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Art et designTranscription
00:00 - C'est parti.
00:11 Bonjour à tous.
00:12 On est ravis, comme chaque année, de venir vous présenter nos livres
00:16 de rentrée littéraire.
00:17 Pour l'archipel, on a deux auteurs sur lesquels on compte vraiment
00:22 et sont nos coups de cœur.
00:24 Je vais vous présenter celui de Vincent, qui était déjà venu nous
00:26 en parler l'an dernier.
00:28 Et Jean-Daniel vous parlera de l'ouvrage de Cécile.
00:31 Nous allons commencer avec celui de Vincent.
00:34 Vous voyez, référent.
00:36 Je ne savais pas comment m'habiller ce matin.
00:38 Finalement, je me suis dit, je vais faire quelque chose comme la couverture,
00:41 qu'on aime beaucoup.
00:42 On revient avec ce nouveau roman de Vincent Delareux, qui s'intitule
00:50 "L'idole".
00:51 Je vais vous dire un petit peu déjà comment ça commence.
00:55 On est dans les années 88.
00:58 Nous sommes à l'Olympia et nous sommes particulièrement dans une loge
01:02 de l'Olympia où se morfond Séraphine, qui est une grande diva.
01:07 Séraphine, c'est justement l'idole, qui va être l'héroïne de ce roman.
01:13 Et elle se morfond parce qu'elle n'a pas vraiment envie de rentrer
01:18 sur scène ce soir-là.
01:19 C'est une énième présentation.
01:21 La gloire, ça fait des années qu'elle est là et elle se sent un peu lasse.
01:25 Autour d'elle, son mari s'est suicidé deux ans avant.
01:29 Une de ses meilleures amies, Dalida, a mis fin à ses jours et elle n'a
01:33 pas du tout envie d'y aller.
01:34 Mais son imprésario, Bernard, rentre dans la loge et son imprésario a une
01:41 couaille parisienne.
01:42 Il la bouscule un peu et lui, il n'entend pas du tout cette oreille.
01:45 Il dit, enfin, Séraphine, tu es mon poussin eux-odeurs, mon idole des
01:50 jaunes, puisque vous l'aurez compris, la couleur référente de ce roman
01:53 est le jaune.
01:55 C'est une importance capitale.
01:56 Et il lui dit, non, c'est moi qui décide, je t'ai faite.
01:59 Tu vas donc monter sur scène et tu vas la faire, cette représentation.
02:02 Il s'en va en claquant la porte.
02:04 Et là, Séraphine se dit, après tout, c'est moi la diva.
02:07 Et comme toutes les grandes divas, je vais choisir l'heure de ma sortie
02:12 de scène de la vie.
02:14 Elle s'arme d'une bouteille d'alcool et de cachet et elle s'effondre au sol.
02:20 Voilà, ce sont les premières pages.
02:22 Elle ouvre les yeux et elle se retrouve attachée à un sofa, seule,
02:27 dans une cave sombre et lugubre.
02:28 Et arrive un personnage plutôt inquiétant du nom de Salvatore.
02:33 Et Salvatore va se présenter à elle comme son plus grand admirateur et
02:37 va un peu lui demander des comptes.
02:39 Je m'arrête là pour la scène d'introduction et surtout, j'avais
02:42 envie, pour cette présentation que Vincent nous raconte, surtout à vous
02:46 parce que je suis un peu au courant, pourquoi le choix des idoles,
02:49 finalement ?
02:50 Pourquoi cette thématique ?
02:51 Pourquoi s'attaquer à ce grand sujet ?
02:53 - Alors, j'avais effectivement à cœur de traiter le sujet des idoles et du
02:58 fanatisme qui va souvent avec.
03:01 Il me semble qu'on s'en rend tous coupables, un jour ou l'autre,
03:05 de nos vies.
03:06 Qui, parmi nous, n'a jamais admiré d'écrivains, d'artistes, de manière
03:13 générale, de chanteurs, d'actrices ?
03:15 Qui n'a jamais admiré personne ?
