont acheminer tout le système défensif,
21:32si vous voulez, de la base aéroterrestre.
21:35Dont six chasseurs Burkats,
21:40qui sont là comme soutien aérien de la base,
21:45et un peloton de blindés, sous la direction du capitaine Hervouet,
21:50qui va mourir d'ailleurs en camp de prisonniers,
21:53qui a à sa disposition six chafis, chars moyens, équipés d'un 75.
21:58– Et on met combien de temps à monter cette chaîne-là ?
22:00– Alors, c'est fait, si vous voulez, dans les jours qui suivent
22:03le parachutage du 20 novembre.
22:06En gros, on peut considérer que fin décembre 53,
22:12l'essentiel du camp est…
22:15– Il n'y a pas d'infrastructure en dur ?
22:17– Non, il n'y a pas d'infrastructure en dur.
22:18– Et les abris qui sont creusés ?
22:19– Et c'est d'ailleurs ce qui va s'avérer
22:22terriblement dangereux pour la défense.
22:26Il n'y a pas d'abris bétonnés, notamment.
22:28Il y a des abris en troncs d'arbres, de coco, etc.,
22:32mais ça ne résiste pas aux obus lourds.
22:35Et le fait qu'il n'y ait pas d'abris bétonnés
22:39révèle un facteur déterminant, à savoir qu'il y a eu,
22:45chez les Français, dès le départ,
22:47une sous-estimation du potentiel ennemi.
22:50Une espèce de complexe de supériorité
22:55qui va se révéler par la suite.
22:57– Pourtant, Canavar vient du renseignement,
22:59donc on peut imaginer qu'il aurait eu toutes les informations.
23:02– Oui, mais le renseignement qu'on lui a transmis…
23:06Les services de renseignement en Indochine ne sont pas mauvais,
23:09mais ils ne sont pas toujours à la pointe de la nouveauté.
23:15Et Canavar a été assez peu renseigné sur les possibilités,
23:19notamment d'artillerie vietmine.
23:22Mais ça, ça a été une vraie surprise.
23:24– On va en reparler.
23:25Donc, cette base est insalvée.
23:27Quelle est la réaction de Jap ?
23:29Il prend tout de suite une décision ?
23:31Qu'est-ce qu'il fait ?
23:33Parce que Dien Bien Phu est encerclé, finalement.
23:35– On peut considérer que Dien Bien Phu est littéralement encerclé
23:37dès la fin du mois de décembre 53.
23:40C'est-à-dire que la mission de rayonnement autour de la base
23:44qui était prévue tombe d'elle-même, n'est plus possible déjà,
23:48fin décembre 53, parce que le Vietmine a verrouillé.
23:52Donc, les quelques tentatives d'aller chercher notamment du renseignement
23:58de part et d'autre du camp retranché tombent à plat.
24:03Toutes les unités se font laminer dès qu'elles essaient de sortir.
24:06Donc, effectivement, dès fin décembre 53,
24:09on peut considérer que le camp est encerclé.
24:12– Et Jap ne fait rien ?
24:14– Alors, Jap hésite.
24:16Jap hésite jusqu'au mois de janvier 54.
24:22Est-ce qu'il lui faut accepter la bataille ou pas ?
24:25Est-ce qu'il lui faut tenter de s'emparer du camp ?
24:30Ou est-ce qu'il faut au contraire lancer une opération sur le delta du Ton Khan ?
24:35Bon, c'est en gros au mois de janvier qu'il prend la décision d'accepter la bataille.
24:42Alors, a-t-il pris la décision sous la houlette de conseillers chinois ?
24:49Aujourd'hui, c'est une affaire sino-vietnamienne d'envergure
24:53qui a gagné la bataille de Dien Bien Phu.
24:56Sont-ce les conseillers chinois ? Est-ce Jap lui-même ?
24:59En tout cas, il y a de nombreux conseillers chinois dans le stade,
25:03comme était l'expression de Jap.
25:06Donc, janvier, il décide d'accepter la bataille.
25:10Et c'est aussi le moment où les français décident d'accepter la bataille
25:13en pensant qu'ils sont en état de supériorité d'artillerie et d'aviation.
25:18Jap, tergiverse quand même, renonce à lancer l'assaut jusqu'à mi-février.
25:26C'est mi-février, effectivement, il y a un événement qui survient.
25:29Un événement gravissime pour les français qui survient,
25:34à savoir que les Nations Unies annoncent la tenue d'une conférence à Genève
25:41au printemps 54, donc prévue pour mai-juin 54,
25:46une conférence qui doit régler le sort de l'Indochine française.
25:52Et vous voyez ce que ça signifie, puisque ça signifie très concrètement
25:56qu'au niveau de l'ONU, la politique française en Indochine
26:00est loin de faire l'unanimité, puisque cette politique française
26:04est vue comme une politique colonialiste.
26:07Et notamment par le bloc communiste, bien entendu,
26:10mais aussi par ceux qu'on appelle les non-alignés,
26:13qui sont en fait très peu non-alignés.
26:16Donc, Jap a incontestablement eu raison d'attendre la mi-février
26:22pour prendre la décision d'accepter véritablement la bataille.
