La libération de Paris pendant la Seconde Guerre mondiale eut lieu du 19 au 25 août 1944, marquant ainsi la fin de la bataille de Paris. Cet épisode a lieu dans le cadre de la Libération et met un terme à quatre années d'occupation de la capitale française.
Mais pour ce faire, il a fallu une dernière bataille.
Mais pour ce faire, il a fallu une dernière bataille.
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00:00:00Le 26 août 1944. Le général de Gaulle vient de retrouver Paris.
00:00:15Pour les habitants de la capitale, c'est une délivrance, après quatre années d'occupation.
00:00:21La veille, dans l'hôtel de ville, le chef de la France Libre s'est adressé à la foule.
00:00:27C'est cet instant de réconciliation nationale qui va rester dans les mémoires.
00:00:43Ces quelques mots enflammés vont éclipser le souvenir de la bataille qui a permis d'arracher Paris aux Allemands.
00:00:49En dix jours de combat, mille résistants sont tombés. 582 Parisiens sont morts.
00:00:56La deuxième division blindée du général Leclerc a perdu 141 hommes.
00:01:01Les forces américaines comptent aussi de nombreuses pertes.
00:01:05Enfin, 3200 soldats allemands ont également péri.
00:01:14Journaliste et historien, j'ai voulu savoir ce qui s'était réellement passé à Paris entre le 19 et le 30 août 1944.
00:01:22J'ai recueilli des témoignages.
00:01:25Juste à cet endroit-là, il y a un panthère qui était stationné là, en face des Champs-Elysées.
00:01:30J'ai récolté des indices.
00:01:33Les livres ont aussi été des victimes de la guerre, finalement.
00:01:39Des passionnés d'histoire vivante ont recréé pour moi les conditions de la lutte.
00:01:46Il faut savoir que le 19 août, en fin de journée, les résistants n'ont plus de munitions que pour quelques heures.
00:01:50Dès le premier jour de l'insurrection.
00:01:53Les spécialistes de l'armée française m'ont expliqué les techniques de combat en zone urbaine.
00:01:57Vous avez des étages, vous avez des raies de chaussée, vous avez des caves, vous avez des murets.
00:02:01C'est ça qui est dangereux. C'est très piégeux.
00:02:03Tout à fait.
00:02:07Au cœur de la ville Lumière, j'ai décrypté une bataille dont le sort s'est joué à peu de choses.
00:02:13Il y a un ordre de destruction de la ville de Paris qui est donné par le Führer.
00:02:17Il y a un ordre de destruction de la ville de Paris.
00:02:21Cette histoire est avant tout celle du courage insensé d'une poignée de résistants et de résistantes,
00:02:26rejoints par une armée d'hommes libres, françaises et américaines.
00:02:32Ensemble, ils ont traversé toutes les épreuves, couru tous les dangers
00:02:36et n'ont jamais renoncé à se battre pour voir s'accomplir leur rêve, la libération de Paris.
00:03:02Août 1944.
00:03:05Depuis quatre ans, le drapeau à croix gammée flotte au sommet de la tour Eiffel.
00:03:10Quatre années de privation, d'humiliation et de répression aveugles pour la plus grande partie des Parisiens.
00:03:21Au carrefour, les panneaux indicateurs réaffirment la présence de l'occupant.
00:03:26Paris capitale s'efface.
00:03:30Elle n'est plus que le Grosse Paris, point névralgique de l'appareil d'occupation allemand.
00:03:42La Luftwaffe est installée au palais du Luxembourg.
00:03:45Le service de renseignement et de contre-espionnage a investi l'hôtel Lutetia.
00:03:49Le haut commandement militaire en France est à l'hôtel majestique Avenue Cleber.
00:03:53Tout l'ouest parisien est gangréné.
00:03:55La police de sécurité, dont la tristement célèbre Gestapo, hante le quartier de l'Etoile.
00:04:00Plusieurs casernes ont été implantées dans la ville, dont une à l'école militaire.
00:04:04Les services d'état-major occupent les invalides.
00:04:07La commande en tour s'affiche en grosse lettre Place de l'Opéra.
00:04:11Le tribunal militaire de la Wehrmacht est situé rue de Varennes, la prison rue du Cherchemidi.
00:04:18Le 7 août 1944, le général Von Scholtitz a reçu son nouveau commandement des mains-mêmes d'Hitler.
00:04:25Pour le Führer, la défense de la ville, qu'il a visitée brièvement en juin 1940, est une priorité absolue.
00:04:32Pourtant, les nouvelles ne sont pas bonnes.
00:04:35Après celui sur les plages normandes, le 6 juin, un autre débarquement a eu lieu en Provence le 15 août.
00:04:41La première armée française et trois divisions d'infanterie américaines s'apprêtent à remonter la vallée du Rhône.
00:04:54A peine arrivé à Paris, Von Scholtitz organise un défilé destiné à étaler ses forces devant les parisiens.
00:05:01Le général allemand n'est pas un tendre.
00:05:03Il a fait déporter 50 000 juifs et s'est illustré à Rotterdam et Sébastopol.
00:05:09La ville russe a été réduite en un tas de décombres.
00:05:12Mais dispose-t-il des moyens militaires suffisants pour tenir Paris ?
