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En mai 2008, le corps de Jean-Paul Drillard est découvert dans un étang du Rhône ; Geneviève Bertry y avait poussé sa voiture après avoir dr0gu$ son ami.

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00:00 [Musique]
00:22 Le 2 mai 2008, de cet étang des Verchères, situé à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Lyon,
00:28 les pompiers extraient le corps sans vie de Jean-Paul Drillard.
00:32 Le cadavre gît à côté de sa voiture immergée.
00:37 La disparition de Jean-Paul Drillard avait été signalée trois jours plus tôt par sa compagne Geneviève Bertry.
00:45 Elle n'a jamais eu conscience de l'avoir tué et encore aujourd'hui,
00:48 elle en parle quelques fois avec émotion comme si elle attendait qu'il revienne.
00:53 Voilà, donc on n'a pas du tout le schéma d'une personnalité criminelle.
00:58 Simplement, il y a eu un moment de désespoir de la part de quelqu'un qui était totalement dépressif
01:02 et dont le couple battait de l'aile peut-être parce qu'on ne supportait plus les,
01:08 disons, les gémissements de l'autre.
01:10 Ces gens-là, on les voyait la veille, la main dans la main, en amoureux.
01:14 On s'est douté de rien, de rien, de rien, de rien.
01:18 C'est impossible, c'est ce qui continuera quand même à nous...
01:23 Ça va être dur, quoi.
01:25 Ça, c'est quelque chose pour ce qu'on va garder toute notre vie.
01:29 Les explications de Geneviève Bertry sont confuses et successives.
01:34 Elle évoque un accident, puis reconnaît qu'elle a pu pousser dans le lac
01:38 tout en essayant de la retenir, la voiture de son compagnon.
01:42 Elle est mise en examen pour assassinat et incarcéré.
01:46 Dans ses courriers, elle me racontait l'incarcération qu'elle avait eue.
01:50 Elle sait pas comment elle s'est retrouvée là, si vous voulez.
01:53 Elle sait pas, elle m'a dit, elle me dit, j'ai perdu la tête.
01:56 Elle sait pas ce qui lui est arrivé.
01:58 Moi, je l'ai vue pendant 6 mois sans pouvoir avoir véritablement un entretien.
02:03 Elle était taisante, assise sur une chaise, sans pouvoir s'exprimer.
02:07 Et chez le juge d'instruction, c'était des crises de larmes,
02:10 c'était l'impossibilité d'une expression naturelle.
02:14 En cours d'instruction, Geneviève Bertry ne cesse de donner des versions contradictoires.
02:19 Elle évoque son état dépressif, un dédoublement de personnalité, un coup de folie.
02:25 Curieusement, si sa responsabilité est clairement engagée dans la mort de son compagnon,
02:30 elle semble n'y avoir eu ni mobile, ni intérêt particulier.
02:34 Elle était égale à elle-même, c'est-à-dire qu'elle ne cesse de changer de version,
02:39 elle ne cesse d'avancer des justifications fantaisistes.
02:42 Elle essaye de s'en sortir, mais de façon pathétique.
02:45 Et j'ai bien peur qu'à l'audience, nous ayons une énième version, qui soit une version différente.
02:50 Les changements de version, c'est du niveau...
02:54 On ne sait plus qui conduisait au moment où on est allé de la maison à l'étang, apparemment c'était elle.
02:59 Elle a dit qu'elle avait poussé la voiture tout en disant qu'elle l'avait retenue.
03:04 Elle a parlé plus tard dans ses versions de dédoublement de la personnalité, d'un diable qui était dans son corps.
03:10 Mais ça n'apporte aucun changement aux faits eux-mêmes.
03:14 Le procès de Geneviève Bertry s'ouvre le 14 février 2011, devant la cour d'assises du Rhône,
03:29 siégeant dans le nouveau palais de justice de Lyon.
03:33 L'audience est prévue sur trois journées.
03:36 Une quinzaine de témoins ont été convoqués et une demi-douzaine d'experts sont appelés à déposer.
03:42 Geneviève Bertry est âgée aujourd'hui de 55 ans.
03:46 Elle est en détention depuis deux ans et neuf mois.
03:50 Parmi les témoins figurent la sœur et la fille de l'accusé.
03:54 C'est à ces deux femmes que Geneviève s'est confiée, trois jours après les faits, permettant ainsi la découverte du corps.
04:01 - C'est une départie civile.
04:04 Les quatre enfants d'une précédente union de la victime, ainsi que son frère et ses sœurs, se sont constitués partie civile.
04:12 Leurs intérêts sont représentés à l'audience par maître Hervé Bambanaste.
04:17 - Donc il faut s'attendre à tout. Il faut s'attendre à de la frustration. Il faut s'attendre à des surprises. Il faut s'attendre à de la provocation.
04:25 - On a l'initialité. - Ouais, carrément. On a tenu jusqu'à maintenant.
04:30 Geneviève Bertry est défendue par deux conseils. Un jeune avocat, maître Xavier Morose, et un pénaliste d'expérience, maître Gérard Thomassin.
04:40 Le siège de l'accusation est tenu par Véronique Escolano, vice-procureur général.
04:56 Les débats seront dirigés par le président Patrick Vion.
05:00 - L'audience est ouverte. Vous pouvez vous asseoir.
05:03 Le jour des faits, lundi 28 avril 2008. Jean-Paul Drillard reprend son travail après un arrêt maladie d'une semaine.
05:15 À 17 h, il retrouve Geneviève et tous les deux se rendent au camping du col de la Luerre.
05:22 Reclus depuis un an dans un petit appartement, ils envisagent l'achat d'un mobilhome.
05:28 - Ils ont regardé le mobilhome, ils ont dit "Bon bah pour nous ça nous convient, tout nous convient".
05:35 Monsieur Drillard a dit "Faut que je voie mon frère en attendant pour voir s'il peut l'en proposer chez lui".
05:42 Ils étaient très bien tous les deux. Ils se tenaient par le bras, tout allait très bien.
05:49 Ils se sont fait le tour, ils se sont promenés, je vous dis, ils étaient très bien tous les deux.
05:54 Je n'ai rien d'esclé chez Geneviève d'inhabituel. La connaissant depuis 21 ans, la voyant, je n'ai rien d'esclé d'anormal.
06:03 Le couple entreprend les 3 km de descente du col à bord de la vieille R19 verte de Jean-Paul Drillard.
06:13 A un moment, celui-ci s'en prend violemment au chien de sa compagne, un teckel judicieusement nommé "Mollus".
06:21 - Lorsqu'elle descend le col de la Luerre, qu'elle a une violente altercation pour des motifs qui peuvent paraître futiles à d'autres,
06:34 mais qui reviennent de manière lancinante depuis un certain temps, avec ses problèmes de chien dont elle estime qu'il est maltraité,
06:45 en tout cas, ça va fomenter chez elle une réaction sourde à l'intérieur.
06:55 - Ils s'arrêtent, hein, ils s'arrêtent alors qu'ils habitent à côté. Et il va se passer là une scène essentielle.