26:25Et à partir du moment où il accepte la bataille,
26:29il fait procéder, là aussi avec l'aide de nombreux coulis chinois notamment,
26:35et sans doute avec l'aide de quelques généraux chinois,
26:39il fait procéder à un véritable machinage, si je puis dire,
26:44du champ de bataille futur.
26:46C'est-à-dire qu'il dispose d'une artillerie nombreuse.
26:53Et les français vont en avoir la surprise à leurs dépens,
26:57mais notamment des pièces de 105.
27:00Ces pièces sont démontées, montées à bout de bras
27:03sur les collines dominants, les collines elles-mêmes
27:07qui verrouillent le camp retranché,
27:10et sont installées dans des cavités, c'est-à-dire dans des grottes,
27:15soit creusées, soit naturelles et dont on profite.
27:18Et de manière à ce que les feux de l'artillerie vietmine soient masqués.
27:23Les français sont persuadés d'avoir une supériorité d'artillerie.
27:28– Qu'est-ce qu'on a comme artillerie ?
27:30– Alors on a du 155, du 105 et puis des mortiers de 120.
27:34Et c'est le colonel Pirot qui commande l'artillerie à Dien Bien Phu.
27:39Pirot est un soldat courageux qui a fait une très belle seconde guerre mondiale,
27:43notamment dans le corps expéditionnaire de Jouin en Italie,
27:46qui est amputé d'ailleurs d'un bras.
27:49Et en janvier, février et même encore mars 1954,
27:56il y a de très nombreuses visites officielles dans le camp.
27:59Il y a de très nombreux ministres qui viennent voir l'installation du camp
28:04et l'un d'eux propose au colonel Pirot davantage de pièces
28:09et Pirot refuse en disant non j'ai ce qu'il faut
28:12j'ai ce qu'il faut compte tenu de ce que va être le feu adverse.
28:16– Compte tenu de ce que va être le feu adverse,
28:19c'est-à-dire qu'on attend vraiment la bataille.
28:22On sait que la bataille va arriver.
28:25Et de ce point de vue-là, les services de renseignement français
28:28ont très bien travaillé parce qu'ils savaient au jour près et à l'heure près
28:32que ce serait le 13 mars 1954.
28:35Donc il n'y a pas de surprise.
28:37– Il n'y a pas de surprise.
28:39– Il y a les fameux centres de résistance.
28:42– Voilà, des prénoms de femmes.
28:45– Ils sont équipés en artillerie ou c'est tenu par des fantassins ?
28:48– Ah non, il n'y a pas que des fantassins, il y a des points d'appui.
28:51Les points d'appui sont effectivement déclinés en centres d'artillerie
28:54et en centres de mortier.
28:56Et puis il y a effectivement les pièces les plus lourdes,
28:59notamment les 155 qui sont dans le camp principal, dans le réduit principal.
29:05Mais effectivement, le premier jour de la bataille, le 13 mars 1954,
29:13révèle une surprise énorme.
29:16– Et voilà, donc le 13 mars…
29:18– Autant on savait le jour et l'heure du déclenchement de l'offensive vietmine,
29:24autant on était loin d'imaginer la puissance de feu.
29:27– Donc qu'est-ce qui se passe le 13 mars ?
29:29– Le 13 mars, le vietmine déclenche un feu d'artillerie
29:34qui, aux yeux de nombreux témoins,
29:37ressemble à la puissance de feu qu'on avait durant la Grande Guerre.
29:41Et c'est une surprise totale,
29:44à tel point que le colonel Pirault se suicide avec une grenade,
29:49parce qu'il a manqué à ses devoirs de prévision, je dirais.
29:54Il se sent responsable de cet échec.
29:57Et en 3 jours, donc les 14, 15 mars,
30:053 points d'appui, 3 centres de résistance tombent.
30:10Donc Béatrice, Gabriel et Anne-Marie.
30:14Et Béatrice notamment est tenue par des troupes
30:18en qui on avait pleinement confiance.
30:20C'était un bataillon de la 13e demi-brigade de Légion étrangère.
30:24Donc pas franchement des mauviettes.
30:27Et là, ça donne une idée, effectivement,
30:29de la puissance de feu qui a été subie.
30:31– Ces points tombent uniquement par l'artillerie ?
30:33– Et par un saut, bien entendu, rapprochés.
30:37Et donc là, c'est tout le plan navare,
30:41tout le plan, je dirais même,
30:43de la résistance aéroterrestre qui s'effondre,
30:46parce qu'avec la chute de Béatrice, de Gabriel et d'Anne-Marie,
30:51c'est toute la partie nord de défense du camp
30:55qui tombe en 3 jours.
30:57Vous ajoutez à cela le fait que les 6 Berkates,
31:01les 6 avions chasseurs ne peuvent plus décoller
31:05et sont détruits au sol.
31:07C'est-à-dire qu'en quelques jours,
31:09Dien Bien Phu perd une grande partie
31:13de sa capacité contre-offensive.
31:17C'est une catastrophe.
31:19Deuxième catastrophe, c'est le 26 mars,
31:22lorsque, effectivement, la piste d'aviation n'est plus utilisable.
31:26Non seulement les Berkates ne peuvent plus décoller,
31:30ils n'existent plus, ils ont été détruits,
31:32mais le ravitaillement ne peut plus parvenir
31:37par voie de DC-3, d'avions cargo entre guillemets.
