Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine et gérant d’une officine à Plombières-lès-Dijon, répond aux questions de Lionel Gougelot à l'occasion de la grève des pharmaciens. Ils protestent contre la vente de médicaments sur Internet et contre les ruptures de stock qui leur font perdre un temps considérable.
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00:00 - Europe 1, il est 6h42. - Ça pourrait bien être un jeudi noir pour les pharmacies et des officines de quartier.
00:07 Si vous cherchez des médicaments, vous risquez bien de trouver Porte-Clause, une journée de mobilisation organisée par deux syndicats.
00:13 - Oui, votre invité pour en parler sur Europe 1 à Lyonel, il s'agit de Pierre-Olivier Vario, président de l'union des syndicats de pharmaciens d'officine, également pharmaciens, à Plombière-les-Dijon.
00:22 - Bonjour Pierre-Olivier Vario. - Bonjour à vous.
00:24 - Merci d'être en ligne ce matin sur Europe 1. Vous vous attendez à une forte mobilisation aujourd'hui de la part de vos confrères.
00:31 On parle, dites-moi si je ne me trompe, de près de 90% des pharmacies qui pourraient être fermées aujourd'hui ?
00:37 - Oui c'est ça, en moyenne sur le territoire national, c'est ce qu'il me remonte avec des régions qui sont à 100% pharmacies fermées et d'autres qui sont un peu moins, avec un peu moins de pharmacies fermées.
00:48 Mais il faut quand même dire aux patients, pas d'inquiétude, il y a des pharmacies qui seront réquisitionnées par l'ARS, l'agence générale de santé, et donc il y aura un accès aux médicaments pour les soins urgents, mais un accès qui sera comme un jour férié si vous voulez, pas moins, pas plus.
01:03 - D'accord. Parmi vos revendications, vous demandez au gouvernement, plus généralement, une revalorisation financière.
01:10 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le modèle des pharmacies en officine est actuellement en danger, en danger de mort même ?
01:16 - Oui, tout à fait. Le nombre de fermetures de pharmacies s'est accéléré terriblement depuis le début de l'année, avec en janvier 36 fermetures, plus que le double de l'an dernier.
01:28 Et si vous voulez, une des raisons est l'économie de l'officine. Nos prix des médicaments sont encadrés par l'État, nos zones horaires, quand nous dispensons une ordonnance, sont fixées par l'État.
01:38 On a, comme tout le monde, une inflation qui est galopante, même plus galopante que l'INSEE, à peu près 1,8 fois plus rapidement que l'INSEE.
01:45 Et aujourd'hui, la baisse de marge corrélée à l'inflation qui est énorme fait que les pharmacies sont en difficulté.
01:51 - Cette fragilité financière donc, si on peut résumer cette situation, est-ce que ça pourrait entraîner un jour une situation dans laquelle il y a des déserts pharmaceutiques comme il y a des déserts médicaux ?
02:04 - Ça pourrait, et c'est pour ça que l'on se bat aujourd'hui pour éviter ça. Souvent, la pharmacie est la principale porte d'entrée dans le système de santé, quand il y a justement ces déserts médicaux.
02:13 Et on craint terriblement qu'il y ait une hécatombe parmi les officines les plus fragiles.
02:18 - Alors qu'est-ce que vous demandez d'un point de vue financier, très concrètement, Pierre-Olivier Barriot ?
02:23 - On demande que nos zones horaires de dispensation, que notre cœur de métier, soient revalorisées.
02:27 Mais dans la revendication que l'on fait, il n'y a pas que ça. Il y a aussi les pénuries de médicaments qui nous consomment un temps énorme.
02:34 C'est 12 heures par semaine de temps humain passé à chercher des médicaments, à appeler les confrères, à appeler les grossistes, les laboratoires, à appeler les médecins pour changer un traitement,
02:43 à gérer le stress des patients, parce qu'ils sont en stress de ne pas avoir leur traitement, et ça se comprend.
02:48 Et aussi un projet de loi qui est porté par certains députés de la majorité pour déréguler les professions réglementées, en particulier la pharmacie,
02:57 en favorisant la vente des médicaments sur internet via des plateformes.
03:01 - On va y revenir dans un instant, mais je voudrais revenir sur la question des pénuries.
03:05 Il s'agit vraiment de pénuries ou alors de problèmes d'approvisionnement, de rupture de stock, momentanée ? Comment ça se passe ?
