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Code général des collectivités territoriales
Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2024/20241094QPC.htm

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Transcription
00:00Bien, bonjour à tous, l'audience est ouverte. Nous avons à notre ordre du jour deux questions prioritaires de constitutionnalité.
00:19La première, sous le numéro 2024-1094, porte sur l'article L21-23-24-2 du Code général des collectivités territoriales. Madame la greffière.
00:35Merci Monsieur le Président. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 mars 2024 par une décision du Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Commune de la Madeleine,
00:46portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L2123-24-2 du Code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction,
00:56issue de la loi numéro 2019-1461 du 27 décembre 2019, relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.
01:05Cette question relative à la modulation des indemnités de fonction des membres des conseils municipaux des communes de 50 000 habitants et plus a été enregistrée au surcatariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2024-1094 QPC.
01:19Maître Philippe Bluteau a produit des observations le 26 mars 2024 dans l'intérêt de la partie requérante. Le Premier ministre a produit des observations le 27 mars 2024. Dans cette affaire, Mme Jacqueline Gourault a estimé devoir s'abstenir de siéger.
01:32Seront entendus aujourd'hui l'avocat de la partie requérante et le représentant du Premier ministre.
01:38Alors, nous allons donc d'abord écouter Maître Bluteau, qui est avocat-bureau de Paris, qui représente la commune de La Madeleine, partie requérante. Maître.
01:51Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, au nom de la commune de La Madeleine, petite ville du Nord de 22 000 habitants,
02:00j'invoque devant vous aujourd'hui le principe d'égalité pour obtenir l'abrogation d'un texte qui lui est contraire, comme un lointain et modeste écho de la nuit du 4 août.
02:13Quel est ce privilège que nous vous demandons d'abolir ? Le droit de certains conseils municipaux de décider que les indemnités qui sont versées aux membres du Conseil municipal
02:26sont réduites lorsque ces élus ne participent pas aux séances plénières et aux commissions dont ils sont membres.
02:36Alors, à qui ce droit est-il aujourd'hui réservé ? Aux communes de 50 000 habitants et plus. Pourquoi ce seuil ? Pourquoi ce privilège ? C'est toute la question.
02:51Certes, vous admettez que la loi traite différemment des sujets de droit. Toute différence de traitement n'est pas contraire au principe d'égalité. Mais vous posez des conditions.
03:07Vous estimez que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur traite différemment des situations différentes, ni à ce qu'il déroge le principe d'égalité pour des raisons d'intérêt général.
03:21Cherchons d'abord quelle serait la différence de situation qui justifierait que les communes de 50 000 habitants et plus aient seul le droit de réduire les indemnités des conseillers municipaux absents.
03:37Pourquoi la ville de Bordeaux aurait-elle ce droit et pas, par exemple, le Grand-Queville, Aurillac, Méhen-sur-Yèvre ou la Madeleine ?
03:49Alors, on est tenté de se pencher en première intention sur les débats parlementaires qui ont présidé à l'adoption de cette loi.
03:57Et dans le cadre des débats sur la loi « Engagement et proximité » de 2019, des sénateurs avaient proposé que ce droit soit ouvert à toutes les communes, sans distinction.
04:09Mais leur amendement a été retiré en séance, sur l'invitation du gouvernement. Après que le ministre a invoqué, je le cite, « je sollicite le retrait de votre amendement,
04:20tout simplement parce que les conseillers municipaux des communes de moins de 100 000 habitants ne perçoivent pas d'indemnité ».
04:29Mais c'est faux. Ils s'en perçoivent, si le Conseil municipal en décide.
04:34Le versement d'indemnités de fonction pour tous les conseillers municipaux, y compris ceux qui n'ont pas de délégation du maire, est possible.
04:43D'ailleurs, concernant le droit de réduire ces indemnités en cas d'absence, les députés ont finalement choisi le seuil de 50 000 habitants, mais sans aucune explication.
04:56Il n'y a aucune justification dans l'exposé des motifs de l'amendement des députés. Et il n'y a aucun éclairage non plus dans les débats au Parlement au moment de l'adoption de ce texte.
05:10Donc rien n'explique ce seuil de 50 000 habitants. Rien ne le justifie. Il est tout ce que nous détestons en droit. Arbitraire.
05:23Peut-on combler le silence des parlementaires ? Cherchons. À deux reprises, vous avez admis que la loi traite différemment les communes selon leur seuil de population.