31:41Ils ne peuvent plus se poser.
31:43– Que des parachutages.
31:44– Ils ne peuvent plus se poser, plus personne ne peut décoller,
31:47ce qui signifie un sort absolument terrible,
31:50tragique, dramatique, connu par les blessés
31:54qui ne peuvent plus être évacués.
31:56Les derniers hélicoptères sont mitraillés par le Viet Minh.
32:01Donc, le 26 mars, avec le fait que la piste soit rendue
32:06inaccessible et non opérationnelle,
32:09on peut commencer à dire que c'est le début de la fin,
32:12dès le 26 mars.
32:14Ceci dit, cette première vague d'assaut,
32:18cette première phase de la bataille,
32:20a été tellement meurtrière pour les troupes d'assaut Viet Minh
32:25que Giap est obligé de changer un petit peu de tactique.
32:31Les assauts frontaux couplés à l'artillerie sont trop meurtriers.
32:37Et donc, il va mener une tactique
32:42consistant à asphyxier, je dirais, le camp français
32:48en faisant construire des tranchées,
32:51et on revient aux techniques de combat de la Grande Guerre,
32:54des tranchées successives de plus en plus proches
32:58des tranchées de défense française.
33:02Et lorsque les tranchées sont vraiment très proches,
33:05là, il lance des coups de boutoir,
33:07il lance des assauts d'infanterie,
33:10mais pour lesquels les soldats Viet Minh, les Bodoïs,
33:13n'ont que quelques dizaines de mètres à parcourir
33:16pour être sur les Français.
33:20– Et alors, Dien Bien Phu est isolé,
33:23le seul moyen, donc on ne peut plus exfiltrer le blessé, dites-vous,
33:26le seul moyen après de ravitaillement, ce sont les parachutages.
33:29– Alors, il y aura deux tentatives de désenclavement du camp,
33:33mais qui n'aboutiront, aucune n'aboutira.
33:35– Désenclavement par quel moyen ?
33:37– Par des contre-offensives venues de l'extérieur de Dien Bien Phu,
33:41mais elles seront laminées, tronçonnées, avant même d'arriver au camp.
33:44Donc, effectivement…
33:46– Sinon, on n'envoie pas des bombardiers ?
33:48– Alors, la question s'est posée,
33:51d'une part, les Français ne disposent pas
33:55véritablement de bombardiers lourds, type B-25,
33:58ils en ont, mais c'est long à mobiliser.
34:02Les Américains leur font une offre de B-29.
34:06Le problème, c'est que les distances sont dorénavant très courtes,
34:10et qu'on ne peut pas lancer des bombardiers
34:14qui bombardent de haute altitude,
34:17les faire déverser leur cargaison de bombes sur des espaces
34:21où ils peuvent toucher aussi bien des combattants français du CFO
34:24que des vietmines.
34:26Et donc, l'usage du bombardement aérien
34:29est rapidement décliné, si vous voulez.
34:34En revanche, ce qui aurait pu être réalisé,
34:39ce sont des opérations massives de straffing au sol,
34:43et là, effectivement, les Français ne disposent pas
34:46de moyens matériels suffisamment nombreux
34:49pour désenclaver, en quelque sorte, Dien Bien Phu.
34:52Mais on va en reparler, sans doute,
34:54mais l'armée de l'air française paye un très long tribut à la bataille.
34:57– On va en parler, mais on va attendre d'abord le 31 mars,
35:00où là, Diop lance un nouvel assaut.
35:03– Alors, le 31 mars, c'est effectivement la deuxième grande phase de la bataille,
35:07c'est la bataille dite des 5 collines.
35:10C'est effectivement à l'est du camp, cette fois.
35:14Dans la première phase, on était plutôt au nord du camp.
35:17Et là, il va s'agir effectivement, il s'en paraît,
35:20des dominiques et des hélianes.
35:23Et les combats sont d'une virulence terrible.
35:26On se bat au corps à corps, mais vraiment au corps à corps, à la grenade.
35:29Et un combat très rapproché.
35:32Cette deuxième phase va durer, en gros, jusqu'au 10 avril 54.
35:37Les français sont offensifs dans cette deuxième phase.
35:43Ils lancent des contre-attaques.
35:46Hervouet et Seychard, justement, lancent des contre-attaques.
35:49C'est aussi le moment où Bijarre lance une contre-attaque.
35:53Un certain nombre de terrains sont repris.
35:56Mais très provisoirement, bien sûr.
35:59Et commence à se poser la question du ravitaillement en munitions.
36:03Puisque, comme vous l'avez fort bien dit,
36:06le seul ravitaillement possible, désormais, c'est par parachutage.
36:09Par parachutage imprécis.
36:12Parce que la défense antiaérienne vietmine est d'une telle densité
36:17que les DC-3 se dépêchent de larguer leur cargaison.
36:23Dont une part très notable tombe chez l'ennemi.
36:27Et puis, même pour récupérer les conteneurs,
36:30c'est la croix et la bannière chez les français.
36:32Parce qu'ils doivent faire ça sous le feu de l'ennemi.
36:36Donc là, on assiste à des véritables actes d'héroïsme, j'imagine ?
36:39Oui, bien sûr. Des actes d'héroïsme.
36:41Des actes de sacrifice.