00:05:17Gilles Primaud a consacré une partie de sa vie à l'histoire de la libération de Paris.
00:05:41Depuis des années, il compile les témoignages, réunit les indices et rend hommage aux combattants morts pour la liberté.
00:05:59On est au mois d'août 1944.
00:06:01Les Américains ont débarqué en Normandie le 6 juin.
00:06:04Normandie, où Von Scholtitz d'ailleurs a eu un commandement.
00:06:08De quelles forces dispose Von Scholtitz pour défendre Paris ?
00:06:11Pour défendre cette ville, Von Scholtitz dispose d'environ 20 000 hommes.
00:06:14Ce ne sont pas des troupes d'élite, ce sont des soldats assez âgés.
00:06:18Beaucoup d'employés d'état-major sont restés sur place.
00:06:21Il va les intégrer aux 3 ou 4 régiments de sécurité qui sont en place.
00:06:26Et il va bénéficier de la présence et du passage de troupes qui viennent de Normandie.
00:06:32C'est comme ça qu'on retrouve des SS au cours de la scène.
00:06:35On retrouve des géorgiens de l'armée Vlasov au fond de Romainville.
00:06:38Est-ce qu'il a des blindés à sa disposition de la DCA ?
00:06:41Il a une grosse dizaine de chars.
00:06:44Il y est équipé en DCA et il a une ceinture de canon de 88 dans le sud-ouest de la région parisienne.
00:06:51Est-ce que Paris a été fortifié ?
00:06:53Les Allemands ont fortifié des endroits stratégiques qu'ils occupaient.
00:06:57L'hôtel majestique, les jardins du Sénat.
00:07:01Dans beaucoup de rues, on trouvait des casemats, des petits bunkers.
00:07:06Quels sont les ordres que le Führer lui a donnés quand il a pris son commandement de ses mains ?
00:07:12Quand il prend son commandement, les ordres sont de maintenir le passage libre.
00:07:18Les troupes qui se replient de Normandie doivent passer par Paris et par les ponts parisiens.
00:07:22Au fur et à mesure de l'évolution de la situation, les ordres vont changer.
00:07:28Et cela va être de détruire les usines, détruire les ponts.
00:07:33Donc il y a quand même un ordre de destruction de la ville de Paris qui est donné par le Führer ?
00:07:38Il y a un ordre de destruction de la ville de Paris.
00:07:40Mais dans l'intention de Adolf Hitler, c'est quoi ? C'est faire de Paris un nouveau Stalingrad ?
00:07:46Un nouveau Stalingrad, peut-être pas. Un nouveau Varsovie, comme ça se passe en même temps en Pologne.
00:07:52Oui, tout à fait.
00:07:59Depuis le 1er août 1944, le ghetto de Varsovie s'est insurgé.
00:08:05Les Allemands ne font pas de quartier. Ils réduisent la ville polonaise en un tas de cendres.
00:08:10Paris pourrait subir le même sort.
00:08:16Dans sa folie destructrice, Hitler souhaite même envoyer vers la capitale l'un des monstres de son artillerie,
00:08:22le mortier Karl, dont les obus de 2 tonnes peuvent perforer 45 cm d'acier.
00:08:32Dans Paris, la pression monte. La capitale est au bord de l'asphyxie.
00:08:37Les usines ne fonctionnent plus.
00:08:39Le sabotage des voies ferrées empêche l'approvisionnement de la garnison allemande et des parisiens.
00:08:45Le gaz est supprimé. L'électricité est une denrée rare.
00:08:492 millions de vélos ont remplacé les voitures fautes d'essence.
00:08:52La vie économique est totalement paralysée. Le climat est à l'insurrection.
00:08:57Les cheminots sont en grève depuis le 10 août.
00:09:00Le 15, la police cesse également le travail.
00:09:03Les Allemands commencent à avoir peur.
00:09:05Ils ont désarmé les policiers d'Agnères et de Saint-Denis.
00:09:082500 déportés ont quitté Pantin, direction les camps de la mort.
00:09:12Le lendemain, 16 août, 35 jeunes résistants ont été fusillés au bois de Boulogne.
00:09:17Avant la fin du mois, 26 prisonniers, policiers, employés de la RATP, électriciens seront exécutés au château de Vincennes.
00:09:24Le plus jeune a 17 ans.
00:09:26Le mercredi 17 août, 1500 fonctionnaires manifestent devant l'hôtel de ville.
00:09:31Le lendemain, jeudi 18 août, les postiers et les infirmières rejoignent le mouvement.
00:09:36Dans l'après-midi, les syndicats CGT et CFTC appellent tous les travailleurs à la grève.
00:09:41Au nez et à la barbe des Allemands, une affiche apparaît sur les murs de la ville.
00:09:45C'est l'ordre de mobilisation générale.
00:09:48Tous les Parisiens doivent rejoindre les rangs des forces françaises de l'intérieur.
00:09:53Gilles, sur les affiches qui fleurissent le 18 août 1944, il y a une signature à poser.
00:09:58Colonel commandant la région, signé Roll. Qui est ce Roll ?
00:10:01Le colonel Henri Roll Tanguy, 36 ans, est un militant communiste et syndicaliste
00:10:07qui s'est porté volontaire pour la guerre d'Espagne où il a été commissaire politique
00:10:10et qui a été nommé chef des FFI de la région P1, île de France, pour l'insurrection.