07:05 Parce que là, c'est trop, c'est trop. Si je reprends ses aveux, ses explications, en tout cas.
07:16 - Lorsqu'ils descendent, lorsqu'ils descendent au domicile, eh bien, il y a quoi ? Il y a un état d'énervement partagé, certes,
07:26 mais il y a à l'intérieur une rumination.
07:29 Jean-Paul va garer la voiture sur le parking voisin. Geneviève rentre préparer le dîner.
07:36 Un nouvel incident éclate, toujours à propos du chien.
07:40 En revanche, Geneviève, Jean-Paul lance un violent coup de pied qui propulse l'animal contre le mur.
07:46 - Ils vont décider d'aller à l'étang après dîner, mais avant de dîner, ils vont discuter, ils vont surtout s'écharper, je pense.
07:57 Et là, qu'est-ce qu'elle va faire après le dîner ? Elle va lui mettre cinq comprimés de somnifères, il lui en reste plus un.
08:09 Ignorant qu'il vient d'ingurgiter dans sa tisane ses comprimés de noctamide,
08:14 Jean-Paul, comme tous les soirs, va nourrir dans un prévoisin le jument de sa compagne.
08:20 Il reprend la voiture et revient devant l'appartement chercher Geneviève.
08:24 La voiture repart, avec cette fois Geneviève au volant, selon toute vraisemblance.
08:29 Le somnifère dont Jean-Paul vient d'avaler cinq fois la dose habituellement prescrite commence à produire son effet.
08:36 Il somnole sans pour autant perdre conscience.
08:39 Le véhicule quitte la route départementale pour s'engager dans un raidillon qui mène au lac des Verchères.
08:46 La voiture s'immobilise face à l'étang sur la pente boueuse qui mène à l'eau.
08:51 Jean-Paul émerge de sa torpeur pour demander où il est.
08:55 Geneviève lui répond, puis quitte le siège conducteur et longe la voiture par l'arrière.
09:02 Elle va dire dans ses auditions qu'elle l'a poussée mais également qu'elle l'a retenue.
09:06 Elle était tout autre qu'elle-même.
09:09 Le moteur n'était pas en route, c'était une vieille voiture.
09:14 Elle glisse, la voiture s'est enfoncée.
09:17 Le malheureux monsieur Drillard, la victime, ne savait pas nager.
09:21 On l'a retrouvée trois jours plus tard à côté du véhicule au fond de l'eau, avec ses lunettes sur le nez.
09:28 Il est mort d'une noyade.
09:32 Ce sont les derniers instants de ce pauvre homme qui avait une phobie de l'eau.
09:36 C'était un homme qui n'aimait pas l'eau, avait peur de se noyer, ne savait pas nager.
09:42 Et ça, ça n'est pas neutre.
09:44 Donc là aussi, ça rentre dans le plan de Mme Bertry, qui ne pouvait l'ignorer. C'est une évidence.
09:50 Les deux vitres latérales gauche étant restées ouvertes, la voiture coule en moins d'une minute.
09:59 Ma cliente dit qu'il n'y avait pas de frein à main.
10:02 Et lorsqu'on a repêché le véhicule, le frein à main était mis.
10:05 Donc on peut penser que c'est le compagnon qui a essayé de tirer le frein.
10:09 Le frein à main, qu'est-ce que ça veut dire ?
10:11 C'est le dernier geste d'un homme désespéré qui s'est rendu compte de ce qui lui est arrivé.
10:16 Parce qu'il a compris.
10:19 Nonobstant, les brumes d'une octamide qui avait envahi sa pensée.
10:26 Et puis, les dernières centièmes de secondes de vie, c'est l'eau qui rentre par la bouche, par le nez.
10:33 Et c'est l'asphyxie, c'est la souffrance absolue. C'est insupportable pour les enfants.
10:38 Durant ces quelques instants, Geneviève Bertry reste immobile sur la berge, sidérée, sans un geste.
10:47 Puis elle fait lentement demi-tour et reprend à pied le chemin en sens inverse.
10:53 Et là, elle va se boucher les oreilles pour ne pas entendre les appels au secours et rentrer à pied.
11:02 De ce chemin de retour, estimé à une grosse demi-heure, on ne sait rien.
11:08 À son arrivée à l'appartement, Geneviève prend le téléphone pour signaler à ses proches que Jean-Paul n'est pas rentré.
11:20 Comme à l'instruction, Geneviève Bertry a donné au juré l'impression d'une accusée fuyante, hésitante et imprécise.
11:27 Elle a en tout cas refusé d'admettre clairement avoir volontairement poussé le véhicule à l'eau.
11:33 Tout le monde se dit "mais il ne peut pas y avoir mort d'homme sans explication".
11:36 Et Mme Bertry, également, je pense, voudrait une explication, mais elle est bien en peine de livrer cette explication,
11:41 parce qu'elle vous dit "moi, je ne comprends pas, j'ai eu un moment de folie, un coup de folie, j'ai pété les plombs,
11:47 vous me demandez la raison pour laquelle, à un moment, j'ai pu être responsable de la mort de Jean-Paul Drillard, je ne sais pas.
11:54 Il me semble qu'a priori, c'est parce que je n'étais pas moi-même qu'à un moment, j'ai pu me retrouver au bord de l'étang,
12:00 dans ce véhicule, sortir du véhicule et laisser le véhicule glisser dans l'eau.
12:04 C'est une actrice qui a véritablement le talent de la manipulation, elle se pose comme victime.
12:10 - Où elle m'a choqué, c'est quand elle a dit "j'ai la tête sur les épaules".
12:13 - Elle a l'air très sûre d'elle, mais cet après-midi, il va falloir qu'elle réponde aux vraies questions.
12:18 - Elle a émis jusqu'au bout. - Oui, jusqu'au bout.
12:20 - Et elle ne veut pas l'enfoncer.
12:23 - Bon, allez, on se voit tout à l'heure. - 14h15, on va dire.
12:29 - 14h15, d'accord. - A tout à l'heure.
12:39 Les premiers éléments ne permettent pas encore de trancher le débat sur l'intentionnalité du crime reproché.
12:45 La Cour va donc revenir sur les faits, en s'appuyant cette fois sur les rapports de l'expert automobile.
12:51 Celui-ci a participé à la reconstitution dirigée par la juge d'instruction,
12:56 au terme de laquelle Geneviève Bertry a nié toute poussée sur le véhicule,
13:01 contrairement à ses toutes premières déclarations.
13:04 - A tout à l'heure.
13:06 Au cours de la reconstitution, toutes les hypothèses ont été examinées
13:18 en tenant compte de tous les paramètres possibles.
13:21 Emplacement du véhicule, taux d'inclinaison de la berge,
13:24 pluviométrie, état du terrain.
13:27 À la barre, l'expert assène sa première certitude.
13:32 - L'expert l'a dit, quand on essaie de retenir un véhicule tel que celui-ci,
13:36 avec une pente à 17%, c'est impossible.
13:39 Que ce soit pour une femme ou pour un homme, c'est physiquement impossible.
13:44 De toutes les hypothèses, l'expert retient 2 scénarios possibles.