36:43Le lieutenant Brunebourg qui tire à débouché zéro
36:46avec ses pièces d'artillerie.
36:48Qui lamine un bataillant vietmine, mais qui est tué trois jours après.
36:53Parce qu'ils savent déjà rapidement qu'il n'y a plus d'espoir ?
36:55Absolument.
36:57Le 10 avril, il s'agit de tenir le plus longtemps possible.
37:01Mais le sort du camp est réglé.
37:06Je demande avant d'aborder cette phase finale,
37:09un mot sur le rôle de l'armée de mer
37:11qu'on a souvent désigné comme responsable de la défaite.
37:15Est-ce vrai ?
37:17Alors, l'armée de l'air s'était peut-être engagée un peu imprudemment
37:22dans certaines promesses.
37:24Puisque l'armée de l'air avait soutenu,
37:27donc le général Deschauds, qui commande l'aviation à Indochine,
37:30a soutenu le plan Navarre.
37:34Et s'est engagée à livrer 180 tonnes de matériel par jour.
37:41Ces livraisons auraient pu être à peu près réalisées
37:47si la piste d'aviation avait tenu.
37:49Mais, encore une fois, passé le 26 mars,
37:52il n'est pas possible de larguer 180 tonnes par jour.
37:56Et encore une fois, un grand nombre tombe chez l'adversaire.
38:01Ceci dit, il faut quand même...
38:04Donc là, il y a un échec réel de l'armée de l'air,
38:09mais qui tient aussi à la situation géographique du lieu.
38:13Nous sommes à 400 km de Hanoï.
38:16Vu les autonomies de vol, si vous voulez,
38:19des DC-3 ou des avions de chasse destinés à les strafer,
38:24ils peuvent rester 10 minutes, un quart d'heure au-dessus de Tien Bien Phu.
38:28C'est une autre difficulté.
38:30Et puis, bien entendu, la difficulté principale,
38:33ce sont les canons de 37 mm livrés par les Chinois aux Vietmines,
38:38des canons anti-aériens.
38:40Il y a d'ailleurs la 351e division Vietmine
38:44qui est spécialisée en artillerie, et notamment en artillerie anti-aérienne,
38:47et qui va faire des ravages dans les rangs des aviateurs français.
38:5339 avions détruits, quand même, dans la bataille.
38:5822 personnels navigants de tués,
39:01mais 55 portés disparus aussi.
39:04C'est-à-dire que les pertes en aviation à Tien Bien Phu
39:08représentent quasiment plus que la totalité des pertes de l'aviation
39:14sur toute la durée de la guerre.
39:16Et des anciens de l'aviation,
39:19qui avaient connu les bombardements sur l'Allemagne
39:22quelques dix ans auparavant,
39:24on comparait la puissance anti-aérienne du Vietmine
39:28à la puissance de la flaque allemande sur la Roue.
39:31Donc, si vous voulez, c'est une densité de feu qui est très réelle.
39:35Voilà, c'est en cela qu'on peut parler d'un échec relatif de l'aviation.
39:40– Malgré ça, il y a des parachutages quand même continus,
39:42voire des parachutages de combattants.
39:44– Des parachutages de combattants jusqu'à 3 jours avant la chute.
39:47– Qui sont volontaires.
39:48– Oui, qui sont volontaires, dont certains ne sont pas tous brevetés parachutistes,
39:51mais qui sautent quand même pour aller retrouver les copains, les camarades.
39:55Alors qu'ils savent pertinemment ce qui les attend.
39:57– Il y a encore des tentatives quand même d'atterrissage ?
39:59– Non.
40:00– Non, plus rien.
40:01– Non, non.
40:02Passer le fin mars, ça n'est plus possible.
40:06La piste est trop démantelée.
40:08– Donc le 1er mai, c'est…
40:11– Dernière grande phase.
40:12– Dernière grande phase.
40:13– Dernière grande phase de la bataille.
40:14– Grande attaque.
40:15– C'est l'attaque finale.
40:16– Finale.
40:17– Oui.
40:18– Donc là, la vallée est submergée.
40:20– Oui, ce qui reste de points d'appui,
40:25sont effectivement, tombent les uns après les autres,
40:29dans des résistances héroïques,
40:31mais effectivement en drame de l'honneur en quelque sorte,
40:34puisque le sort de la bataille est scellé désormais.
40:39Et donc, les tout derniers combats ont lieu le 7 mai.
40:43– Et comment ça se passe ?
40:44L'armée se rend, il y a un tarpeau blanc ?
40:47– Non, il n'y a pas de tarpeau blanc, il n'y a pas de capitulation.
40:51De Castres, qui commande le camp,
40:53qui vient d'être d'ailleurs nommé général de brigade le 15 avril,
40:56qui a reçu ses étoiles parachutées,
41:00informe Hanoï qu'il n'est plus en mesure de se battre
41:04et qu'il va cesser le combat.
41:06Mais il n'y a pas de rédition stricto sensu,
41:09il y a une cessation du combat,
41:11et contrairement à ce qu'a affirmé le Viet Minh,
41:13il n'y a pas eu de drapeau blanc de hyssée.
41:15C'est donc les baudeuils qui déferlent
41:18sur ce qu'il reste de troupes qui se rendent.
