Affaire Weinstein l'année qui a tout changé

  • il y a 5 mois
Un an après le début de l'affaire Weinstein, quels effets ont eu ce scandale sur la société française ? La parole se libère, une loi a été votée, mais le film témoigne aussi de la persistance des tabous. Un bilan contrasté.

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Transcription
00:00New York, le 25 mai 2018. Entre les mains de la police, un homme très puissant.
00:08Harvey Weinstein, l'un des plus influents producteurs de Wollywood.
00:22Ce jour-là, Harvey Weinstein est inculpé pour agressions sexuelles et de chefs d'inculpation,
00:33mais au total, il aurait abusé d'une centaine de victimes, des actrices, des mannequins,
00:38des ex-employés qui l'ont toutes accusée d'abus sexuels allant du harcèlement au
00:42viol.
00:43C'est d'abord le New York Times qui lance la bombe le 5 octobre 2017.
00:49Depuis des années, Harvey Weinstein a jeté le silence de ses victimes.
00:53Dans la foulée, le 10 octobre, le New Yorker dénonce les pratiques du producteur ultra-influent.
00:58Propositions indécentes, agressions sexuelles, les accusatrices de Harvey Weinstein racontent
01:03leur histoire.
01:04Pour piéger Harvey Weinstein, l'une des victimes, la mannequin Ambra Batilana du 13,
01:09a même enregistré une scène de chantage scabreuse à la demande de la police et à
01:13l'insu du prédateur.
01:18La
01:47affaire Weinstein sonne la fin d'une époque.
01:4930 ans d'Omerta volent en éclats.
01:51Devant des millions de téléspectateurs, l'actrice Rose McGowan, l'une des victimes
01:56de Weinstein, incite tout le monde à briser le silence.
01:5910 jours après le scandale, l'actrice Alyssa Milano invite toutes les victimes de
02:09violence à s'exprimer sur Twitter en utilisant le hashtag MeToo pour dire qu'elles aussi
02:14ont subi des agressions.
02:16Si vous avez été victime de harcèlement ou d'agressions sexuelles, écrivez MeToo
02:21en réponse à ce tweet.
02:22La parole se libère, les femmes de tous horizons osent enfin témoigner.
02:26J'avais beau me décaler, il continuait à coller sa bite contre mon dos.
02:29Je suis sortie, en arrêt plutôt, en larmes.
02:32C'est une déflagration.
02:34En deux jours, plus de 1 million de témoignages sont publiés sur les réseaux sociaux.
02:38Simultanément, le hashtag MeToo se propage en Europe, même au sein du Parlement européen.
02:44En France, c'est un autre mouvement qui défraie la chronique.
02:52Le hashtag Balance ton porc.
02:54La journaliste Sandra Muller propose carrément aux victimes de jeter les noms de leurs agresseurs
02:58en pâture avec ce tweet du 13 octobre.
03:01Toi aussi, raconte en donnant le nom et les détails à un harcèlement sexuel que tu
03:05as connu dans ton boulot.
03:06Une incitation à la délation qui dérange.
03:09Mais quoi qu'il en soit, avec ces hashtags, tout le monde prend bien conscience du fait
03:13que les violences faites aux femmes sont une réalité.
03:15Une réalité inacceptable.
03:17Les choses doivent changer, mais comment agir concrètement ?
03:27En France, la lutte contre les violences faites aux femmes s'organise.
03:31C'est même l'une des priorités du gouvernement.
03:33La mission de Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes
03:37et les hommes.
03:38Ça fait des générations que les femmes subissent des agressions sexuelles, du harcèlement
03:42de rue, des viols, en se taisant, en n'étant pas crues souvent quand elles parlent.
03:46Là, enfin, les femmes ont décidé de s'unir, de parler pour dire stop.
03:49Stop ? L'affaire Weinstein aura au moins eu le mérite de provoquer une mobilisation
03:53sans précédent, pour faire définitivement évoluer les mentalités et libérer la parole.
03:58Comme en témoignent les femmes que nous avons rencontrées, toutes victimes de harcèlement
04:02sexuel.
04:03Morgane, jeune militaire harcelée par ses supérieures.
04:06Mon chef de section m'a dit « ce serait sympa que tu passes dans ma chambre ce soir.
04:10»
04:11Solveig, comédienne qui porte plainte pour vous.
04:13Il y a un moment donné où j'étais terrorisée, donc si on me demande si j'ai consenti,
04:18la réponse c'est oui, j'ai consenti à ne pas mourir.
04:20Ou encore Caroline, insultée et frappée au visage dans un restaurant.
04:24Il faut que la honte change de camp, il faut que les femmes osent en parler.
04:30Toutes ont décidé de s'exprimer, ce qu'elles n'auraient sans doute pas fait avant le
04:34scandale.
04:35Retour sur une année historique pour le droit des femmes.
04:41En mai 2018, 7 mois après le début du scandale, le festival de Cannes est l'occasion d'une
04:52grande mobilisation contre les violences et les agressions.
04:55Le milieu du cinéma semble bien décidé à ne pas en rester là, à ne plus jamais
05:02fermer les yeux.
05:03La comédienne Asya Argento, l'une des victimes du producteur, est très déterminée.
05:09J'ai quelques mots à vous dire.
05:13En 1997, j'ai été vécue par Harvey Weinstein, ici même à Cannes.
05:20J'avais 21 ans.
05:23Ce festival était sa chasse gardée.
05:27Je souhaite prédire quelque chose.
05:32Harvey Weinstein ne sera jamais plus le bienvenu ici.
05:38Et parmi nous, dans le public, il y a ceux à qui on devrait pointer le doigt à cause
05:45de leur comportement envers les femmes, un comportement indigne de cette industrie, indigne
05:52de n'importe quelle industrie.
05:53Vous savez qui vous êtes.
05:54Plus important encore, nous, nous savons qui vous êtes et nous n'allons pas vous
06:02permettre de vivre dans l'infinité.
06:08Si depuis, l'actrice a elle aussi été inquiétée par une affaire de culture mineure, son témoignage
06:13dans l'affaire Weinstein n'en reste pas moins crucial.
06:21Sur les marches, 82 femmes du monde du 7e art montent au créneau ensemble pour exiger
06:26la fin des agressions, des discriminations, des inégalités salariales.
06:30Parmi elles, Marion Cotillard, Tony Marshall ou encore Léa Sédoux, l'une des victimes
06:39françaises de Weinstein, qui a révélé au journal The Guardian la soirée d'enfer
06:43qu'elle a vécu en acceptant un simple verre.
06:45Nous parlions sur le canapé quand il a soudainement sauté sur moi et a essayé de m'embrasser.
06:50J'ai dû me défendre, il est grand et gros, alors j'ai dû résister vigoureusement.
06:55Je suis partie complètement dégoûtée.
07:00Salma Hayek aussi a été victime du producteur en 2002 alors qu'elle incarnait Frida Kahlo.
07:05Sur le tournage, il l'aurait harcelée, humiliée, menacée.
07:08Au nom de toutes ces femmes réunies à Cannes, Cate Blanchett, la présidente du jury, prend
07:15la parole.
07:16Nous, scénaristes, productrices, réalisatrices, directrices de la photo, sommes ici solidaires
07:25avec les femmes de tous les milieux professionnels.
07:27Le message est clair, il y aura un avant et un après Weinstein.
07:33Et pas un jour de cette 71ème édition ne se déroule sans un colloque contre les violences.
07:39A quelques mètres du palais, dans un grand hôtel, Salma Hayek crée justement l'événement.
07:49Elle organise une conférence et elle a convoyé toute la presse.
07:55La star est investie personnellement dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
07:59Elle préside la fondation du groupe Kering, le groupe de luxe dirigé par son mari François-Henri Pinot.
08:11Son but ici, c'est de venir parler de ses actions, comme si elle était l'invité d'un plateau télé.
08:24Pour lutter contre la violence contre les femmes.
08:29Pour les aider psychologiquement et légalement à se défendre.
08:37Il y a dix ans, nous étions des pionniers.
08:39C'était un tabou, tout le monde pensait que nous étions un peu bizarres.