03:18 Je pense que le fanatisme, ou du moins l'admiration, fait partie
03:23 intégrante de nos vies.
03:24 En tout cas, elle fait partie de la mienne et j'ai besoin de contempler,
03:29 j'ai besoin de lever les yeux vers mon panthéon, vers ce que j'estime
03:35 être plus haut que moi, ce que j'estime beaucoup.
03:38 Et par exemple, si Séraphine, mon personnage, s'afflige de la mort
03:43 de son amie Dalida un an plus tôt, ce n'est pas pour rien, c'est que
03:47 c'est un culte phénoménal à Dalida, une adoration indestructible.
03:51 Et on évoque rarement Dalida, sans mentionner sa triste fin, qui,
03:57 malgré tout, affligeait son mythe.
03:59 Et ça m'interroge, que seraient Dalida, Amy Winehouse, Marilyn Monroe
04:05 et tant d'autres, si ils ou elles n'avaient pas fini de la façon
04:11 dont ils ont fini ?
04:12 Je crois qu'il y a chez nous, qui sommes tous un peu voyeurs d'une
04:17 certaine façon, une fascination pour le drame.
04:20 Et c'est ce que je choisis un petit peu d'explorer dans "L'Idol".
04:26 Donc ces deux choses, la misère enrobée de gloire et notre appétit
04:30 pour le drame.
04:31 Donc dans "L'Idol", on découvre la femme sous la déesse, Séraphine,
04:36 une fois qu'elle est enlevée par cet admirateur un peu fou, elle se
04:40 retrouve à six pieds sous terre dans une cave, elle qui a l'habitude
04:43 de capter tous les regards par milliers depuis les plus grandes
04:46 cinquantaines du monde.
04:47 Elle n'existe plus que dans le regard d'un seul homme.
04:50 Donc que reste-t-il de l'idole une fois retirée du monde ?
04:54 Et question inverse, que reste-t-il de l'admirateur une fois qu'il a
04:59 l'idole sous les yeux, en sa possession ?
05:02 Est-ce que finalement, on n'admire pas que ce qui nous est inaccessible ?
05:06 Donc d'ailleurs, ce n'est pas pour rien que j'ai choisi en épigraphe
05:12 de "L'Idol" une phrase de Flaubert.
05:15 "Il ne faut pas toucher aux idoles, l'adorure en reste aux mains."
05:18 Je crois en effet que c'est toujours dangereux de se confronter à la
05:23 réalité et de toucher à son idole ou à ses idoles, à ses certitudes
05:27 en tout cas.
05:28 - Et donc pour ce livre, tu as choisi une forme très particulière.
05:33 Donc l'introduction est assez narrative, mais on va très vite arriver
05:39 sur une forme très dialoguée.
05:40 Et c'est ce qui permet, à mon sens justement, ces allers-retours
05:44 entre le fanatisme ou la personne qu'on est vraiment, la confrontation
05:48 des idées, la confrontation de ce qu'on est nous-mêmes, sans jugement.
05:52 C'est ça que j'ai vraiment aimé.
05:53 Voilà, ça va être vraiment des allers-retours entre ces deux
05:55 personnages.
05:56 C'est pas...
05:57 Enfin, moi, ça m'avait fait vraiment penser à deux textes de ta marraine
06:02 littéraire Amélie Nothomb.
06:04 Tu as quand même beaucoup de chance d'avoir cette caution.
06:07 Ça m'avait fait beaucoup penser à "L'hygiène de l'assassin"
06:09 ou "Cathéline", voilà, où on a cette réflexion qui est amenée,
06:13 par cette forme très dynamique du dialogue.
06:15 Et dans tous les textes de Vincent, il y a quelque chose de très
06:20 travaillé sur tous les univers aussi et sur toutes les significations.
06:24 On va avoir le livre en sept étapes qui ne sont pas loin de nous faire
06:29 penser aux sept jours de la création divine.
06:32 Et c'est un petit peu ça, peut-être les sept jours pour notre
06:36 Séraphine de savoir comment elle veut se construire, non pas en tant
06:40 qu'idole, mais en tant que personne.
