Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA)
Article L. 813-13
Date de rendu de la décision : 28 mai 2024
Article L. 813-13
Date de rendu de la décision : 28 mai 2024
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00:00 Veuillez vous installer rapidement, s'il vous plaît.
00:02 Bien. Nous prenons la QPC n° 2024/1090.
00:15 Elle porte sur l'article L813-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
00:23 Mme la préfète.
00:24 Merci, M. le Président.
00:26 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 février 2024 par un arrêt de la 1re Chambre civile de la Cour de cassation.
00:33 Une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Mohamed Kattar, portant sur la conformité aux droits et libertés
00:40 que la Constitution garantit de l'article L813-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
00:49 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020, portant partie législative du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
01:00 Cette question relative à l'effectivité du droit de s'alimenter d'une personne étrangère retenue pour vérification de son droit de circulation ou de séjour
01:09 a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-1090 QPC.
01:16 M. Olivier Cardon a produit des observations dans l'intérêt de M. Mohamed Kattar, partie requérante, le 3 avril 2024.
01:24 Le Premier ministre a produit des observations le 20 mars 2024.
01:27 La SCP Spinozi a demandé à intervenir dans l'intérêt de la Ligue des droits de l'homme et a produit à cette fin des observations les 20 mars et 3 avril 2024.
01:37 Seront entendues aujourd'hui l'avocat de la partie requérante, l'avocat de la partie intervenante et le représentant du Premier ministre.
01:45 Merci Madame. Nous allons donc d'abord écouter M. Cardon qui est avocat de la ville, qui représente M. Kattar, partie requérante.
01:54 Merci M. le Président, Madame, Monsieur, des membres du Conseil.
01:57 Je suis particulièrement honoré d'intervenir devant votre Conseil pour faire suite à la QPC que j'ai déposée le 23 novembre 2023 devant la Chambre des libertés
02:06 près de la Cour d'appel de Douai pour la défense de M. Kattar.
02:10 Cette QPC pose la question de la conformité à la Constitution française des articles L. 813-13 et L. 813-5 du Code de l'entrée et de séjour des étrangers
02:20 sur les conditions dans lesquelles l'étranger est placé en retenue administrative.
02:25 Précisément, nous soutenons que ces dispositions législatives ne prévoient pas les conditions dans lesquelles l'étranger est ou n'est pas alimenté pendant la procédure de retenue administrative
02:37 à la différence de la mesure de garde à vue.
02:40 Nous estimons que cette disposition méconnaît gravement le principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine,
02:49 notamment en cas de mesure de privation de liberté.
02:52 Or, ce principe a été reconnu dès 2010 dans votre décision du 30 juillet 2010, 2010-14-22, mais il a été rappelé, et c'est à la lecture de cette décision que j'ai déposée cette QPC,
03:06 elle a été rappelée avec force dans votre décision du 6 octobre 2023, le 2023-1064, à propos des locaux et des conditions d'accueil des locaux de garde à vue.
03:19 Par la suite, nous considérons en effet que toute mesure de privation de liberté doit être mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne humaine.
03:28 C'est ce que vous avez rappelé dans votre décision.
03:31 Revenons quelques instants et très brièvement sur les conditions dans lesquelles cette loi du 31 décembre 2012 qui a instauré cette procédure de retenue a été votée.
03:42 Vous savez que cette loi, qu'on a appelée la loi VALS du nom du ministre de l'Intérieur, avait été votée en procédure accélérée par le Parlement
03:50 à la suite des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne de 2011 et de la Cour de cassation du 5 juillet 2012,
03:57 qui interdisait le séjour de placer en garde à vue un étranger présumé en situation irrégulière.
04:05 Les services de police se retrouvaient à partir de juillet 2012 dans une sans cadre juridique pendant plusieurs mois.