05:35D'abord, en 1995, lorsque la loi a accordé le bénéfice de la dotation globale d'équipement aux communes de moins de 20 000 habitants ayant un faible potentiel fiscal,
05:46vous avez considéré que ce privilège, en quelque sorte, était tolérable, était admissible, parce que – je cite de votre décision –
05:56« la nature et l'importance des opérations d'investissement susceptibles d'être engagées par ces communes le justifiaient ».
06:04Et en 2000, vous avez admis que la loi SRU s'applique selon des seuils de population différents aux communes d'Île-de-France ou d'autres régions.
06:15Mais en notant bien que la région Île-de-France est particulièrement urbanisée. Dans notre affaire, au contraire, vous n'avez ni différence de besoin,
06:27ni particularité géographique qui justifient cette différence de traitement.
06:32Alors, pour le Premier ministre, la différence de situation résiderait dans le fait que les élus des petites villes seraient plus proches de leurs électeurs
06:44et que cette proximité faciliterait – je cite – « le contrôle des administrés sur l'implication des élus dans les missions qui découlent de leur mandat ».
06:56Mais cet argument soulève deux problèmes. Le premier problème, la réduction des indemnités de fonction, n'est pas un mécanisme de contrôle.
07:07C'est un mécanisme de sanction. Or, la sanction, la menace de sanction, fonctionne aussi bien sur la tête d'un conseiller municipal d'une commune de 55 000 habitants que de 45 000 habitants.
07:20Et second problème, le postulat du Premier ministre est faux. Le contrôle des élus n'est pas plus facile dans une petite ville.
07:30Dans toutes les communes, on peut se rendre aux séances publiques pour voir qui est présent. Et dans toutes les communes, on peut lire le procès verbal pour savoir qui était présent.
07:40Et même, concernant les retransmissions des séances sur les réseaux sociaux ou sur le site Internet des communes, c'est beaucoup plus fréquent dans les grandes villes que dans les petites.
07:53Donc, à défaut de trouver une différence de situation qui justifierait la différence de traitement, peut-on identifier un motif d'intérêt général qui la justifierait ?
08:07Pour le Premier ministre, la disposition qu'on conteste serait, je le cite, « justifiée par un motif d'intérêt général lié à l'extension d'un dispositif répondant à une demande sociale en faveur de plus de transparence ».
08:29Là encore, on voit mal ce que le dispositif de réduction des indemnités aurait à voir avec une demande de transparence, puisqu'il ne s'agit pas d'améliorer la connaissance par les électeurs de l'implication des élus, mais de sanctionner leurs absences.
08:49De toute façon, l'argument du Premier ministre comporte une confusion majeure. La commune de la Madeleine ne conteste pas la possibilité de réduire les indemnités en cas d'absence.
09:03Au contraire, elle conteste la limitation de cette possibilité aux seules communes de 50 000 habitants et plus.
09:11Donc la défense du Premier ministre est tout à fait paradoxale. S'il est d'intérêt général d'éteindre le dispositif de réduction des indemnités en cas d'absence, comme nous le pensons aussi,
09:24alors comment la limitation de ce dispositif pourrait-elle concourir à l'intérêt général ?
09:34En résumé, il n'y a ni différence de situation, ni motif d'intérêt général qui justifie la différence de traitement que l'on voit dans le texte actuel de la loi.
09:46Le Premier ministre cherche un motif en vain. Il en propose deux, mais aucun ne convainc.
09:54Alors, M. le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, abrogez ce privilège unique.
10:02Votre décision contribuera, en plus, à conforter la charte de l'élu local, qui est élu dans tous les conseils municipaux en début de mandat, et qui énonce quoi ?
10:15L'élu local participe avec assiduité aux réunions de l'organe délibérant et des instances au sein desquelles il a été désigné.
10:24Et il ne vous restera alors qu'à décider si cette abrogation doit être immédiate ou retardée.
10:31Or, rien, à notre sens, ne justifie qu'elle soit retardée.
10:36Car enfin, quel serait l'effet de l'abrogation des 7 mots du Code général des collectivités territoriales dont nous demandons l'abrogation ?
10:44À savoir « des communes de 50 000 habitants et plus ».
10:48Cette abrogation ne priverait personne du moindre droit.
10:54Elle ne créerait aucun vide juridique.
10:59Elle ne soulèverait aucune difficulté technique d'application.
11:03Et elle ne serait même pas préjudiciable aux finances publiques. Au contraire.
11:08Sa seule conséquence serait d'ouvrir un droit à des communes qui n'en disposent pas aujourd'hui, qui en étaient exclues sans raison jusque-là.
11:19De même que le droit de servir comme officier dans l'armée, jadis réservé à la noblesse, a été ouvert à tous les citoyens par l'année du 4 août, pour le plus grand bien de la nation,
11:31demain, le droit de moduler les indemnités de fonction sera ouvert à toutes les communes et ne sera plus un privilège dans l'intérêt général.