03:13 - Il y a de tout. Il y a des pénuries sèches où vous n'avez pas de médicament, où on vous dit que le médicament reviendra dans 4 mois, 5 mois, 6 mois.
03:20 On parle par exemple des antidiabétiques dans ce cas-là.
03:22 Il y a des fois aussi des tensions d'approvisionnement où vous ne l'avez pas pendant 15 jours, 3 semaines, puis après il revient.
03:27 Mais vous comprenez bien que quand le patient en a besoin, lui dire "vous attendrez 15 jours, 3 semaines", c'est très difficile.
03:32 Moi j'ai une patiente qui a un traitement anticancéreux qui me dit "si je ne l'ai pas le mois prochain, je fais comment ?"
03:38 Je lui dis "c'est pas grave, je vais le prendre un jour sur deux, mon médicament durera plus longtemps".
03:41 Il faut lui expliquer que non, un jour sur deux, il n'est pas efficace. Il ne faut pas le prendre comme ça.
03:45 Donc vous voyez, il y a ce stress permanent chez les patients et du coup chez nous.
03:49 - Un stress chez les patients, on le comprend aisément.
03:52 Et donc effectivement des difficultés d'organisation dans vos officines parce que vous passez un temps fou finalement à chercher des médicaments ou des molécules qui sont en rupture de stock.
04:01 - C'est ça, exactement.
04:02 Quand on n'a pas les médicaments, il faut qu'on appelle nos fournisseurs qui sont des grossistes.
04:06 Quand les grossistes ne l'ont pas, on appelle les laboratoires pour savoir si on ne peut pas avoir un dépannage.
04:10 Et quand on n'a personne là, y compris nos confrères proches, il faut voir avec le médecin par quels médicaments on peut remplacer le médicament qui est en rupture.
04:18 - Alors vous le disiez, vous dénoncez également le projet de dérégulation du réseau officinal.
04:23 Vous faites allusion aux ventes sur le net. Quel danger ça représente pour la profession de pharmacien ?
04:31 - Alors ça représente un danger qui est énorme pour les pharmaciens mais aussi pour les patients.
04:36 Les patients vont commander des médicaments sans avoir pour autant un conseil.
04:41 En fait, la vente des médicaments sur internet, c'est banaliser le médicament.
04:44 C'est en faire un parcours de consommation et pas un parcours de soins.
04:47 Moi je vois bien une promotion à partir de trois boîtes achetées où on vous fait cadeau des frais de port.
04:51 C'est pas ça la santé.
04:53 Je vais vous prendre un exemple d'un ami qui me dit...
04:55 Il a un ami de 47 ans qui a commandé des médicaments sur internet sur un site étranger.
05:01 Ces médicaments n'étaient pas adaptés à son état de santé. Il vient de décéder d'une crise cardiaque.
05:04 Personne n'a pu lui dire que ce médicament n'est pas adapté.
05:07 Tous les jours dans nos officines, nous recevons des patients à qui on ne dispense pas de médicaments
05:13 mais on oriente vers une consultation médicale parce que ça n'est pas notre rôle.
05:17 Là, la pathologie est trop importante pour que nous puissions la prendre.
05:20 Eh bien, si vous voulez, il n'y aura pas ça. Il n'y aura pas ça, c'est certain.
05:23 Et puis pour le réseau pharmaceutique, on voit bien partout en Europe qu'il y a une corrélation
05:28 entre la disparition des pharmacies et la vente des médicaments sur internet.
05:32 Plus la vente des médicaments sur internet est grande, plus les pharmacies disparaissent.
05:35 Je ne sais pas qui a l'œuf ou la poule.
05:37 Je ne sais pas si c'est parce qu'il y a une disparition des pharmacies
05:39 que la vente des médicaments sur internet augmente ou l'inverse.
05:42 Mais en tout cas, c'est corrélé.
05:44 Et puis, je vais vous dire, en moyenne, chaque patient est à 7 minutes d'une pharmacie en France.
05:49 Pourquoi on a besoin d'aller favoriser la vente des médicaments sur internet ?
05:52 Pourquoi ?
05:54 C'est une question de survie, on l'a bien compris, pour les officines et que vous représentez,
05:58 Pierre-Olivier Vario. Merci d'avoir été en ligne ce matin sur Europe 1.
06:01 Je rappelle que vous êtes le président de l'union des syndicats de pharmaciens d'officine.
06:05 Bonne journée à vous.