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Manque d’eau, gelées, sécheresse… Quels seront les impacts du réchauffement climatique sur la filière française de production de semences, d’ici 2030 et 2050 ? Et comment s’y adapter ? Alors que la France est le premier exportateur mondial de semences, tour d’horizon avec Franck Prunus, directeur des services à la filière de Semae (l’interprofession des semences et des plants), et Luc Jacquet, vice-président de la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences.

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Transcription
00:00 *Générique*
00:06 Smart Impact le débat RSE aujourd'hui, les conséquences du changement climatique sur la production de semences.
00:12 Les semences ce sont les graines qu'on sème, c'est bien de le rappeler.
00:14 AXA Climate à la demande de SEMAE, l'Interprofession des Semences et Plants,
00:18 vient de réaliser une étude sur l'évolution de plusieurs filières françaises de production de semences.
00:22 Sans vous spoiler complètement, on peut parler d'une forte augmentation des risques entre 2030 et 2050
00:28 liées à la chaleur, au manque d'eau notamment.
00:30 On en parle aujourd'hui avec nos deux invités.
00:32 Franck Prunus nous accompagne, il est le directeur des services à la filière SEMAE,
00:36 donc c'est Interprofession des Semences et des Plants.
00:38 Bonjour Franck Prunus.
00:39 - Bonjour.
00:40 - Merci beaucoup de nous accompagner aujourd'hui dans Smart Impact.
00:42 Luc Jacquet nous accompagne également, agriculteur multiplicateur dans Lyon
00:46 et vice-président de la FNAMS, la Fédération Nationale des Agriculteurs Multiplicateurs de Semences.
00:51 Bonjour Luc Jacquet.
00:52 - Bonjour.
00:53 - Merci beaucoup d'être avec nous à distance.
00:56 On va faire un peu de pédagogie, Franck Prunus, si ça ne vous dérange pas rapidement.
01:00 C'est quoi la production de semences, très concrètement ?
01:03 - Alors c'est relativement simple.
01:05 Tout ce que vous mangez, à peu près, vient d'une semence.
01:09 Puisque tout est issu d'un végétal, même si c'est un steak, au départ finalement il y a bien l'herbe qu'a mangé la vache.
01:16 Et c'est pareil pour la carotte, l'huile de votre tournesol, pareil.
01:20 Tout ça vient d'une semence.
01:21 Donc la semence est absolument fondamentale et la base de toute l'alimentation, mais aussi des paysages et des écosystèmes.
01:28 Donc c'est un élément fondamental, c'est le produit qui va régir à peu près tout ce qui concerne, comme je le disais, essentiellement nos alimentations.
01:36 Donc produire des semences, c'est l'acte fondateur de cette démarche.
01:41 Et c'est un problème de quantité à la base et de qualité.
01:46 Puisque quand on crée des semences, le but du jeu c'est d'en avoir assez pour que les agriculteurs puissent produire notre nourriture,
01:52 mais qu'elle soit aussi qualitative et qu'elle commence par germer, tout simplement.
01:56 - Merci pour cette explication.
01:57 Luc Jaquet, je le disais, je vous ai présenté comme agriculteur multiplicateur.
02:02 C'est vrai que la filière regroupe plusieurs catégories d'acteurs, celles qui produisent les semences, les multiplicateurs.
02:07 Est-ce qu'on peut faire un point là-dessus ?
02:09 On arrêtera peut-être après pour la pédagogie Luc Jaquet, mais c'est quand même bien de faire un point aussi.
02:13 C'est quoi un agriculteur multiplicateur ? Expliquez-nous rapidement.
02:16 - Alors en fait, il y a les établissements qui créent la génétique, qui créent la semence.
02:22 Les nouvelles variétés nous donnent à semer leur production, leurs semences.
02:29 Et comme un cycle de production classique pour du grain, pour faire de la farine par la suite,
02:35 lors de la récolte de cette graine-là, on la revend à notre demandeur d'ordre, notre établissement.
02:42 Et avec cette graine-là, il a pris, il a travaillé un petit peu pour la revendre à nos collègues agriculteurs.
02:51 - Donc plusieurs acteurs, et c'est important de le préciser.
02:54 Franck Prunus, pourquoi la CMAL a commandé cette étude ? Qu'est-ce que vous cherchiez à savoir ? Qu'est-ce que vous vouliez savoir ?
03:00 - Alors le rôle de la CMAL, qui est l'interprofession des semences, qui fédère tous les acteurs qui sont concernés par le sujet,
03:06 c'est, entre autres, d'anticiper et de réfléchir à l'avenir.
03:10 Donc parmi tous les sujets, il est évident que le sujet des règlements climatiques, on ne pouvait pas passer à côté, il est essentiel.