06:43 Et on a choisi une couverture lumineuse parce que, je ne sais pas,
06:46 pour certains qui avaient lu le livre de l'an dernier, c'était un peu
06:50 plus noir, on allait chercher un peu la psychologie, la bassesse humaine.
06:54 Là, on est vraiment plus sur une histoire de rédemption avec cette
06:59 femme avec le regard levé vers le ciel qui cherche aussi sa propre vérité.
07:02 - Une reconversion, en fait, une reconversion d'idole à femme.
07:08 - Voilà.
07:08 Et donc, c'est un texte plein d'espoir quand même.
07:14 Voilà, c'est un texte que Amélie avait beaucoup aimé puisqu'elle a signé
07:19 quelques mots à l'air vivant, plein d'esprit.
07:21 On espère que quand vous lirez, vous penserez la même chose.
07:25 C'est un petit ouvrage, voilà, moins de 200 pages, donc c'est assez
07:28 rapide, ça va vite.
07:29 Et voilà, on espère qu'en tout cas, ça va vous plaire.
07:34 Je sais que certains d'entre vous soutiennent beaucoup Vincent et on
07:38 tenait à ce moment-là, vous remercier aussi de ce soutien, parce qu'on
07:42 avait vraiment besoin de vous.
07:43 Je sais que tu tiens beaucoup.
07:45 On voulait vous lire un petit extrait, mais on n'a pas trop le temps.
07:48 Mais cela dit, on pourra vous le lire à la pause.
07:52 Voilà, si ça vous intéresse, on peut vous faire ça.
07:56 - On le jouera même.
07:57 - C'est un gros engagement, mais on pourra essayer.
08:01 Voilà, et c'est pour ça qu'on va laisser maintenant la place à Jean-Daniel
08:05 et Cécile pour vous parler du second roman d'ordre en territoire chez
08:08 l'Archipel.
08:09 - Moi, j'ai prévu que cinq minutes.
08:11 C'était cinq minutes, normalement, alors je n'ai pas grand-chose à dire,
08:14 mais j'espère vous convaincre en cinq minutes.
08:15 - Alors, troisième roman également pour Cécile Chabot.
08:18 Vous vous souvenez peut-être qu'en 2021, elle nous a donné un récit,
08:21 prof, où elle racontait son quotidien de professeur dans un lycée du
08:25 15e arrondissement.
08:26 - Collège.
08:27 - Collège, et c'était une suite de petites cédettes très bien troussées.
08:31 Elle racontait à merveille son quotidien de prof et là,
08:34 c'est son troisième roman.
08:35 Et pour ce troisième roman, c'est peut-être l'anti-idole,
08:38 c'est le contraire d'une idole, c'est une héroïne inconnue.
08:41 Alors, si vous regardez le bandeau autour de ce roman,
08:46 vous lisez "1914, 10 000 médecins sur le front, une seule femme".
08:51 Est-ce que c'est possible qu'il n'y ait eu qu'un seul médecin,
08:53 femme, sur le front en 1914 ?
08:56 - Oui, alors c'est donc l'histoire vraie de Nicole Girard-Mangeant,
09:00 qui a été mobilisée sur le front à la suite d'une faute d'orthographe.
09:05 Voilà, et donc c'est la seule médecin française sur le front de 1914.
09:10 Et c'est naturellement l'histoire d'une pionnière, d'une féministe,
09:16 une vraie.
09:17 C'est l'histoire d'une femme qui, à la fois, a accompli des choses
09:24 absolument extraordinaires parce qu'elle est spécialiste des maladies
09:28 contagieuses, elle a aussi contribué à la fondation de la Ligue
09:33 contre le cancer.
09:34 Donc c'est vraiment une femme qui a fait des choses absolument
09:37 admirables.
09:38 Et donc là, je vais, à partir de maintenant, un, deux, trois,
09:41 me mobiliser pour lui offrir la postérité qu'elle mérite.