04:13 Et c'est dans ce cadre que cette loi a été votée sans d'ailleurs qu'aucun recours n'ait été déposé par les parlementaires pour apprécier la conformité de la loi à la Constitution.
04:24 Alors cette loi, elle prévoyait une procédure de retenue d'une durée de 16 heures pour bien la différencier avec la mesure de garde à vue.
04:32 Et également, on a même ajouté dans la loi que le retenu ne pouvait pas être placé dans les mêmes conditions qu'un gardé à vue.
04:43 Et en réalité, au fur et à mesure du temps, on va voir que ces deux cadres juridiques, la procédure de retenue et la procédure de garde à vue,
04:51 vont converger au point d'ailleurs qu'en 2018, avec la loi Colombe, la procédure de retenue va passer de 16 heures à 24 heures.
05:01 Or, cette durée de 24 heures va dans les services de police se systématiser. On va avoir des durées, on a même appelé, nous appelons en réalité,
05:12 cette situation de retenue de confort pour sans investigation. Vous aviez des actes qui étaient réalisés dans les premières heures.
05:19 Et puis on attendait la fin des 24 heures. Et en effet, pendant ce délai, on ne prévoyait pas les conditions dans lesquelles l'étranger était alimenté.
05:29 Alors c'est, de mon point de vue, une omission du législateur. Dès lors que cet article L 813-13 ne prévoit pas et n'impose pas, en tout cas,
05:42 à l'officier de police judiciaire de mentionner dans le procès verbal de fin de retenue les heures auxquelles l'étranger a pu s'alimenter,
05:49 il ne permet pas à l'autorité judiciaire d'assurer un contrôle effectif du respect des droits fondamentaux de l'étranger privé de liberté
05:57 et d'absence d'atteinte à sa dignité. Alors on a eu des décisions étonnantes qui ont été rendues par les juges du Fonds et notamment par le juge des libertés de Lille,
06:06 puisqu'on expliquait que c'était à l'étranger d'apporter la preuve qu'il n'avait pas été alimenté. C'était mission impossible pour nos clients d'apporter cette preuve,
06:18 la preuve d'un fait négatif. Et au surplus, l'étranger est soumis à une mesure de contrainte. C'est bien à l'administration d'apporter la preuve que l'étranger
06:28 a été régulièrement alimenté pendant cette durée de 24 heures. Alors c'est ce que reconnaît le mémoire du secrétariat général du Premier ministre,
06:37 puisque c'est une mesure de bon sens d'avoir pris cette position. Ça reste une avancée. Le Premier ministre, dans ses dernières écritures, vient présenter des observations
06:48 pour considérer que ces dispositions seraient conformes à la Constitution française. Je considère en effet que ce contrôle... On nous dit que la procédure de retenue
07:01 est sous le contrôle du parquet. En réalité, le parquet n'exerce très peu de contrôle sur la procédure de retenue et on ne peut pas considérer qu'il y a un contrôle suffisant
07:10 sur ce point. On nous dit que le procès verbal de fin de retenue a été modifié ces derniers mois. Je vous ai apporté dans le cadre du mémoire en implique la preuve que malheureusement,
07:21 ce PV et ce procès verbal n'ont pas été modifiés. Et dans ces conditions, je vous demande, M. le Président, Mme, M. les membres du Conseil, de bien vouloir déclarer
07:32 non conformes à la Constitution les dispositions de l'article L. 813-13 du Code de l'entrée de séjour, en ce qu'elle ne prévoit pas les conditions d'alimentation du retenu.
07:41 Je vous demande également, M. le Président, Mme, M. les membres du Conseil, de bien vouloir abroger immédiatement ces dispositions litigeuses sans en différer dans le temps.
07:52 Pourquoi ? Parce que cette annulation permettra d'assurer immédiatement une protection effective des droits. C'est tous les jours que nous avons...
08:00 Nous pouvons être confrontés à cette difficulté. Telles sont les brèves observations que je souhaitais présenter pour la défense de M. Qatar.
