On n’est pas toujours responsable des membres de sa famille. Surtout quand on est le frère d’un des plus grands criminels de guerre, le maréchal du Reich Hermann Göring.
Difficile de se faire passer pour un champion des libertés individuelles alors qu’en 1945 on découvre les camps de concentration, que la guerre a fait des millions de morts et que tout allemand moyen se déclare anti-nazi.
Et pourtant, le frère d’Hermann, Albert Göring, se dit un protecteur des faibles et des opprimés. Le diable avait effectivement un frère archange.
Difficile de se faire passer pour un champion des libertés individuelles alors qu’en 1945 on découvre les camps de concentration, que la guerre a fait des millions de morts et que tout allemand moyen se déclare anti-nazi.
Et pourtant, le frère d’Hermann, Albert Göring, se dit un protecteur des faibles et des opprimés. Le diable avait effectivement un frère archange.
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00:05 Hermann Göring, il est subjugué lors du premier discours qu'il voit lorsqu'il rencontre Adolf Hitler.
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00:13 Albert Göring dit très clairement à son frère Hermann,
00:17 si tu continues à suivre ce bâtard d'Hitler, tu finiras très mal.
00:20 [Musique]
00:24 Mon père n'aimait pas qu'Hermann Göring se liait à Hitler.
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00:32 Albert Göring n'a jamais fait le salut nazi.
00:35 [Musique]
00:38 Mon père aimait aider les gens et il connaissait beaucoup de personnes qui avaient besoin de son aide.
00:42 [Musique]
00:47 Albert a aidé de différentes façons toutes les victimes du nazisme, des juifs, des tchèques.
00:52 [Musique]
00:57 Mon père volait du papier en tête à mon oncle.
00:59 Il falsifiait même la signature d'Hermann Göring.
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01:04 Ça va alerter la Gestapo qui se pose de plus en plus de questions.
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01:11 Le quartier général de la Gestapo a ordonné qu'il soit immédiatement abattu.
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01:40 Heinrich Göring, le père de la grande fratrie Göring, né en 1838, est un avocat et fonctionnaire allemand.
01:48 Gouverneur du sud-ouest africain allemand de 1885 à 1890, aujourd'hui la Namibie.
01:54 [Musique]
01:56 Après un premier mariage et cinq enfants, il épouse Francisca Tiefenbrun.
02:02 De cette union naissent cinq autres enfants, Karl, Olga, Paula, Hermann et Albert.
02:11 L'un des descendants de cette famille est Elisabeth Göring.
02:16 Elle est la petite-fille de Francisca.
02:19 Francisca, comme les femmes de la bonne société qui avaient une éducation, se formait pour devenir infirmière.
02:28 Elle est donc devenue infirmière en Afrique et c'est là qu'elle a rencontré ce médecin européen très reconnu, le docteur Hermann von Eppenstein.
02:37 Il a aidé Francisca Göring à accoucher.
02:41 Après cela, ils ont gardé un lien très fort.
02:45 C'était un ami intime de la famille.
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02:50 Les trois premiers enfants de Francisca sont nés à l'étranger pendant les missions d'Heinrich.
02:55 Hermann Göring naît en Bavière en 1893 et le benjamin Albert Göring en 1895 dans les faubourgs de Berlin.
03:05 Mais chez les Göring, il y a un lourd secret de famille autour de la naissance d'Albert.
03:10 Elisabeth Göring est la fille d'Albert.
03:13 Elle n'aurait jamais dû s'appeler Göring.
03:15 L'homme autour duquel plane le mystère familial n'est autre que le médecin von Eppenstein, le parrain d'Hermann Göring.
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03:26 Hermann s'appelle Hermann à cause d'Hermann von Eppenstein.
03:31 Mon père, Albert Göring, qui ne ressemble ni à Hermann ni à ses soeurs,
03:35 est le fils naturel de ce monsieur von Eppenstein et de ma grand-mère Francisca.
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03:44 Le docteur Hermann von Eppenstein est à la tête d'une grande fortune personnelle.
03:49 Il est issu de la noblesse allemande.
03:51 Le baron est aussi d'ascendance juive.
03:54 Dans une Allemagne antisémite, il s'est converti au protestantisme.
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04:01 Parrain d'Hermann et père d'Albert Göring, Hermann von Eppenstein devient aussi le protecteur de la famille et un père de substitution.
04:11 Von Eppenstein devient le protecteur de la famille.
04:14 Il met à leur disposition un château à Neuhaus, dans le nord de la Bavière, où ils se jondent pendant l'hiver.
04:21 Et un autre, à Mauterndorf, en Autriche, où ils passent leurs vacances, notamment en été.
04:29 Les deux frères Göring grandissent et mènent la vie de château.
04:34 Mais l'apport d'Eppenstein va bien au-delà de l'aspect matériel.
04:40 Hermann von Eppenstein a payé les études d'Hermann Göring.
04:44 C'est lui qui l'a orienté vers l'armée.
04:46 Il a fait pareil pour mon père.
04:48 Mon père était ingénieur et il lui a payé aussi ses études.
04:53 [Musique]
04:55 Lorsqu'éclate la première guerre mondiale en juillet 1914, Hermann et Albert Göring sont encore étudiants.
05:01 Pour Hermann Göring, dont les jeux d'enfants étaient emplis de chevalerie, la guerre est une révélation.
05:07 [Explosion]
05:10 Cadet dans l'infanterie, il est immédiatement incorporé.
05:14 Il est blessé au tout début des combats.