09:45 Et à côté de ça, je parle, il y a une deuxième trame qui montre
09:52 également ces failles de femmes.
09:54 Voilà, parce qu'on a beau montrer qu'on est très fortes,
09:57 on a accompli de grandes choses, on peut être aussi, certainement
10:03 souvent d'ailleurs, très fragiles.
10:05 Donc je pense que c'est un livre qui...
10:08 Excusez-moi, je tremble.
10:09 Vous m'impressionnez beaucoup plus que ma classe.
10:12 Donc je disais que c'est un livre qui, je pense, plaira à ceux qui
10:20 s'intéressent à la Grande Guerre, à la guerre de 1914-1918 et à ses
10:25 auteurs, mais c'est aussi un livre qui touchera, excusez-moi,
10:29 je vais genrer, donc on va dire que c'est un livre pour les garçons
10:31 qui aiment la guerre, mais c'est aussi un livre de femmes.
10:34 C'est vraiment un portrait de femme qui a ses faillures.
10:40 Voilà, c'est une femme qui a été trompée et cette douleur de
10:44 l'adultère dont on ne parle pas souvent, on parle de la résilience,
10:47 du viol, etc.
10:48 On ne parle pas souvent de la douleur de l'adultère et c'est
10:52 vraiment un angle d'attaque que j'ai voulu explorer et j'espère
11:00 y avoir réussi.
11:01 Voilà.
11:03 - On peut dire que c'est un livre aussi qui est construit en flashback
11:05 puisque Nicole Mangin a une vie courte et le livre part de la fin
11:10 de sa vie et elle revient sur les moments extrêmement forts de
11:13 son existence.
11:14 Et notamment cette première scène assez incroyable où elle arrive
11:17 et elle voit un médecin homme qui n'arrive pas à croire qu'une
11:21 femme puisse être médecin.
11:22 C'est une scène hallucinante pour nous, lecteurs de 2024.
11:25 - Les listes de l'assistance publique avaient marqué Gérard Mangin.
11:30 Donc il s'attendait à voir Gérard Mangin débarquer à Bourbonne.
11:35 Et en définitive, voilà Nicole Gérard Mangin, toute petite,
11:38 toute blondinette, qui arrive et qui se présente comme médecin.
11:41 Et naturellement, le médecin lui dit "écoutez, merci,
11:45 mais au revoir".
11:46 Et elle est courageuse, elle est pugnace et elle va devoir
11:51 lutter contre la misogynie de l'époque qui était évidemment bien
11:55 plus ancrée qu'aujourd'hui.
11:56 Donc c'est vraiment une féministe avec un grand F.
12:02 C'est vraiment une femme que j'ai à coeur de réhabiliter.
12:06 Il y a une grande partie romancée naturellement, mais il y a aussi
12:09 une grande partie documentée.
12:11 J'ai rencontré sa famille qui m'a donné accès à la correspondance,
12:14 à son intimité, à ce qu'elle était.
12:16 Et j'espère qu'elle saura vous toucher autant qu'elle m'a touchée.
12:21 - Il y a des passages dans le livre aussi qui sont extrêmement poignants
12:25 où il y a des scènes de guerre.
12:27 Cécile parvient à raconter la bominable guerre qu'a été 14-18,
12:31 les massacres, les explosions.
12:34 On a l'impression de se retrouver propulsée dans un film.
12:36 Bravo pour cette capacité à faire ressentir au lecteur la réalité
12:41 de ce qu'a été sa vie quotidienne.
12:42 - C'est vrai que je suis un peu, j'espère être l'héritière des
12:50 histoires naturalistes.
12:51 Je me documente beaucoup, c'est mon vice.
12:53 Déjà dans "Indignes", j'avais beaucoup travaillé sur les camps.
12:58 Là, ça a été la guerre de 14.
13:00 Je fais beaucoup de projets mémoriels avec mes élèves et je
13:03 travaille énormément dans la restitution d'atmosphère.
13:09 J'essaie de le faire le plus justement possible.
13:14 - Merci à tous et très bon après-midi.
13:18 [Applaudissements]