08:10 Merci, M. le Président. M. Spinozzi, qui est avocat au Conseil, qui représente la Ligue des droits de l'homme, partie intermédiaire.
08:19 M. le Président, M. les membres du Conseil constitutionnel, vous l'aurez bien compris, toute la question qui vous est posée est celle de savoir si les dispositions
08:29 qui sont contestées et qui ne prévoient pas l'obligation pour le procès verbal de rétention administrative de préciser les horaires ou si la personne qui a été retenue
08:40 a bien été alimentée, est-ce que ce texte est conforme à la Constitution, sachant – et c'est tout l'enjeu – que d'autres textes, et en particulier l'article 64
08:49 relatif à la garde à vue, comme l'article 803-3 relatif au déferlement, prévoient expressément qu'il y ait cette obligation comme une garantie des libertés
08:59 des personnes qui se voient privées de liberté, que le procès verbal présente le fait qu'il ait bien pu s'alimenter. Et la question qui doit, à mon avis, vous guider,
09:12 est de savoir est-ce qu'il y a une raison à cette différence, est-ce qu'il y a une justification qui permette de dire, au fond, ce droit qu'on reconnaît aux gardes à vue,
09:20 ce droit qu'on reconnaît à la personne qui est déferée, eh bien c'est normal qu'il ne soit pas reconnu, ou en tout cas il y a une justification, en fait,
09:27 qu'il ne soit pas reconnu à la personne qui est retenue administrativement dans le cadre d'une procédure de reconduite à la frontière, par exemple.
09:36 Alors mon confrère vous l'a d'ailleurs rappelé, il y a une source historique à tout cela, puisque vous le savez, auparavant, on utilisait la garde à vue
09:44 pour pouvoir retenir les étrangers qui étaient en situation irrégulière, et c'est à la suite des décisions de la Cour de justice de l'Union,
09:52 qui avait d'ailleurs été initiée par des associations comme la CIMAD, qu'il a été constaté que l'étranger ne devait pas être considéré comme un délinquant.
10:02 Et dans ces conditions, il ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure de garde à vue, ce qui a amené le législateur à créer une mesure de rétention ad hoc.
10:09 Et objectivement, pourquoi se rappelle, il est quand même assez surprenant que la personne, l'étranger, qui se trouve retenue administrativement,
10:17 et donc qui subit de la même manière une limitation de sa liberté d'aller et de venir, mais qui présente un danger, ou en tout cas qui a vocation à être traité
10:25 de façon plus favorable que par la procédure pénale, se voit reconnaître moins de droits. Quelques mots sur les raisons qui justifient,
10:35 pour le secrétaire général du gouvernement, que vous confirmiez la disposition légale qui vous est déferlée. Premièrement, on vient vous dire,
10:45 écoutez, en fait, on ne peut pas vous demander, vous ne pouvez pas demander au législateur de tout préciser. Il y a d'ores et déjà un principe,
10:53 qui est le principe de la dignité, chacun le sait, et on ne peut pas demander au législateur d'entrer dans le détail de chacune des mesures qui ont vocation
11:01 à être vérifiées dans le cadre d'une retenue administrative. Alors pourquoi pas ? Mais dans ce cas-là, pourquoi l'avoir fait pour la garde à vue ?
11:09 Pourquoi l'avoir fait pour le déferlement ? Dans ce cas-là, il n'y a aucune raison que cette exigence, cette garantie, soit spécifiquement prévue
11:20 lorsqu'il y a d'autres mesures de contrainte. Et donc cet argument qui est de dire « ça n'est pas la mission du législateur d'entrer dans ce type de détail »
11:29 est contredit par la loi elle-même et par le droit positif actuel. Deuxième argument qui est avancé par le secrétaire général du gouvernement,
11:39 qui est dans la continuité du précédent, c'est dire « mais en réalité, il y a déjà des textes, puisque de toutes les façons, il y a le principe justement
11:48 de la dignité de la personne humaine que chacun connaît, et puis il y a des éléments qui sont des éléments textuels, puisqu'il y a une instruction,
11:58 vous dit-on, du directeur général de la police nationale qui prévoit expressément cette nécessité d'autoriser l'étranger à pouvoir s'alimenter ».