41:23– Il reste combien d'hommes valides ?
41:25– A peu près 13 000 hommes dans la plaine de Dien Bien Phu au départ,
41:3113 bataillons en gros.
41:34Il y a 1142 tués, officiellement recensés,
41:39mais il y a 1606 disparus,
41:42essentiellement dans les supplétifs Thaïs.
41:48Alors, soit qu'ils vont réussir à deserter discrètement,
41:51soit surtout qu'ils vont être exécutés immédiatement par le Viet Minh,
41:55puisqu'il s'agit de traîtres à leurs yeux.
41:584400 blessés, sur une population du camp à 13 000 hommes,
42:06donc vous avez en gros un peu plus de 9 000 à 10 000 prisonniers.
42:10– Qui eux connaîtront un sort également…
42:13– Un sort absolument terrible,
42:15d'une part ils vont être humiliés,
42:18on va les faire tourner en rond devant un kardaï
42:22qui est un metteur en scène soviétique
42:24pour gonfler les effectifs de prisonniers.
42:28Les supplétifs Thaïs et Hmong vont être immédiatement séparés
42:32des troupes du CFO,
42:34les officiers vont être séparés de leurs hommes,
42:37et va s'en suivre ce qu'on appelle une marche à la mort,
42:40c'est-à-dire plusieurs jours de marche
42:42où les soldats sont privés de leurs chaussures
42:45pour qu'ils puissent marcher comme le peuple vietnamien,
42:49où les blessés sont systématiquement achevés
42:53et où on va leur faire construire leur propre camp dans la jungle
42:58avec des sorts terribles, une mortalité terrible également.
43:02– Alors en conclusion, que peut-on dire de l'attitude des politiques ?
43:07Est-ce que leur responsabilité est vraiment engagée dans la défaite ?
43:11Parce qu'il y a Maillère, il y a Lénine, il y a Médecin France,
43:14comment ont-ils géré ?
43:15– L'attitude des politiques change assez radicalement
43:18au moment de la bataille elle-même.
43:20C'est-à-dire que Dien Bien Phu, c'est le moment
43:22où la Chambre des députés semble retrouver un petit peu
43:25le fait qu'il y ait une guerre en Indochine.
43:28Et il y aura un hommage rendu à la Chambre des députés le 8 mai,
43:33auquel, bien entendu, les députés communistes
43:35vont refuser de s'associer.
43:37Mais il y a, pour la première fois, peut-être depuis le début de la guerre,
43:40une espèce d'élan de solidarité nationale à l'égard des troupes de Dien Bien Phu.
43:45Ça, c'est nouveau.
43:47Maintenant, on peut jeter, si vous voulez, une passerelle
43:51avec l'Algérie qui est toute proche, chronologiquement, bien évidemment.
43:55La guerre d'Algérie commence quelques mois plus tard, en novembre 54.
43:59Et on peut jeter une passerelle à travers la conférence de Genève
44:03où, effectivement, Mendes France dit, on jette l'éponge,
44:07on se retire d'Indochine, par les accords de juin 54.
44:12On va se retirer définitivement, il y aura encore des troupes jusqu'en 56,
44:15mais enfin on se retire, le cessez-le-feu a lieu au mois de juillet 54.
44:20Mais il a prévenu, avant la signature des accords de Genève,
44:27Mendes a prévenu les députés français en disant,
44:30on peut continuer la guerre, parce que c'est une défaite grave.
44:34Mais, objectivement, ça pouvait ne pas être la fin de la guerre.
44:38Une partie du corps de bataille français est détruite,
44:41mais une partie du corps de bataille vient de mine également.
44:43Et Mendes dit très clairement aux députés, on peut continuer.
44:48Mais, si vous voulez qu'on continue, il faut que j'envoie le contingent.
44:52Et vous voyez la passerelle avec la guerre d'Algérie.
44:55Alors, bien entendu, il y a des différences, puisque l'Algérie, c'est la France,
44:58ce sont des départements français.
45:00Et là, on va pouvoir, effectivement, engager le contingent.
45:03À la différence de l'Indochine, qui ne sont pas des départements français.
45:08Mais, Mendes a manié, en quelque sorte, la menace.
45:11Et on voit bien qu'effectivement, il y a une continuité
45:14dans la gestion de ces guerres, via la question du contingent.
45:19– François Cochet, merci infiniment, c'était passionnant.
45:22Je renvoie, notamment, au dictionnaire de la guerre d'Indochine,
45:26que vous avez dirigé avec Yvan Cadot, François Cochet, Rémi Porte,
45:29mais il y a une bonne… je n'ai pas compté, il y a combien de temps ?
45:32– 49, 49 collaborateurs.
45:35– Là, c'est vraiment la Bible de la guerre d'Indochine.
45:39Alors, avant de nous quitter à un conseil de lecture,
45:42un ouvrage de Rémi Porte, qui collabore à ce dictionnaire de la guerre d'Indochine.
45:47Lui, il a écrit un dictionnaire d'histoire militaire de la France,
45:51des origines à nos jours.
45:53Car, comme s'il affirmait le général de Gaulle,
45:56la France s'est faite à coups d'épée,
45:58s'intéresser à son histoire nécessite de prendre en compte son histoire militaire.