13:49 Soit le véhicule a été immobilisé très près de l'eau, et il a pu glisser tout seul sur la pente.
13:55 Mais dans ce cas, le conducteur n'a pas pu avoir le temps matériel de quitter le véhicule.
14:00 Soit la voiture était garée, comme l'indique d'ailleurs l'accusé, à 6,50 m de la berge,
14:06 et il a obligatoirement fallu une poussée pour la faire glisser à l'eau.
14:10 La défense pourtant persiste.
14:13 - L'expert automobile a bien dit, je lui ai posé des questions tout de même,
14:17 est-ce qu'il est possible que le véhicule ait pu glisser sans qu'il n'y ait d'action humaine ?
14:21 Il apparaît effectivement que le véhicule pouvait glisser tout seul.
14:24 Entendu sur ses relations avec Jean-Paul,
14:28 Geneviève n'a pas tari d'éloge sur son compagnon.
14:31 La thèse de l'assassinat vient ainsi se heurter à l'absence de mobile apparent.
14:36 Mais cela ne peut suffire à dissimuler les incohérences de l'accusé sur le déroulement des faits.
14:41 - Elle ment au juge d'intruction, elle ment au gendarme,
14:44 elle ment au juré et elle ment aux victimes, elle ment à tout le monde.
14:47 Pourquoi ? Parce que c'est trop gros et qu'elle ne peut pas avouer la réalité,
14:50 c'est-à-dire la réalité, j'ai assassiné cet homme,
14:53 j'ai décidé il y a plusieurs mois d'en finir, j'en ai fini.
14:56 Non, elle ne peut pas l'admettre.
14:58 - Elle essaie de rassembler des souvenirs qui ont été mélangés dans sa tête.
15:03 Elle sait exactement ce qu'on lui reproche et le risque qu'elle encourt.
15:07 Mais elle dit qu'elle n'a pas voulu sa mort.
15:10 Je pense que quand elle le dit, elle est sincère.
15:13 Les débats de la journée laissent au juré une image étrange et dérangeante de l'accusé.
15:19 Celle d'une femme apparemment banale,
15:22 mais rongée de l'intérieur par un sentiment obsessionnel de mort
15:26 et par un exceptionnel sens de l'apitoiement sur elle-même et sur son destin.
15:31 Cette deuxième journée sera consacrée à la personnalité de Geneviève Bertry.
15:49 Nul ne doute maintenant que c'est de ce seul examen
15:52 que peuvent surgir les explications d'un geste que l'accusée refuse d'assumer
15:56 et auquel elle se garde bien d'assigner un sens.
15:59 Avec l'aide d'un psychologue et d'une psychiatre,
16:06 la cour et les jurés vont pénétrer dans un monde psychique très particulier.
16:11 - Ce qui était important chez cette femme, c'est que déjà,
16:15 on avait une amnésie totale de ses 10, 12, 13 premières années.
16:19 C'est-à-dire qu'elle était incapable de donner des précisions
16:22 sur comment s'était organisée sa vie, qui s'était occupé d'elle.
16:27 Donc c'était très, très compliqué.
16:29 - Dès toutes premières années de Geneviève,
16:32 on sait que ses parents se sont séparés et qu'elle n'a jamais revu son père,
16:36 sans doute convaincu d'attouchements sexuels sur certaines de ses filles.
16:40 La famille a longtemps vécu à la mulatière, dans la banlieue de Lyon.
16:45 - C'est vrai qu'elle est quand même très critique
16:47 par rapport à son milieu familial, avec un père qu'elle n'a pas connu,
16:50 qu'elle n'a pas vu, ou très, très peu,
16:52 puisque les parents ont divorcé, elle avait 5 ans.
16:54 Et puis une mère dont elle dit qu'il y a eu peu d'amour,
16:59 peu d'attention, peu de choses d'ordre affectif.
17:03 Et puis elle a été placée dans un internat de 6 à 14 ans.
17:07 Donc c'est petit, pour être placée dans un internat avec ses sœurs.
17:11 Et elle l'a vécu un peu comme un abandon.
17:13 - De ses 8 années passées à l'internat de la Sainte-Famille, à Mornan,
17:19 Geneviève n'a gardé que 3 souvenirs.
17:22 Celui d'un incendie, celui d'une chute sanglante dans les escaliers,
17:26 et celui des cafards courant dans son lit.
17:29 - Elle dit quand même, les sœurs étaient gentilles.
17:32 Mais si vous voulez, malgré tout, c'est plutôt des souvenirs
17:34 de l'ordre du traumatisme ou de l'ordre de l'inconfort.
17:37 Le cafard, la chute, le traumatisme crânien, dit-elle.
17:42 Donc c'est plutôt des mauvais souvenirs.
17:44 Cette enfance, c'est pas quelque chose qu'il a construit,
17:48 et on a déjà une espèce de plainte par rapport à ça.
17:50 - Moi, je retrouvais en tout cas des carences vraiment fondamentales,
17:56 dans les liens qu'elle avait pu nouer avec son père, avec sa mère,
17:59 qui ont certainement perturbé le déroulement de sa vie ultérieure.
18:04 - Sa vie ultérieure, c'est 2 ans d'école ménagère
18:07 suivie de multiples emplois de vendeuse.
18:10 A l'audience, elle évoque un viol, subi à 16 ans et demi,
18:14 dont elle n'avait encore jamais osé parler.
18:16 Un an et demi plus tard, c'est la rencontre avec Patrick,
18:20 dans le grand magasin où ils sont tous les deux employés.
18:23 Ils se marient et donnent la naissance à une petite fille.
18:27 - Une maman douce, aimante, très proche de moi.
18:32 Et elle s'est jamais fâchée après moi.
18:36 J'ai pas de souvenir qu'elle m'ait grondée.
18:39 - Le couple et l'enfant quittent Lyon pour l'Auvergne,
18:44 où résident les parents de Patrick,
18:46 avant de refaire le chemin en sens inverse,
18:49 pour des raisons financières.
18:51 Lors de ce dernier déménagement,
18:53 Geneviève affirme avoir été violée par son beau-père.
18:56 Dans un premier temps, elle n'en dira rien.
19:01 La famille s'installe à Pierre-Bénit, toujours à côté de Lyon,
19:05 et la vie reprend avec ses hauts et ses bas.
19:08 - Geneviève, c'était la maman de mon ami.
19:12 Une femme très douce, une femme très aimante,
19:15 une femme très ouverte, qui écoutait beaucoup,
19:17 qui donnait beaucoup de conseils, m'a beaucoup apportée pour ça.
19:20 Une femme qui faisait confiance à l'autre.
19:23 Avec Patrick, c'était vraiment des moments de passion.
19:27 "Je t'aime, je te déteste, je te déteste, je t'aime."
19:30 Ils étaient très complémentaires, tous les deux.
19:33 C'était...
19:34 Ils pouvaient pas vivre l'un sans l'autre.
19:37 - Premier coup dur en 79.
19:41 Geneviève a 23 ans.
19:43 Elle est atteinte de la maladie de Hodgkin,
19:46 un cancer des ganglions lymphatiques.