00:10:18Mais il est colonel de quelle armée ? Qu'est-ce qui lui confère ce titre de colonel ?
00:10:24L'armée des FFI, des forces françaises de l'intérieur, a été créée en février 1944.
00:10:30Elle est sous le commandement du général König à Londres.
00:10:33Avec le général de Gaulle ?
00:10:34Avec le général de Gaulle.
00:10:35Représentée en France par le délégué militaire national Chabrand-Helmas, la France est divisée en 12 régions.
00:10:41La région P1, île de France, a été confiée au colonel Henri Roll Tanguy.
00:10:46Et dans ces forces qui ont été agrégées pour créer les FFI, il y a quoi ?
00:10:50Ce sont des groupes résistants différents, c'est ça ?
00:10:52Exactement. Les FFI regroupent l'organisation résistance armée, l'ORA, l'AS, armée secrète,
00:10:59les corps francs des murs, mouvements unis et résistance, et les FTP, francs tireurs partisans communistes,
00:11:05que Roll Tanguy connaît bien puisqu'il les a organisés en 1942.
00:11:09Donc si je comprends bien, le colonel Roll Tanguy est donc le patron en île de France de toutes ces forces, d'accord,
00:11:16il va les coordonner, mais physiquement, où est-ce qu'il se trouve exactement ?
00:11:21Alors, à la veille de l'insurrection, le PC de Roll Tanguy se trouve rudement dans le 19ème arrondissement.
00:11:27Dès le 20 août, il va venir s'installer ici, place d'enfer Rochereau, dans ce bâtiment.
00:11:32Le bâtiment qui est juste là ?
00:11:33Voilà, le service des eaux de la mairie de Paris.
00:11:36Mais là, il est au vu et au su des Allemands, tout le monde peut savoir qu'il est là ?
00:11:40Alors, il a installé son PC en sous-sol, d'où il dispose de communication téléphonique,
00:11:45et les diverses issues lui permettent de recevoir ses agents de liaison
00:11:49qui viennent au nez à la barbe des soldats allemands qui patrouillent dans les rues.
00:11:57Le PC du chef des FFI d'Île-de-France se situe à 26 mètres de profondeur.
00:12:02C'est un abri de défense passive organisé en 1939.
00:12:06Il communique par des galeries souterraines avec la gare de d'enfer Rochereau et les catacombes.
00:12:14Une centaine de marches permet de gagner l'extérieur.
00:12:18Un central téléphonique assure une liaison permanente avec les postes de défense passive,
00:12:23le service des eaux, le métro et la préfecture de police.
00:12:35Totalement délabré, le PC du colonel Roll est aujourd'hui malheureusement inaccessible.
00:12:40Mais un passionné du Paris souterrain, Gilles Thomas,
00:12:43a réussi à nous faire ouvrir les portes d'un autre endroit très secret,
00:12:46l'abri de défense passive situé à quelques centaines de mètres de la place d'enfer Rochereau,
00:12:51sous l'hôpital Cochin.
00:12:58Pendant toutes les insurrections, Roll Tanguy est resté dans l'abri d'enfer Rochereau ?
00:13:03On peut considérer que du 20 au 25 août, il était dans l'abri de place d'enfer Rochereau,
00:13:07mais Roll Tanguy est sorti de temps en temps parce qu'il avait des rencontres à faire
00:13:11au niveau de la préfecture de police ou des choses à observer par lui-même.
00:13:14Mais le PC a été utilisé effectivement du 20 au 25 août, donc sous les pieds des Allemands.
00:13:19Et pourquoi avoir choisi un abri d'enfer Rochereau ? Il y en avait d'autres dans Paris ?
00:13:24Il avait plusieurs avantages, c'est qu'il avait ses moyens de communication
00:13:27qui étaient non surveillés et non surveillables par les Allemands,
00:13:30il était sur la route qui était envisagée comme une des routes que pourraient emprunter les libérateurs,
00:13:35et il était à grande profondeur et avec de nombreux accès,
00:13:38donc ça permettait de ne pas être un abri souricière,
00:13:41c'est-à-dire que s'il avait été attaqué, Roll Tanguy et ses hommes auraient pu se sauver
00:13:44par n'importe quel accès qu'il menait aux carrières.
00:13:50Donc là, typiquement, ici, on a une sortie.
00:13:53Là, typiquement, cet abri, comme tout abri, a au moins un accès principal
00:13:57et une voire plusieurs sorties de secours,
00:13:59et quand on est dans les carrières souterraines, on a des dizaines voire 200 sorties de secours
00:14:03pour remonter à la surface.
00:14:04Ici, on se trouve face à un escalier en colimaçon, en béton,
00:14:08et qui est strictement similaire à celui que Roll Tanguy a utilisé le dimanche 20 août,
00:14:12quand il est passé du bâtiment de la rue Schoelcher à l'abri qui est sous la place d'enfer Rochereau.
00:14:16Il descend par un escalier strictement similaire à celui-là.
00:14:20C'est assez impressionnant.
00:14:23Sacrée balade.
00:14:32Quand on franchit cette porte, on est...