08:42La mode, le luxe.
08:47Concrètement, la fondation Kering finance des associations
08:51ou organise des séminaires de coaching auprès des cadres du groupe.
09:09Et pour marquer les esprits, l'actrice n'hésite pas à comparer la lutte contre les violences
09:14à un régime.
09:16Les êtres humains sont très lents à changer.
09:20On ne peut pas espérer manger, manger, manger, manger, manger,
09:26et gagner 20 kilos, et arrêter de manger un jour
09:33et penser qu'on va perdre les 20 kilos d'un jour.
09:37Croyez-moi, je sais.
09:40Pendant le show de l'actrice, la ministre Marlène Schiappa s'est glissée dans le public.
09:45Un groupe de luxe qui s'engage contre les violences,
09:47c'est une initiative qui pourrait servir d'exemple à d'autres entreprises.
09:54Impossible de rater le Festival de Cannes pour la ministre cette année.
09:58C'est un rendez-vous stratégique.
10:00C'est important que le festival dise qu'il n'est pas aveugle
10:03et qu'il s'engage avec l'ensemble de la société pour protéger les actrices,
10:07les intermittents du spectacle, les festivalières,
10:10mais aussi pour envoyer un message dans le monde
10:12puisque le Festival de Cannes a un retentissement médiatique extrêmement fort
10:17et votre présence en est une des preuves.
10:20Elle veut sensibiliser tous les types de publics à son combat.
10:23Son message, personne n'y échappera.
10:26C'est un combat culturel qui est difficile à mener,
10:28qu'il faut mener partout, tout le temps, sans relâche,
10:30et c'est pour ça que le mot d'ordre du gouvernement, c'est ne rien laisser passer.
10:35A l'initiative de Marlène Schiappa, sur les tickets du festival,
10:38on rappelle bien que le harcèlement est puni par la loi
10:41et qu'un comportement correct est exigé.
10:44Un rappel au respect qui ne s'adresse pas qu'aux festivaliers.
10:48Je crois que c'est important justement que ça soit un débat
10:51qui soit porté par des personnalités, dont des actrices,
10:54mais que ça ne reste pas un débat de politiciens, d'actrices, d'intellectuels,
10:58mais que ça soit vraiment quelque chose qui irrigue toute la société.
11:01Donc à chaque fois que des jeunes filles peuvent entendre quelque chose
11:04comme ton corps t'appartient et personne n'a le droit de te toucher
11:07si tu n'es pas d'accord, si tu fais mal à l'aise, si tu n'as pas envie,
11:10je pense que c'est important et c'est des choses qu'on ne dit pas assez aux jeunes.
11:13Ce n'est pas normal qu'elles découvrent leurs droits
11:16après avoir été harcelées, agressées, voire violées.
11:18On doit leur communiquer leurs droits immédiatement.
11:21Je crois que c'est le rôle de la République de le faire.
11:26En France, de nombreuses femmes ont déjà subi des agressions sexuelles.
11:30Les chiffres sont accablants.
11:3275 000 femmes majeures ont été victimes de viol en 2017.
11:36Mais depuis l'affaire Weinstein, ces chiffres ne sont plus une fatalité.
11:41Même les hommes puissants sont de plus en plus inquiétés.
11:44Début 2018, il y a eu l'affaire Tariq Ramadan.
11:47L'islamologue suisse est en détention provisoire pour plusieurs affaires de viol
11:50dont les instructions sont en cours.
11:53En juillet 2018, c'est Luc Besson qui fait l'objet d'une plainte pour viol
11:56déposée par l'actrice Sandra Von Roy.
11:59Gérard Depardieu, lui aussi, est visé par une enquête
12:01à la suite d'une plainte pour viol de la part d'une actrice de 22 ans.
12:05Maître Nathalie Thomasigny est une avocate très engagée
12:07dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
12:10Pour elle, il y a un vrai changement.
12:12L'affaire Weinstein, c'est un coup de tonnerre.
12:15Un coup de tonnerre sans précédent.
12:17Et dans tous les secteurs de la société, tout confondu,
12:20parce que là, on parle d'Hollywood avec Weinstein,
12:22avec Luc Besson et avec d'autres.
12:24Maintenant, vous voyez bien que les sphères politiques
12:27sont rattrapées aussi, avec certains scandales sexuels.
12:31Politiques à avocats, puisque j'ai un confrère,
12:34pour ne pas le donner, maître Collard,
12:37qui est également inquiété.
12:40La justice nous dira ce qu'il en est.
12:42Ils sont peut-être totalement innocents.
12:44Là n'est pas le problème.
12:45Simplement, on voit bien que c'est partout.
12:48Les ministres Gérald Darmanin et Nicolas Hulot
12:50ont eux aussi été accusés de viol.
12:52Mais concernant Nicolas Hulot, la plainte a été classée sans suite
12:55et Gérald Darmanin a bénéficié d'un non-lieu.
12:58En revanche, l'une des affaires actuellement en cours d'instruction
13:01pourrait faire beaucoup de bruit.
13:29Déjà, il y a le trauma.
13:31Pendant ce que j'ai vécu, il y a un moment donné
13:34où j'étais terrorisée.
13:36Donc, si on me demande si j'ai consenti,
13:38la réponse est oui, j'ai consenti à ne pas mourir.
13:41L'acte d'aller pour des prélèvements
13:44ou faire constater le viol et autres violences,
13:48il faut être totalement lucide
13:51et avoir réalisé, identifié et mis ce qu'on venait de vivre.
13:57J'ai fait la plupart des viols et c'était impossible.
14:01Je ne pouvais pas porter plainte pour viol le lendemain
14:04puisqu'il aurait fallu que je sois connectée à moi-même.
14:07Et le viol m'avait déconnectée.
14:17J'étais allée dans un stand de violences faites aux femmes.
14:19Ça vous a aidé ?
14:21Ce qui m'a aidée, c'est que pour la première fois,
14:24la personne qui m'a écoutée était empathique
14:28puisqu'elle pleurait suite à mon récit.
14:32Et puis elle m'a dit
14:34« Vous n'avez pas porté plainte ? »
14:36Cette phrase-là m'a sauvée parce que ça voulait dire
14:38que quelqu'un reconnaissait qu'il n'avait pas le droit
14:41de nier mon intégrité de la sorte.
14:45C'est un parcours de combattante généralement.
14:49Par exemple, dans une procédure,
14:52on vous demande de tout raconter, les moindres détails.
14:55La semaine où j'ai tenté de porter plainte,
14:57j'ai passé des dizaines et des dizaines d'heures
15:00dans les commissariats à attendre d'être reçue
15:02et puis finalement pas reçue, puis renvoyée le lendemain.
15:04Quand enfin j'ai été reçue, alors cette sodomie,
15:06ça s'est passé comment, première question ?
15:08J'ai fait un malaise, alors j'ai fait un malaise,
15:10j'ai fait un malaise, j'ai fait un malaise,
15:12j'ai fait un malaise, j'ai fait un malaise,
15:14j'ai fait un malaise, alors pourtant Dieu sait
15:16si je pensais être préparée.
15:18Donc après on ne vous prend plus parce que vous vous faites des malaises,
15:20donc on ne veut pas vous voir.
15:22C'est édifiant, le policier qui se permet de vous dire
15:24« Ah mais vous n'avez pas été violée,
15:26eh bien enfin voilà », etc.
15:28Donc je veux dire, sans connaître l'affaire par ailleurs.
15:32C'est un rouage complet, complexe
15:34d'intimidation, de découragement, d'épuisement.
15:38Ce que me disait l'avocat, il me disait
15:40« Il faut que je vous prévienne,
15:44il y a beaucoup de portes qui vont se fermer.
15:48»
15:49Mais moi elles se sont toutes fermées ce jour-là.
15:51Il n'y a plus aucune...
15:53Moi j'ai tout perdu.
16:00Je savais que j'étais le seul,
16:02que j'étais le seul,
16:05je savais que j'étais loin d'être la seule victime, ô combien.
16:09Moi je l'ai fait pour...
16:12parce que j'ai fait ce que je voudrais que toutes les femmes fassent.