05:19 Pendant sa convalescence, il croise un pilote d'avion de chasse et rejoint les toutes premières escadrilles d'aviation allemandes.
05:29 Il voulait devenir chevalier et au lieu d'un cheval, il a eu un avion.
05:35 On considère que c'est le meilleur puisqu'effectivement à 25 ans seulement, il est l'héritier du baron rouge de Richthofen.
05:42 C'est lui le chef de l'escadrille en 1918.
05:45 Pas mal à 25 ans quand même.
05:47 Et il est célèbre.
05:50 Il y a des petites cartes avec l'effigie des pilotes qui circulent dans toute l'Allemagne impériale.
05:56 La carte la plus demandée, c'est après celle du baron rouge, c'est celle de Göring.
06:02 Albert qui poursuit des études d'ingénieur s'engage un peu plus tard.
06:09 Il est affecté à un régiment d'infanterie bavarois.
06:12 Albert lui, il est dans l'armée de terre, il est dans les transmissions, il est dans les tranchées.
06:23 Il a vraiment l'expérience de l'horreur de la guerre.
06:26 On gagne quelques mètres pour les reperdre quelques jours plus tard, quelques heures plus tard en ayant sacrifié des milliers d'hommes.
06:33 Cette expérience là, Albert il l'a vécu vraiment directement.
06:37 Il est blessé trois fois au cours de ce conflit.
06:39 Il finit cette première guerre mondiale sur un lit d'hôpital.
06:42 Les deux frères vivent deux expériences radicalement différentes de la guerre.
06:49 C'est le premier point de rupture entre Hermann, le pilote à la croix de fer, et Albert, le simple soldat.
06:56 On a une vision, une expérience quasi enthousiasmante de la guerre chez Hermann.
07:02 Et chez Albert au contraire une expérience traumatisante de la guerre et le sentiment d'un soulagement quand on vient à l'armistice.
07:07 Et Albert va devenir un pacifiste convaincu, engagé.
07:14 Démobilisé et soulagé après la défaite allemande, Albert retourne à ses études.
07:20 Il rejoint l'université technique de Munich où il se spécialise dans l'ingénierie mécanique.
07:29 Munich est au début d'une grande agitation politique.
07:36 Très vite le frère aîné d'Albert, Hermann, rejoint les mouvements extrémistes d'anciens militaires déçus par la conduite du haut commandement et des politiques allemandes.
07:47 Ses déçus tentent un premier putsch.
07:50 Raté.
07:55 Hermann doit quitter au plus vite l'Allemagne.
07:58 Il se réfugie en Suède.
08:01 Il va en Suède, il va au Danemark, il est pilote d'exhibition, il est entraîneur pour l'aviation civile.
08:09 Il achemine le courrier, il achemine même des passagers.
08:13 Alors là c'est risqué parce que de temps en temps il pilote un hydravion pour aller du Danemark en Suède et de Suède en Allemagne.
08:20 Mais de temps en temps il ne peut pas résister donc il fait des attaques en piqué avec ses passagers.
08:26 Ça crée une certaine panique donc on finit quand même par le licencier.
08:31 En Suède, Hermann Göring se lie d'amitié avec un certain Ludwig Mannerfeldt.
08:37 Un soir de 1920, Hermann est invité avec son ami Ludwig à une soirée mondaine au château de Rockenstadt situé à quelques kilomètres au nord de Stockholm.
08:49 C'est lors de cette soirée qu'il rencontre Karin Fock.
08:54 En 1922, lorsqu'Hermann rentre avec Karin en Allemagne, la famille se retrouve au grand complet en Bavière.
09:05 Les deux frères sont encore complices et partagent ensemble avec leur sœur la peine du décès de leur mère, Franziska.
09:13 Pendant toute cette période, oui, il y a des liens qui sont très forts.
09:17 Il y a le premier mariage d'Hermann Göring avec Karin auquel assiste Albert Göring dans les invités et lors de la cérémonie.
09:25 Il y a aussi l'épisode pour eux malheureux de la mort de leur mère.
09:30 Et donc ils sont, par la force des choses, ils se rencontrent à ce moment-là évidemment au moment des obsèques, ils organisent.
09:38 Rapidement, Hermann tourne en rond.
09:41 Toute l'Allemagne est en crise économique, doublée d'une très forte agitation politique.
09:47 Quand il revient en Allemagne en 1922, il est un petit peu désœuvré.
09:51 Bon, il est étudiant en économie à l'université de Munich, mais ça, en sciences politiques, ça ne l'intéresse pas vraiment.
09:57 La théorie, c'est un homme d'action.
10:00 C'est dans ce contexte qu'Hermann Göring fait une rencontre décisive.
10:05 Un soir de cette année 1922, il assiste Medusé au milieu d'une petite foule compacte au discours d'un jeune caporal à la popularité montante dans une des maisons de bière de Munich.
10:18 Il s'agit d'Adolf Hitler.
10:20 La communion entre les deux hommes est immédiate.
10:24 C'est la révélation qu'il y a des gens qui pensent comme lui, notamment sur cette idée que le traité de Versailles est une infamie,
10:31 que cette guerre n'aurait jamais dû être perdue par l'Allemagne, que s'il y a eu une défaite, c'est qu'il y a eu une trahison de l'état-major.
10:37 Ça, c'est vraiment ce que pense Hermann Göring.
10:40 Et il entend pour la première fois quelqu'un qui dit comme lui et qui le dit avec véhémence, passion.
10:46 Cet engagement dans le nazisme, il est vraiment lié à cette idée de revanche, de fierté nationale.