00:14:34Comme on est au niveau des carrières, on rentre directement dans la carrière,
00:14:36et quand on est dans une carrière, on a des sorties de secours partout,
00:14:39puisqu'on en compte plus de 200 dans Paris.
00:14:41Et les résistants disposaient d'un plan des carrières ?
00:14:44En fait, le docteur Suttel, qui lui était à l'hôpital Sainte-Anne,
00:14:48avait d'abord découvert les carrières en 1943.
00:14:50À partir de l'abri de défense passive qui était sous Sainte-Anne,
00:14:52il s'est mis à parcourir les carrières et à faire un plan pour le plaisir.
00:14:55Et en début 1944, il décide de donner ce plan à la résistance,
00:14:59et par exemple ici, on voit un lorgnon,
00:15:01qui est dessiné sur le plan du docteur Suttel,
00:15:03parce que le plan qu'il est en train de faire,
00:15:05il veut qu'il soit utilisable partout,
00:15:07même si elles n'ont jamais mis les pieds sous terre.
00:15:09Il a fait un plan à main levée, il descend sous terre,
00:15:11il n'a pas d'autre moyen, il a un stélo,
00:15:13et puis il fait un plan à main levée.
00:15:15C'est tout à fait à main levée.
00:15:16Il va compter le nombre de pas,
00:15:17il regarde à la boussole s'il tourne plus ou moins 90 degrés, etc.
00:15:20Et il fait son plan, qui est pratique pour circuler,
00:15:22mais qui n'est pas un plan topographique exact.
00:15:24Mais dessus, pour que les résistants puissent l'utiliser
00:15:26si jamais ils en avaient besoin,
00:15:28il positionne des tas de choses qu'il voit dans la carrière.
00:15:30C'est-à-dire, ici, un graffiti, il le dessine,
00:15:32ou des inscriptions graphiques,
00:15:34il met tout ça en se disant, les résistants,
00:15:36ils voient quelque chose sur un mur,
00:15:38ils regardent sur le plan, ils pourront l'utiliser.
00:15:40Donc il le fait vraiment pour la résistance.
00:15:46C'est passionnant.
00:15:48C'est combien d'heures et d'heures de descente sous terre ?
00:15:50C'est phénoménal.
00:15:52C'est des centaines d'heures.
00:15:54Et il y passait ses loisirs, il y passait ses nuits.
00:15:56Quand il était de nuit à l'hôpital,
00:15:58quand effectivement il s'apercevait
00:16:00qu'on n'aurait pas besoin de lui,
00:16:02il descendait, il parcourait les carrières.
00:16:10Donc ça, ce sont des graffitis qui ont été faits
00:16:12par des visiteurs occasionnels
00:16:14avant que Suttel ne fasse son plan.
00:16:16C'était déjà là à l'époque.
00:16:18C'était déjà là en 1943.
00:16:20Donc on passe à l'endroit où Suttel est passé
00:16:22pour faire son plan pour la résistance.
00:16:26Est-ce qu'on peut dire qu'en fait,
00:16:28les carrières ont joué un rôle primordial
00:16:30dans la libération de Paris ?
00:16:32On peut parfaitement le dire.
00:16:34Il n'y a aucun problème.
00:16:36L'insurrection de Paris est venue
00:16:38des sous-sols de la capitale.
00:16:40Ces sous-sols qui avaient été aménagés
00:16:42pour la défense passive,
00:16:44au moment de l'insurrection,
00:16:46cette insurrection a été coordonnée
00:16:48des sous-sols de Paris.
00:16:50Donc des sous-sols de Paris
00:16:52est venue la libération de la capitale.
00:16:54Au lever du jour, ce samedi 19 août 1944,
00:16:56plusieurs centaines de policiers en civil
00:16:58se sont retrouvés dans les sous-sols
00:17:00de Paris.
00:17:02Le bâtiment est aussitôt transformé
00:17:04en place forte.
00:17:06Des sacs de sable sont entassés
00:17:08dans les embrasures des fenêtres.
00:17:10Des armes sont distribuées.
00:17:12Les itinéraires de repli
00:17:14par les souterrains
00:17:16et le tunnel du métro sont repérés.
00:17:18À 10 heures,
00:17:20un immense drapeau français
00:17:22est tissé au sommet de l'édifice.
00:17:24Quasiment au même moment,
00:17:26l'insurrection est bel et bien lancée.
00:17:32Le vendredi 18 août,
00:17:34les FTP s'étaient emparés
00:17:36des mairies de Montreuil,
00:17:38des Lilas et de Bondy.
00:17:40Le samedi 19, c'est au tour
00:17:42des mairies de Saint-Denis, Neuilly, Vitry
00:17:44et Aubervilliers de tomber.
00:17:46À 7h du matin, la mairie du premier
00:17:48arrondissement est prise.
00:17:50Les résistants investissent Léal
00:17:52et la poste centrale de la rue du Louvre.
00:17:54Les FFI passent aussi à l'attaque
00:17:56dans le 13e arrondissement.
00:17:58On se bat place de l'Odéon sur le boulevard
00:18:00Saint-Germain, place d'Italie
00:18:02et sur le boulevard Saint-Michel.
00:18:04La fusillade crépite dans le 17e
00:18:06et le 19e arrondissement.
