Les eurodéputés d’extrême droite pourraient occuper un quart des sièges du Parlement européen à l’issue des prochaines élections, en juin. Leur arrivée massive pourrait influencer la politique de l’Union européenne sur de nombreux sujets, notamment l’immigration, le Pacte Vert, et le conflit russo-ukrainien.
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00:00 Ça changerait quoi si l'Union européenne virait à l'extrême droite ?
00:03 A l'approche des élections européennes, qui auront lieu du 6 au 9 juin,
00:06 beaucoup de sondages prédisent une arrivée massive d'eurodéputés d'extrême droite au Parlement européen.
00:12 Selon Politico, ils pourraient même remporter un quart des sièges de l'hémicycle, du jamais vu.
00:17 Alors comment cette influence pourrait transformer la politique de l'Union européenne ?
00:21 On vous explique.
00:22 Pour répondre à cette question, il faut d'abord comprendre comment fonctionne le Parlement européen.
00:28 Basé à Strasbourg, le Parlement européen réunit des eurodéputés qui siègent pour 5 ans.
00:33 Ces derniers ont été élus dans leur pays d'origine sous la bannière de leur parti national.
00:37 Mais une fois arrivés au Parlement européen, ils rejoignent des groupes constitués par affinité politique.
00:42 Il existe à ce jour 7 grands groupes européens.
00:45 La gauche, les sociodémocrates, les Greens, Renew, le PPE, ECR et enfin Identité et démocratie.
00:52 Ces deux derniers, l'ECR et Haïti, sont considérés comme d'extrême droite
00:57 et cumulent à ce jour 127 sièges.
00:59 Une fois dans l'hémicycle, les eurodéputés ont deux missions principales.
01:03 D'abord celle de voter les textes de loi proposés par la Commission européenne à Bruxelles,
01:07 mais aussi de choisir le ou la future présidente du Parlement et de la Commission européenne,
01:12 la personne la plus importante de l'Union européenne.
01:15 Aujourd'hui, la présidente de la Commission européenne est Ursula von der Leyen.
01:18 Elle est affiliée au PPE, le parti majoritaire au Parlement européen.
01:22 Mais que risque-t-il de se passer à l'issue des élections européennes ?
01:26 Selon un sondage diffusé par Politico, publié en février,
01:30 le parti ECR devrait gagner 18 sièges et le parti Identité et démocratie 40,
01:36 ce qui en ferait le troisième plus gros groupe au Parlement européen.
01:39 S'ils s'allient, ces partis pourraient réunir 180 députés,
01:43 soit un quart des sièges du Parlement européen.
01:46 Et selon le média américain,
01:47 « Cela pourrait avoir une influence sur la politique menée par les institutions décisionnelles
01:51 de l'Union européenne ces cinq prochaines années
01:53 et menacer les valeurs sacrées de l'Union que sont l'état de droit et les droits humains. »
01:57 D'abord, sur la question migratoire.
01:59 Ces partis se décrivent avant tout comme anti-immigration
02:02 et réclament des politiques plus strictes.
02:04 « Pour stopper l'afflux de migrants en Europe »,
02:06 rapporte le média américain Foreign Policy.
02:08 En avril dernier, le groupe Identité et démocratie a voté contre le pacte migratoire
02:13 proposé par Ursula von der Leyen
02:15 qui vise à « renforcer les filtrages aux frontières de l'Union européenne »
02:19 et « obliger les États membres à être plus solidaires entre eux dans l'accueil des migrants ».
02:23 Si la gauche s'est également opposée à ce pacte qu'elle jugeait trop restrictif
02:27 et pas assez respectueux des droits humains,
02:29 les partis d'extrême-droite, eux, l'ont trouvé trop laxiste
02:31 et défendent des positions bien plus radicales.
02:34 Le parti allemand d'extrême-droite AfD, par exemple,
02:37 réfléchit à une « remigration des étrangers non assimilés vers des pays d'Afrique du Nord »,
02:41 comme le dévoilait le média d'investigation Corrective en janvier 2024.