10:52 Il n'est pas du tout lié à l'antisémitisme, ce qui, évidemment, est très, très différent par rapport à l'engagement d'un certain nombre de hauts dignitaires nazis.
11:00 Pensez à Himmler, à Goebbels, évidemment, où l'antisémitisme est vraiment un moteur fondamental de leur engagement et de leur adhésion au nazisme.
11:09 Très vite, Albert tente de raisonner son frère.
11:14 Hitler est dangereux.
11:16 Une opinion partagée par tout le reste de la famille.
11:19 En fait, mon père n'aimait pas qu'Hermann Göring se lie avec Hitler.
11:25 Dès le début, il était contre. Il se moquait même de lui.
11:29 Albert Göring dit très clairement à Hermann, si tu continues à suivre ce bâtard d'Hitler, c'est l'expression qu'il utilise, il va t'arriver les pires malheurs.
11:38 Tu finiras très mal.
11:39 Le 8 novembre 1923, Adolf Hitler, avec les membres de son parti, dont Hermann Göring, organise une tentative de prise du pouvoir par la force en Bavière.
11:57 Le 9 novembre au matin, plus de 2000 hommes en armes, notamment des sections d'assaut du parti nazi, défilent sous les acclamations de la foule.
12:05 Les manifestants sont confrontés à un cordon de police.
12:09 Un échange de coups de feu éclate et les manifestants se dispersent.
12:15 C'est un échec total.
12:21 Et lui est blessé, blessé très grèvement. Il est même, il est blessé à l'aine et la blessure s'infecte.
12:27 C'est une balle qui avait ricoché, donc avec la boue de la rue et tout ça lui est rentré dans le haut de la cuisse.
12:35 Hitler, blessé, est arrêté.
12:40 Göring est d'abord emmené d'urgence chez un médecin qui refuse de le soigner.
12:46 C'est dans le même immeuble que deux sœurs infirmières juives acceptent de lui prodiguer les premiers soins qui lui sauvent la vie.
12:52 Il quitte rapidement l'Allemagne pour l'Autriche où il est pris en charge par des chirurgiens.
12:58 La seule façon de le soigner, c'est de lui donner de la morphine pour qu'il ne souffre pas trop.
13:04 Et malheureusement, lui qui a toujours une tendance à vouloir exagérer, il augmente ses doses.
13:13 C'est-à-dire qu'en fait, il va devenir dépendant de la morphine et il le sera toute sa vie.
13:18 Hermann Göring est obligé de s'exiler. Il s'exile en Suède, il est banni d'Allemagne.
13:23 Et lorsqu'il revient en Allemagne, grâce à une loi d'amnistie, on est en 1928, et bien là, Albert Göring, lui, ne vit plus en Allemagne.
13:32 Il est parti pour des raisons professionnelles en Autriche, donc ils n'ont aucune raison évidemment de se fréquenter à nouveau.
13:37 C'est en trouvant un travail dans l'entreprise Juncker's qu'il quitte l'Allemagne.
13:42 Il devient le représentant de cette société en Autriche et pour les Balkans.
13:47 En 1926, Albert coupe les ponts avec son frère devenu nazi.
13:53 Il s'installe alors dans une maison cossue à la périphérie de Vienne.
13:58 Il va jusqu'à entamer des démarches pour devenir citoyen autrichien.
14:11 Pendant ce temps en Allemagne, son frère Hermann gravit toutes les marches du pouvoir.
14:16 Après la victoire du parti nazi aux élections de 1932, Göring devient président du parlement allemand, le Reichstag.
14:40 C'est lui qui a hissé Hitler au pouvoir.
14:44 On imagine que Hitler a été élu chancelier. C'est pas vrai, il a pas été élu chancelier.
14:49 Le président Hindenburg ne voulait pas nommer Hitler chancelier.
14:54 Il disait « Je peux à la rigueur le nommer ministre des postes, comme ça il léchera les timbres à mon effigie ».
14:59 Et donc c'est Göring qui a décidé, en fait, Hindenburg a fait rappel à Hitler.
15:04 Et c'est comme ça que Hitler est parvenu au pouvoir.
15:08 Sans Göring, il serait probablement pas arrivé.
15:10 En février 1933, il est ministre de l'Intérieur pour la Prusse.
15:20 Il ouvre les vannes de la violence en déchaînant les sections d'assaut contre les opposants.
15:25 Il aide à l'ouverture des premiers camps de concentration et crée la sinistre Gestapo.
15:36 Hitler le récompense en le nommant ministre de l'Aviation.
15:44 De son côté, son frère Albert trouve enfin le travail de ses rêves, plus proche de ses aspirations.
16:01 Il va avoir une nouvelle opportunité professionnelle, qui est de rentrer dans une compagnie de cinématographie très importante à l'époque, la Tobii Sacha.
16:09 Là, il va rentrer non pas en tant que cinéaste, réalisateur, pas du tout, il reste dans sa fonction d'ingénieur.
16:16 Il a un rôle finalement de logisticien, d'accompagnateur, d'administratif.
16:22 Une fois installé dans cette entreprise-là, il va être amené à fréquenter beaucoup les milieux intellectuels viennois,
16:29 qui vont se révéler évidemment à l'époque être beaucoup de milieux juifs, ce qui évidemment va avoir un rôle important pour la suite.
16:36 On peut dire qu'Albert Göring tombe vraiment amoureux de Vienne.
16:40 Il éprouve vraiment une admiration par rapport à la beauté de cette ville, et puis aussi parce que c'est un berceau culturel très important de l'Europe à ce moment-là.
16:48 C'est vraiment une vie artistique intense.