12:06 Alors j'ai envie de vous dire, c'est trop peu ou c'est trop ? C'est-à-dire que certes, il y a bien un principe général désincarné de dignité de la personne humaine,
12:17 donc ça, ça ne permet pas de garantir de façon effective les libertés fondamentales, c'est le principe, et après, l'instruction qui est proposée
12:27 du directeur général de la police nationale, c'est trop peu. En réalité, vous le savez parfaitement, c'est le législateur, c'est à la loi qu'il appartient
12:36 de garantir les libertés des personnes qui se voient privées de liberté, et ça ne peut pas, on ne peut pas se reposer simplement sur des instructions ministérielles,
12:46 indifféremment de la manière dont elles sont susceptibles d'être interprétées par la Cour d'appel de Paris, et donc c'est bien au stade, au niveau de la loi,
12:55 que cette garantie doit être accordée, ni en dessous, ni au-dessus. Troisième argument du secrétaire général du gouvernement, qui est certainement le plus intéressant,
13:08 c'est de dire « mais de toutes les façons, il y a un contrôle juridictionnel, il y a un contrôle juridictionnel effectif, donc ne vous inquiétez pas,
13:14 de toutes les façons, les libertés fondamentales, elles sont vérifiées par les juges ». Alors, on vous a dit, il ne faut pas tellement penser que cette vérification,
13:24 elle interviendra au titre du parquet, parce que le parquet, évidemment, il ne le suit pas, mais ce qu'on vous donne comme exemple, en tout cas dans les écritures du ministre,
13:32 c'est le contrôle a posteriori qui peut être réalisé par le juge des libertés et après le juge des libertés de la Cour d'appel. On vous cite d'ailleurs plusieurs décisions
13:41 de la Cour d'appel de Paris, comme ayant remis en liberté des personnes dont il ne résultait pas qu'elles avaient été suffisamment alimentées. On vous dit « vous voyez, en fait,
13:52 en réalité, ça marche ». Et mieux, on vous dit, il y a eu des modifications et aujourd'hui, dans la pratique, on vous présente un modèle de procès verbal en vous disant
14:04 « regardez, très souvent, on va le préciser et d'ailleurs, si on le fait, si ça n'est pas fait, ça crée une sorte de présomption au bénéfice de la personne qui a été retenue
14:16 de ce qu'elle n'a pas été alimentée et ça inverse la charge de la preuve et ça doit amener l'administration à devoir justifier pourquoi il n'y a pas eu une mention à ce sujet ».
14:26 Alors tout ça est bel et bon, sauf que d'abord, le secrétaire général du gouvernement le reconnaît lui-même dans ses écritures, puisqu'il dit « le contrôle judiciaire est facilité »,
14:40 qui est un doux euphémisme, par l'existence de cette mention et donc on voit bien que pour que le contrôle judiciaire puisse s'exercer, il faut que précisément
14:50 le procès verbal prévoie expressément une mention spécifique sur la question de l'alimentation, mais surtout cette question, la question de savoir comment s'exerce le contrôle judiciaire.
15:03 Et bien, plus que la lecture que veut bien vous en faire le secrétaire général du gouvernement, plus que l'interprétation qu'il veut bien donner des différentes décisions
15:12 qui ont été rendues par la Cour d'appel et cette interprétation plus que téléologique avec l'apparition d'une sorte de présomption au bénéfice de la personne qui serait retenue
15:21 lorsqu'il n'y aurait pas de mention sur le procès verbal, moi ce que je vous propose c'est quand même de nous rapporter non pas à ce que peut dire le secrétaire général du gouvernement,
15:31 non pas à ce que peut être la jurisprudence de la Cour d'appel, mais à ce que vous dit la Cour de cassation. Pardon, mais quand on parle de contrôle judiciaire,
15:39 peut-être qu'il est utile de savoir quel est exactement le sens de la jurisprudence de la Cour suprême en la matière.