46:01C'est l'objectif de ce dictionnaire,
46:03et établi donc par Rémi Porte l'un des meilleurs historiens militaires français.
46:07Cet ouvrage comporte plus de 780 entrées,
46:10brèves, mais aussi complètes que possible.
46:12De l'Arbalète au canon César, de Versailles-Géthorix au général Bijart,
46:16de la bataille de Fontenoy au combat de Timimoune,
46:19des guerres d'Italie à l'Afghanistan.
46:21C'est un ouvrage essentiel qui intéressera un grand public d'amateurs curieux,
46:25ou les étudiants désireux de s'immerger dans l'histoire militaire de la France.
46:30Et une information que nous demande de communiquer l'ami Rénald Seychère.
46:35Le 11 mai 2024, au priori Saint-Pierre-S-Lien à la chapelle Basse-Mer,
46:41c'est à 10 minutes de Nantes,
46:43un hommage sera rendu aux victimes des colonnes infernales,
46:46dont on commémore le 230ème anniversaire de leur retrait du territoire de la Vendée,
46:51le 13 mai 1794,
46:54ainsi que le rappel de Thurot, général en chef de l'armée de l'Ouest.
46:58A cette occasion sera organisée une journée avec messe,
47:02concert, inauguration de huit bustes en marbre des généraux vendéens,
47:06une conférence de Jacques Villemin,
47:09juriste spécialisé en crimes de guerre et en droits pénals internationaux,
47:13un dîner, et pour clôturer la journée, un feu d'artifice.
47:16C'est également l'occasion de rappeler la parution du dernier livre fraîchement réédité
47:21de Rénald Seychère, Guerre de Vendée et Génocide à la chapelle Basse-Mer.
47:26C'était Passer Présent, l'émission historique de TVL,
47:30réalisée en partenariat avec la Revue d'Histoire Européenne.
47:33Vous allez maintenant retrouver Christopher Lanne et sa petite histoire,
47:37mais avant, n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
47:40et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
47:43Merci et à bientôt.
47:57Voilà, Martial Bill voulait une chemise, il l'a.
48:00Top, je suis un tireur hors pair, je chasse le bison,
48:02j'inspire la crainte aux tribus indiennes,
48:04j'incarne presque à moi seul l'esprit de l'ouest américain,
48:07je suis, je suis, qui a dit Puffalo Grill ?
48:09Bon, allez, on va reprendre depuis le début.
48:10William Frédéric Cody, de son vrai nom, est né dans l'Iowa en 1846.
48:14Il va rapidement partir avec sa famille au Kansas
48:16et va se retrouver très jeune, chef de famille,
48:19à onze ans après la mort de son père,
48:21blessé mortellement par un militant esclave.
48:23Pendant un discours.
48:24Sa famille étant l'une des premières à s'installer dans le Kansas sauvage,
48:27William va passer son jeune âge à parcourir les grands espaces
48:30et les terres de l'Ouest.
48:31Autant vous dire que ça forge le caractère
48:33et son premier emploi fut d'ailleurs Pony Express Rider.
48:36Là, je vous parle pas d'un CDD chez McDo,
48:38je vous parle quand même d'un poste de courrier postal
48:40à travers des terres hostiles qui grouillent d'Indiens.
48:42Par la suite, il devient conducteur de convoi, tout aussi dangereux,
48:45et s'engage ensuite comme éclaireur dans l'armée
48:47pour le 5e régiment de cavalerie.
48:49William est bon cavalier.
48:51Très bon cavalier.
48:52Sa première mission consistera à chasser le bison
48:54pour approvisionner les ouvriers qui travaillaient
48:56sur la Kansas Union Railroad.
48:58Pendant la guerre de Sécession,
48:59il sera placé sous les ordres du général Sheridan
49:01et deviendra même son courrier de l'extrême
49:03chargé de traverser des régions grouillant d'Indiens bien remontées.
49:06Après la guerre et après les guerres indiennes,
49:08il reprend la chasse aux bisons
49:09et gagne alors son surnom de Buffalo Bill.
49:11Buffalo étant la traduction de bison
49:13et Bill étant le diminutif de Bill.
49:16Et autant vous dire qu'en tant que chasseur,
49:18il envoie du pâté, le fiston.
49:19Il gagne même un duel contre Bill Comstock
49:22en abattant 69 bisons contre 48
49:25avec les félicitations, il faut le dire,
49:27d'Elise Blaise de TV Liberté.
49:29De là à dire qu'il est le responsable
49:31de la quasi-extinction de l'espèce,
49:33c'est aller un peu vite en bleu d'oeil.
49:34Il faut rappeler qu'à cette époque,
49:35l'armée encourageait massivement
49:37à l'éradication de cette espèce
49:38qui était une ressource vitale pour l'indépendance
49:40de l'indépendance de l'indépendance de l'espèce.
49:42On payait 25 cents la langue de bison
49:44considérée comme une délicatesse culinaire
49:46au point que parfois on se donnait même pas la peine
49:48de prélever le reste de la chair et de la peau
49:50sur l'animal.
49:51Les plaines de l'Ouest se recouvrirent alors
49:53de cadavres de bisons sans langue.
50:00Hé, ça c'est la petite touche à l'américaine,
50:02c'est comme ça.
50:12...