16:15Notre silence ne nous protège pas,
16:17il fait l'inverse, il nous tue.
16:19Un silence difficile à briser face à des policiers
16:22encore trop peu formés pour recueillir des témoignages aussi lourds.
16:29Pour les personnes agressées,
16:31il est souvent plus évident de se tourner en premier lieu
16:33vers des associations.
16:35Le 3919 est le numéro national
16:37destiné aux femmes victimes de violences.
16:39« Violence, Femme Info, bonsoir. »
16:41Il leur permet d'appeler à l'aide,
16:43de façon anonyme et confidentielle.
16:45« Vous savez, le 3919, ça reste une ligne anonyme.
16:48Il n'y a pas de trace sur votre appel. »
16:51Depuis l'affaire Weinstein,
16:53cette plateforme traite de plus en plus d'appels.
16:55Plus 27% enregistrés en novembre,
16:57juste après le scandale,
16:59et 50 000 au total en 2017.
17:01Françoise Brié est la directrice générale
17:03de cette association.
17:07« Le 3919 fait une première écoute,
17:09une écoute empathique.
17:11Déjà que les femmes puissent mettre des mots
17:13sur ce qu'elles vivent.
17:15C'est aussi notre rôle, c'est de les déresponsabiliser,
17:17de les déculpabiliser,
17:19de leur dire que la violence, c'est un délit,
17:21que c'est interdit par la loi,
17:23que l'agresseur, l'auteur des violences,
17:25c'est lui le responsable et pas elles.
17:27Parce qu'on sait que dans les stratégies des agresseurs,
17:29il va renvoyer la responsabilité
17:31sur la victime, les mettre
17:33dans une espèce de toile d'araignée de l'emprise
17:35où elles n'arrivent plus à penser par elles-mêmes.
17:37C'est aussi les accompagner dans cette réflexion. »
17:39Aide psychologique ou juridique,
17:41tout est fait ici
17:43pour aider les femmes à ne plus avoir honte,
17:45à trouver la force d'aller jusqu'à un tribunal.
17:47Dans les cas de viol,
17:49la difficulté supplémentaire à surmonter
17:51est que 91% des femmes
17:53connaissent leur agresseur.
17:55« Vous appelez suite à des violences, madame ?
17:57D'accord. De la part de qui ?
17:59De votre mari, conjoint ? »
18:01Et 45% des agresseurs
18:03sont des conjoints ou ex-conjoints.
18:05C'est ce qu'on appelle le viol conjugal
18:07et c'est encore un vrai tabou en France.
18:09« Si on sait qu'une femme sur 10
18:11est victime de violences conjugales,
18:13c'est énorme en France.
18:15Et ça nécessite vraiment
18:17une réponse efficace,
18:19adaptée à chaque moment de leur parcours.
18:21Et c'est souvent compliqué et long. »
18:23Mais les viols ne sont pas
18:25la seule forme de violence que les femmes endurent.
18:27« Quand on interroge une femme,
18:29n'importe laquelle,
18:31toutes les femmes ont eu
18:33à un moment donné dans leur vie
18:35une violence qu'elles ont subie.
18:37Que ce soit
18:39des insultes sexistes dans la rue,
18:41que ce soit des attouchements dans le métro,
18:43du harcèlement
18:45au travail,
18:47ou des violences conjugales.
18:49Il y a eu à un moment dans leur vie
18:51une agression sexuelle dans les transports.
18:53C'est quand même
18:55quelque chose de très récurrent.
18:57Et ça, c'est complètement inadmissible. »
18:59Le harcèlement sous toutes ses formes
19:01est un véritable fléau pour les femmes.
19:03L'heure est venue de tirer la sonnette d'alarme.
19:05Depuis le scandale Weinstein,
19:07des vidéos chocs se multiplient sur Internet.
19:09Elles dénoncent notamment le harcèlement
19:11de rue, comme celle de cette association
19:13Hands Away, littéralement « bas les pattes ».
19:15« Au début, ça allait.
19:17C'était quelques regards, ça draguait gentiment.
19:19Mais comme je ne les ai pas calculés,
19:21ils ont commencé à faire des blagues salaces.
19:23Pas drôles.
19:25Non mais en fait, ils ne pensent qu'à ça.
19:27C'est vraiment leur bite qui prend le contrôle.
19:29Les mecs ne se gênent pas.
19:31Ils étaient en groupe.
19:33Ils sont venus se coller à moi.
19:35Ils ont essayé de me toucher,
19:37de se frotter à moi.
19:39C'était dégueulasse.
19:41C'est quand même ouf d'être traité de salope
19:43parce que juste je portais une jupe.
19:45Allez, vas-y, viens, on monte dans la voiture.
19:47Tu vas voir, ça va être super, je vais te faire rêver.
19:4982% des Françaises ont subi le harcèlement de rue
19:51avant leurs 17 ans.
19:55C'est le cas de Laura et Léna,
19:57âgées de 17 et 15 ans.
19:59Elles sont venues flâner à Cannes
20:01mais n'ont pas été tranquilles de la journée.
20:03Tout à l'heure, on était sur ce ponton
20:05et on est allées se baigner
20:07quand il y a un jeune
20:09qui est allé parler
20:11à ma petite sœur
20:13et qui lui a dit
20:15« Je peux ? »
20:17Je te baise.
20:19Alors qu'en plus,
20:21j'étais super jeune, il faut le savoir.
20:23À la gare, tout à l'heure,
20:25il y a un homme qui me crie
20:27« Viens, viens ! »
20:29Moi, je n'y vais pas, je pars.
20:31Au final, il est venu me suivre
20:33jusqu'au Starbucks Coffee.
20:35En me demandant mon Instagram,
20:37il a mis le violent.
20:39« Pourquoi tu n'es pas venue quand je t'ai appelée ? »
20:41C'est normal, en fait.
20:43On doit automatiquement suivre
20:45les gens qui veulent, mais non.
20:47« Et alors ? »
20:49Je lui ai passé parce que j'avais peur.
20:51Harcèlement à la plage,
20:53dans la rue,
20:55Léna, elle, a été agressée
20:57lors d'un voyage scolaire.
20:59Je faisais du ski avec mon collège
21:01et mon professeur de ski
21:03nous a traités
21:05de tous les noms
21:07que les filles
21:09et nous touchait les fesses.
21:11J'étais la seule
21:13à être assez courageuse
21:15pour le dire à mes parents,
21:17donc à ma mère,
21:19et essayer de faire quelque chose.
21:21Mais n'ayant pas assez de preuves,
21:23parce que j'étais loin de chez moi,
21:25ils n'ont pas accepté ma plainte
21:27avec ma mère.
21:29Moi, je pense qu'il faut assumer,
21:31dénoncer ce qui se passe,
21:33parce que c'est grave.
21:35Pour les ados,
21:37difficile de savoir comment réagir
21:39face à ces agressions.
21:41L'autre jour,
21:43j'ai pris le tramway.
21:45On m'a suivie en vélo
21:47sur 700 mètres
21:49en me disant que
21:51la personne était intéressée.
21:53Et moi, sur 700 mètres,
21:55je lui disais que je n'étais pas intéressée.
21:57J'ai essayé de tracer le plus vite possible.
21:59J'ai répété pendant tout mon trajet
22:01que je n'étais pas intéressée,
22:03que j'étais mineure.
22:05Lui, il a passé son trajet
22:07à me dire que ce n'est pas grave,
22:09que ce n'est pas grave.
22:11Flore Amélie a bricolé une solution
22:13pour ne pas se faire embêter.
22:15Elle s'est rasée la tête.
22:17Maintenant que je me suis coupée les cheveux,
22:19on va dire que ça s'est un peu calmé.
22:21J'étais la fille typique,
22:23très grande, très mince,
22:25avec les longs cheveux blonds.
22:27Et c'était limite tous les jours.
22:29Alors que j'habite dans le 8e,
22:31j'étais dans une école kato
22:33entourée de bons samaritains.
22:35Et c'était quasi tous les jours.
22:37Le problème, c'est qu'elle ne se sent
22:39pas toujours comprise par les garçons.