02:45 Autre sujet de désaccord, le Green Deal.
02:48 Projet phare d'Ursula von der Leyen,
02:50 le Green Deal est un ensemble de mesures qui visent à atteindre la neutralité carbone
02:54 dans l'Union européenne d'ici 2050.
02:57 Mais il est très décrié par les eurodéputés d'extrême-droite,
03:00 notamment à cause de ses potentielles conséquences économiques.
03:03 En soutien aux agriculteurs, ces derniers se sont par exemple opposés, en novembre dernier,
03:07 à un texte qui prévoyait une baisse de 50% de l'usage des pesticides d'ici à 2030.
03:13 Il ne cache pas qu'après avoir gagné la bataille idéologique
03:15 concernant le droit d'asile et l'immigration,
03:17 leur prochaine cible est le Pacte vert pour l'Europe
03:20 et ce qu'ils appellent l'Economy Walk.
03:21 C'est ainsi alarmé l'eurodéputé écologiste belge Philippe Lamberts
03:25 dans des propos rapportés en avril dernier par Loguardian.
03:28 Et ces inquiétudes ne sont pas infondées.
03:30 En Espagne, El Pais rapporte que l'eurodéputé d'extrême-droite Roré Bouchadé
03:35 promet déjà de faire abroger le Green Deal à l'issue des prochaines élections.
03:38 Les arguments de l'extrême-droite sur le Green Deal ont séduit jusque dans les rangs du PPE
03:42 où de nombreux eurodéputés se sont opposés à ces mesures écologiques.
03:46 Enfin, dernier point de discorde et pas des moindres,
03:49 la position de l'Union européenne dans le conflit russo-ukrainien.
03:53 Depuis l'invasion russe en Ukraine en février 2022,
03:56 l'UE a apporté à l'Ukraine un soutien économique, humanitaire et militaire
04:00 de plus de 88 milliards d'euros.
04:03 Une aide qui n'a absolument pas été soutenue par le groupe Identité et Démocratie.
04:08 Ces derniers ont en effet systématiquement voté contre le soutien à l'Ukraine,
04:12 rappelle Loguardian.
04:13 Et cela n'a rien d'étonnant,
04:14 car tous les partis qui composent ce groupe entretiennent une position ambigüe
04:18 avec le Kremlin.
04:19 En février dernier, le site russe en exil, The Insider,
04:23 révélait notamment la présence d'un agent du renseignement russe au Parlement allemand.
04:26 Ce dernier avait été embauché en tant qu'assistant parlementaire d'un député de l'AFD.
04:31 Le média d'investigation rappelait aussi la rencontre en 2019
04:35 de dirigeants du parti italien La Ligue avec un agent des services secrets russes.
04:39 Cinq ans plus tôt, en France,
04:41 Mediapart révélait que le Rassemblement national avait contracté
04:44 un prêt de plus de 9 millions d'euros auprès d'une banque russe
04:48 pour financer sa campagne pour les élections régionales et départementales.
04:52 Pour Loguardian, les conséquences de cette influence russe,
04:55 cumulée avec l'arrivée massive d'eurodéputés d'extrême droite au Parlement européen,
05:00 risquent à court terme d'empêcher l'Union européenne de coordonner son soutien à l'Ukraine
05:04 et à long terme
05:05 de rendre les pays européens vulnérables sur tous les plans à des ingérences étrangères hostiles,
05:09 ce qui pourrait en fin de compte fragiliser les principes mêmes de la démocratie.
05:12 Mais pour cela, il faudrait déjà que tous ces partis d'extrême droite s'entendent dans l'hémicycle,
05:16 ce qui est pour l'heure loin d'être gagné.
05:18 Le 21 mai, le Rassemblement national a notamment annoncé
05:22 ne plus vouloir siéger aux côtés de son partenaire allemand, l'AFD,
05:26 après les propos révisionnistes tenus par l'eurodéputé Maximilian Krah
05:29 dans les quotidiens italiens La Repubblica et britannique Financial Times.
05:33 [Musique]