16:51 Albert est au contact des plus grands auteurs et réalisateurs.
16:56 À la Tobias Sacha, il fait notamment la connaissance du réalisateur Ernst Neubach, avec qui il se lie d'amitié.
17:03 Il a rencontré Albert Göring lorsqu'il a fait le film "Millionnaire".
17:11 Il était à Vienne dans les studios Tobias Sacha.
17:14 À cette époque-là, Albert Göring dirigeait ses studios de cinéma.
17:19 Toute l'industrie cinématographique était au courant.
17:25 Les gens savaient qui était Albert Göring, et tout le monde était surpris de le voir travailler dans le cinéma et non avec son frère.
17:33 Son nom de famille lui valait quelques soucis.
17:40 Les gens qu'il rencontrait étaient généralement sur la défensive.
17:43 Mais comme il s'y attendait, il aimait désamorcer ses situations.
17:48 Par exemple, avec Ernst Neubach, ce dernier lui a fait comprendre qu'il ne voulait pas travailler avec lui, lui disant "je ne veux rien avoir à faire avec le frère d'Hermann Göring".
17:58 Albert brisait d'un coup la glace en faisant une plaisanterie.
18:02 Il disait par exemple "je crache sur Hitler, je crache sur le régime nazi".
18:07 Et les gens se disaient "d'accord".
18:11 Ils étaient encore un peu méfiants, mais petit à petit, ils gagnaient leur amitié.
18:15 Marié, Albert Göring est un séducteur.
18:17 A Vienne, il multiplie les aventures.
18:20 Albert a une vie sentimentale agitée, compliquée, puisqu'il va se marier quatre fois au cours de sa vie, il divorcera trois fois.
18:28 Il a sans doute ce côté un peu dandy, un peu séducteur qui peut plaire aux femmes.
18:36 Il ne s'en cache pas et là-dessus, il n'a pas trop de scrupules. Lorsqu'il voit qu'une aventure est terminée, il en enchaîne une autre.
18:44 Karine, la première épouse d'Hermann, est décédée en 1931.
18:49 A la fin de 1934, Hermann et Amy, une comédienne de théâtre, se rencontrent à Berlin.
18:58 La célébration qui suit est digne des plus grands mariages de stars. Adolf Hitler est le témoin du marié.
19:04 Parmi les invités, toute la famille Göring et une foule en liesse.
19:09 Cela fait douze ans qu'Hermann et son frère ne s'étaient pas revus.
19:14 Le mariage de Hitler est un des plus grands mariages de stars de l'histoire.
19:20 La famille Göring est la plus grande de la série.
19:23 Elle a été la première femme de l'histoire à être mariée.
19:27 Elle a été la première femme de l'histoire à être mariée.
19:31 Elle a été la première femme de l'histoire à être mariée.
19:35 Elle a été la première femme de l'histoire à être mariée.
19:39 Elle a été la première femme de l'histoire à être mariée.
19:44 Annie Porthen est une actrice allemande, une vedette du cinéma allemand des années 1920.
19:49 Elle a tourné avec Lubitsch. Son « tort » est d'être mariée à une personne juive.
19:55 Goebbels, qui reprend en main toute la « culture » en Allemagne, lui impose de divorcer.
20:04 Sinon, elle sera définitivement interdite d'exercer son métier.
20:10 Annie Porthen est venue demander à Amy l'aide de mon oncle Hermann pour les aider à quitter l'Allemagne.
20:15 Il a dit qu'il ne pouvait pas le faire, car si on découvrait qu'il aidait des Juifs, ça aurait mal tourné pour lui.
20:20 Et il a appelé mon père, qui s'est chargé de les aider à quitter l'Allemagne.
20:24 Albert s'arrange pour lui obtenir un contrat de travail en Autriche, loin de la censure nazie.
20:31 Cela lui a permis de vivre protégée.
20:37 Pourquoi l'un des hommes les plus dangereux et sans scrupules du régime d'Hitler en vient-il à aider un Juif ?
20:46 Y a-t-il une réponse à ce mystère ?
20:49 C'est assez étonnant, mais l'une des clés pour comprendre la personnalité d'Hermann Göring,
20:55 elle nous est apportée par les psychiatres, parce qu'il a fait l'objet de deux expertises psychiatriques,
21:00 à une quinzaine d'années de différence, et les deux experts sont arrivés à la même conclusion,
21:05 ce qui est tout à fait troublant.
21:07 Ces experts nous disent qu'Hermann est extrêmement sentimental envers les siens,
21:12 et qu'il est totalement insensible envers les autres.
21:15 C'est sans doute la clé du personnage, parce que ça veut dire qu'il est très sensible vis-à-vis de sa famille,
21:21 très protecteur vis-à-vis des siens, et puis y a tout le reste,
21:24 où effectivement c'est un homme sans scrupules, lorsqu'il s'agit d'éliminer, d'écraser l'ennemi intérieur,
21:31 en premier temps les communistes, ils le font avec acharnement et efficacité,
21:35 et puis pendant la guerre, il n'y aura aucun scrupule non plus,
21:38 si pour gagner la guerre il faut détruire des villes entières et massacrer des populations civiles,
21:42 ça ne le ferait absolument pas.
21:44 Ce sauvetage est une révélation pour Albert Göring.
21:49 C'est la première fois véritablement, sans doute, qu'il s'aperçoit que,
21:54 eh bien oui, il peut aider des gens, qu'on est rentré dans une période très compliquée,
22:00 où il y a l'existence même de personnes qui peuvent être mises en danger à cause du nazisme,
22:05 et que lui, à son échelle, il peut peut-être faire quelque chose.