22:41J'ai un ami, le jour où je racontais
22:43que je m'étais fait suivre dans la rue
22:45et que du coup j'étais arrivée en retard
22:47à un rendez-vous,
22:49qui m'a dit de toute façon
22:51qu'est-ce qu'il aurait fait.
22:53Je ne sais pas, il aurait pu faire n'importe quoi justement.
22:55Il me suivait depuis 15 minutes
22:57alors que je rentrais chez moi.
22:59Donc il aurait pu faire ce qu'il voulait.
23:01Il aurait pu me tuer.
23:03Et il était là, il n'aurait rien fait.
23:05Le fait d'être suivie, ça ne veut rien dire.
23:07Ça veut tout dire.
23:09J'ai plein d'amis qui pensent encore que le harcèlement de rue,
23:11c'est un compliment et des choses comme ça.
23:15C'est pour ça que ce n'est plus mes amis.
23:17Simplement.
23:19Compliment ou harcèlement ?
23:21Que disent les textes de loi ?
23:25Oui, c'est du harcèlement.
23:27Le fait de la poursuivre
23:29et de faire une forme de filature
23:31de cette personne peut être considéré
23:33bien évidemment comme du harcèlement de rue.
23:35C'est-à-dire qu'à partir du moment où
23:37la victime supposée
23:39manifeste
23:41son mécontentement,
23:43son désir d'arrêter là
23:45la conversation, c'est là où il faut
23:47le respecter. Et c'est là où il ne faut pas
23:49continuer. Elle dit non,
23:51c'est non. Ok, très bien.
23:53J'ai essayé, j'arrête.
23:55On qualifie aussi d'outrage sexiste le harcèlement de rue.
23:57Il faut entendre
23:59par harcèlement de rue
24:01tout ce qui va porter atteinte à la dignité
24:03de la personne. Il est évident que
24:05si un homme aborde
24:07une jeune femme dans la rue et lui dit
24:09qu'elle est jolie
24:11et qu'il lui propose de prendre
24:13un café, il ne s'agira pas
24:15de harcèlement de rue.
24:17C'est bien évidemment des propos dénigrants
24:19à connotation sexuelle
24:21et qui portent
24:23atteinte à la dignité de la personne
24:25qui vont constituer l'infraction.
24:27C'est vrai que trop souvent, en tant que femme,
24:29on subit ce type de harcèlement.
24:31Moi, je m'élève
24:33contre les voix féminines
24:35qui disent que c'est agréable
24:37d'avoir des compliments. Mais bien sûr,
24:39des compliments, mais on ne parle pas de ça.
24:41On parle vraiment
24:43de propos dénigrants, insultants
24:45à connotation sexuelle.
24:47Et ça, c'est inadmissible.
24:49Aujourd'hui,
24:51la plupart des agresseurs agissent encore
24:53en toute impunité.
24:55Est-ce qu'on voit sérieusement une femme
24:57qui va suivre pendant 20 minutes
24:59un mec ? Si on retournait la situation,
25:01ce serait vraiment assez comique.
25:03Complètement absurde.
25:05On ne voit jamais ça.
25:07Téma ce petit cul.
25:09Inverser les rôles, c'est ce qu'a expérimenté
25:11cette comédienne pour une vidéo.
25:13Pour une fois, les femmes mettent des mains aux fesses.
25:15T'es mignonne.
25:17Hé, les gosses beaux, là.
25:19Fais de bon, toi.
25:21T'as pas un numéro 6 ?
25:23Vas-y, baisse les yeux, salope.
25:25Hé, le gazelle !
25:27Retourne-toi quand je te parle.
25:29Ça roule du cul, ça roule du cul.
25:33Marcher tranquillement dans la rue,
25:35sortir sans se faire agresser,
25:37c'est parfois une réelle préoccupation pour les femmes.
25:39D'autant plus anxiogènes
25:41qu'on ne sait jamais où s'arrêtera la violence.
25:43Des insultes qui deviennent des coups,
25:45c'est ce qu'a subie Caroline
25:47lors de ses vacances il y a moins d'une semaine.
25:49Encore sous le choc,
25:51elle a décidé d'en parler.
25:53J'étais à la Réunion
25:55et je suis allée dîner
25:57dans un snack ouvert
25:59sur l'eau,
26:01qui n'était pas du tout
26:03créneau, ni quoi que ce soit.
26:05Histoire de voir le coucher de soleil.
26:11Au moment de régler l'addition,
26:13puisqu'à la Réunion,
26:15il faut aller au comptoir,
26:17là, le propriétaire
26:19de ce snack
26:21met un petit peu de temps
26:23avant de me donner l'addition,
26:25il met une chanson de Doc Ginecco
26:29« Quoi qu'on dit sur toi, ma salope à moi »
26:31« Dans mon quartier,
26:33il y a des taspés qu'on fait tourner »
26:35etc.
26:37Là, il met
26:39sa jambe
26:41sur le comptoir,
26:43l'autre par terre,
26:45et il mime un acte sexuel
26:47contre le comptoir en me regardant dans les yeux
26:49et en sortant sa langue
26:51en miment un cunnilingus
26:55et quand il dit « salope,
26:57les taspés », il me regarde
26:59dans les yeux, etc.
27:01Dans le restaurant, un seul autre client
27:03assiste à la scène.
27:05Caroline demande plusieurs fois l'addition,
27:07mais les deux hommes sont très alcoolisés.
27:09Le propriétaire du snack
27:11avait sorti aussi une bouteille de vodka.
27:13Je leur dis « Ah oui, vous y allez un peu fort »
27:15C'était un double message
27:17aussi sur ce qu'il était en train de me raconter.
27:19J'avais beau essayer de détourner la discussion
27:21enfin la discussion,
27:23de détourner le propos
27:25sur sa consommation d'alcool,
27:27lui il continuait
27:29et pendant qu'il mimait son acte sexuel,
27:31il me disait
27:33« C'est ça, toi t'aimes bien quand ça chauffe,
27:35t'aimes bien quand ça brûle »
27:37Et l'autre personne dans le bar
27:39parlait ? Il disait rien.
27:41Il était à côté, mais il disait rien du tout.
27:43Passif ?
27:45Non, pas passif.
27:47La seule chose qu'il ait dite, c'est quand j'ai dit
27:49« Ah oui, vous y allez un peu fort »
27:51Lui il a dit
27:53« Oui, mais il est comme ça, c'est mon ami,
27:55là on est dans son snack,
27:57donc il faut accepter comme il est. »
27:59Bon ?
28:01Ok.
28:03Caroline finit par payer, mais elle ne peut pas partir.
28:05Et en fait, d'un seul coup,
28:07il passe par-dessus le comptoir
28:09et là, il se met à me griffer.
28:11Il me griffe sur le bras
28:13Le fait que je rétracte mon bras
28:15vers moi,
28:17ça lui a fait, mais complètement
28:19péter un plomb.
28:21Mais complètement.
28:23C'est-à-dire que là, il est parti en toupie
28:25totale.
28:29Là, il a commencé à se fâcher
28:31sérieusement,
28:33à me dire
28:35« Quoi ? Mais pour qui tu te prends ?
28:37Espèce de salope, etc.
28:39Tu te prends pour qui ?
28:41Moi, j'ai de la valeur.
28:43Là, tu te prends pour qui ?
28:45Tu veux pas que je te touche, c'est quoi ?
28:47Pourquoi tu te recules de moi comme ça ?
28:49Tu te prends pour qui ?
28:51Moi, je suis un ancien garde du corps
28:53de Premier ministre,
28:55j'étais garde du corps d'un ministre de la Défense,
28:57je suis un boxeur professionnel,
28:59regarde, moi j'ai des muscles, etc. »
29:01L'escalade de la violence ne s'arrête pas là.
29:03« En fait,
29:05après, il vient,
29:07il se met face à moi,
29:09là, il fait un pas vers moi,
29:11moi, je fais stop, je le bloque,
29:13j'ai mes mains directement sur son torse,
29:15et en fait, du coup, c'est là qu'il m'a collé une trempe.
29:17Direct.
29:19Qui m'a fait décoller d'un mètre.
29:21Donc là, j'ai fait un effort pour ne pas tomber par terre.