00:18:08À 14h, le dépôt de la Villette
00:18:10tenu par les cheminots en grève
00:18:12est attaqué par 600 Allemands
00:18:14qui sont repoussés.
00:18:18Toute la ville est devenue
00:18:20un vrai champ de bataille.
00:18:22Le nombre de combattants dans Paris
00:18:24se rajoute à ce chiffre les 18 000 policiers
00:18:26dont une brigade, la brigade C,
00:18:28est restée en uniforme.
00:18:30L'appel à la mobilisation leur ordonne
00:18:32à tous de porter un brassard bleu-blanc-rouge
00:18:34portant la croix de Lorraine.
00:18:40Les combattants ont des consignes
00:18:42très strictes. Ils ne doivent
00:18:44en aucun cas s'enfermer dans les bâtiments conquis.
00:18:46Il faut sortir, porter le danger
00:18:48sur les arrières des Allemands,
00:18:50protéger la bataille partout à la fois.
00:18:52Plus facile à dire qu'à faire.
00:19:04J'ai voulu savoir comment se déroulaient
00:19:06les combats dans un environnement
00:19:08aussi particulier qu'une ville.
00:19:10L'endroit rêvé, le centre d'entraînement
00:19:12aux actions en zone urbaine de Sissone,
00:19:14dans l'Aisne.
00:19:21Votre radio vous a lâché, mon capitaine ?
00:19:23Non, elle est partie déplacer le véhicule.
00:19:25Je vais le rejoindre.
00:19:27Il y a quelque chose qui m'apparaît quand même.
00:19:29Il y a zéro place à l'improvisation.
00:19:31Vous êtes sur des protocoles super précis.
00:19:33Oui, effectivement.
00:19:35On est vraiment sur ce qu'on appelle
00:19:37les actes élémentaires et les actes réflexes
00:19:39du combattant que chaque soldat apprend
00:19:41dès son incorporation.
00:19:43Débarquer des véhicules,
00:19:45avancer en couvrant ses arrières
00:19:47et ses camarades lorsqu'on traverse une rue,
00:19:49lorsqu'on entre dans un bâtiment.
00:19:51Tous ces gestes sont répétés à l'entraînement
00:19:53pour être restitués en zone urbaine,
00:19:55un environnement qui réclame précision
00:19:57et coordination.
00:19:59Ici, un fantassin peut être très vite isolé,
00:20:01perdu au milieu des populations civiles
00:20:03ou victime d'un tir fratricide.
00:20:05Les retours d'expérience
00:20:07de certains engagements récents en Irak
00:20:09et en Syrie le montrent.
00:20:11Il faut plus d'une heure pour s'emparer
00:20:13d'un pâté de maison.
00:20:15La zone urbaine demande d'être
00:20:17un peu plus fort dans les gestes
00:20:19primaires du combattant.
00:20:21La ville ne pardonne pas,
00:20:23la ville ne fait pas de cadeaux.
00:20:27Et là, pour vous, ça se passe bien ?
00:20:29Là, ça se passe bien, c'est méthodique.
00:20:31Justement, on ne cède pas à la précipitation.
00:20:33On cherche à chaque fois
00:20:35les réalignements.
00:20:37On fait bien des pauses logistiques
00:20:39qui permettent d'évacuer les blessés,
00:20:41de les traiter, de réavitailler.
00:20:43Donc on est vraiment sur les bons procédés
00:20:45d'exécution et on a une unité
00:20:47qui, au final, prend l'ascendant
00:20:49sur l'ennemi parce que, justement,
00:20:51elle est procédurière et ça se passe bien.
00:20:53Ça veut dire que le temps économise le sang.
00:20:55Exactement, c'est exactement ça.
00:21:05Là, en ennemis résiduels, il ne reste que
00:21:07deux ennemis, mais vous vous rendez compte
00:21:09que même deux ennemis en zone urbaine,
00:21:11ça suffit quand même à fixer...
00:21:13Oui, c'est ça. Le rapport, c'était quoi ?
00:21:15Six contraints,
00:21:17dix contraints localement.
00:21:19Un seul défenseur peut arrêter six assaillants.
00:21:21Ce sont les gabarits de doctrine
00:21:23qu'on a établis.
00:21:27Donc c'est difficile de combattre en zone urbaine.
00:21:29C'est une zone qui, a priori,
00:21:31profite surtout aux défenseurs
00:21:33et c'est pour ça que, pendant longtemps,
00:21:35l'action en zone urbaine était évitée
00:21:37et puis même l'action en zone urbaine se limitait
00:21:39à la guerre de siège.
00:21:43C'est ça qui est compliqué.
00:21:45Dans la zone urbaine,
00:21:47tous les dangers viennent de partout.
00:21:49Vous avez des étages, vous avez des rails de chaussée,
00:21:51vous avez des câbles, vous avez des murets.
00:21:53C'est ça qui est dangereux.
00:21:55C'est très piégeux, quoi.
00:21:57Tout à fait.
00:22:03Ce qui est incroyable pour moi, c'est de me dire
00:22:05qu'en fait, en 1944,
00:22:07les gars qui sont rentrés dans Paris,
00:22:09ils n'avaient pas du tout la formation.
00:22:11Donc c'était une découverte.
00:22:13La ville était une découverte pour eux.