03:17 Pourquoi ? Parce que c'est toujours ce même objectif, être en capacité de s'assurer que notre filière
03:23 arrivera toujours à produire les semences en quantité et en qualité pour nourrir les Français, et plus que ça.
03:28 Puisque la France a cet atout, c'est que nous sommes extrêmement exportateurs, en plus de produire pour les Français,
03:34 on produit beaucoup plus, puisqu'on est premier exportateur mondial dans ce domaine.
03:38 - On va en parler pour rester sur ces effets du réchauffement climatique. Ça fait combien de temps que vous les constatez déjà, actuellement ?
03:44 - Alors, nous, je dirais que c'est presque plus les agriculteurs comme Luc qui pourraient en témoigner,
03:49 mais on a déjà des retours fréquents d'agriculteurs depuis 5-10 ans sur le fait que des pratiques doivent changer,
03:56 que les espèces ou les variétés ne sont plus toujours totalement adaptées.
04:00 Donc il y a un travail, un continuum dans la recherche, puisque c'est un secteur dans lequel il y a énormément d'innovation,
04:06 il y a un continuum dans la recherche pour justement adapter les variétés et retrouver celles qu'ils l'ont été,
04:12 pour réussir à contrer ou atténuer les effets indésirables de ce dérèglement.
04:17 - Luc Jacquet, oui c'est vrai, est-ce que vous les constatez déjà, finalement, ces effets du réchauffement climatique ?
04:22 Et voilà, vous parlez de variétés, je ne sais pas, la vulnérabilité, elle est aussi propre à chaque filière, chaque stade de développement,
04:29 voilà, c'est pas tout le monde peut-être qui constate exactement les mêmes effets pour l'instant ?
04:33 - En effet, les effets sont très variables d'une région à l'autre, d'une production à l'autre.
04:40 Je suis dans une zone, ce qu'on appelle intermédiaire, avec peu de réserve d'eau dans le sol,
04:46 et en fait, dès qu'il y a, pendant 15 jours ou un mois, un stress hydrique, sans pluie, on voit l'impact tout de suite sur la culture.
04:56 Ces effets-là, moi je les ai observés, enfin le premier coup, c'était en 2003, lorsqu'il y a eu un gel complet des cultures d'automne,
05:05 donc les blés, les orges, en mois de décembre-janvier, un deuxième coup en février, et ensuite il y a eu une sécheresse,
05:12 ce qui fait que la récolte 2003 était catastrophique.
05:15 Et puis voilà, ensuite, au fur et à mesure des années qui se sont écoulées, j'ai eu plusieurs accidents climatiques, de la grêle,
05:23 alors que je n'en avais jamais eu, et voilà, au bout de dix ans, un constat que l'on faisait avec mon père,
05:28 c'est qu'en dix ans de carrière, j'ai eu plus d'accidents climatiques que tout au long de la carrière de mon père.
05:35 Ça, c'était le premier constat, et voilà, 2008, je me dis, bon, l'enrichissement climatique, ça existe bien,
05:41 on est particulièrement sensible dans certaines régions, et on a essayé de mettre des adaptations techniques,
05:49 avec des changements de pratiques, ce qu'on appelle le semi-direct sous couvert, pour essayer de conserver un maximum de temps la fraîcheur.
05:58 - Ça, c'est intéressant, vous avez déjà essayé, évidemment, de vous adapter, de trouver des solutions, on va y revenir.
06:04 Franck Prunus, la première chose dont tu as parlé, Ludjack, c'est l'eau.
06:08 Je crois que cette étude nous dit justement que la disponibilité de l'eau, c'est presque le risque numéro un, c'est ça,
06:16 aujourd'hui et demain, pour les semences.
06:18 - Très clairement, à travers l'outil que nous avons développé, on est en capacité d'analyser la problématique à aujourd'hui, à 2030, 2040, 2050,
06:26 et sur des zones géographiques très serrées, donc on voit une hétérogénéité énorme, mais on voit quand même un élément qui ressort de façon générique.
06:32 - Ça, c'est celui qui concerne tout le monde, presque, en tout cas.
06:34 - Oui, clairement, c'est l'eau, ce n'est pas une surprise extraordinaire, malheureusement, c'est, si on mesure ça en niveau de risque,
06:40 on considère que l'eau représente la moitié du risque inhérent à la production de semences sur le territoire français.
06:46 Et ça, aujourd'hui, c'est déjà le cas, et ça sera encore plus sensible sur 2030 et 2050.
06:52 Ce qui est intéressant de noter, c'est qu'à aujourd'hui, le deuxième risque le plus prégnant, c'est les problèmes de gelée,
06:57 donc vraiment des problèmes de froid, qui arrivent essentiellement au printemps, regardez cette semaine, je crois que c'est parlant,
07:02 mais dès 2030, et a fortiori à 2050, le deuxième risque derrière l'eau, ça sera bien la sécheresse.