19:48 Elle est guérie après un an de soins intensifs,
19:51 mais elle restera marquée à vie par cette épreuve.
19:54 - J'avais 5-6 ans quand elle a été malade, je me rappelle.
19:58 Pendant un an, ouais, elle a pas été à la maison,
20:01 puisqu'elle était malade, elle était à l'hôpital,
20:04 entre ses rayons, sa chimio et le reste.
20:07 Elle arrivait péniblement à s'occuper de moi.
20:10 Je me rappelle qu'on allait la voir dans les hôpitaux.
20:13 - C'est un cancer des voiles lymphatiques.
20:15 Et ça, ça a déclenché un premier contact,
20:18 alors qu'elle est très jeune, avec la mort.
20:20 C'est vrai que c'est brutal, elle s'y attend pas.
20:23 Et c'est une cassure, sûrement.
20:25 Et à partir de là, va se développer cette obsession incessante,
20:29 qui est le cancer, c'est-à-dire l'obsession de la mort,
20:32 la peur de la mort.
20:34 Donc après, toute sa vie, elle sera très centrée sur son corps,
20:38 la moindre chose est dramatisée,
20:41 elle est un peu hypochondriaque, elle parle avec son corps.
20:44 - Elle a toujours eu peur.
20:46 C'était la grosse angoisse, un mois ou 2,
20:49 avant de savoir qu'elle devait passer sa mammographie,
20:52 pour savoir s'il y avait peut-être quelqu'un qui pouvait l'accompagner.
20:56 Ou alors elle le faisait en secret,
20:58 jusqu'à ce qu'elle puisse enfin ressortir rassurée,
21:01 et puis souffler.
21:03 - Au milieu des années 80, étranglée par les crédits
21:11 et attirée par la campagne,
21:13 le couple quitte la ville pour un mobil-home,
21:16 au camping de la Luère.
21:18 La vie y est difficile, surtout l'hiver.
21:21 L'enfant fait ses devoirs de classe dans la voiture.
21:24 - Elle a eu une vie de malheur, monsieur.
21:29 C'était une personne gentille,
21:31 qui n'avait rien, qui donnait tout,
21:34 très effacée.
21:36 Elle était là avec son mari, sa fille,
21:39 mais son mari avait un défaut, c'est qu'il avait un cheval,
21:42 et l'argent du ménage passait uniquement dans ses plaisirs.
21:46 Enfin, c'était lui, c'était lui, si vous voulez.
21:49 Donc elle, elle subissait, elle ne disait rien,
21:52 elle était là, elle mangeait ce qu'elle avait quand elle avait.
21:55 - Patrick, étant un enfant gâté,
21:57 quand Patrick voulait sa canne à pêche,
21:59 Patrick... La canne à pêche, on est à l'époque du franc,
22:02 elle coûte 2, 3, 4 000 francs, c'était pas grave.
22:05 Il lui fallait celle-là.
22:07 Il a fait pareil avec son 4x4.
22:09 Pour tout, c'était comme ça.
22:11 - Geneviève travaille dans une maison de retraite,
22:15 ce qui ne manque pas de la renvoyer à cette image de mort
22:18 qui ne cesse de la hanter.
22:20 L'une de ses sœurs vient d'ailleurs de mourir d'un cancer.
22:23 - Elle supportait pas de voir mourir les gens.
22:26 Surtout les personnes âgées.
22:28 Il y avait énormément de personnes âgées qui étaient seules,
22:31 les enfants venaient pas les voir,
22:33 et ça, ça la perturbait énormément.
22:35 - Elle a vu la mort un petit peu partout autour d'elle.
22:38 Et elle a vu des gens dans sa famille et dans ses proches
22:41 qui sont décédés du cancer.
22:43 Elle a rencontré des gens qui décédaient de maladie.
22:46 Des personnes âgées qu'elle a vues également décédées.
22:49 J'ai eu le sentiment qu'elle était entourée
22:51 par cet espèce de nuage sombre qui représentait pour elle la mort.
22:54 Quelque chose d'assez sinistre, en tout cas.
22:56 Nuage qu'elle n'arrivait pas à évacuer.
22:58 - Après la caravane, ils ont habité dans une maison à Courzieux,
23:06 mais une petite maison très sombre.
23:08 Ils sont pas restés très longtemps là.
23:10 Et enfin, ils ont pu avoir un petit appartement
23:13 avec un petit bout de jardin dans Courzieux.
23:15 Et là, ils étaient bien.
23:17 Et Patrick est tombé malade.
23:20 Donc ça a été un an de souffrance.
23:22 Patrick est parti après, et donc ça a été la dégringolade.
23:26 Pour une fois que Geneviève pouvait se poser réellement,
23:30 il y a encore la maladie qui les a rattrapés.
23:34 Toujours quelque chose.
23:36 - Elle l'a soignée et soignée jusqu'au bout.
23:38 Et elle était très attachée à lui.
23:40 Et la perte de son mari, ça l'a énormément, énormément choquée.
23:44 - Elle a près dix ans.
23:46 Elle a près dix ans, elle a...
23:49 Je pense qu'elle a eu très, très peur de se retrouver toute seule.
23:54 Ça, ça a été aussi une angoisse pour elle.
23:57 Très, très difficile.
23:59 Puis bon, elle avait perdu l'homme qui la portait.
24:02 - Le décès de son mari d'un cancer, fin 99,
24:07 signe la fin d'un cycle de vie de Geneviève Bertry.
24:11 Cette femme, plutôt soumise et effacée,
24:14 perd en Patrick son principal repère.
24:17 Sa disparition réveille en elle ses deux angoisses obsessionnelles,
24:21 la mort et la solitude.
24:24 Évidemment, la seconde est plus facile à effacer.
24:27 - Jean-Paul Drillard, il est arrivé dans notre vie
24:29 quand mon père était malade.
24:31 Auparavant, c'était quelqu'un qui connaissait du village,
24:33 mais qui ne côtoyait pas forcément.
24:35 Et moi, à l'époque, je ne vivais plus à la maison.
24:38 Et quand je venais à la maison,
24:41 c'est souvent que je le voyais chez moi.
24:43 Et quand mon père est décédé,
24:47 c'est lui qui l'a prise en charge.
24:50 Ensuite, elle est venue vivre 4 mois chez moi.
24:53 Il venait la voir presque tous les jours.
24:55 Elle disait, il est gentil, il a de la peine pour moi,
24:58 il vient me rendre service,
25:00 il se rend compte que je vais pas bien.
25:02 Et moi, quelque part, ça me soulageait,
25:04 parce que c'est difficile de garder sa maman 4 mois à la maison,
25:06 qui ne sait même plus qu'est-ce qu'elle doit faire
25:08 de la prise de l'aspirateur,
25:10 et qui me regardait en me disant, je vais t'aider,
25:12 mais qu'est-ce que je dois faire ? Elle était perdue,
25:14 elle savait même plus comment brancher une prise électrique.
25:16 - Elle voulait pas, hein.
25:18 Mais il était toujours derrière, toujours derrière,
25:20 il allait toujours la voir.