00:22:15Mais la scène de survie est bien faite chez l'homme.
00:22:17Parce que quelque part, les rétex,
00:22:19ça vient de 1944, ça vient du débarquement
00:22:21et on fait évoluer les choses comme ça.
00:22:27Pour théoriser le combat que vous appliquez
00:22:29ici en ville,
00:22:31l'expérience vient aussi du passé
00:22:33et des combats avant.
00:22:35Absolument.
00:22:37On récupère des vidéos d'époque,
00:22:39pas des films, mais vraiment des vidéos d'époque.
00:22:41On voit les premières avancées sous blindage
00:22:43de l'armée allemande derrière leur Panzer.
00:22:45On refait exactement la même chose maintenant.
00:22:47D'accord. Et améliorée.
00:22:49Avec les technologies d'aujourd'hui.
00:22:53Donc en fait, vous êtes plongé dans l'histoire aussi.
00:22:57Dans la journée du samedi 19 août,
00:22:59premier jour de l'insurrection,
00:23:01l'occupation de la cité par les FFI
00:23:03s'étend jusqu'au palais de justice.
00:23:05La place Saint-Michel est défendue par les groupes
00:23:07de FFI auxquels sont mêlés
00:23:09de nombreux policiers en civil.
00:23:11Tous les endroits susceptibles de fournir
00:23:13des retranchements utilisables pour la guerre de rue
00:23:15sont occupés.
00:23:25Devant le café du départ, un fusil mitrailleur est en batterie.
00:23:27Les forces allemandes qui essaient
00:23:29d'atteindre la préfecture de police par le pont Saint-Michel
00:23:31sont prises sous un feu croisé
00:23:33venant du palais de justice,
00:23:35de la préfecture de police et de la place Saint-Michel.
00:23:39A 14h, un char allemand
00:23:41venant de la place du Châtelet tire sur l'immeuble
00:23:43qui fait l'angle du boulevard du palais
00:23:45et de la rue de Lutèce et l'enflamme.
00:23:49Puis, par le quai de Corse et la rue d'Arcole,
00:23:51il vient se mettre en position
00:23:53sur le parvis de Notre-Dame.
00:23:57Six autres chars viennent l'épauler.
00:23:59Ils ouvrent le feu sur la porte Est de la préfecture.
00:24:01Un char s'avance alors jusqu'à
00:24:0330 mètres, continuant à tirer.
00:24:05Mais une pluie de grenades le paralyse
00:24:07et son équipage est réduit.
00:24:11Dès le début de l'action, une grosse diversion
00:24:13était opérée sur les arrières des attaquants.
00:24:15Deux à trois cents hommes des FFI,
00:24:17armés de fusils et de mitraillettes,
00:24:19débouchent par la rue Saint-Jacques
00:24:21et se répandent sur les quais de la rive gauche.
00:24:27Dans Paris, quelques camions allemands circulent encore
00:24:29mais les soldats sont inquiets,
00:24:31sans cesse osagués, le doigt sur la détente,
00:24:33prêts à arroser les façades des immeubles,
00:24:35à tirer sur le moindre passant jugé suspect.
00:24:39L'hostilité des Parisiens est de plus en plus manifeste.
00:24:43Certains pavoisent déjà leurs fenêtres
00:24:45avec des drapeaux sortis d'on ne sait où.
00:24:51Mais armes et munitions manquent
00:24:53cruellement aux insurgés.
00:24:55On estime qu'à la veille de l'insurrection,
00:24:57les FFI ne possèdent que 29 mines,
00:24:594 mitrailleuses, 562 fusils,
00:25:01825 revolvers ou pistolets,
00:25:03192 grenades.
00:25:05C'est très peu.
00:25:07Comment les résistants ont-ils fait
00:25:09pour se procurer des armes ?
00:25:19Passionné d'histoires vivantes depuis des années,
00:25:21Simon De Leyrol a étudié les stratégies
00:25:23mises en oeuvre par les résistants
00:25:25dans les premières heures de l'insurrection.
00:25:29Simon, la résistance n'a pas de blindés,
00:25:31pas d'artillerie, pas beaucoup d'armes.
00:25:33Quelle est la tactique qu'elle peut appliquer
00:25:35au début de l'insurrection ?
00:25:37Le premier objectif, c'est de prendre le contrôle
00:25:39des mairies et des commissariats.
00:25:41De prendre le contrôle du réseau téléphonique
00:25:43qui va être très important.
00:25:45Elle va permettre d'envoyer les comptes rendus
00:25:47au PC du Colonel Leyrol Tanguy.
00:25:49Il va pouvoir envoyer des hommes
00:25:51en fonction des besoins.
00:25:53Pour faire la guerre, il faut avoir des armes à feu.
00:25:55Comment peuvent-ils faire pour en récupérer ?
00:25:57Les combats vont se réaliser
00:25:59à l'arme blanche, au pistolet.
00:26:01C'est pour ça que les résistants vont appliquer
00:26:03à la lettre le mot d'ordre du Colonel Leyrol Tanguy
00:26:05qui va être « Armez-vous par tous les moyens,
00:26:07récupérez sur l'ennemi avec un pistolet,
00:26:09prenez un fusil ».