07:08 Donc les problématiques de températures très élevées, qui, elles aussi, entreront des grilles de plantes, tout simplement.
07:15 - Luc Jacquet a commencé à parler de solutions, aussi, de choses que font déjà aujourd'hui ces agriculteurs multiplicateurs.
07:21 Vous, Franck Prunus, voilà, on commande cette étude, on fait le constat, et ensuite, derrière, qu'est-ce qu'on fait, vous, en tant que responsable ?
07:31 Est-ce que les solutions, vous les avez déjà ? Je sais pas, qu'est-ce qui manque, qu'est-ce qu'il faut faire, là, actuellement ?
07:37 - Alors, nous, en tant qu'interprofession, notre principe, c'est de regrouper tous les acteurs pour qu'on en discute ensemble,
07:42 et que les solutions, elles, sortent de façon réfléchie et commune. Et les pistes, elles sont évidentes.
07:47 Il y en a qui sont agronomiques, changer certaines pratiques agricoles, d'autres qui vont être génétiques, apporter des nouvelles variétés qui s'adaptent à ces problématiques,
07:57 plus résistantes à la sécheresse, évidemment, mais aussi... - Ça, ça existe ?
08:01 - C'est déjà un gros travail qui est fait par les sélectionneurs de variétés, d'avoir des plantes qui sont de plus en plus résilientes à ces problématiques-là,
08:08 mais aussi, par exemple, demain, on va voir arriver des nouveaux ravageurs, des nouveaux insectes qui vont venir manger nos cultures,
08:14 ou des nouvelles maladies, des champignons, et ça, il faut aussi s'adapter. Donc là, ça peut aussi être une solution apportée par la génétique,
08:22 que d'avoir des plantes qui résistent sans avoir besoin de leur apporter des béquilles chimiques, par exemple, et qu'elles se débrouillent toutes seules.
08:29 Alors, il y a ces pratiques agronomiques, il y a ces pratiques, je dirais, variétales, mais il y en a d'autres.
08:35 Ça peut être aussi des évolutions réglementaires, de la diffusion de bonnes pratiques, parce que, lui, quand on a parlé, tout le monde n'a pas forcément intégré ces éléments-là.
08:44 Donc, il y a aussi un gros travail de pédagogie, d'accompagnement, d'essais pour mettre en place des solutions qui puissent fonctionner,
08:50 qui plus est, comme les problématiques ne sont pas les mêmes partout, il va falloir avoir à peu près, à chaque endroit et pour chaque espèce, des solutions à apporter.
08:58 Il n'y a pas de solution générique, il n'y a pas de miracle.
09:00 - Jacques, vous êtes d'accord avec ça, des solutions pour chaque variété, chaque territoire, les solutions, vous les avez, il faut juste les mettre en place, les adapter, anticiper ?
09:10 - On a quelques solutions que l'on cherche, on essaie d'ajuster nos pratiques, mais il n'y a rien, comme disait Franck, il n'y a rien de garanti.
09:22 Chaque espèce que l'on cultive, on a une méthode un petit peu différente, donc c'est que de l'ajustement en permanence, et comme on dit, c'est un vieux dicton qui a toujours existé,
09:35 les années se suivent et ne se ressemblent pas, donc on n'a pas de formule miracle, ni sur un territoire, ni sur un autre,
09:42 et la diversité de l'agriculture en France et à travers le monde fait que nous sommes tout le temps en train de chercher des solutions nouvelles.
09:49 - Vous parliez de la place de la France, Franck Prunus, c'est vrai qu'à terme c'est quoi ? C'est la souveraineté française pour certaines semences qui pourrait être menacée ?
09:58 - Complètement, là notre sujet est complètement lié à cette fameuse souveraineté alimentaire, c'est un objectif, mais je tiens à préciser quand même que ce travail,
10:08 on ne va pas que noircir le tableau, il nous apporte aussi quelques éléments intéressants, c'est que, à aujourd'hui on a un paysage français qui est ainsi fait,
10:16 avec une localisation des productions, cet outil nous permet aussi d'identifier des endroits où aujourd'hui une espèce n'est pas produite,
10:22 où elle pourrait l'être demain, donc il y a aussi des possibilités, ou inversement, une région sur laquelle on ne peut plus produire une espèce,
10:30 on pourra peut-être en produire une autre, donc on voit aussi des opportunités qui se lèvent, et enfin peut-être la possibilité de produire des espèces
10:38 qui ne le sont pas sur le territoire français à aujourd'hui.