25:22 Et puis bon, sa fille lui a dit,
25:24 écoute, maman, si tu peux avoir un peu de bonheur...
25:27 - Pour Geneviève, Jean-Paul divorce d'une union instable
25:33 et s'éloigne de ses 4 enfants.
25:35 A Courzieux et dans les environs,
25:37 c'est un personnage apprécié
25:39 par sa bonne humeur et sa serviabilité.
25:41 Employé de la société des eaux,
25:45 chargé de relever les compteurs,
25:47 il est connu de tous.
25:49 - Il a perdu son père assez jeune, déjà.
25:51 Donc je pense que ça a été quand même une vie de galère, quand même.
25:56 Ceci dit, il a bien réussi professionnellement,
26:00 parce qu'il avait travaillé à la commune, après.
26:03 Il avait été embauché à la société des eaux, là.
26:05 - Avant, lui, c'était un garçon hyper consciencieux dans son travail.
26:12 Il était vraiment maniaque de faire du travail bien fait,
26:16 d'être à l'heure et de toujours rendre des comptes et tout.
26:20 Mais autrement, c'était un garçon qui aimait vivre, quoi, voilà.
26:24 Il a chassé avec mon mari,
26:27 donc on a passé des moments extraordinaires, ça, c'est sûr.
26:30 Puis il s'occupait de tas de choses dans sa commune.
26:33 Il s'occupait de tas de choses.
26:34 Il était là pour aider, pour plein d'animations.
26:38 Il était vraiment... C'était vraiment quelqu'un d'actif, quoi.
26:41 Il était...
26:43 - Le couple emménage dans une partie de cette immense bâtisse,
26:48 autrefois propriété du grand-père de Jean-Paul Drillard
26:51 et aujourd'hui restaurée.
26:53 Lui est pleinement heureux.
26:55 Il aménage un vaste chenil pour y loger sa douzaine de chiens de chasse,
26:59 seul le teckel mollusque est toléré à la maison.
27:03 - Oui, quand ils ont habité là,
27:05 elles se promenaient énormément avec Jean-Paul le soir.
27:08 Tous les jours, elles allaient se promener.
27:10 - Oui, oui, puis je veux dire, Jean-Paul avait aussi son...
27:13 Son petit chenil, si on peut dire, parce qu'il était...
27:15 Enfin, un férueux de la chasse, là.
27:18 Il avait aussi ses lapins.
27:20 Donc il allait chercher souvent à manger à ses lapins le soir
27:23 en se promenant avec Geneviève.
27:24 C'est là qu'on se rencontrait,
27:25 puis qu'on échangeait quelques mots, bien sûr.
27:29 - Oui, on sentait qu'ils étaient vraiment très proches les uns des autres.
27:32 Ah oui, sans problème.
27:34 - Il a été très gentil, très romantique, attentionné.
27:39 Et bien, elle y a cru, hein.
27:40 Même moi, j'y ai cru, hein, en me disant que quelqu'un d'aussi gentil,
27:46 qui puisse un reménage à cet âge-là,
27:48 et puis tomber sur la bonne personne, on se dit,
27:50 ben, c'est bien, elle va être heureuse.
27:55 Le bonheur, comme toujours chez Geneviève, dure peu.
27:59 Elle s'ennuie, loin de la ville et de ses habitudes.
28:02 Elle rêve de vacances au loin, Jean-Paul de chasse et de copains.
28:07 - Elle était pas souvent chez elle.
28:09 Elle avait envie de partir, elle se promenait beaucoup,
28:12 elle... Ouais, elle restait pas longtemps chez elle.
28:16 Non, je pense... Je suis pas sûre qu'elle se plaise bien, bien là.
28:21 Jean-Paul, il travaillait.
28:22 Le week-end, il allait voir ses copains, il allait acheter à la chasse.
28:25 Elle, elle se voyait quoi le temps des repas,
28:27 surtout le repas du soir, et puis c'est tout.
28:29 Elle se voyait pas la journée.
28:30 Et puis elle, le week-end, elle récupérait les enfants de Jean-Paul.
28:34 Donc, elle était seule, pratiquement.
28:38 - Vient le temps des récriminations.
28:42 Geneviève s'occupe des enfants, comme une seconde mère, dit-elle,
28:46 et reproche à Jean-Paul de les délaisser.
28:48 Elle apaise les tensions entre un père lointain et des adolescents en crise.
28:53 Puis vient le temps de l'isolement.
28:56 - Jean-Paul l'aimait certainement énormément, mais pour lui.
29:01 Ce qui fait qu'on les a pratiquement plus vus.
29:04 Alors, occasionnellement, on mangeait ensemble quand même,
29:07 mais c'était, je veux dire, même pas une fois par an.
29:10 - Et même au téléphone, on le dérangeait, quand j'appelais maman.
29:13 "Ah bah non, on est à table, hein."
29:15 Non, il me la passait pas.
29:18 Et je l'entendais derrière qui disait "mais c'est qui, c'est ma fille,
29:21 non, non, mais t'inquiète pas."
29:23 Et il raccrochait.
29:25 - Je l'avais au téléphone que quand elle m'appelait d'une cabine téléphonique.
29:28 Il fallait pas que Jean-Paul sache qu'elle m'appelle.
29:31 Donc, uniquement là, oui, c'est ce qu'elle me disait.
29:34 Elle me disait que c'était dommage, mais...
29:37 Bon, Jean-Paul voulait voir personne.
29:39 - Oui, je pense qu'il était amoureux d'elle, mais quelque part,
29:42 il avait un amour qui était exclusif et pas envie de la partager.
29:45 Et pas envie de la partager avec ses souvenirs.
29:48 Ça le dérangeait.
29:51 Et nous, on était ses souvenirs.
29:53 Comme le chien, comme la jument.
29:56 - Se dessine ainsi le portrait d'un couple qui ne se comprend plus.
30:01 Geneviève réclame toujours plus d'attention.
30:04 Jean-Paul accepte, à condition que cela n'empiète pas
30:07 sur ses propres plaisirs.
30:10 - C'est un homme qui était bourré, qui pouvait avoir des mots extrêmement forts.
30:13 - Qui ne se faisait pas faire. - C'est un ancien.
30:16 - C'est un ancien. - Mais c'était pas un...
30:19 - Mais ça, c'est pas un crime. - C'est un trait de caractère.
30:22 - C'est un trait de caractère.
30:25 - Il était comme ça. - Il vous a pas remarqué.
30:28 - Ils en ont l'air. - Vous comprenez.
30:31 - C'est elle qui vous a fait souffrir le marché.
30:34 - C'est votre maman, soi-disant.
30:37 - Vous vous rappelez bien.
30:40 - La personnalité tourmentée de Geneviève Bertry fait débat.
30:44 Parti civil et accusations la voient en manipulatrice cynique.
30:49 La défense en une femme dépressive, dépassée par les événements.
30:54 - Elle me mettait mal à l'aise.
30:57 Mais mon neveu était tellement heureux, tellement content avec elle que...