29:23Parce que
29:25inconsciemment, je me suis dit, si je tombe par terre,
29:29je me suis dit,
29:31c'est fini, quoi.
29:33Il...
29:37Enfin,
29:39j'avais compris qu'il était dangereux,
29:41il venait de me dire qu'il avait été
29:43garde du corps de ministre,
29:45donc ce sont des gens qui sont
29:47formés pour
29:49savoir tuer à main mûre, quoi.
29:55Puis j'ai été sonnée.
29:59Caroline saisit alors son téléphone
30:01pour appeler les secours.
30:03Je voulais tout de suite dire son nom, en fait,
30:05j'avais vraiment peur qu'il me
30:07traine sur la plage.
30:11Enfin, voir même qu'il...
30:13Franchement, j'avais peur qu'il me tue à main nue, quoi.
30:21Donc je me disais
30:23comment, si c'est enregistré,
30:25si c'était très grave.
30:31En fait, il pourrait être inculpé,
30:33et que ma famille saurait
30:35ce qui s'est passé,
30:37et qu'il pourrait y avoir
30:39des suites, quoi.
30:43Dans cette vidéo, Caroline décrit son agression
30:45comme pour se protéger.
30:47Et dès le lendemain, elle publie
30:49les photos de son visage tuméfié
30:51sur les réseaux sociaux.
30:53Sans mouvement MeToo, je pense pas
30:55que j'en aurais parlé publiquement,
30:57c'est sûr.
30:59De porter plainte,
31:01je le fais autant pour moi
31:03que pour les femmes qu'il a certainement dû frapper.
31:05Je veux dire, la facilité avec laquelle il a levé
31:07la main, je peux pas, moi, me faire
31:09l'accomplice de ça.
31:11Moi, je veux pas être sa complice à lui.
31:13Moi, je vais parler parce qu'il faut le dénoncer,
31:15il faut que ce mec soit puni, c'est certain.
31:17Et il faut que
31:19la honte change de camp,
31:21il faut que
31:23les femmes osent en parler.
31:25Se battre pour que les femmes ne subissent plus
31:27le harcèlement et les violences,
31:29c'est l'une des priorités de Marlène Schiappa.
31:31La ministre a été nommée
31:33en mai 2017 au gouvernement.
31:35Cinq mois plus tard,
31:37l'affaire Weinstein est éclatée sur sa trajectoire.
31:39Cette femme d'action a choisi
31:41de mener le combat sur le terrain,
31:43comme ici à Trappes, dans les Yvelines.
31:49Elle vient passer trois jours
31:51dans cette ville de banlieue
31:53avec toute son équipe
31:55pour être au contact de la population.
31:57Merci d'être venu.
31:59Je fais vraiment affront
32:01avec les femmes.
32:03Marlène Schiappa
32:05vient notamment soutenir le travail des associations
32:07qui luttent contre les violences faites aux femmes.
32:09Dans cette maison de la justice,
32:11on propose une aide juridique aux victimes.
32:13Bonjour.
32:15Amère Carreau, juriste
32:17au Centre d'information sur le droit des femmes et des familles.
32:19D'accord.
32:21On reçoit toutes les victimes d'infractions pénales,
32:23que ce soit une victime
32:25de viols, d'agressions sexuelles.
32:27On intervient également dans les établissements scolaires.
32:29Justement, là, on a lancé,
32:31avec Jean-Michel Blanquer,
32:33il a envoyé une circulaire à tous les recteurs de France
32:35pour leur rappeler l'obligation légale
32:37que vous connaissez des trois séances d'éducation
32:39pour justement leur rappeler que ce n'est pas
32:41un libre choix, que c'est une obligation légale
32:43et qu'il y a
32:45des associations et des intervenants et intervenantes
32:47qui sont formées pour ça.
32:49Les collégiens et lycéens
32:51sont censés avoir trois cours d'éducation
32:53à la vie affective et sexuelle chaque année
32:55pour, entre autres, les sensibiliser
32:57aux problèmes des violences.
32:59Mais cette mesure était peu suivie jusqu'ici.
33:01Je pense qu'à partir
33:03de la rentrée, ça devrait vraiment se remettre
33:05en œuvre, mais
33:07effectivement, vous avez raison, c'est très important
33:09que ça puisse exister réellement.
33:11Et les enfants, en général, sont réceptifs dans les interventions que vous faites ?
33:13Oui, honnêtement, depuis que je fais
33:15ces interventions-là, on a toujours eu des retours
33:17positifs. Franchement, ça se passe bien.
33:19Pour Marlène Schiappa, le nerf de la
33:21guerre, c'est de prévenir la violence par un
33:23travail d'éducation dans les établissements scolaires.
33:25Ici,
33:27à Trappes, elle souhaite rencontrer des lycéens
33:29pour les sensibiliser au débat sur
33:31le harcèlement, qui ont parfois échappé
33:33à certains élèves.
33:35Est-ce que tout le monde voit ce que c'est, MeToo ?
33:37Qui ne voit pas ce que c'est ?
33:39Ok, donc
33:41MeToo, c'est un hashtag sur Twitter,
33:43donc hashtag MeToo, comme
33:45moi aussi, et c'est né aux
33:47Etats-Unis, il y a quelques mois maintenant, et ce sont
33:49des femmes qui ont voulu dire, moi aussi,
33:51j'ai été victime de violences sexuelles,
33:53d'agressions sexuelles, de viols. Ça permet
33:55aussi de rappeler un certain nombre de choses sur
33:57le consentement. En fait, on n'a pas le droit
33:59de vous toucher, d'exiger de vous
34:01quoi que ce soit. Chaque personne,
34:03que ce soit une fille ou un garçon, a le droit de disposer
34:05de son corps, et le droit de dire
34:07non, et le droit de penser non,
34:09et de le dire quand on le pense.
34:11La notion fondamentale à faire passer est celle du
34:13respect. Et ce n'est pas toujours gagné.
34:15Que pensez-vous de l'égalité
34:17entre les hommes et les femmes ?
34:19Alors, qui est contre l'égalité entre les femmes et les hommes ?
34:21Levez la main.
34:23Toi ?
34:25Et pourquoi ?
34:27Je crois qu'il y a
34:29beaucoup de différences qui sont sociales.
34:31Tu dis ça parce que tu l'as entendu, parce que tu l'as vu,
34:33parce que t'as vu des pubs, parce que t'as regardé la télé,
34:35parce qu'on l'a vu autour
34:37de toi. Mais je pense pas que ce soit
34:39étayé par des faits réels,
34:41voire qu'on n'a qu'un seul élève
34:43qui est contre l'égalité femmes-hommes
34:45et qu'en plus il a moitié en train de changer d'avis.
34:49Je pense que c'est assez important.
34:51Donc merci. Merci à vous.
34:55Mettez les mains sur le côté, en dehors
34:57de l'espace de jeu.
34:59Dernière étape à Trappes, Marlène Schiappa assiste à un cours
35:01d'improvisation. Pour l'échauffement, je vous invite
35:03à marcher, s'il vous plaît.
35:05On marche, on occupe bien l'espace.
35:07Dans cette école de théâtre,
35:09c'est la ministre qui répond aux questions
35:11des élèves. Et ils se sentent très concernés.
35:15Moi, ma mère est féministe, tout ça.
35:17Mais par contre, ma petite sœur a un style très spécial.
35:19Et en fait, elle veut pas qu'elle s'habille de telle façon.
35:21Je dis tout le temps à ma mère que de toute façon,
35:23ça l'empêchera pas de se rendre
35:25embêtée, des choses comme ça.
35:27Mais vous avez raison, parce que statistiquement,
35:29d'ailleurs, il y a plus de nuits légères que l'été.
35:31On a souvent l'idée reçue de dire qu'un
35:33homme va avoir, par exemple, une mini-jupe ou une
35:35fille avec un décolleté, il va avoir une pulsion
35:37et la jupe. Si c'était ça, le mécanisme
35:39du nuit, il y aurait plein de nuits en juillet,
35:41août, et il y aurait pas de nuits de l'hiver,
35:43parce que l'hiver, a priori, on a des manteaux, des écharpes, on est couvertes.