00:26:11Ils vont former des petits groupes de résistants
00:26:13de 2 à 3 FFI armés de fusils
00:26:15qui vont être suivis par des hommes
00:26:17recrutés dans la foule qui vont, dès que l'occasion se présente,
00:26:19récupérer les fusils et les redistribuer.
00:26:21Il faut savoir que le 19 août, en fin de journée,
00:26:23les résistants n'ont plus de munitions que pour quelques heures.
00:26:25Dès le premier jour de l'insurrection ?
00:26:27Tout à fait, dès le premier jour.
00:26:29Donc une trêve va s'imposer pour permettre
00:26:31de calmer la situation.
00:26:35Grâce à l'intervention du consul de Suède
00:26:37Raoul Nordling, qui a déjà permis
00:26:39la libération de 3000 prisonniers politiques
00:26:41qui allaient être déportés,
00:26:43une première trêve de 50 minutes est conclue
00:26:45pour les abords immédiats de la préfecture de police,
00:26:47le samedi 19 août au soir.
00:26:51Mais au sein même de la résistance,
00:26:53les adversaires et opposants de la trêve se querellent.
00:26:55Les communistes désirent poursuivre le combat.
00:26:59Après une nouvelle réunion
00:27:01du Conseil National de la Résistance,
00:27:03la trêve est prolongée jusqu'au mardi 22 août,
00:27:05à 16 heures.
00:27:07Mais les combats ne cessent pas vraiment.
00:27:09Dès le 20 août, les résistants s'emparent
00:27:11de l'hôtel de ville.
00:27:13Mais armes et munitions manquent toujours.
00:27:15L'avenir de l'insurrection est incertain.
00:27:17Au même moment,
00:27:19le général de Gaulle arrive en Normandie.
00:27:21Eisenhower lui explique
00:27:23que la Troisième Armée américaine
00:27:25se dispose à franchir la Seine.
00:27:31Depuis la fin du mois de juillet,
00:27:33les Américains ont enfin réussi à percer.
00:27:37En Bretagne,
00:27:39les Allemands sont enfermés dans les ports.
00:27:41En Normandie,
00:27:43après l'échec de leur contre-attaque sur Mortain,
00:27:45deux armées allemandes sont enfermées
00:27:47dans la poche de Falaise.
00:27:51Débarqués en Provence le 15 août,
00:27:53les troupes alliées remontent
00:27:55la vallée du Rhône.
00:27:57Côté Allemands,
00:27:59l'ordre de repli général est donné le 16 août.
00:28:01Direction la Seine.
00:28:03Les Américains sont à leur trousse.
00:28:05C'est là, près de Mante-la-Jolie,
00:28:07que va se jouer un épisode capital
00:28:09de la libération de la France.
00:28:11Historien de la 79ème
00:28:13division d'infanterie US
00:28:15et auteur d'un ouvrage
00:28:17sur le débarquement,
00:28:19Régis Jarre a suivi le chemin
00:28:21parcouru par les troupes américaines
00:28:23depuis leur arrivée sur les plages normandes.
00:28:27Bonjour Régis.
00:28:29Bonjour Serge.
00:28:31Je supposais bien que la libération
00:28:33de Paris ne s'était pas jouée
00:28:35que dans Paris, mais aussi dans ses alentours.
00:28:37Pourquoi m'avoir donné rendez-vous
00:28:39au nord de Mante-la-Jolie ?
00:28:41Parce que c'est là que les premiers soldats alliés
00:28:43traversent la Seine.
00:28:45Où exactement ?
00:28:47Ici, sur le barrage.
00:28:49Et dans quelles circonstances
00:28:51traversent-ils ce barrage ?
00:28:53Le 19 août 1944,
00:28:55Patton a repris la 3ème armée
00:28:57début août et il poursuit les Allemands
00:28:59partout où il envoie la carrière légère,
00:29:01les blindés, partout où il écroche.
00:29:03Le 19 août 1944, il arrive ici,
00:29:05sur les bords de Seine.
00:29:07Allez, on essaye.
00:29:13Merci.
00:29:15Ce qu'il ne faut pas faire
00:29:19pour raconter des histoires,
00:29:21des petites histoires
00:29:23de la grande histoire,
00:29:25c'est par là.
00:29:37Cette construction-là, par contre,
00:29:39est récente.
00:29:41C'est des années 60.
00:29:43A l'époque, c'est un barrage
00:29:45beaucoup plus basique
00:29:47avec une passerelle qui passe
00:29:49au ras du feuble.
00:29:51Mais c'est exactement à cet endroit-là
00:29:53que sont passés les premiers soldats américains.
00:29:55C'est exactement le premier point de passage
00:29:57de la 70ème division d'infanterie américaine.
00:29:59C'est d'abord une patrouille
00:30:01avec un officier et deux sapeurs du génie
00:30:03l'après-midi du 19 août 1944.
00:30:05Mais pourtant, un régiment va passer là
00:30:07dans la nuit du 19 août.
00:30:09Comment ça se fait ?
00:30:11Ça, c'est un coup de Paton.
00:30:13Paton, sa stratégie, c'est de toujours avancer.
00:30:15Quand il a su qu'une patrouille
00:30:17était arrivée de l'autre côté de la Seine
00:30:19sans rencontrer de résistance particulière,
00:30:21il ordonne le franchissement.