31:00 Voilà. Mais par contre, moi, ça me gênait
31:03 de voir cette personne si silencieuse
31:06 Moi, mon mari prenait beaucoup pour la timidité, pas moi.
31:10 Je prenais pas ça pour la timidité, je lui disais non.
31:13 C'est qu'elle a pas envie de nous parler, voilà comment je l'interprétais.
31:17 Et c'est vrai que par rapport à mon neveu,
31:20 quand on était toujours en train de plaisanter
31:23 et de raconter des tas de choses,
31:26 ça nous surprenait qu'il soit avec une personne comme ça, quoi.
31:29 - En 2007, deux événements
31:34 viennent accroître la mélancolie de Geneviève.
31:37 Elle est soignée pour une péricardite,
31:40 conséquence de ses traitements antérieurs.
31:43 Le couple quitte ensuite la grande bâtisse, trop mal chauffée,
31:47 pour un petit appartement de Chevinet,
31:50 un village non loin de Corsieux.
31:53 - J'étais très mal là et l'autre dans cet appartement.
31:56 Et après, j'ai envie de dire, c'était la descente en enfer.
31:59 Le gros problème qui est à prendre en compte,
32:02 c'est ce chien mollos.
32:05 Mollos que Jean-Paul n'accepte absolument pas.
32:08 Et pour Geneviève, c'est son chien, c'est le chien que lui a offert Patrick.
32:11 Donc gros sujet de dispute.
32:14 Et je pense que ça a été après en s'amplifiant.
32:17 - Le dernier tournant intervient en janvier 2008.
32:21 Face à Geneviève, qui se plaint encore et toujours,
32:24 un médecin lâche l'hypothèse d'un nouveau cancer.
32:27 Les analyses le démentiront, mais c'est trop tard.
32:30 Le mot a été prononcé.
32:33 Geneviève l'a entendu. Il ne la quittera plus jamais.
32:36 - Elle avait peur d'avoir un cancer.
32:40 Peur de la mort.
32:43 Elle était aréactive.
32:46 Elle répondait même plus au téléphone.
32:49 Elle qui m'appelait quasiment tous les jours.
32:52 - Non, elle avait plus rien de la Geneviève que j'ai connue.
32:55 Elle était sous médicaments. Elle était effondrée complètement.
32:58 - Ça va au-delà de la dépression.
33:01 Elle était au fond du trou.
33:04 - C'est un peu comme si elle l'attendait, ce diagnostic.
33:07 "J'ai un cancer, j'avais raison. Je vais mourir d'un cancer."
33:10 Et du coup, elle est plutôt partie sur le côté très pessimiste
33:13 et sombre de cette 1re annonce,
33:16 sans aller beaucoup plus loin.
33:19 Et c'est pas très surprenant qu'elle ait pas vraiment entendu
33:22 que ce cancer n'était pas finalement un cancer
33:25 et qu'elle avait pas grand-chose à craindre, finalement.
33:28 - La vie de Jean-Paul Drillard se complique.
33:31 Il sent Geneviève s'enfoncer dans la dépression
33:34 et accède à ses désirs.
33:37 Il l'emmène quand il part travailler
33:40 ou il la rejoint pour déjeuner.
33:43 Il est inquiet.
33:46 - Il nous avait dit qu'elle avait été fatiguée.
33:49 Ça lui avait fait un souci pas possible.
33:52 Il me téléphonait dans la semaine
33:55 d'aller voir, bon, Madame... Enfin Geneviève, quoi.
33:58 Il avait peur qu'elle se suicide.
34:01 C'est lui qui avait peur que...
34:04 Il me téléphonait 2-3 fois dans la semaine.
34:07 "Va la voir, tu l'as vue."
34:10 Après, je le rappelais, je dis "Je l'ai vue, elle va bien, c'est bon."
34:13 - Cette victime, Jean-Paul Drillard, il a fait tout ce qu'il a pu
34:16 jusqu'au dernier moment, d'ailleurs,
34:19 c'est un psychologue, donc jusqu'au dernier moment.
34:22 Mais elle, ce qu'elle traduit et ce qu'elle ressent,
34:25 c'est qu'on n'en fait jamais assez, jamais assez pour elle
34:28 et que l'autre ne peut pas être bien alors qu'elle est mal.
34:31 - Et cette phrase-là, elle a quand même
34:34 heurté beaucoup mon oreille quand elle m'a dit
34:37 "J'étais jalouse des gens qui allaient bien
34:40 et jalouse de lui qui avait l'air d'aller bien."
34:43 Ça, c'est une phrase pas banale.
34:46 - Cette phrase, répétée à tous les experts,
34:49 sonne comme un mobile.
34:52 Il n'est pas question que Jean-Paul soit heureux
34:55 alors qu'elle ne l'est pas.
34:58 Et c'est lui, cette fois, qui est victime de malaise inexpliqué.
35:01 - Début mars, pour les éligions municipales,
35:04 il a commencé à changer, voilà.
35:07 C'était plus Jean-Paul, hein, c'était...
35:10 Il se tenait pas debout, il... Il disait un peu,
35:13 un peu n'importe quoi, il...
35:16 C'est une journée saloire, bon, le lendemain,
35:19 2 jours après, ça allait mieux, enfin mieux, un petit peu mieux.
35:22 Et après, ça recommençait, c'était...
35:25 Bon, j'allais au bois avec lui, il coupait des...
35:28 Il voyait des branches, il voyait pas de branches,
35:31 il voyait une branche, il voyait des choses, mais quoi.
35:34 - Curieusement, les malaises de Jean-Paul
35:37 correspondent exactement avec les effets indésirables
35:40 de l'insomnifère noctamide utilisé chaque soir
35:43 par Geneviève pour s'endormir.
35:46 Plus troublant encore, en un peu plus d'un mois avant les faits,
35:49 Geneviève s'est procuré 6 boîtes de médicaments,
35:52 soit au moins 30 comprimés de plus que nécessaire,
35:55 des comprimés qui ont disparu.
35:58 - Mon compagnon, je vais le soumettre chimiquement.
36:03 Plusieurs témoins qui se courent au bord
36:08 s'en aperçoivent et expriment les effets même,
36:11 traduisent les effets de ces somnifères,
36:14 qui sont des effets assez impressionnants,
36:17 puisque l'état de fatigue,
36:20 il est plus lui-même, on dit globalement.
36:23 Il est plus lui-même, comme elle.
36:26 - Elle ne dormait pas sans ce produit.
36:29 Donc si elle en avait donné de façon exagérée
36:32 et continue à son concubin,
36:35 c'est elle qui aurait été dans la possibilité de dormir.
36:38 Mais on peut pas imaginer,
36:40 quand on voit la personnalité de M. Drillard
36:43 à travers les descriptions qui ont été faites,
36:46 qu'il aurait accepté tous les soirs
36:49 de prendre des médicaments dans sa soupe ou autre.
36:52 - En avril, les événements s'enchaînent.
36:55 Jean-Paul Drillard néglige son travail,
36:58 il s'endort au volant.
37:01 Le 21, il est placé en arrêt maladie.
37:04 - Vous avez un témoin, un ami proche de M. Drillard,
37:07 qui va dire, mais il m'a dit, c'est une empoisonneuse.