35:45Or, statistiquement, il y a plus de nuits
35:47qui se produisent de l'hiver. Après, ça, c'est la théorie.
35:49Et dans la pratique, on fait tout
35:51pour essayer d'éviter. Moi, ma fille,
35:53qui est pré-ado et que je veux pas laisser
35:55sortir toute seule, je lui dis
35:57à chaque fois, sort pas comme ça. Le jour, je lui dis,
35:59danse pas dans la rue comme ça, tu vas attirer les dingues.
36:01Elle me dit, c'est moi la dingue.
36:03Donc, je pense qu'effectivement,
36:05on projette aussi des angoisses sur nos enfants,
36:07et je pense que là, c'est pas être féministe ou pas féminine,
36:09c'est juste avoir un instinct protecteur.
36:15La question des sanctions
36:17est aussi une préoccupation.
36:29Ouais, moi, je pense qu'il faut vraiment mieux condamner les violences.
36:31C'est vrai qu'il y a de plus en plus de femmes qui parlent.
36:33On a eu plus de 34% de plaintes
36:35après Me Too, Balance ton porc.
36:37Mais ça suffit pas parce que les chiffres nous disent
36:39qu'il y a que 1% des violeurs qui font de la prison
36:41réellement. Ça veut dire qu'en fait,
36:4399% des violeurs,
36:45ils sont dans la rue, à la FNAC,
36:47chez eux, en train de regarder la télé,
36:49au travail...
36:51Pas en prison, en tout cas.
36:53Donc, ça, c'est assez inadmissible. Nous, on pense qu'il faut
36:55mieux condamner les violences sexistes et sexuelles.
36:57Donc, c'est pour ça que j'ai un projet de loi qui passe la semaine prochaine
36:59au Parlement. L'idée, pour nous, c'est effectivement
37:01de pénaliser le harcèlement de rue,
37:03de verbaliser avec des amendes, et de renforcer
37:05aussi la condamnation pour les viols, notamment
37:07sur les mineurs de moins de 15 ans, et d'augmenter
37:09les délais de prescription. Parce que très souvent,
37:11c'est quelque chose qui détruit
37:13même partiellement, ou que vous enfouissez.
37:15Donc, je pense que c'est important de laisser
37:17cette possibilité.
37:19Votre chère délégation ministérielle va s'en aller.
37:21Merci beaucoup.
37:23Merci vraiment de nous avoir accueillis.
37:25Avec son projet de loi,
37:27la secrétaire d'Etat a décidé d'être
37:29encore plus sévère pour que les choses changent définitivement.
37:31Ce qui m'insupporte le plus,
37:33c'est l'immobilisme, et c'est de voir que moi,
37:35je peux vivre des choses que ma mère avait vécues,
37:37que ma grand-mère avait vécues, que mon arrière-grand-mère avait vécues.
37:39J'aimerais bien que la génération qui arrive,
37:41ce soit la première génération qui n'élugie pas
37:43les mêmes discriminations, les mêmes inégalités,
37:45les mêmes agressions que celles que nous, on a pu vivre.
37:49À l'Assemblée nationale,
37:51les propositions de Marlène Schiappa ont suscité
37:53de vives critiques, auxquelles la ministre
37:55a répondu ardemment.
37:57Je déplore les manipulations,
37:59non pas parce qu'elles mettent en cause un sujet,
38:01la défense des femmes et des petites filles,
38:03qui est le sens de l'engagement de toute ma vie,
38:05et qui est la grande cause du quinquennat
38:07du président de la République,
38:09non pas pour cela, mais parce que vous envoyez
38:11un message qui est faux aux agresseurs,
38:13vous dites aux agresseurs qui seront désormais
38:15moins punis, alors que le sens
38:17de ce projet de loi, c'est de punir
38:19toutes les violences sexistes et sexuelles,
38:21du harcèlement de rue, du cyberharcèlement,
38:23au viol, commission des mineurs,
38:25en allongeant les délais de prescription,
38:27en faisant du viol un viol,
38:29en le maintenant, en le condamnant comme tel,
38:31non, c'est un sujet important, je ne vais pas me calmer
38:33pour évoquer ce sujet,
38:35et pour répondre aux mensonges qui sont faits
38:37autour de ce projet de loi.
38:41Merci madame la ministre.
38:45La loi qui renforce la lutte contre les violences sexuelles
38:47et sexistes a été adoptée
38:49le 1er août 2018.
38:51Pour les agresseurs désormais, le harcèlement de rue
38:53sera sévèrement sanctionné.
38:55Sifflements, insultes, commentaires dégradants
38:57constatés en flagrant délit par la police
38:59pourront être punis par des amendes allant
39:01de 90 à 3 000 euros.
39:03Reste à savoir si ces mesures contre les outrages
39:05sexistes seront facilement applicables.
39:07Un autre article punit le harcèlement
39:09en groupe pour viser le cyberharcèlement.
39:11Concernant les viols sur mineurs
39:13de moins de 15 ans, la prescription passe
39:15de 20 à 30 ans et les peines sont doublées.
39:17L'amende passe de 75 000 à 150 000 euros.
39:21Et l'emprisonnement de 5 à 10 ans.
39:29Mais comment pénaliser le harcèlement sexuel
39:31dans les sphères professionnelles ?
39:33Dans les bureaux, les abus ont longtemps
39:35régné en maître. Et là aussi, plus que jamais,
39:37s'opère une prise de conscience pour en finir
39:39avec tout ça.
39:41Avec l'affaire Wunstein, enfin,
39:43on a mis en exergue,
39:45on a désacralisé cette promotion
39:47canapé,
39:49qui est contrainte dans tous les milieux,
39:51en droit du travail,
39:53quand vous avez des hommes puissants
39:55qui dominent les relations
39:57professionnelles,
39:59les femmes se sentent parfois
40:01obligées, contraintes
40:03d'accepter ce harcèlement
40:05sexuel, voire plus.
40:19Elle balance les propos des machos du bureau,
40:21de leurs supérieurs pathétiques,
40:23dans un drôle de mouvement,
40:25baptisé « paye ta robe chez les avocats »,
40:27« paye ton plan chez les architectes »,
40:29« paye ton journal
40:31pour le milieu de la presse »,
40:33« paye ta police, ton sport, ton psy,
40:35ta fac, paye ton treillis chez les militaires »,
40:39et « paye ta blouse aussi ».
40:41Le milieu hospitalier n'est pas en reste.
40:45« Ces lèvres feraient un beau collier pour ma bite ».
40:49« Je crois qu'il est grand temps que tu me suces ».
40:51Toutes ces perles sont anonymes,
40:53mais pointent du doigt les violences
40:55historiquement répandues dans l'univers médical.
40:59Dans les salles de garde,
41:01combien de fresques pornographiques
41:03sont devenues légendaires,
41:05combien d'anecdotes graveleuses et de blagues sexistes
41:07ont fusé pendant des années,
41:09comme si tout cela était normal,
41:11propre à l'institution.
41:13Cette fois, l'heure est à la tolérance zéro.
41:15L'ambiance dans les hôpitaux,
41:17ces deux jeunes femmes la connaissent bien.
41:21Valérie Auslander est médecin généraliste.
41:23Elle vient faire la promotion
41:25de son dernier livre « Au fur et du nord »,
41:27la célèbre librairie lilloise.
41:31En 2017, elle a publié un livre,
41:33« Omerta à l'hôpital »,
41:35pour dénoncer les maltraitances
41:37faites aux étudiants dans le monde de la santé.
41:41Cette fois, elle publie la version illustrée,
41:43avec la dessinatrice Soskuld,
41:45une ancienne aide-soignante
41:47reconvertie dans la BD.
41:51Avec son livre, Valérie Auslander
41:53avait tiré la sonnette d'alarme
41:55sur la gravité de la situation dans les internats,
41:59sur la réalité de ce que subissent
42:01les étudiants maltraités.