11:40Je vous remercie.
11:42Merci, maître. Nous allons maintenant écouter pour le Premier ministre M. Canguinet.
11:49Merci, M. le Président. Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
11:54la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a permis effectivement aux communes d'au moins 50 000 habitants
12:03de prévoir dans leur règlement intérieur la possibilité de moduler les indemnités perçues par les élus en fonction de leur assiduité,
12:11facultée dorénavant codifiée à l'article L21-23-24-2 du Code général des collectivités territoriales, objet de la présente QPC.
12:19Ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences du principe d'égalité.
12:25La différence de traitement allégué ne tient qu'au fait qu'une possibilité est offerte aux communes de plus de 50 000 habitants, soit 56 communes,
12:37alors que cette possibilité est exclue pour l'ensemble des autres communes.
12:43Et cette faculté est justifiée par un motif d'intérêt général qui tient à la nécessité de répondre effectivement, comme cela a été dit,
12:51à une demande sociale en faveur de davantage de transparence afin de bâtir une relation de confiance entre citoyens et élus.
12:57Mais cet objectif d'intérêt général, contrairement à ce qui a été sous-entendu, ne ressort pas des écritures qui ont été produites devant vous,
13:05mais est clairement exprimé dans l'exposé des motifs de l'amendement à l'origine des dispositions contestées.
13:13Exposé des motifs qui, sur ce point et au regard de ce motif d'intérêt général, ne fait que reprendre ce que disait déjà en 2018 la délégation aux collectivités territoriales du Sénat.
13:23Et cette distinction est en rapport direct avec l'objet de la loi.
13:29En effet, revenons à cet exposé des motifs de l'amendement initial.
13:35Il opère une référence explicite au fait que dans les conseils départementaux, dans les conseils régionaux et dans les communes du PLM de Paris, Lyon et Marseille,
13:45les indemnités des élus sont modulées en fonction de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions des commissions.
13:51Il s'agissait donc pour le législateur de permettre aux plus grandes communes d'opérer une telle modulation, comme le font déjà les collectivités précitées,
14:01dotées d'assemblées délibérantes composées de nombreux membres, comme c'est le cas pour les communes de plus de 50 000 habitants.
14:12De plus, ce seuil de 50 000 habitants retenu par le législateur n'est pas arbitraire, il n'est pas inconnu du Code général des collectivités territoriales.
14:24On le retrouve pour le déclenchement d'un certain nombre de seuils.
14:2950 000 habitants, c'est l'un des seuils prévus par la loi pour déterminer le montant des indemnités perçues par les maires et les adjoints.
14:36C'est également le seuil à partir duquel le Conseil municipal est composé de 45 membres.
14:43Ainsi, cette simple faculté de moduler, qui est offerte aux communes par les dispositions contestées, ne méconnaît pas les exigences du principe d'égalité.
14:52Aucune exigence constitutionnelle n'a été méconnue. Je vous invite à déclarer les dispositions du L21-23-24-2 du CGCT, conformes à la Constitution.
15:00Merci. Alors, est-ce qu'un ou une de mes collègues a des questions à poser ?
15:08Oui, M. le conseiller Mézard.
15:11Oui, il y a deux questions à M. Canguilhem. La première, est-ce qu'il peut nous indiquer le nombre de communes de plus de 50 000 habitants qui ont inscrit ça dans leur règlement intérieur ?
15:24Et deuxième question en même temps. Vous indiquez dans vos observations écrites et orales qu'une des raisons de cet amendement, du choix de 50 000 habitants,
15:38c'est que le Conseil municipal comporte 45 membres. Alors pourquoi ? Je comprends mal la logique de cette démonstration.
15:47Alors, sur le premier point, je n'ai pas le chiffre. Je vais me renseigner auprès de la direction concernée et vous ferez au plus vite une notoriété libérée en ce sens.
15:58Sur le deuxième point, ce n'est pas à proprement parler une argumentation. D'ailleurs, l'élément n'a pas été mis en avant dans le débat parlementaire.
16:06C'était simplement pour indiquer que ce seuil de 50 000 habitants existe déjà sur ce point-là. Ce n'était pas à proprement parler une argumentation.
16:12Merci. Autre question ? Non ? Autre curiosité satisfaite ? Très bien. Alors, nous allons regarder tout ça rapidement, d'ailleurs, puisque nous rendrons notre décision le 6 juin prochain.
16:26Nous passons donc à la seconde QPC qui porte...