37:10 Il avait compris, il avait compris
37:13 que Mme Bertry avait décidé de l'empoisonner
37:16 et avait quelque part décidé de l'éliminer.
37:19 - Même s'il a eu ce moment là où il a dit "empoisonneuse",
37:22 mais je pense pas que dans sa tête,
37:25 il croyait qu'elle voulait lui faire du mal.
37:28 Moi, ça, je le pense pas.
37:31 Non, il était trop bon pour penser ça.
37:34 Il pouvait pas me penser ça, parce que lui,
37:37 il aurait jamais fait du mal à personne.
37:40 - Moi, cette thèse de l'empoisonneuse,
37:43 c'est la déclaration d'un témoin qui aurait entendu M. Drillard
37:46 lui dire, parler d'elle en disant "empoisonneuse",
37:49 mais vous savez, on dit quelques fois aux gens,
37:52 "tu m'empoisonnes", ça veut dire "tu me pourris la vie".
37:55 - Elle m'explique qu'ils se sont disputés,
37:58 qu'elle avait ras-le-bol de son état dépressif,
38:01 de sa façon de stagner, d'être triste, d'être adynamique,
38:04 de rien faire, qu'il la souhaite.
38:07 Elle dit que ça entraînait des disputes depuis quelque temps
38:10 nombreuses et souvent, et que tout était prétexte à,
38:13 et qu'elle le sentait tendu, et qu'elle avait quelque part peur
38:16 que ça aille plus loin. Et en quoi ça peut aller plus loin?
38:19 Ça peut aller à une rupture. Il peut la quitter.
38:22 Il n'était pas marié, d'ailleurs.
38:25 - Il entend à présent les proches de la victime, partie civile.
38:28 Jean-Marc Drillard, le frère de Jean-Paul.
38:31 Donne, sans le vouloir sans doute, le coup de grâce
38:34 à une accusée déjà fragilisée.
38:37 Il explique que le lendemain de la disparition de son frère,
38:40 il a accueilli sous son toit, durant deux nuits
38:43 et autant de jours, Geneviève, pour qu'elle ne reste pas seule.
38:46 Il décrit Geneviève, assise sur le canapé,
38:52 le soir quand il rentrait de ses recherches, aussi vaines
38:55 qu'épuisantes, lui demander "Alors, vous l'avez retrouvée?"
38:58 - À vivre ça, c'est très très dur
39:05 de vivre en ayant dit "On a reçu
39:08 à sa table, quelqu'un
39:11 qui a ôté la vie d'une autre personne."
39:14 Et bien ça, c'est incroyable, la vie.
39:17 C'est pas possible, ce que ça fait mal.
39:20 Ah oui.
39:23 - Je crois qu'on a vécu un moment très fort pendant ce procès,
39:38 quand les partis civils sont venus raconter
39:41 la quête, la quête du frère qui avait disparu,
39:44 cet affolement, cette recherche désespérée
39:47 où on va placarder des affiches, des avis de recherche de partout
39:50 dans la campagne, en ville. On attend le moindre
39:53 signe de vie, on se raccroche à tout et n'importe quoi,
39:56 on fait appel aux amis, à un radiesthésiste,
39:59 on est désespérés
40:02 et puis en même temps, il y a celle qui sait, qui sait tout
40:05 et qui est hébergée chez le frère de la victime.
40:08 Je crois que cette manipulation,
40:11 elle se poursuit dans le prétoire, elle essaye
40:14 de tromper la religion des jurés
40:17 en leur disant "je suis malade" et en se faisant passer pour une victime.
40:20 Ca n'est pas une victime, c'est une accusée
40:23 et c'est une accusée qui a commis l'irréparable.
40:26 - En toute fin d'audience, pressée de questions,
40:32 Geneviève Bertry a accepté du bout des lèvres
40:35 de reconnaître son geste, puisque tout le monde le dit,
40:38 "eh bien c'est que j'ai poussé la voiture, donc j'ai tué Jean-Paul",
40:41 s'est-elle exclamée à bout d'arguments.
40:44 - On voit véritablement que c'est une personne
40:48 qui a toujours été dominée dans ses couples,
40:51 que ce soit avec son premier mari qui est décédé d'un cancer,
40:54 que ce soit ensuite avec Jean-Paul Drillard,
40:57 elle apparaît comme une personne effacée
41:00 et on se rend compte qu'il y a cette volonté de toujours satisfaire celui qui est le dominant.
41:03 Et peut-être qu'effectivement, pour vouloir faire plaisir un peu à tout le monde,
41:06 et notamment à la cour, peut-être également à la partie civile,
41:09 d'accord, vous me le dites, vous avez certainement raison,
41:12 donc je vais dans votre sens, je reconnais avoir poussé le véhicule.
41:15 Les jurés retiennent de cette journée l'extraordinaire inimpétence au bonheur de l'accusé.
41:22 Geneviève Bertry a de telles difficultés avec le bonheur
41:25 qu'elle en vient à fabriquer son propre malheur.
41:28 C'est la première raison de la mort de Jean-Paul Drillard.
41:31 La seconde, c'est sans doute la crainte de la séparation
41:35 et la terreur de la solitude.
41:38 Geneviève Bertry préférait quelque part savoir son compagnon mort
41:42 qu'heureux sans elle.
41:45 De retour dans sa cellule, quelques heures avant le verdict,
41:49 elle ne peut que pleurer sur son destin,
41:51 le seul dont elle parle, le seul dont elle sait parler.
41:55 La réalité du geste meurtrier est dorénavant établie.
42:05 Geneviève Bertry l'attribue non pas à elle-même,
42:08 mais à sa maladie, au diable, à un vide
42:11 qu'il aurait envahi à ce moment précis.
42:14 Autrement dit, à un geste impulsif et non organisé.
42:18 Il en va tout autrement pour les partis civils et l'accusation
42:21 qui soutiennent l'acte prémédité, constitutif de l'assassinat.
42:25 Cela considère qu'entre l'administration du somnifère et l'étang,
42:29 il existe un lien direct et réfléchi.
42:34 On est dans le cadre d'un plan qui est minutieusement préparé,
42:37 très en amont, qui est minutieusement exécuté
42:41 et qui est minutieusement dissimulé.
42:44 Vous voyez, trois étapes.
42:46 Et je dois dire que Mme Bertry les a maîtrisées à la perfection.
42:50 La dernière fois que je l'ai vue, elle était incapable d'aligner six mots d'affilée.
42:55 Incapable de penser.
42:58 C'est... Non. Donc...
43:02 Je pense que préméditer un morte se demande un gros travail.
43:07 Elle n'en était pas capable.
43:09 Qu'au moment de la prise des médicaments, elle se soit dit
43:12 "Bon, maintenant, on va aller dans l'étang, je vais desserrer le frein
43:15 "et puis il va glisser dans l'eau", ça me semble tout à fait improbable.
43:18 Moi, je pense qu'elle était dans un état totalement second.
43:22 Elle était vraiment très, très mal dans sa peau depuis trois mois, à l'époque.