10:41 - Le changement il est possible d'ici à 2050, puisque là c'est les résultats, si jamais rien n'était fait, on est d'accord ?
10:46 - Alors c'est toute chose égale par ailleurs, si justement là les mesures que l'on a faites qui sont assez alarmantes, c'est si on ne fait rien,
10:54 et le but du jeu c'est de trouver les moyens de se donner pour à minima atténuer ces problématiques.
10:59 - Pour rester le premier producteur européen, le premier exportateur mondial.
11:03 - Mondial, effectivement.
11:04 - Luc Jaquet, pareil, vous êtes d'accord avec ça, avec Franck Prunus ?
11:09 - Totalement, on doit vraiment évoluer nos pratiques et pouvoir répondre aux attentes des marchés.
11:18 - Et faire de la pédagogie, Franck Prunus, c'est vrai que je le disais en début d'émission, on a commencé en disant que c'était peu connu finalement cette filière,
11:28 cette production de semences, c'est pour ça qu'on vous invite aussi aujourd'hui, c'est important d'en parler, la souveraineté alimentaire,
11:34 on en a beaucoup parlé avec les agriculteurs ces derniers temps, c'est important de parler des semences.
11:40 - Ça nous paraît essentiel, comme je vous l'ai expliqué au début, parce que c'est à l'origine de tout,
11:44 et aussi parce que c'est un secteur qui va apporter beaucoup de solutions,
11:49 c'est pas un secteur qui apporte des problèmes, il apporte plus des solutions,
11:53 donc autant les utiliser, les mettre en place, et c'est aussi un secteur, si on revient à des aspects purement économiques,
11:59 c'est un secteur qui embauche, c'est un secteur qui a besoin de bras, et qui est méconnu aussi des jeunes,
12:03 donc nous avons aussi beaucoup d'actions pédagogiques pour faire connaître les métiers de cette filière,
12:07 parce qu'il y a des très beaux métiers dans ce secteur-là, et qui cherchent des preneurs.
12:11 - Vous parliez de réglementation aussi, je vais terminer avec Luc Jaquet en quelques secondes,
12:16 si jamais vous deviez demander, voilà quelque chose, une mesure aujourd'hui gouvernementale sur ce sujet, ce serait quoi Luc Jaquet ?
12:23 - Sur le climat, le gouvernement ne peut pas faire grand-chose, si ce n'est relancer le débat sur l'irrigation,
12:32 si ce n'est nous autoriser à faire évoluer nos pratiques au niveau...
12:39 - Vous parlez d'autorisation ?
12:42 - Voilà, pour pouvoir arroser, pour pouvoir faire des réserves d'eau, parce que cet hiver on a constaté dans quasiment toute la France
12:49 des volumes d'eau énormes, malheureusement ça repart à la mer, on ne peut pas les conserver ces volumes, ça c'est le premier facteur.
13:00 Ensuite, il y a nos pratiques qui doivent évoluer, comme disait Franck, il faut beaucoup de pédagogie vers les collègues
13:08 pour pouvoir apporter quelques solutions, mais ces solutions elles ont des conséquences,
13:15 notamment dans l'ensemble de nos pratiques, en fait l'agriculture, on est loin de l'industrie où on maîtrise complètement les paramètres en industrie.
13:27 L'agriculture, le climat, influent beaucoup sur le sol, sur la biodiversité, donc sur nos pratiques, et nous faisons de l'ajustement en permanence.
13:37 Alors pour revenir à la réglementation, à ce que pourrait faire l'Etat, c'est de nous laisser un peu plus d'amplitude pour pouvoir travailler
13:46 et pouvoir s'adapter à ces changements climatiques.
13:50 - Faire davantage confiance, c'est ça, c'est ce que pourrait faire l'Etat demain, Franck Prunus ?
13:55 - Les acteurs se sont largement pris en main depuis longtemps dans ce secteur-là, il y a un énorme savoir-faire français,
14:03 il y a des compétences, il y a des dynamiques économiques, il y a des très belles entreprises, il y a beaucoup d'acteurs sur tout le maillage du territoire,
14:09 c'est aussi bien de la multinationale que des acteurs locaux, voire cantonaux, donc il y a vraiment un savoir-faire qui a besoin d'être local et qui l'est aujourd'hui.
14:17 - On va terminer là-dessus, merci beaucoup Franck Prunus de nous avoir accompagnés aujourd'hui, je rappelle que vous êtes le directeur des services de la filière CMAE,
14:23 Luc Jaquet, agriculteur multiplicateur dans Lyon et vice-président de la FNAMS, merci beaucoup à tous les deux d'être venus nous voir dans Smart Impact.
14:30 On termine comme chaque jour cette émission par la bonne idée du jour.

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