15:47 Or, la jurisprudence de la Cour suprême en la matière, elle est parfaitement claire et elle est parfaitement adaptée, puisqu'elle est dans la décision de renvoi qui vous a été présentée.
15:57 Qu'est-ce que vous dit la Cour de cassation quand elle vous renvoie cette QPC ? C'est la lignée 1-9 de la décision, elle vous dit
16:05 « Dès lors que l'article 813-13 du CZA n'impose pas, à la différence de l'article 64 du Code de procédure pénale relatif à la garde à vue,
16:16 à l'officier de police judiciaire de mentionner dans le procès verbal de fin de retenue les heures auxquelles l'étranger a pu s'alimenter,
16:23 il ne permet pas à l'autorité judiciaire d'assurer un contrôle effectif du respect des droits fondamentaux de l'étranger privé de liberté et de l'absence d'atteinte à sa dignité.
16:35 En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnel au Conseil constitutionnel. »
16:40 C'est très important, parce que cette partie-là de la décision de la Cour de cassation, ce n'est pas une partie hypothétique, ce n'est pas une partie dubitative,
16:48 ce n'est pas la partie où il se dit « Ah, il y a une interrogation constitutionnelle », c'est la partie où la Cour de cassation interprète elle-même la disposition,
16:58 comme c'est son devoir, et elle vous dit « Pour moi, Cour de cassation, le texte ne permet pas, il ne permet pas à l'autorité judiciaire d'assurer un contrôle effectif du respect des droits fondamentaux. »
17:13 Et en vous transmettant la question, eh bien, la Cour de cassation vous oblige, ou en tout cas, vous oblige au titre du dialogue des juges.
17:21 Le dialogue des juges entre la Cour de cassation et vous, ce n'est pas qu'un soliloque, ce n'est pas que vous qui rendez une décision qui s'impose à la Cour de cassation qui doit rester muette.
17:32 La Cour de cassation, quand elle vous transmet une décision, elle le fait en considération de son propre pouvoir d'interprétation,
17:39 et dans la décision qui vous saisit, il y a l'interprétation qui est proposée par la Cour de cassation du texte, et qui vous dit « Pour moi, Cour de cassation, eh bien, ce texte ne permet pas à l'autorité judiciaire d'assurer un contrôle effectif du respect des droits fondamentaux ».
17:56 En réalité, la réponse que vous avez à donner à cette question se trouve dans la question elle-même, ou plutôt dans les termes dans lesquels cette question vous a été renvoyée,
18:05 et c'est la raison pour laquelle je vous demanderai d'abroger cette disposition.
18:09 Le cas échéant, en faisant une modulation des effets de votre décision dans le temps, c'est tout à fait possible,
18:15 mais à la condition, en revanche, comme vous le faites régulièrement, que vous prévoyez un dispositif transitoire qui permette la mise en application immédiate,
18:24 dès votre décision, de la solution nouvelle, pour que dès votre décision, il puisse y avoir une modification des habitudes actuelles de l'administration.
18:34 Merci. Nous écoutons maintenant, pour le Premier ministre, M. Candilet.
18:41 Merci, M. le Président. Madame, messieurs les membres du Conseil constitutionnel, la procédure de retenue d'un étranger pour vérification de son droit au séjour est issue de la loi du 31 décembre 2012.
18:50 Elle permet, en lieu et place de la garde à vue, de retenir un étranger pour procéder à la vérification de son droit de circulation ou de séjour.
18:58 Et cette procédure, aujourd'hui, est régie par les articles L. 813-1 et suivants du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'assis.