43:26 Et il y a eu un élan spontané quand elle a térévé au bord du lac.
43:31 Elle s'est peut-être dit inconsciemment "Je vais le punir".
43:34 Ce qu'elle a fait, c'était jamais penser ni organiser.
43:37 C'est vraiment des passages à l'acte.
43:39 Elle agit sans penser ni organiser sa pensée.
43:42 Et cette succession de passages à l'acte a entraîné, malheureusement,
43:46 les faits qui lui sont reprochés.
43:48 Le temps de l'instruction des faits est terminé.
43:53 La parole est maintenant aux professionnels de justice.
43:56 Au nom des parties civiles, Hervé Bambanast décrit une accusée aux idées noires,
44:02 centrée uniquement autour d'elle-même, de ses maladies et de sa souffrance.
44:07 À aucun moment, on n'a senti le sentiment de culpabilité, de regret ou de remords.
44:20 Rien de tout cela. Elle n'a cessé d'essayer de se justifier
44:23 en disant que c'était de la faute de la maladie ou de la faute du diable.
44:27 Mais le cancer n'a pas tué Jean-Paul Drillard.
44:31 C'est sa noyade au fond d'un étang qui l'a tuée.
44:34 C'est cette réalité-là qu'elle refuse non pas d'admettre,
44:37 mais de reconnaître, parce qu'elle sait très bien ce qu'elle a fait.
44:41 Le jour où la parole est écrite
44:45 Mais le visage qu'elle exprime...
44:53 Je lui ai dit, il y a bientôt trois ans, rendez-vous sympathique.
44:57 Faites comme les pires profs, faites comme ça, similez-vous,
45:00 faites comme ça, ça peut arriver rapidement.
45:02 Parce que les enfants, ils ont été bien, je le dis.
45:05 Il y a eu vraiment une immense émotion dans la salle.
45:09 Sans être méchant à son égard.
45:11 Ils n'ont jamais crié vengeance ni manifesté de l'oeil.
45:14 Moi, je vais vous dire, je vois pas l'intérêt de se remettre 15 ans quand on va en prendre 10.
45:20 Au nom de l'accusation,
45:25 Véronique Escolano brosse le tableau d'un couple improbable.
45:28 Jean-Paul aimant la vie,
45:30 Geneviève hantée par l'angoisse de mort.
45:33 De l'accusé, la magistrate retient le machiavélisme,
45:38 le cynisme, le sang-froid exceptionnel
45:41 et la capacité de dissimulation.
45:44 C'est le fait de ne pas assumer,
45:49 le fait de ne pas exprimer
45:52 ni ressentir de culpabilité vrai,
45:55 mais aussi le fait de revendiquer pour soi
45:59 un regard compatissant
46:03 qui est inquiétant.
46:06 C'est la raison pour laquelle je me suis adressée à elle en dernier lieu,
46:10 en lui disant qu'effectivement, il lui appartenait maintenant
46:14 d'emprunter les chemins de l'humanité
46:17 en assumant les faits vis-à-vis de la société,
46:21 de la famille et puis également, je pense,
46:25 en mémoire de son compagnon.
46:29 Les avocats de la Défense et les proches de Geneviève accusent le coup.
46:34 L'avocat général a requis une peine minimale
46:37 de 20 années de réclusion criminelle.
46:40 À la reprise de l'audience, les deux avocats de Geneviève Bertry
46:59 tentent de rétablir la situation.
47:02 Xavier Morose s'attaque aux deux piliers de l'accusation,
47:05 l'intention de tuer et la préméditation.
47:08 Il exclut l'un comme l'autre,
47:11 en estimant que les débats n'ont pas permis d'établir
47:14 que Geneviève Bertry ait réellement voulu la mort de son compagnon.
47:18 Gérard Thomassin conclut en appelant les jurés à prononcer une peine équitable,
47:22 loin des 20 années réclamées par le ministère public.
47:26 La cour !
47:30 Nous avons face à face deux femmes, Madame l'avocat générale d'un côté,
47:34 Madame Bertry de l'autre,
47:36 et j'ai l'impression que du côté de l'accusation,
47:39 on aurait voulu qu'elle en dise plus.
47:41 On lui a tendu la main du côté de l'accusation.
47:43 On lui a dit, Madame, il ne faut pas fuir.
47:46 Bon, Madame Bertry est incapable de s'exprimer.
47:49 Elle est incapable d'exprimer extérieurement un sentiment
47:53 et Madame l'avocat générale ne l'a pas raté.
47:56 Elle a demandé pas moins de 20 ans
47:58 en essayant de nous démontrer que c'était une empoisonneuse.
48:01 On cherche des explications et on cherche à mobile.
48:04 Et à un moment, il va apparaître que peut-être, nous dit-on,
48:07 Geneviève Bertry se serait débarrassée de son compagnon
48:10 parce qu'elle était jalouse de ce bien-être qu'il caractérisait.
48:13 Très sincèrement, c'est un peu court.
48:15 On ne se débarrasse pas de quelqu'un
48:17 parce qu'on est jaloux d'une personne qui était en bonne santé.
48:20 La cour et les jurés se retirent pour délibérer.
48:23 Dans la salle, l'ambiance est tendue.
48:25 - On raconte des conneries.
48:27 - Les 3 magistrats et les 9 jurés, 7 femmes et 5 hommes,
48:39 doivent répondre à 2 questions.
48:41 Geneviève Bertry a-t-elle donné volontairement la mort à Jean-Paul Drillard
48:46 et si oui, a-t-elle prémédité son geste ?
48:49 Ils doivent ensuite décider d'une peine
48:53 sachant que l'accusé encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
48:57 L'audience va reprendre après 3 heures de délibérés.
49:11 - La cour !
49:15 - La cour !
49:17 - L'audience est reprise. Vous pouvez vous asseoir.
49:29 Levez-vous, madame Bertry.
49:35 Voici les réponses aux questions posées et la règle délibérée en commun.
49:41 Aux questions n°1 et n°2, la cour et le jury ont répondu oui
49:46 à la majorité de 8 voix au moins,
49:49 ce qui signifie que vous êtes déclaré coupable d'assassinat.
49:53 En conséquence de ces réponses, la cour et le jury,
49:56 après en avoir délibéré conformément à 8 voix
50:00 et statuant à la majorité absolue,
50:03 condamnent Geneviève Bertry à la peine de 20 ans de réclusion criminelle.
50:10 Madame, vous avez un délai de 10 jours pour faire appel de cet arrêt.
50:14 Passez ce délai, vous n'y seriez plus recevable.
50:18 La cour d'assises du Rhône a condamné Geneviève Bertry
50:31 à la peine de 20 années de réclusion criminelle.
50:36 Il n'a pas été fait appel de ce verdict, qui est donc devenu définitif.
50:42 Madame, vous avez un délai de 20 ans de réclusion criminelle.
50:46 Passez ce délai, vous n'y seriez plus recevable.
50:49 Madame, vous avez un délai de 20 ans de réclusion criminelle.
50:53 Il n'a pas été fait appel de ce verdict, qui est donc devenu définitif.
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