Anne Fulda reçoit Marek Halter pour son livre «Dans tes yeux : un amour dans le ghetto» dans #HDLivres
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00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, Marek Halter, on ne vous présente pas, on vous connaît depuis des années, vous écrivez des livres,
00:06 "La mémoire d'Abraham" est l'un de ceux dont on se souvient le plus. Là, vous venez de vous combattre pour la paix aussi, le dialogue entre les religions,
00:12 ce qui devient quelque chose de rare. Et là, vous venez de publier "Dans tes yeux, un amour dans le ghetto",
00:17 c'est un livre qui est publié chez Ixoédition, un petit livre
00:21 court, un texte
00:24 poignant,
00:25 sans pathos, qui raconte un monde disparu à travers les yeux d'une jeune fille de 12 ans
00:30 qui vit dans le ghetto de Varsovie, dont vous êtes d'ailleurs l'un des derniers survivants. Alors pourquoi ce désir de raconter aujourd'hui ?
00:37 Est-ce que c'est parce que, comme vous l'écrivez, plus nous avançons dans la vie, plus le passé nous secoue comme un volcan qui se réveille ?
00:43 - Oui, c'est juste, c'est juste. Ça veut dire que on a...
00:49 Maintenir la mémoire,
00:54 c'est difficile. D'ailleurs, Simone Weil
00:56 disait qu'elle n'aimait pas beaucoup
00:59 l'expression "devoir de mémoire", ne pas s'obliger à ses souvenirs. Mais les souvenirs surgissent à un moment donné.
01:06 Peut-être à cause de ce qui se passe autour de nous, parce que nous, on s'imagine que ce qu'on a vécu peut
01:14 guider toute une génération, ou deux générations, ou trois générations.
01:20 Un père ou une mère dit à son fils "Fais pas ça,
01:23 écoute-moi, moi j'ai déjà vécu la même chose". Et qu'est-ce qu'ils pensent les fils ?
01:28 "Ta vie, c'est ta vie, moi je vais vivre la mienne". Et ils répètent, ils répètent les mêmes bêtises, les mêmes.
01:36 Les ghettos de Varsovie, moi ça m'a pesé depuis longtemps, parce qu'on en parle peu.
01:47 C'est un monde,
01:49 un monde, 500 000 personnes, une ville comme Marseille, enfermée entre des murs,
01:55 entre des barbelés, comme là les coeurs qu'on voit sur la couverture de mon livre,
02:02 qui
02:04 reconstitue les mondes ambiants. Il y a des riches, des pauvres, des enfants
02:09 squelettiques qui meurent sur les trottoirs, les pompes funèbres arrivent avec les petites charrettes,
02:15 prennent les corps et les jettent dans une fosse commune. Il y a la police, la police juive, la police polonaise,
02:21 allemande, ukrainienne,
02:24 ukrainienne,
02:26 lituanienne, toutes les polices du monde sont là pour taper sur les juifs. Et les juifs, ils arrivent, ils jouent même des Shakespeare,
02:33 Roméo et Juliette, c'est plein, plein. Il y a le fameux pianiste Pilman,
02:39 à qui d'ailleurs Polanski a dédié un film. Donc
02:44 ça c'est les premières années de ma vie.
02:46 Nous avons fui les ghettos grâce à quelques amis catholiques de mon père, j'avais quatre ans et demi.
02:53 Donc je me souviens, et c'est drôle parce que
02:58 ces images en peuf loup deviennent de plus en plus nettes avec le temps.
03:03 Vous avez dit et vous avez raison, avec le temps tout devient beaucoup plus net.
03:07 Et puis
03:09 ce qui se passe autour de nous, la violence, la haine de l'autre.
03:14 Et on se dit, et tout ça pour aboutir à ça,
03:19 on a essayé, ou peut-être on était des mauvais passeurs.
03:23 Alors ce qui est intéressant, c'est comment finalement dans un contexte
03:28 dramatique où le mal règne en maître, l'amour peut sauver, peut régner.
03:35 Vous avez tout à fait raison.
03:37 Les ténèbres,
03:39 sont plus faciles à vivre si on a au bout une lueur.
03:44 On va vers quelque chose qui brille,
03:47 une ouverture. On avance dans le noir parce qu'on sait qu'il y a une sortie.
03:53 C'est l'espoir. Un monde ne peut pas vivre sans espoir.
03:57 Alors on a envie de vous dire aujourd'hui, de vous demander, au delà de cette histoire d'amour,
04:02 est-ce qu'on peut transposer aujourd'hui, est-ce qu'aujourd'hui dans un climat,
04:06 pas seulement entre Israël et le Hamas, mais de façon générale est assez tendue,
04:11 c'est quoi la lumière aujourd'hui ? Est-ce que vous croyez encore une lumière ?
04:14 Ah bien sûr. D'abord, l'amour, il existe.
04:18 Il existe. Moi je connais des petits Juifs qui sont amoureux, des petits Palestiniens, vice-versa.
04:27 Ils se rencontrent la nuit pour que les parents ne les engueulent pas.
04:35 Ça, on ne peut pas l'empêcher. On ne peut pas empêcher le désir, le désir de toucher l'autre.
04:41 Même s'il est différent de moi, même s'il vient d'une autre culture,
04:47 mais cet autre, c'est aussi moi.
04:49 Ça c'est l'amour pur, mais est-ce que vous croyez encore au dialogue ?
04:52 Oui, bien sûr. Bien sûr.
04:55 Notamment entre les religions.
04:56 Bien sûr. Moi je pense que tant que les gens parlent, ils ne s'entretuent pas.
05:03 Et c'est l'absence de mots qui nous amène vers la violence.
05:10 Ah oui, bien sûr, de toute manière, on fait la paix avec son ennemi.
05:14 On ne fait pas la paix avec son ami, parce qu'avec son ami, on n'a pas de problème.
05:19 Bon, alors je terminerai sur cette note positive en vous encourageant vraiment à lire ce livre.
05:24 C'est un joli livre, ça s'appelle "Dans tes yeux", c'est publié chez Ixo Éditions.
05:28 Merci beaucoup, Marek Alter, avec beaucoup de...
05:30 C'est mon meilleur.
05:31 C'est ce que vous dites d'ailleurs quand vous envoyez sur votre communiqué de presse.
05:34 Vous dites "c'est mon meilleur".
05:35 C'est un très joli livre en tout cas, avec beaucoup de références.
05:39 Et on terminera là-dessus sur le "Quantique des quantiques".
05:41 Mais je vous laisse découvrir ce beau texte.
05:44 Merci beaucoup, Marek Alter.
05:46 Merci, Anne.
05:48 [Musique]
05:52 [SILENCE]