19:07 La présente question au sein de ce régime porte particulièrement sur l'article L. 813-13 du CZN1, qui est relatif au procès verbal établi à l'issue de cette procédure de retenue.
19:18 Il est particulièrement soutenu que le fait que les législateurs n'aient pas expressément prévu que ce procès verbal mentionne l'heure à laquelle l'étranger a pu s'alimenter
19:27 porterait en elle-même atteinte au principe de dignité humaine. Les termes même de la question reviennent à considérer que, pour le respect du principe de dignité de la personne humaine,
19:41 le législateur n'épuiserait sa compétence que s'il établit une liste exhaustive des atteintes qui pourraient être portées à la dignité humaine et des moyens d'y remédier.
19:52 Cette exigence n'est pas le sens de votre jurisprudence. Il résulte en effet de votre jurisprudence que le législateur, dans l'exercice de sa compétence,
20:02 doit déterminer les conditions et les modalités d'exécution des mesures privatives de liberté dans le respect du principe de dignité. Et c'est bien ce qu'a fait le législateur
20:12 en matière de retenue administrative. De toute part, car cette privation de liberté est strictement encadrée dans le temps. « Elle n'est possible », nous dit le texte,
20:23 « que le temps nécessaire à la vérification du droit au séjour est pour une durée qui ne peut excéder 24 heures ». D'autre part, le régime de la retenue administrative
20:35 prévoit que la personne retenue est aussitôt informée de son droit à être assistée, à être examinée par un médecin, à prévenir sa famille, toute personne de son choix,
20:43 ainsi que les autorités consulaires de son pays. Ainsi, le législateur a prévu un certain nombre de garanties pour la personne faisant l'objet d'une retenue administrative
20:54 et a ainsi pleinement exercé sa compétence. En effet, votre jurisprudence ne pourrait aller jusqu'à exiger que le législateur énumère l'ensemble des composantes
21:07 d'un traitement respectueux de la dignité humaine. L'effectivité de ce principe ne dépend pas de l'établissement par le législateur d'une liste exhaustive
21:17 des atteintes qui pourraient y être portées, exhaustivité au demeurant qui serait illusoire et impossible à atteindre du fait de la nature même du principe de dignité.
21:29 Il est affirmé dans les secondes écritures présentées par la Ligue des droits de l'homme que le droit de s'alimenter, nous citons, « constitue une composante nécessaire
21:37 du principe de dignité humaine et trouve indiscutablement à s'appliquer dans chaque hypothèse de privation de liberté ». C'est absolument incontestable.
21:44 Et c'est bien pour cela que l'absence de la mention de ce droit de s'alimenter par le législateur ne porte pas atteinte au principe de dignité.
21:56 Il ressort également de votre jurisprudence que le caractère suffisant des garanties permettant d'assurer le respect du principe de dignité
22:06 dépend de la possibilité d'un contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Ce contrôle peut, certes, d'une part être exercé par le procureur de la République.
22:15 Il peut mettre fin à tout moment à la mesure de retenue administrative. Mais il est vrai que ce n'est pas l'élément principal de garantie de contrôle.
22:24 L'élément principal, il est exercé par le juge judiciaire qui veille en sa qualité de gardien de la liberté individuelle à ce que les mesures de retenue
22:33 soient mises en œuvre de manière générale dans le respect de la dignité humaine et particulièrement en ce qui concerne l'alimentation des personnes concernées.
22:41 Et la jurisprudence des cours d'appel, dont un certain nombre d'illustrations ont été données dans les observations écrites, témoigne de l'effectivité de ce contrôle.
22:51 Pour un simple exemple et des arrêts très récents, un arrêt récent du 4 mars dernier de la Cour d'appel de Paris rappelle expressément, nous citons,
22:58 que la retenue d'un étranger doit être effectuée dans le respect des droits fondamentaux au nombre desquels figure le respect de la dignité des personnes
23:05 dont résulte le droit de s'alimenter lors d'une privation de liberté. Ce contrôle, c'est un contrôle inconcréto qui dépend de la durée effective de la mesure de retenue.