22:08 C'est parti de la nécessité d'aider le mari de cette femme,
22:12 et ensuite bien sûr cela a donné des idées à mon père.
22:15 Mon père aimait aider les gens, et il connaissait beaucoup de personnes qui avaient besoin de cette aide.
22:20 Il a donc continué.
22:26 Le répit d'Albert à Vienne, loin de la fureur nazie, est de courte durée.
22:30 Le 12 mars 1938, l'armée allemande envahit l'Autriche, suivie d'Adolf Hitler.
22:37 Le fureur fait une entrée triomphale dans la capitale, aux côtés du Reichsmarschall Göring.
22:55 Hermann Göring en profite pour rendre visite à son frère.
22:58 Ils se retrouvent à Grenzing, dans la maison d'Albert.
23:06 Hermann est de très bonne humeur, et selon leur sœur, Olga, présente à ce moment-là,
23:12 il leur dit "demandez-moi ce que vous voulez, je vous l'obtiendrai".
23:16 Albert a littéralement sauté sur l'occasion.
23:22 Il explique que l'archiduc Joseph Ferdinand d'Autriche a été arrêté et envoyé au camp de Dachau.
23:27 Si tu veux nous accorder un souhait, nous souhaitons qu'il soit libéré.
23:33 Lorsque l'Angelous s'est proclamé le lendemain de l'arrivée d'Hitler, le 13 mars 1938,
23:42 Joseph Ferdinand est arrêté.
23:44 Il est envoyé au camp de Dachau, où les conditions de son emprisonnement sont très dures.
23:52 Il est libéré sur l'intervention d'Hermann Göring.
23:55 L'archiduc mène une existence solitaire à Vienne, sous la surveillance constante de la Gestapo,
24:01 jusqu'à sa mort, en 1942.
24:04 Albert Göring voit tout de suite un double danger.
24:11 D'abord la transformation de Vienne par les nazis,
24:14 où là il voit que cet espace de liberté va s'effondrer brusquement.
24:20 Et puis il prend aussi conscience du danger qu'il va y avoir pour un certain nombre de ses amis,
24:24 notamment juifs, et notamment des gens qui travaillent avec lui,
24:28 qu'il côtoie depuis maintenant 4-5 ans au sein de cette compagnie de cinéma.
24:32 190 000 juifs résident alors en Autriche, où les persécutions, notamment à Vienne,
24:40 sont encore plus importantes qu'en Allemagne.
24:43 Humiliation publique, expropriation et migration forcée.
24:48 Avec l'entrée des troupes allemandes, la violence se déchaîne.
24:52 Des appartements et des commerces appartenant à des juifs sont pillés.
24:56 Les rues sont le théâtre de scènes de violence et de brimades.
25:01 À ce moment précis, Albert est tombé sur une de ces brimades.
25:09 Il y avait une femme âgée devant un magasin de peinture.
25:13 Elle était obligée de porter une pancarte sur laquelle était écrit
25:17 "Je suis une truie juive".
25:19 Il l'avait jetée sur le trottoir et un officier de police lui avait apporté un seau et une serpillère
25:26 en lui ordonnant de laver le sol dans la rue.
25:29 Les gens autour se moquaient d'elle, la traitaient de juive et l'insultaient.
25:32 Mon père est passé par là et a demandé ce qui se passait.
25:35 Un monsieur lui a répondu "Elle est là pour nettoyer la rue, qu'elle fasse son travail".
25:39 Alors mon père a enlevé sa veste, s'est relevé les manches, s'est agenouillé.
25:44 Il a rétorqué à cet homme "Vous n'avez rien à faire ici, rentrez chez vous".
25:47 Et puis il a pris le seau des mains de la dame et a commencé à nettoyer le sol lui-même.
25:52 L'officier de la Gestapo du coin est arrivé et lui a demandé "Pourquoi vous mêlez-vous de ça ? Qui êtes-vous ?"
25:58 Il a répondu "Je suis Goering".
26:01 Et il est arrêté sur le champ.
26:04 C'est la première fois qu'il est arrêté. Il est emmené au commissariat.
26:07 Son nom et ses connexions font qu'il est rapidement libéré sans que son frère n'ait à intervenir.
26:14 Comme le pressant Albert, les nazis allemands et autrichiens promulguent des mesures anti-juives à une cadence redoublée.
26:22 Toutes les professions sont touchées, notamment l'entreprise Tobisacha dans laquelle travaille Albert Goering.
26:29 L'un des directeurs, Oscar Pilser, est la cible de la Gestapo.
26:34 La Gestapo est entrée de force dans son appartement.
26:41 Elle a tout cassé à l'intérieur et arrêté Oscar Pilser devant son fils George.
26:45 Il est jeté dans une prison à Vienne.
26:48 Albert en est informé et parvient à le faire sortir de prison.
26:53 Il l'escorte ensuite personnellement jusqu'à la frontière italienne et s'arrange pour que lui et toute sa famille obtiennent passeport et visa pour enfin se retrouver libre à Paris.
27:08 Sur les listes de juifs à arrêter figure aussi le nom d'un ami d'Albert, le scénariste et réalisateur Ernst Neubach.
27:15 Il parvient à quitter discrètement Vienne.
27:19 Mon père a dû fuir. En 1938 il a fui Vienne durant la nuit de cristal. Il s'est réfugié à Paris.
27:31 Albert va l'aider vraisemblablement à lui trouver des papiers, en tout cas un visa qui lui permettent de fuir et de fuir notamment vers la France.