42:05« Il faut vraiment être bien entouré
42:07et puis savoir avoir du répondant,
42:09parce que c'est une institution
42:11qui fait des choses. »
42:13Pour écrire son livre, Valérie Auslander
42:15a recueilli une centaine de témoignages anonymes
42:17édifiants. Elle les a fait analyser
42:19par des experts en sociologie du travail,
42:21en psychologie,
42:23afin de mesurer les conséquences
42:25et le mal produit par les agissements
42:27et le harcèlement.
42:29« Il y avait tellement une loi du silence,
42:31que je pense que beaucoup de gens
42:33attendaient quand même
42:35que quelqu'un brise l'Omerta. »
42:37La version illustrée veut sensibiliser
42:39un public plus large,
42:41alors ce sculpte a dessiné des scènes
42:43très réalistes, inspirées uniquement
42:45d'histoires vécues.
42:47« Je me sens sale. »
42:49« C'est celle-là. »
42:51« Je suis interne à l'hôpital public,
42:53je prépare ma thèse.
42:55Mon chef est un médecin respecté,
42:57mais je vis un enfer à ses côtés.
42:59Alors, on est nu sous sa blouse, coquine.
43:01Il me suit parfois le soir,
43:03cet homme est père de famille au-dessus de tout soupçon. »
43:05« Il y a des situations
43:07où, finalement, ça arrange tout le monde
43:09de se taire.
43:11Parce qu'il y a
43:13certains agresseurs qui travaillent
43:15très bien. On ne remet pas en cause
43:17leurs compétences professionnelles.
43:19Ils sont très efficaces, ils sont très rentables
43:21pour réemployer
43:23le terme très à la mode actuel à l'hôpital.
43:25Et donc, on ne va pas
43:27commencer à dénoncer
43:29ces personnes-là, parce que c'est des personnes
43:31qui mènent bien leur bateau et leurs équipes.
43:33« Si vous voulez que tout se passe bien,
43:35il faut me montrer à quel point
43:37vous voulez travailler avec moi.
43:39Depuis mes nombreux refus à ses avances,
43:41il m'évite quand je l'appelle,
43:43alors qu'il est aussi mon directeur de thèse.
43:45Je ne sais pas comment je vais faire pour finir mon doctorat.
43:47Un soir, il est rentré discrètement.
43:49Il a fait ça sans rien dire
43:51à quelques centimètres de mon visage. »
43:57Difficile de fermer les yeux désormais.
43:59Les chiffres sont sans appel.
44:01L'intersyndicale nationale des internes,
44:03l'ISNI,
44:05a notamment mené une enquête édifiante
44:07sur le sexisme à l'hôpital.
44:09« Cette enquête a permis
44:11de révéler que 60,8%
44:13des femmes
44:15des internes
44:17se déclarent être victimes
44:19de sexisme ordinaire à l'hôpital.
44:21Et 48%
44:23des auteurs décrits seraient
44:25des médecins au supérieur hiérarchique
44:27dont 10% des chefs de service.
44:29Ce qui correspond bien
44:31à ce qu'on retrouve dans cette histoire
44:33où l'étudiante est victime
44:35de son chef de service,
44:37qui est en même temps son directeur de thèse.
44:39« Si tu veux ta thèse,
44:41t'as intérêt à mieux te comporter.
44:43Sans lui, ma thèse est fichue.
44:45Si j'en parle, personne ne me croira
44:47et toutes ces années d'efforts n'auront servi à rien.
44:49Je suis coincée et terrifiée. »
44:51Le travail de Valérie,
44:53notamment, a jeté un énorme pavé dans la mare.
44:55Et ça a permis,
44:57notamment, ça montre aux étudiants
44:59qu'ils n'ont pas
45:01resté silencieux face à ça
45:03et qu'ils peuvent en parler.
45:05Ça crédibilise leurs paroles.
45:07Quand ils vont dénoncer ces maltraitances,
45:09plus personne ne pourra leur dire
45:11que c'est n'importe quoi et qu'ils mitonnent.
45:13Les ministères
45:15de l'Enseignement supérieur et de la santé
45:17se sont inspirés du livre
45:19et de son diagnostic pour établir
45:2115 mesures préventives contre le harcèlement
45:23dans les hôpitaux.
45:25Avec, notamment,
45:27la mise en place de cellules d'écoute pour les étudiants.
45:33Dans de nombreux univers professionnels,
45:35sensibiliser les salariés
45:37à la problématique du harcèlement sexuel
45:39est devenue une priorité.
45:41Marie Delmont travaille
45:43dans un cabinet de conseil spécialisé
45:45dans les ressources humaines.
45:47Depuis l'affaire Weinstein, elle est de plus en plus sollicitée.
45:49Aujourd'hui,
45:51c'est la société de sondage Cantar,
45:53leader mondial des études marketing,
45:55qui fait appel à elle.
46:07Pendant deux heures,
46:09Marie va animer un groupe de réflexion.
46:11Autour de la table,
46:13des cadres du département ressources humaines de l'entreprise.
46:15Je vais vous demander d'être
46:17très participatif et interactif,
46:19c'est comme ça qu'on conçoit nos sensibilisations.
46:21Le premier exercice de la formation
46:23est de différencier le harcèlement sexuel
46:25des agissements sexistes.
46:27Je vais vous laisser 5 minutes
46:29pour pouvoir
46:31constituer vos groupes
46:33et travailler sur ces deux notions.
46:35Est-ce que c'est obligatoirement
46:37que vous pensez dans l'objectif
46:39d'obtenir quelque chose
46:41au niveau sexuel ?
46:43Non, pas forcément.
46:45Le terme
46:47est un peu ambigüe,
46:49je trouve.
46:51Est-ce que tu considères...
46:53Comment tu différencies
46:55le harcèlement sexiste
46:57du sexuel ?
46:59Un agissement sexiste ?
47:01Non, c'est dire par exemple
47:03tu es mignonne
47:05aujourd'hui,
47:07tu as une belle jupe...
47:09C'est un harcèlement sexuel pour toi ?
47:11C'est un agissement sexiste.
47:13Après si, ça devient tous les jours...
47:15Pourquoi sexiste ?
47:17Tu complimentes quelqu'un sur sa tenue,
47:19à dire à une femme
47:21tu es mignonne aujourd'hui...
47:23Tu as une belle robe,
47:25j'aime bien ta robe aujourd'hui,
47:27je suis désolé de ne pas faire un compliment à quelqu'un.
47:29Tu as dit, en l'occurrence,
47:31tu es mignonne aujourd'hui,
47:33tu as une belle jupe,
47:35j'aime bien ta jupe,
47:37moi je trouve que c'est un agissement sexiste.
47:39Donc pour toi,
47:41si une femme venait
47:43et disait à un collègue masculin
47:45tu as un beau costume aujourd'hui,
47:47tu es mignon...
47:49Mais encore une fois, ça dépend de comment tu le fais.
47:51Tu peux très bien dire ça aussi sur le ton de l'actualité,
47:53ça dépend comment tu connais le collègue aussi.
47:55Tu me rappelles la phrase de Desproges,
47:57on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui.
48:01Il ne faut pas non plus tomber dans l'extrême.
48:03On est tellement prudents
48:05et tellement terrorisés par l'idée de tomber dans le harcèlement sexuel
48:07qu'on en vient à s'américaniser là-dessus.
48:09Depuis l'affaire Weinstein,
48:11la hantise de certains salariés
48:13est de ne plus pouvoir rien dire au bureau.
48:15Si on se focalise sur tout ce qui est
48:17harcèlement sexuel, agissement sexiste,
48:19alors on ne peut plus rien faire ?
48:21On ne peut plus draguer ? On ne peut plus rire ?
48:23On ne peut plus prendre l'ascenseur avec une femme ?
48:25Alors dites-moi,
48:27qu'est-ce que vous en pensez justement de tout ça ?
48:29Tout est une question de contexte
48:31et de concentrement.
48:33Je pense que vous avez parfaitement
48:35touché du doigt ce qui est important.
48:37C'est la notion aussi de concentrement.
48:39Quel est le type de compliments
48:41que vous pouvez vous autoriser à faire
48:43qui peuvent toujours contribuer
48:45à mettre une bonne ambiance dans l'équipe
48:47et qui ne seraient pas sensibles selon vous ?