23:17 Durée qui, lorsqu'elle ne correspond qu'au temps nécessaire, si le temps nécessaire à la vérification a été de quelques heures,
23:26 c'est évidemment pas la même chose que si le seuil maximal de 24 heures est atteint. Et ce contrôle, effectivement, est facilité par le fait que,
23:39 concrètement, dans la réalité des pratiques, le procès verbal type de fin de retenue, qui a été joint à la procédure comme cela a été déjà indiqué,
23:48 fait état des heures auxquelles la personne retenue s'est alimentée ou a refusé de le faire. Et en tout état de cause, même si ces mentions ne figurent pas
24:01 dans le procès verbal, alors effectivement, la charge de la preuve est inversée et repose alors sur le représentant de l'État, comme l'a de nouveau rappelé
24:12 la Cour d'appel de Paris dans le même arrêt précité de mars dernier ou par un arrêt de la Cour d'appel de Douai, toujours du mois de mars dernier,
24:21 qui est produit par la partie requérante. Ainsi, et contrairement à ce qui est affirmé dans l'arrêt de renvoi et dans le point 9,
24:32 l'absence d'obligation législative faite à l'officier de police judiciaire de mentionner l'heure d'alimentation dans le procès verbal de fin de retenue
24:41 n'empêche aucunement l'autorité judiciaire d'assurer un contrôle effectif de l'absence d'atteinte à la dignité humaine.
24:50 Encore une fois, ces 13 arrêts récents de Cour d'appel en apportent la parfaite illustration. Aucune exigence concernant a été méconnue.
24:57 Je vous invite à déclarer les dispositions contestées conformes à la Constitution.
25:01 Merci, M. Cambien. Y a-t-il des questions ? Oui, M. le conseiller Juppé.
25:07 Oui, j'ai une question à votre écart. Vous nous demandez d'abroger immédiatement cette disposition pour non-conformité à la Constitution.
25:17 Dans l'hypothèse où nous censurerions, effectivement, est-ce qu'une abrogation immédiate n'aurait pas des conséquences
25:23 manifestement excessives sur le contenu même du procès verbal de fin de retenue ?
25:28 Je ne le crois pas parce que, vous savez, je suis amené à rencontrer des policiers.
25:34 Et les policiers, ils sont des gens sensés. Et je peux vous dire qu'ils apprécieraient également que les dispositions,
25:42 plutôt que de prévoir – je vais vous dire la vérité – des dispositions qui vont s'échelonner dans le temps, de prévoir assez rapidement
25:49 et que les choses soient claires. Et ça le protège également, le policier. Parce que le fait de mentionner dans ce PV que l'étranger est alimenté,
26:00 c'est une sécurité pour lui. Donc je ne pense pas que c'est négatif. D'abord, c'est positif également pour l'étranger.
26:08 Mais je pense que c'est positif également pour les services de l'administration et les services de police parce que c'est une mesure de protection
26:14 également pour eux. Donc je crois que ça ne poserait pas de difficultés.
26:18 Merci. M. Koguyem.
26:22 Merci, M. le Président. Juste un mot en réponse à ce qui vient d'être dit. Il semble bien au contraire qu'effectivement,
26:29 la bregache immédiate aurait des conséquences manifestement excessives, vu qu'il n'y aurait alors plus de fondement légal
26:34 pour l'établissement des procès d'arbre de fin août 2022.
26:36 Merci. Autre question ? Il n'y en a pas. Très bien. Donc nous regardons cela et rendons publiques notre décision la semaine prochaine, le 28 mai.
26:48 Bonne journée à toutes et à tous.
26:51 Merci.
26:53 Merci.
26:55 Merci à tous !
26:57 [SILENCE]