27:42 Le lendemain, la Gestapo fait une descente à son appartement effrayant sa femme qui pourtant était unarienne.
27:50 Albert vole à son secours et lui permet de retrouver son mari.
27:56 Mais le répit est de courte durée pour Ernst Neubach et sa famille.
28:00 Pour échapper aux nazis qui commencent aussi à traquer réfugiés juifs allemands et autrichiens en France, ils changent d'identité.
28:08 En s'enrôlant dans l'armée, il devient le citoyen français Ernest Neuville.
28:14 Et puis les nazis sont arrivés. Ils ont envahi la France.
28:21 Il ne restait que deux possibilités à mon père. Soit s'engager dans la Légion étrangère, soit aller dans un camp de détention.
28:29 Avec d'autres amis, il a opté pour la Légion étrangère et il y est resté jusqu'à la fin de la guerre.
28:36 Les arrestations touchent aussi les politiques, avec notamment l'arrestation du chancelier autrichien Kurt Schuschnig pour révéler son identité.
28:47 Pour aider cet homme et sa famille dont Hitler a décidé de se débarrasser, Albert fait de nouveau appel à son frère.
28:54 Il avait été conduit au camp de Sachahausen, mais il a pu survivre dans des conditions un peu meilleures que les prisonniers ordinaires.
29:03 Il y a vécu dans une petite maison à l'écart avec sa femme et leur enfant.
29:08 Les requêtes d'Albert sont très audacieuses, mais c'est un Hermann Göring qui ne peut pas se faire de la part de son frère.
29:16 C'est un Hermann Göring au fait de sa gloire et de son pouvoir, qui peut ainsi accéder aux demandes de son frère.
29:22 Si Albert insiste pour qu'il puisse intervenir, pour que Hermann puisse débloquer une situation,
29:30 Hermann le fait non pas par empathie vis-à-vis des gens qui peuvent éventuellement être sauvés, mais uniquement pour faire plaisir à son petit frère.
29:38 Il a fait comprendre d'ailleurs à tout le monde que si on touche un cheveu de la famille du Reichsmarschall ou des protégés du Reichsmarschall, ça coûtera très cher.
29:46 Albert Göring sait qu'il est protégé, mais il prend des risques conséquents.
29:53 Ses initiatives sont personnelles. Son frère Hermann n'est qu'un ultime recours en cas de problème.
29:59 Rapidement, après l'Anschluss, Albert décide de quitter Vienne, cette ville qu'il affectionne.
30:07 Très vite, il va s'apercevoir qu'il ne peut plus continuer à travailler dans cette compagnie de cinéma,
30:11 qui évidemment va être prise en main par les nazis, par Goebbels, et donc les tournages de films sont imposés.
30:18 Il n'y a plus aucun projet artistique qui puisse intéresser Albert Göring là-dedans.
30:23 Donc en 1939, il va avoir une opportunité nouvelle, qui est de rentrer chez la Skoda, donc de partir pour Prague.
30:35 Bruno Szelecki était un directeur des exportations pour Skoda, une société tchécoslovaque qui fabriquait notamment des trains, des munitions.
30:42 C'était d'ailleurs une société qui venait tout juste d'être intégrée dans l'empire économique d'Hermann Göring.
30:49 Et Bruno Szelecki s'est dit qu'on ne peut rien faire directement contre les nazis.
30:59 Il se dit que si on a quelqu'un de confiance, ça peut nous aider.
31:02 Ce n'est pas complètement dénué d'arrière-pensée, puisque derrière, il y a aussi l'idée que ça peut aider l'éventuelle résistance tchèque qu'il y aura à ce moment-là.
31:10 Albert accepte l'offre et en jeu emménage à Prague, où il signe son contrat.
31:15 Il devient le nouveau directeur des exportations de Skoda.
31:19 Albert accepte en conscience la proposition qui lui est faite chez Skoda.
31:25 À Prague, là aussi sous occupation nazie depuis 1938, une nouvelle vie commence.
31:31 Albert fait des rencontres, crée des liens.
31:35 L'une des premières est celle du docteur Joseph Charvat.
31:39 Mon père a fait la connaissance d'Albert Göring un jour où celui-ci est venu le consulter comme simple patient.
31:47 Je ne sais plus quels étaient concrètement ses problèmes de santé, mais mon grand-père l'a ausculté.
31:54 À partir de là, petit à petit, une amitié grandissante s'est nouée entre eux.
31:57 Rapidement, la terreur s'abat aussi sur Prague et la Tchécoslovaquie.
32:04 Les nazis s'en prennent à toute l'intelligentsia du pays.
32:08 On a tout de suite perdu toutes les libertés.
32:13 Liberté de la presse, de réunion.
32:17 Des universités ont été fermées, des étudiants emprisonnés et ceux qui se révoltaient envoyés en camp de concentration.
32:24 C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à mon grand-père,
32:28 qui en tant que représentant de l'intelligentsia de l'époque et chef de la fédération des scouts,
32:34 a été parmi les premiers à être arrêtés et envoyés au camp de Buchenwald.
32:45 Albert est mis au courant, et c'est là où l'on voit que c'est un maître tacticien.
32:49 Ce qu'il fait, c'est qu'il écrit une lettre sur un papier en tête d'Hermann Göring,
32:55 à l'attention du commandant du camp de concentration de Buchenwald,
32:58 exigeant de lui qu'il libère immédiatement le docteur Joseph Charvat, son médecin personnel.
33:04 Et il signe juste avec le nom de famille Göring.
