Début du débat sur la fin de vie à l’Assemblée nationale

  • il y a 5 mois

Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Pierre de Vilno pour débattre des actualités du jour. Ce soir, l'ouverture du débat à l'Assemblée nationale sur le projet de loi sur la fin de vie.
Retrouvez "Les débats d'Europe 1 Soir" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu

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Transcription
00:00 (Générique)
00:04 - Je salue mes camarades du soir sur Europe 1.
00:06 Bonsoir Jean-Claude Lassier, chroniqueur politique.
00:08 - Bonsoir.
00:10 - Bonsoir Paul Melun, essayiste, auteur de "Libérer la gauche, la confession d'un enfant, du peuple et le dossier de la fin de vie"
00:15 est donc arrivé sur les tablettes des députés qui plongent d'ailleurs en ce moment.
00:19 Il y a eu quelques punchlines de plusieurs côtés, notamment celle de Maude Bréjean, on va en reparler tout à l'heure.
00:27 Je voudrais qu'on accueille le docteur Véronique Lefèvre-Dénoët.
00:32 Bonsoir Madame.
00:33 - Bonsoir.
00:34 - Vous êtes docteur en philosophie pratique et éthique médicale, vous publiez "Mourir sur ordonnance" aux éditions du Rocher.
00:40 Je le disais tout à l'heure dans le journal, la commission spéciale a changé cette affectation en phase avancée au terminal.
00:50 A l'origine c'était affection grave et incurable avec pronostic vital engagé.
00:54 Pour vous ça change tout ?
00:56 - Bien entendu, je suis en même temps psychiatre et gériatre.
01:00 La deuxième partie de mon titre c'est "Mourir sur ordonnance et être accompagnée jusqu'au bout".
01:06 - Ce qui veut dire beaucoup de choses en effet.
01:08 - Exactement, c'est ça qui est très important.
01:10 Je suis un médecin de terrain et pour nous ça change tout.
01:13 Au départ les critères d'éligibilité étaient assez clairs en phase terminale.
01:19 Aujourd'hui même si le pronostic vital n'est pas engagé à court terme, on n'arrive pas à se mettre d'accord sur un moyen terme.
01:27 Mais ça veut dire que ça ouvre aussi aux maladies neuroévolutives et psychiatriques,
01:32 c'est-à-dire à des personnes qui étaient exclues avant de ce projet de loi.
01:36 - Qu'est-ce qui risque de se passer si on reste sur cette phase avancée ou terminale ?
01:42 On risque d'avoir des médecins réfractaires ?
01:44 - On risque d'avoir plus de médecins réfractaires, en particulier les psychiatres, les gériatres, les neurologues,
01:50 parce que des personnes vont être éligibles alors qu'elles ne l'étaient pas auparavant.
01:53 - Et donc du coup c'est un moment clé qui se déroule à l'Assemblée Nationale.
01:58 Vous, en tant que médecin, en tant que professionnel, en tant que gériatre,
02:02 ces soins comme on les appelle, ces soins palliatifs, ces soins de dernière partie de la vie,
02:11 vous lancez un appel peut-être aux députés ?
02:15 - Oui, bien sûr, d'ailleurs j'ai écrit à mon nom propre à plusieurs députés qui m'ont répondu,
02:20 et j'essaie de convaincre qu'il faut d'abord avancer sur les soins palliatifs en France.
02:26 Dans mon hôpital où je suis la seule psychiatre pour les 1000 lits,
02:29 nous n'avons que 4 lits identifiés soins palliatifs.
02:32 C'est évidemment insuffisant, il faut promouvoir cette culture palliative du soin
02:37 et pas faire une loi qui mettrait la charrue avant les bœufs.
02:40 C'est-à-dire qu'il faut que nos personnels soient formés, appétents et compétents
02:44 pour accompagner jusqu'au bout ces personnes qui souffrent.
02:48 Alors moi je suis absolument opposée au dolorisme, c'est-à-dire gagner son paradis en souffrant.
02:52 Il ne s'agit absolument pas de ça.
02:54 Mais comme je suis psychiatre, je suis aussi opposée que l'on facilite le suicide des personnes âgées.
02:59 C'est mon quotidien, moi, de sauver des personnes.
03:02 Et si on donne un accès quasiment libre et prioritaire aux personnes qui se réclameraient d'un suicide assidu,
03:09 je ne vois pas bien dans l'état où est l'hôpital public aujourd'hui, comment ce sera réalisable.
03:14 C'est très intéressant de discuter avec vous, docteur, parce qu'il y a le dogme d'un côté
03:18 et puis il y a la pratique, la réalité du terrain avec vous et c'est ce qu'on apprend ce soir.
03:24 En parlant de dogme, il y a ce terme d'injection létale.
03:29 Et certains, notamment Marianne de Haenzel, disent que c'est incompatible avec le soin, l'injection létale,
03:36 puisqu'on ne donne pas la mort en soignant.
03:38 Alors on ne donne pas la mort en soignant, même s'il nous arrive de pousser la seringue du morphinique.
03:43 On a beaucoup trop enterré trop vite la loi Claesner et Meti qui permet la sédation profonde et continue jusqu'au défait.