50:38Buffalo Bill devient ensuite mercenaire
50:40et par la même occasion,
50:41le cauchemar des tribus indiennes
50:42qui le craignaient particulièrement.
50:44À cette époque, il sert d'ailleurs de guide
50:46à des personnalités célèbres
50:47comme par exemple le tsar Alexandre II de Russie.
50:50À 26 ans, il croise la route de Ned Buntline,
50:52un correspondant de guerre
50:53qui va se fasciner pour son histoire
50:55au point d'en écrire un feuilleton
50:56dans un hebdomadaire new-yorkais.
50:58Chez les habitants de la Nouvelle-Angleterre
50:59qui sont au milieu des conflits de la frontière,
51:01se crée un engouement général
51:03pour les histoires de l'Ouest sauvage.
51:05Convaincu par Buntline,
51:06Cody se lance alors dans le monde du spectacle
51:08et va voir sa vie basculer.
51:10Il débute ses premières tournées en 1872
51:12avec des dialogues simples à l'extrême
51:14mais avec une mise en scène originale.
51:16Devant un public ébahi,
51:17Bill traverse la scène sur son cheval,
51:20tire des cartouches à blanc
51:21et abat virtuellement des dizaines d'Indiens.
51:23Le Western est né, tout simplement.
51:25C'est à ce moment que Cody, acteur de talent,
51:28implante solidement dans l'imaginaire américain
51:30l'image de Buffalo Bill.
51:31Moustache, barbe en pointe, cheveux longs,
51:34chemise brodée, cuissard d'affrange,
51:36chapeau Stetson, carabine...
51:38Tout cet attirail va devenir le symbole
51:40des Cowboys de l'Ouest.
51:41Dans quasiment tous les Westerns que vous avez pu voir,
51:43le personnage principal ressemble quasiment à ce descriptif.
51:46Et pourtant, il n'était pas tous comme ça.
51:48Par exemple, le chapeau Stetson,
51:50accessoire incontournable de la panoplie Cowboy,
51:53était plutôt rare
51:54et les Cowboys les vrais lui préféraient souvent
51:56le sombrero plus léger et moins chaud.
51:58Le sombrero, c'est sûr, ça fait tout de suite moins crédible.
52:03En 1883, l'affaire prend une autre dimension
52:06et on invente le Wild West,
52:07un spectacle qui veut reconstruire
52:09authentiquement la vie de la frontière.
52:11Associé à Nate Salisbury,
52:13il donne au spectacle la forme qu'il conservera
52:15pendant 30 ans et fera son succès.
52:17Un véritable tableau vivant des scènes de l'Ouest
52:19avec des dizaines de figurants,
52:21des animaux et même un orchestre.
52:23Sur la scène, Cody enfourchait son cheval blanc
52:25et se livrait à d'impressionnantes démonstrations et caisses.
52:28On reconstituait des attaques de diligence par des Indiens,
52:31des attaques de colons par des Indiens,
52:33des épisodes des guerres indiennes,
52:35des rituels indiens,
52:36du dressage au lasso
52:37et même de la capture de chevaux et de taureaux.
52:39Ces derniers étaient réalisés par des garçons vachés,
52:42les fameux cowboys,
52:43qui étaient jusque-là relégués au bas de l'échelle sociale,
52:45il faut le préciser.
53:05...
53:29Inutile de vous préciser ce qu'on ressentait
53:31avec ces yeux de citadins
53:32quand on voyait ces scènes de batailles,
53:34de chasse avec des dizaines de figurants,
53:36des chevaux et des bisons
53:37qui courent dans tous les sens.
53:38C'était Hollywood !
53:39Notons également que Buffalo Bill voulait
53:41que le spectacle soit le plus authentique possible,
53:43ainsi il engageait de vrais Indiens
53:45qui étaient salariés
53:46et se servaient de vrais accessoires
53:48comme par exemple une diligence
53:50qu'il a lui-même conduite.
53:51Seul bémol, pour le show,
53:53il a engagé uniquement des Sioux Lakota,
53:55ce qui a réduit considérablement
53:57l'imaginaire occidental
53:58aux rituels et aux tenues vestimentaires
54:00de cette seule tribu
54:02au détriment des 500 autres nations indiennes.
54:05Autre précision,
54:06les Indiens participaient au spectacle
54:08avec ce qu'on pourrait appeler
54:09leurs tenues de cérémonie
54:10avec des coiffes ornées de dizaines de plumes
54:12qui étaient en fait plutôt rares
54:14et qui n'étaient utilisées que par quelques tribus.
54:16Bah oui, mais il fallait faire des kotas !
54:18Ils n'étaient pas encore très avancés
54:19dans la pensée progressiste à l'époque.
54:21Et pour dire à quel point
54:22ils n'étaient pas encore très avancés
54:23dans le progrès,
54:24rappelons qu'il a quand même été reproché
54:26à Buffalo Bill
54:27de laisser les Indiens porter leurs tenues
54:29et parler leur langue
54:30pendant le spectacle
54:31plutôt que de les voir s'assimiler
54:33à la civilisation américaine.
54:34Alors les mecs,
54:35ils débarquent à l'improviste,
54:36ils défouraillent tout ce qui bouge,
54:38bisons comme Indiens,
54:39et ensuite ils demandent
54:40aux quelques dizaines de survivants
54:42qu'il reste de bien vouloir
54:43s'assimiler à la culture américaine.