33:14 D'ailleurs, il falsifiait même la signature d'Hermann.
33:17 Hermann avait une maison de campagne dans les Alpes,
33:20 et comme mon père était invité là-bas avec ma mère,
33:23 il volait du papier en tête dans le bureau de mon oncle.
33:26 Et avec ça, il fabriquait des permis de sortie.
33:29 Il falsifiait la signature de mon oncle pour permettre à plus de personnes de s'enfuir.
33:34 C'est ce qu'a fait mon père.
33:37 Et tout ça, mon oncle ne l'a jamais su.
33:40 Dans ces lettres, avec le papier en tête de son frère,
33:43 Albert va jusqu'à menacer les officiers de mesure de rétorsion s'ils n'obéissent pas.
33:48 Selon Charvat, un beau jour, il s'est retrouvé libéré du camp de Buchenwald,
33:55 attendant sur un quai de gare son train pour Prague.
33:58 Il est là, debout, à côté d'un autre homme.
34:01 Il fait connaissance et lui demande comment il s'appelle.
34:05 "Je m'appelle Joseph Charvat, je suis un étudiant de la médecine."
34:09 "Je m'appelle Joseph Charvat, docteur Joseph Charvat."
34:12 Il y avait donc deux docteurs Joseph Charvat au même moment dans le même camp.
34:17 En fait, le commandant du camp, ne sachant pas lequel était lequel, l'a fait libérer les deux.
34:22 Un beau jour, mon grand-père est réapparu à la maison,
34:30 à la grande stupéfaction de ma grand-mère, de ma mère et de toute la famille.
34:39 C'était comme un miracle.
34:41 Ils étaient vraiment surpris.
34:44 Et la surprise était d'autant plus heureuse qu'elle était inattendue à ce moment-là.
34:53 La guerre est maintenant mondiale.
34:55 Au siège de la Skoda, les nazis prestent encore un peu plus le personnel de cette entreprise stratégique dans laquelle travaille Albert.
35:05 Il est le premier à faire face à la guerre.
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43:06 Malgré toute la discrétion qu'Alberguering peut essayer d'avoir,
43:10 certains faits et gestes sont connus.
43:14 Il y a un rapport de l'Intelligence Service sur Alberguering
43:19 qui montre qu'il a des liens avec les résistances hongroises.
43:24 Cela va alerter la Gestapo qui se pose de plus en plus de questions.
43:29 Certains rapports vont être publiés vis-à-vis d'Alberguering.
43:35 Il y a un danger de plus en plus important pour Alberguering.
43:39 La Gestapo va émettre un certain nombre de mandats d'arrêt.
43:44 Au moins trois qui ont été retrouvés.
43:48 Entre-temps, Albert s'est installé à Bucarest,
43:52 où il dirige une société du groupe Skoda.
43:56 Il tient aussi à s'éloigner de l'ambiance répressive de Prague.
44:02 Il s'appelle Elisabeth.
44:04 Mais ses faits et gestes ne passent pas inaperçus.
44:08 Albert est sous étroite surveillance.
44:12 À l'été 1944, la situation devient très préoccupante.
44:17 L'armée rouge est aux portes de Bucarest,
44:21 une ville copieusement bombardée par les Américains.
44:25 Les Allemands évacuent. L'Europe se libère du joug nazi.
44:31 Le pays est en guerre.
44:33 Les Allemands sont en guerre.
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45:25 Le 8 mai 1945, Herman et Albert se rendent.
45:29 Les deux frères Göring sont aux mains des soldats américains.
45:33 Les deux hommes sont enfermés à Augsbourg,
45:36 une ville au nord de Munich, en Bavière.
45:39 C'est là qu'ils se croisent, pour la dernière fois.
45:43 -Herman dit à Albert, "Je suis désolé de te causer des soucis.
45:49 C'est à cause de moi que tu es là.
45:53 Toi, tu t'en sortiras, car ils ne te reprocheront rien.
45:56 Fais-moi une promesse, occupe-toi de ma femme et de ma fille."
46:02 -Les enquêteurs américains du tribunal de Nuremberg,
46:06 qui doit instruire les dossiers des criminels nazis,
46:09 se frottent déjà les mains.
46:11 Entre Herman et Albert Göring,
46:13 ils pensent détenir deux des grands dignitaires du régime.
46:16 Rapidement, ils déchantent avec Albert Göring.
46:19 Ce dernier n'était pas en Allemagne pendant la guerre.
46:22 Il ne sait que très peu de choses sur les activités de son frère.
46:25 Les enquêteurs sont dubitatifs.
46:27 Albert comprend qu'il doit prendre en main sa défense.
46:31 -C'est à ce moment-là qu'il a écrit une liste de personnes
46:34 qui l'a aidée à s'échapper.
46:36 Bien sûr, la liste ne contenait que les noms des gens les plus importants,
46:38 les plus connus, comme entre autres l'épouse de M. Léard.
46:41 -Cette liste contient 34 noms.
46:44 Ceux dont Albert se souvient, les plus connus,
46:46 et surtout ceux pour lesquels il peut donner une adresse.
46:50 -Cette liste, il l'a fait parvenir aux enquêteurs.
46:52 Quelques jours plus tard,
46:54 il est de nouveau interrogé par un officier américain.
46:57 -Quand mon père lui a raconté qu'il avait aidé toutes ces personnes,
47:01 et notamment une certaine Sophia Léard,
47:03 il a réagi et dit que l'histoire était vraie,
47:06 parce qu'il connaissait cette femme.
47:08 C'était sa tante.
