Anne Fulda reçoit Marc Levy pour son livre «La librairie des livres interdits» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des livres, Marc Lévy, on est ravis de vous recevoir, on ne vous présente plus l'homme, on vous réduit parfois à l'écrivain à plus de 50 millions d'exemplaires vendus, mais vous n'êtes pas que ça.
00:12Vous n'êtes pas non plus que l'auteur de romances, comme l'a assez justement écrit un confrère dans l'Express.
00:20Vous venez de publier La librairie des livres interdits, c'est un livre qui est paru chez Robert Laffont, c'est à la fois une belle histoire d'amour et puis un hommage à la liberté d'expression, surtout au pouvoir de la littérature, au pouvoir des livres, peut-être la plus précieuse des marchandises.
00:36C'est une fable contemporaine, joyeuse et légère, mais qui traite de sujets importants. Un livre qui est sorti, qui est paru à peu près en même temps que l'élection de Donald Trump, mais avant même son élection, vous habitez aux Etats-Unis aujourd'hui, je le précise, il y a aux Etats-Unis, des Etats républicains pour la plupart, qui interdisent de plus en plus de livres.
01:02Et donc on peut se demander entre ces interdits et une espèce de pression aussi de la culture woke, si la culture du livre n'est pas en danger ?
01:14Ce qui est intéressant, c'est de comprendre quel est le sens de la censure. Pourquoi est-ce que d'un côté ou de l'autre, on pratique la censure ? Dans la culture woke, ça partait d'une bonne intention, c'était de corriger tout ce qui pouvait heurter la sensibilité ou l'identité ou la liberté des uns et des autres.
01:36Ça a été évidemment, comment vous dire, excessif et dévoyé de son intention, mais c'était l'intention. Là, dans la censure qui est pratiquée par les Etats républicains et particulièrement en Floride, parce que c'est en Floride que tout ce mouvement a démarré, il y a une vraie volonté politique.
01:54La volonté politique, c'est de rendre inaccessible aux jeunes toute une partie de l'histoire de leur pays. Pourquoi ? Parce que, comme le disait merveilleusement bien Orwell, celui qui veut détenir le futur commence par réécrire le passé.
02:06Et pour réécrire le passé, il faut effacer les livres qui racontent le passé. Dans cette ère de désinformation et complotiste, on pourrait dire que la civilisation égyptienne n'a jamais existé, mais quand on passe devant une pyramide, on est obligé de constater qu'elle a existé.
02:24Les livres sont plus faciles à faire disparaître. C'est ça, la véritable intention. C'est pour ça qu'au moment où je vous parle, entre la Californie, l'Utah, l'Ohio, le Mississippi et l'Alabama, vous avez plus de 10 000 livres qui ont été interdits.
02:40Et ce qui est intéressant, c'est de voir quels livres ont été interdits. Parce que, par exemple, le journal d'Anne Franck est interdit. Les livres de Stephen King aussi. Tous les romans de Toni Morrison sont interdits.
02:52Tout ce qui va traiter, tout roman qui va aborder une question de couleur, de religion, de race, ou qui va montrer les dangers de l'extrême droite et du fascisme, vont être interdits.
03:12C'est pour ça, à cause de ce contexte, que vous avez écrit ce livre, dont le héros est un libraire, Mitch, qui, face à des interdits du même acabit, décide d'ouvrir une sorte de librairie clandestine et qui, de ce fait, est emprisonné pendant 5 ans, se retrouvant comme ça un rempart pour la liberté d'expression.
03:32J'avais pas envie d'écrire 400 pages sur le poison. J'avais envie d'écrire sur l'antidote. J'avais envie d'écrire sur le pouvoir des mots et sur l'importance des livres et le rôle des libraires.
03:46Dans une époque où l'information nous arrive par les réseaux sociaux et où on communique par les réseaux sociaux, où vous allez dans un restaurant et vous voyez des gens qui dînent en face l'un de l'autre mais qui passent leur temps dans leur téléphone, le livre est un remède extraordinaire à nos mots contemporains.
04:04Dans la lecture, on trouve quelque chose qui n'existe pratiquement plus à la télévision et pratiquement jamais dans l'information, c'est l'art de la nuance. La nuance, c'est ce qui nous permet de communiquer les uns avec les autres, de s'insulter, de se critiquer, de se détester, de s'invectiver.
04:24Peut-être qu'il y a des bonnes choses à prendre dans ce que vous pensez, peut-être qu'il y a des bonnes choses à prendre et peut-être que si on faisait un pas l'un vers l'autre, on pourrait commencer à mieux vivre ensemble.
04:36Ce n'est pas du tout ce que les algorithmes musciens veulent. Les algorithmes musciens, je fais référence à l'homme qui n'a pas peur d'afficher qu'il est ouvertement nazi, dans tout l'algorithme par exemple de Twitter est fait pour que nous nous détestions.
04:54C'est provoquer cette colère et cette détestation les uns des autres qui nous obligent à réagir. Donc, on se sent obligé de réagir sur le réseau qui a créé cette colère et on crée du trafic et ce trafic fabrique un millionnaire, un milliardaire et multimilliardaire.
05:08Le livre, c'est le contraire. Dans le livre, il y a un temps qu'on s'offre à soi-même, personne ne lit sur votre épaule, personne ne vous oblige à réagir immédiatement et donc vous lisez, vous aimez, vous n'aimez pas.
05:24Je parle des personnages. Mais surtout, vous partez à la rencontre de choses qui vous sont étrangères, votre esprit s'ouvre et d'ailleurs, si les censeurs censurent et ont aussi peur des mots et d'ailleurs en Floride, c'est drôle de voir que le gouverneur Rand de Santis se fait un faire de bataille de protéger les enfants de lectures qui pourraient les déranger et nuire à leur vie.
05:50Mais en revanche, les armes à feu, ça ne l'inquiète pas du tout. Il a beaucoup plus peur des mots que des balles et ça en dit long sur le pouvoir de l'écriture.
05:58En tout cas, je vous conseille vraiment de lire ce livre, La librairie des livres interdits. C'est donc par Richard et Robert Laffont. C'est en filigrane, un plaidoyer évidemment pour les livres, pour la lecture, pour l'amour des livres, mais c'est aussi une histoire d'amour.
06:13Oui, j'ai vraiment eu envie de raconter l'histoire de ce libraire résistant, mais sous le ton et le timbre d'une comédie et d'une grande histoire d'amour parce que lire et écrire, c'est aussi aimer, surtout aimer.
06:26Voilà. En tout cas, merci beaucoup Marc Lévy.
06:28Merci à vous.
06:29Et je vous le conseille. C'est à lire. Merci.
06:31Merci mille fois.