54:45S'assimiler à la civilisation américaine,
54:47c'est-à-dire acheter 2 4 4,
54:48une télévision à crédit,
54:50manger toute l'année au fast-food...
54:51Bon, je fais vite,
54:52mais en gros c'est ça.
54:53Pour en revenir à Buffalo Bill,
54:54qui a été l'ennemi des Indiens à une époque,
54:56rappelons qu'il a milité ouvertement
54:58pour leur protection,
54:59notamment en 1890,
55:01lorsque l'armée voulait les exterminer.
55:03Il parviendra même à recruter
55:04des chefs indiens importants
55:06pour son show,
55:07le plus célèbre étant Sitting Bull.
55:08Et aussi,
55:09le grand chasseur de bisons de Buffalo Bill
55:10militera également
55:11pour la survie de l'espèce,
55:12notamment dans les années 1880,
55:14lorsque celle-ci était quasiment éteinte.
55:16Il faut le dire !
55:17Revenons à nos moutons.
55:18Le spectacle,
55:19grandiose,
55:20rencontre un tel succès
55:21qu'une tournée en Europe
55:22est très vite organisée.
55:24La première a lieu en 1887
55:26et passe par Paris.
55:27A chaque fois,
55:28une foule immense se presse
55:29pour admirer l'habile cavalier
55:30et surtout pour observer les Indiens,
55:32qui étaient la véritable curiosité
55:34et le clou du spectacle.
55:35Je vous laisse d'ailleurs
55:36admirer l'affiche parisienne de l'époque
55:38où on voit le visage de Buffalo Bill
55:40imprimé sur un bison
55:41avec cette simple phrase
55:42« Je viens. »
55:43Ça en jette, hein ?
55:44Il faut vous imaginer
55:45ce que représentait cette troupe
55:46avec des centaines de personnes,
55:48des centaines d'animaux,
55:49dont 300 chevaux
55:50et une dizaine de bisons.
55:51Il aura fallu 16 navires
55:53pour leur faire traverser l'Atlantique.
55:54Vous imaginez ?
55:55Et une fois installée sur place,
55:56elle prenait l'allure
55:57d'un curieux petit village.
55:59...
56:21Pour l'anecdote,
56:22l'organisation de cette troupe
56:23était tellement bien huilée
56:24et tellement efficace
56:25que lors de son passage à Berlin,
56:28les envoyés du Kaiser
56:29prenaient systématiquement des notes
56:31dans le but d'améliorer
56:32l'armée allemande.
56:33Annie Wacklen,
56:34la tireur d'élite de la bande,
56:35confiera même
56:36qu'il lui était impossible
56:37de faire un pas
56:38sans se retrouver
56:39avec une quarantaine
56:40d'officiers allemands
56:41carnés de notes à la main
56:42en train de prendre des notes
56:43pour la logistique.
56:44Puis nous, derrière,
56:45on l'a payé cher en final.
56:46On connaît la suite.
56:47Quoi qu'il en soit,
56:48le spectacle sera de retour
56:49en Europe en 1902
56:50avec une nouvelle tournée
56:51et un passage de 3 mois à Paris
56:53au Champ de Mars
56:54au pied de la Tour Eiffel.
56:55Grâce à une arène
56:56de 25 000 places
56:57s'il vous plaît
56:58et 2 représentations par jour,
56:59le spectacle attirera
57:003 millions de visiteurs.
57:01Avant de terminer,
57:02j'ajoute encore une anecdote.
57:03La tournée s'est poursuivie
57:04cette fois en province,
57:05dans plus de 118
57:06petites et moyennes villes.
57:07C'est en Camargue
57:08que les Indiens
57:09se sentaient le mieux
57:10parce qu'ils retrouvaient
57:11un paysage familier,
57:12des chevaux en liberté
57:13et de grands espaces.
57:14Dans le sud de la France,
57:15les Indiens rencontreront
57:16le marquis Folko
57:17de Baroncelli-Javon
57:18qui les impressionnera
57:19par sa maîtrise du cheval.
57:20Une amitié se créera
57:21entre eux
57:22et le marquis amoureux
57:27qui partageait
57:28les revendications des Indiens
57:29écrira de nombreux poèmes
57:30et tournera
57:31de nombreux films
57:32sur le sujet.
57:33Oui,
57:34les premiers westerns
57:35sont camargués.
57:36En 1892,
57:37des Indiens sont même venus
57:38honorer la mémoire du marquis
57:39à l'occasion des 500 ans
57:40de la rencontre
57:41entre les tribus amérindiennes
57:42et les Français
57:43qui ont,
57:44il faut le dire,
57:45toujours eu des liens
57:46beaucoup plus cordiaux
57:47et beaucoup plus fraternels
57:48qu'avec ces gros bourrins
57:49d'anglo-saxons.
57:50Merci à tous
57:51d'avoir suivi
57:52ce nouvel épisode
57:53de La Petite Histoire
57:54et d'être de plus en plus nombreux
57:55pour l'émission sur Youtube.
57:56Je vous dis à bientôt
57:57pour de nouvelles aventures
57:58sur TV Libertes.
58:25Sous-titrage Société Radio-Canada