47:10 Et elle lui avait raconté que le frère d'Hermann Göring
47:12 l'avait aidé à sortir du pays.
47:14 -Et donc, il va immédiatement croire Albert Göring,
47:18 et il transmet le rapport en disant
47:20 "Cet homme n'a rien à faire en prison, il faut le libérer."
47:23 -Dernier coup de main du destin,
47:27 blanchi par les Américains, il est toutefois extradé en Tchécoslovaquie.
47:30 En pleine dénazification,
47:33 les nouvelles autorités veulent le juger pour son travail chez Skoda,
47:36 à l'époque où l'entreprise est sous contrôle de la machine de guerre nazie.
47:40 -On lui reproche de complicité avec l'ennemi,
47:46 et donc, effectivement, il risque très clairement sa peau lors de ce procès.
47:49 -Mon père a écrit à Edvard Beneš,
47:54 qui était président de la Tchécoslovaquie à l'époque,
47:57 une longue lettre lui demandant d'innocenter Albert Göring
48:02 et de le libérer, en raison du très grand nombre de personnes qui l'avaient aidé.
48:06 -Les résistants tchèques comme Moravec,
48:14 les employés de chez Skoda et des familles qui l'a aidé,
48:16 témoignent tous en sa faveur.
48:19 Acquitté et libre, Albert est en mauvais état de santé.
48:22 Entre-temps, Herman Göring, jugé coupable au tribunal de Nuremberg
48:27 et condamné à la pendaison, s'est suicidé.
48:30 Albert est dépressif. Il est perdu.
48:37 -Ma mère a découvert qu'il avait beaucoup de petites amies.
48:42 Il était très prolifique de ce côté-là.
48:44 Il avait une secrétaire qui appréciait beaucoup ma mère,
48:47 et la situation lui causait beaucoup de peine.
48:50 Un jour, elle a tout révélé à ma mère.
48:53 -La famille se sépare en 1947, après un procès douloureux
48:57 dans lequel Albert Göring tente d'obtenir la garde d'Elisabeth.
49:01 Il perd, et c'est aussi une double séparation.
49:05 Mila décide de quitter définitivement l'Europe
49:10 et d'installer à Lima, au Pérou, où Elisabeth demeure encore aujourd'hui.
49:14 -Ma mère m'a toujours obligée à lui écrire.
49:20 Ma mère a eu ce mérite de ne jamais me parler en mal de son ex-mari.
49:24 Malgré ce qui lui a fait subir, elle a toujours tout fait
49:27 pour maintenir une relation entre nous.
49:30 Mais mon père ne m'a jamais répondu.
49:33 -Albert est devenu un paria vivotant de petits boulots en Bavière.
49:40 -La situation d'Albert s'est aggravée.
49:42 Il ne pouvait obtenir de travail.
49:45 Son nom de famille l'en empêchait à chaque fois.
49:48 Et c'est la plus grande ironie de toute cette histoire.
49:51 Ce nom de famille qui lui a permis de sauver tant de gens
49:54 a contribué à sa propre perte.
49:57 -Albert Göring décède en 1966, sans avoir jamais revu sa fille.
50:04 Il repose aux côtés de ses parents, frères et soeurs,
50:08 dans le grand cimetière de Munich.
50:10 Mais la pierre tombale du caveau familial a été retirée.
50:13 Les descendants Göring n'ont plus les moyens de financer la concession.
50:18 L'historien William Burke a déposé en 2013 un dossier à Yad Vashem, en Israël,
50:25 pour accorder à Albert Göring le titre de "juste parmi les justes"
50:29 pour avoir sauvé tant de vies, dont des juifs.
50:33 En 2015, ce titre lui a été refusé.
50:37 -Pour être reconnu "juste parmi les nations",
50:39 il faut avoir sauvé un ou des juifs,
50:42 mais il faut l'avoir fait en risquant sa propre vie,
50:45 au péril de sa propre vie.
50:47 Est-ce que cette deuxième condition est bien réunie par Albert Göring ?
50:50 C'est la question majeure qui reste posée.
50:52 Évidemment, il y a eu ce mandat d'arrêt de la Gestapo,
50:55 évidemment, il y a eu des situations qui ont été compliquées pour Albert Göring,
50:59 mais malgré tout, il a toujours été protégé par son frère,
51:03 et on sait qu'il avait toujours eu conscience de la protection de son frère.
51:06 C'est toute la difficulté à apprécier, finalement.
51:09 Le refus ne peut pas être définitif,
51:13 tant les éléments versés au dossier par William Burke sont conséquents.
51:17 D'ailleurs, Yad Vashem n'a pas totalement clos les démarches.
51:21 Mais il y a une gêne évidente qui tient sans aucun doute au nom de Göring.
51:26 Côté familial, lui qui n'a jamais répondu aux lettres et aux dessins que lui a envoyés sa fille,
51:35 comment s'est-elle construite ? Lui a-t-elle pardonné ?
51:39 Je comprends que je dois lui pardonner. Il s'est racheté à mes yeux.
51:44 Vous voyez, je sais qu'il a fait énormément pour beaucoup de gens qui en avaient besoin dans un moment dur, très difficile.
51:50 Il avait des valeurs, c'est indubitable, qu'il faut respecter.
51:54 Après qu'il m'ait oublié, qu'est-ce que j'y peux ?
51:57 J'ai eu droit à la partie la moins bonne de lui, mais qu'est-ce que ça peut faire ?
52:03 C'est la vie d'un individu face à la vie de beaucoup. Et ça, c'est plus important, je crois.
52:08 [Musique]
52:37 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
52:40 [SILENCE]