03:49 Ce que je pratique de façon hebdomadaire dans mon hôpital, vous savez, pendant la crise Covid,
03:54 mes malades très âgés n'avaient pas accès à la réanimation, puisqu'ils avaient plus de 70 ans.
03:59 Sur un seul critère d'âge, on s'est gendarmé, mais on ne les a pas regardés s'étouffer et mourir à cause de la Covid.
04:05 Bien entendu, on les a accompagnés, on les a sédatés pour qu'ils puissent en aller dans un sommeil profond.
04:11 - Merci beaucoup Véronique Lefèvre-Denouette d'avoir été avec nous sur Jean-Claude Dacier.
04:16 Beaucoup de débats. Je disais la réalité d'un côté, le dogme de l'autre, les opinions politiques,
04:23 les tiraillements entre partis. Au sein même de la Macronie, tout le monde ne parle pas d'une seule voix.
04:29 Comment est-ce qu'on analyse la situation ce soir Jean-Claude Dacier ?
04:31 - Chacun aura la liberté de vote, ce que j'ai bien entendu.
04:34 Moi je dois reconnaître que j'ai du mal, pardonnez ma voix ce soir qui est un peu éteinte.
04:39 - Ne vous inquiétez pas, on peut former un club.
04:40 - J'ai du mal à me faire une opinion. Comment je réagirais moi ? Pardonnez-moi, mais je pense aussi un peu à moi.
04:48 J'ai un âge qui n'est plus... ben, j'ai plus 20 ans. Donc je me dis comment je réagirais et quelle loi me conviendra ou me conviendrait.
04:57 On ne sait pas encore très bien qu'est-ce qui va sortir des travaux parlementaires.
05:01 J'ai été personnellement très intéressé, pour ne pas dire impressionné, par la publication dans le Figaro de ce matin d'une bonne vingtaine d'associations de soignants professionnels.
05:14 Grands médecins qui disent que le texte tel qu'il est sorti de la commission spéciale ne convient pas.
05:21 Alors j'ai entendu la ministre qui a expliqué qu'elle allait revenir en arrière.
05:26 - Qui avait un risque de rupture d'équilibre.
05:28 - Oui, absolument, rupture d'équilibre et appelle à sauvegarder les soignants... les malades, pardon.
05:36 C'est ce que dit aussi Mme Desnouettes. Elle a écrit un livre qui s'appelle "Vieillir n'est pas un crime".
05:42 Elle parle beaucoup des EHPAD, la situation parfois qui est faite aux personnes âgées et souffrantes et malades.
05:48 C'est un dossier ô combien compliqué. J'attends avant de me faire une opinion de ce qui va sortir de la loi.
05:57 Ce qui me trouble quand même, c'est les travaux de la commission spéciale qui me semble-t-il sont allés très loin.
06:04 - Paul Mellun, à force de mettre tout le monde d'accord...
06:07 - Oui, non moi je suis un petit peu d'accord avec Jean-Claude.
06:09 C'est-à-dire que je trouve que c'est un débat qui est éminemment complexe.
06:12 C'est peut-être même le débat qui est le plus compliqué à traiter parmi tous ceux que nous traitons de mois en mois, de semaine en semaine.
06:18 Parce que la question de la façon dont nous devons mourir, on sait que c'est une étape pour à peu près tout le monde,
06:24 la façon dont nous devons passer de vie à trépas est une question je dirais qui touche à l'intime,
06:30 qui touche à la foi pour ceux qui l'ont et pour les autres à une forme peut-être de spiritualité athée.
06:35 Mais en tout cas au creuset de ce que nous sommes.
06:37 Et donc en faire une question politique et dans le débat qui permettrait de cliver comme toutes sortes d'autres questions
06:43 entre les pros et les contres etc. me paraît très compliqué.
06:46 Et je pense que c'est pas comme ça qu'il faut aborder le sujet.
06:49 Et effectivement la parole de la docteure que vous interviewez était très sensée me semble-t-il.
06:53 Parce qu'il faut en passer par l'épreuve du réel, par les réalités.
06:57 Moi je pense typiquement que la loi Leonetti, toute la loi Leonetti, c'était bien d'aller vers cette sédation etc.
07:03 sans forcément aller plus loin. Je sais d'expérience que les grandes réformes que l'on nous présente
07:08 sous le sceau du progressisme ont tendance à évoluer.
07:11 Regardez ce qui s'est produit sur les semaines d'avortement,
07:14 regardez ce qui s'est produit sur toutes sortes d'autres lois progressistes.
07:18 On sait que ça commence toujours petit, que ça finit toujours très grand.
07:21 Donc je me dis voyons ce qui se passe en Belgique, voyons ce qui se passe dans certains états américains.
07:24 Jusqu'où irons-nous avec cela ?
07:26 Regardons un peu plus loin que là tout de suite.
07:29 Et encore une fois, notre intervenante avait parfaitement raison.
07:32 Regardons d'abord l'état des soins palliatifs en France.
07:34 Investissons d'abord dans notre hôpital public.
07:37 Et je pense que c'est déjà par là qu'il faut en passer sur ce débat.

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