48:49C'est une situation que j'ai vécue
48:51il y a 2 ou 3 ans.
48:53J'avais une collaboratrice dans mon équipe
48:55qui de temps en temps était très bien habillée.
48:57Je lui disais
48:59tu es très bien habillée,
49:01tu es toujours classe,
49:03une fois tous les 3 mois à peu près.
49:05Je n'ose plus aujourd'hui.
49:07Et ce n'est plus moi.
49:09Je suis obligé de faire ça
49:11parce que tout devient tellement sensible.
49:13La limite encore une fois,
49:15on ne sait pas où la mettre.
49:17C'est assez difficile aussi pour le manager
49:19parfois qui a envie de créer
49:21une bonne et une belle ambiance dans l'équipe.
49:23Il y a certaines phrases qu'il ne peut plus dire aujourd'hui.
49:25Demandez-vous
49:27si votre femme,
49:29votre soeur, votre mère,
49:31votre fille vous rapportait
49:33ce type de propos,
49:35comment vous réagiriez ?
49:37Qu'est-ce que vous lui conseilleriez ?
49:39Je ne sais pas si quelqu'un a encore...
49:41On est bon ?
49:45Tous les milieux professionnels sont encore concernés
49:47par le fléau du harcèlement sexuel.
49:51Mais en 2018,
49:53un changement profond des mentalités
49:55s'est amorcé.
49:57Les entreprises s'organisent,
49:59les victimes osent parler,
50:01quitte à perdre leur emploi.
50:03C'est le cas de Morgane Blanchet.
50:05A 20 ans, elle a dénoncé les violences
50:07de l'armée avec un aplomb hallucinant.
50:11C'est les 3 mois de classe
50:13qu'on fait pour se former en tant que militaire
50:15qui ont été
50:17très compliqués pour moi.
50:19A 18 ans,
50:21Morgane s'est engagée dans l'armée.
50:23Elle a eu de gros problèmes avec ses supérieurs,
50:25des militaires.
50:27Mes cadres étaient régulièrement sous
50:29ou défoncés.
50:31Deux cadres dormaient
50:33tous les soirs dans le lit de deux filles de ma section.
50:35Elles étaient consentantes,
50:37mais ça posait quelques problèmes.
50:39J'en ai parlé.
50:41Le cadre en question
50:43s'est senti menacé.
50:45C'est des choses qu'ils n'avaient pas le droit de faire.
50:47Je me suis retrouvée
50:49enfermée avec lui dans un local.
50:51Il m'a frappée
50:53à deux reprises.
50:55Il m'a mis un coup de poing dans la figure
50:57pour me faire taire.
50:59Ensuite, c'était mon chef de section
51:01qui me faisait
51:03beaucoup de remarques.
51:05J'aime les blagues aux grosses fesses
51:07et aux cheveux courts, ça m'excite.
51:09J'avais droit à pratiquement
51:11tous les jours des remarques comme ça
51:13devant d'autres cadres,
51:15devant mes collègues.
51:19C'était vraiment lourd
51:21moralement à supporter.
51:23Pendant trois mois,
51:25terrorisée, elle se tait.
51:27Au début, je n'ai rien dit
51:29parce que je voulais absolument
51:31rentrer dans l'armée.
51:33Quand on est une femme à l'armée et qu'on commence sa carrière
51:35avec ce genre de problème, si j'avais parlé,
51:37c'était perdu d'avance pour moi.
51:39C'était courir à l'échec.
51:41Je me suis dit que je prends sur moi.
51:45Le cauchemar continue.
51:47Après le chantage pour son silence,
51:49elle subit le chantage sexuel.
51:51Par exemple,
51:53à la fin de nos trois mois de classe,
51:55on a une commission pour savoir
51:57qui termine
51:59dans le classement, les notes, etc.
52:01Ça détermine un peu tout ça.
52:03La veille de cette commission,
52:05mon chef de section m'a dit
52:07que demain, c'est la commission.
52:09J'espère faire tout mon possible
52:11pour que tu sois dans les dix premières.
52:13J'ai été assez surprise
52:15parce qu'on en est arrivé au stade
52:17où comme je n'avais pas donné ce qu'il voulait,
52:19c'était des insultes.
52:21Après, il m'a fait clairement comprendre
52:23qu'il m'a dit
52:25que ce serait sympa que je passe dans ma chambre
52:27ce soir pour qu'on en discute.
52:29J'ai très bien compris que pour arriver
52:31dans les dix premiers, il fallait que je lui rende visite
52:33dans sa chambre, ce que je n'ai pas fait.
52:35Le lendemain, quand on nous a rendu
52:37nos notes,
52:39etc.,
52:41ça s'est clairement vu.
52:43J'avais des notes catastrophiques,
52:45ma remarque était juste infecte.
52:49Qu'est-ce que vous avez décidé de faire à ce moment-là ?
52:51Toujours rien.
52:53Je me suis dit, tu arrives au régiment
52:55et tu laisses couler.
52:59Mais les menaces s'intensifient,
53:01les agresseurs ne lâchent pas Morgane.
53:03Du coup, c'est devenu invivable
53:05pour moi au régiment
53:07et j'ai fini par craquer
53:09et à faire
53:11une tentative de suicide.
53:13Je suis restée presque
53:15cinq mois en arrêt maladie.
53:17J'avais fait une grosse dépression.
53:19Malgré ça, mes cadres continuaient
53:21à m'appeler pendant ces mois-là
53:23pour me menacer et me dire que j'avais
53:25tout intérêt à fermer ma bouche.
53:27Cette fois, elle ne l'a plus fermée.
53:29Cela a déclenché
53:31des sanctions pour les cadres.
53:33Mais malgré tout,
53:35Morgane a été sommée de partir.
53:37La personne qui s'occupait
53:39de récupérer tous mes comptes rendus
53:41sur ce qui s'était passé pendant mes classes,
53:43quand je suis partie,
53:45elle m'a dit très clairement
53:47que ça a fait des vagues
53:49et que ça n'a pas trop plu au régiment
53:51et qu'on parle de ce qui s'est passé.
53:53Pour moi, c'était beaucoup trop
53:55et j'ai décidé de porter plainte.
53:57Pour harcèlement sexuel
53:59et harcèlement moral
54:01et atteinte à ma personne par tout le régiment.
54:03En cas de violence
54:05au sein de l'armée, on peut faire des recours.
54:07Morgane y a pensé.
54:09Elle ne lâche rien.
54:11J'ai monté un dossier avec la cellule Temis.
54:13C'est une cellule qui a été créée
54:15par le ministère de la Défense
54:17pour lutter contre le harcèlement sexuel dans les armées.
54:19J'ai pu les contacter.
54:21On a monté tout un dossier.
54:23Actuellement, mon dossier est entre les mains
54:25du ministère de la Défense et j'attends une réponse.
54:27Malgré l'enfer qu'elle a vécu,
54:29Morgane ne renonce pas à son ambition professionnelle.
54:31C'est un peu utopique
54:33mais j'adorerais retourner dans l'armée
54:35parce qu'il faut se le dire,
54:37des mecs qui se comportent mal,
54:39comme j'ai eu à faire,
54:41il y en a partout
54:43dans toutes les branches de métier.
54:45On en trouve vraiment partout
54:47et c'est un beau métier.
54:49Mon treillis, pour moi, c'est ma deuxième peau.
54:51Je ne me vois pas continuer à me lever tous les matins
54:53sans mettre mon treillis pour aller travailler.
54:55Ça reste mon rêve de petite fille
54:57et l'armée, pour moi, c'est toute ma vie.
54:59Pour les victimes, la reconstruction est essentielle.
55:01La lutte contre les violences
55:03est un enjeu de société,
55:05l'affaire de tous, hommes et femmes.
55:07Elle doit continuer pour que d'autres jeunes femmes
55:09comme Morgane, Solveig et Caroline
55:11profitent de leur vie sereinement
55:13en gardant la tête haute.
55:15C'est pour les petites comme ça que je me dis qu'il faut parler
55:17parce que regarde, elle est toute mignonne, elle a 2-3 ans.
55:19Elle n'a rien demandé.

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