00:30:23Les gars sont au bivouac le soir du 19 août.
00:30:25Ils sont réveillés et forcés de traverser
00:30:27le barrage sous la pluie.
00:30:29Mais au matin du 20 août 1944,
00:30:31il a un régiment entier
00:30:33Allons-y.
00:30:47Encore une aventure, Régis.
00:30:49Oui, on est sur la Seine cette fois-ci.
00:30:51Oui.
00:30:53Les opérations de franchissement
00:30:55sont d'abord perturbées
00:30:57par les chasseurs de la Luftwaffe.
00:30:59Mais l'artillerie antiaérienne américaine
00:31:01abat 11 avions dans la seule journée du 21 août.
00:31:03Ce même jour,
00:31:05les renforts allemands arrivent.
00:31:07Les contre-attaques ne vont plus cesser pendant 5 jours.
00:31:09Mais les Américains tiennent bon.
00:31:11Ils concentrent 500 canons
00:31:13sur la rive gauche de la Seine.
00:31:15Le 23 août,
00:31:17un pont est même installé à Mantelajolie.
00:31:27Là, Serge, on arrive à l'endroit exact
00:31:29du pont principal pour la tête de pont de Mantes.
00:31:31Ici, rien n'a changé.
00:31:33C'est comme à l'époque.
00:31:35Tout est là.
00:31:37La grue, la collégiale derrière nous,
00:31:39les ceintures bétonnées tout autour.
00:31:41Et en plus, il pleut comme au mois d'août 1944.
00:31:43On est exactement en raccord.
00:31:45Les Américains ont installé une tête de pont
00:31:47dans le nord de Paris.
00:31:49Est-ce qu'il y en a d'autres ailleurs sur la Seine ?
00:31:51Oui, elles sont moins importantes,
00:31:53mais il y a quand même 4 têtes de pont au sud de Paris.
00:31:55Nord de Paris, sud de Paris,
00:31:57et finalement, ils préfèrent contrôler la Seine
00:31:59plutôt que de prendre Paris.
00:32:01C'est presque ça, effectivement.
00:32:03Paris est plus facile à contourner qu'à attaquer directement.
00:32:07Et pour cause.
00:32:09Débarqués début août,
00:32:11l'armée de Patton consomme à elle seule
00:32:135 000 tonnes de carburant par jour.
00:32:15Les lignes d'approvisionnement s'allongent dangereusement.
00:32:17Il faut transporter de jour comme de nuit
00:32:19les munitions, les vivres,
00:32:21le matériel de santé et les équipements
00:32:23de réparation et de maintenance
00:32:25sur les plages normandes.
00:32:31Pourtant, le général Eisenhower va quand même
00:32:33faire le choix stratégique de prendre Paris.
00:32:35Oui, il envoie 2 divisions.
00:32:37La 4e division d'infanterie américaine
00:32:39et la fameuse 2e division blindée du général Leclerc.
00:32:41Ça veut dire que la 2e DB est sous commandement américain
00:32:43à cette époque-là ?
00:32:45Oui, sous commandement américain et le général Legault
00:32:47n'exerce aucun commandement militaire sur Leclerc.
00:32:49Mais Leclerc va quand même forcer la main
00:32:51un petit peu des américains pour rentrer dans Paris.
00:32:53Ils ont débarqué à la 2e DB le 2 août 1944.
00:32:55Leur objectif, c'est clairement Paris.
00:33:03Débarqués début août,
00:33:05les 13 500 hommes et femmes
00:33:07de la 2e DB ont déjà participé
00:33:09à des combats très rudes en Normandie,
00:33:11dans la région d'Argentan.
00:33:13Le général Leclerc, qui lutte depuis fin 1940,
00:33:15rêve de redonner par les armes
00:33:17sa légitimité nationale à une France
00:33:19meurtrie par 4 années d'occupation
00:33:21et de collaboration.
00:33:25Impatient de voir des troupes françaises
00:33:27libérer Paris, Leclerc n'a de cesse
00:33:29de demander l'autorisation d'intervenir
00:33:31à ses supérieurs hiérarchiques.
00:33:33Au mépris des ordres,
00:33:35le 21 août, il décide d'envoyer vers Paris
00:33:37un détachement de reconnaissance aux ordres
00:33:39du commandant de Guillebon.
00:33:41Un escadron de chars légers,
00:33:43un escadron d'automitrailleuses et une section d'infanterie
00:33:45foncent sur la capitale.
00:33:51Le soir du lundi 21 août,
00:33:53De Guillebon et ses hommes
00:33:55atteignent Nogent-le-Roi sans combat.
00:33:57Puis après 24 heures de reconnaissance
00:33:59entre Arpajon et la région nord de Rambouillet,
00:34:01ils trouvent le contact le 23 août
00:34:03près de Trappes, tenu par des unités
00:34:05de la Luftwaffe, l'armée de l'air allemande.
00:34:07En fait, les Allemands ont organisé
00:34:09des points d'appui à Trappes,
00:34:11Guyancourt, Châteaufort, Saclay,
00:34:13Massy, Vissou et Villeneuve-le-Roi.
00:34:15Les routes vers Versailles
00:34:17sont bloquées.
00:34:19La défense à Marcoussy, Montlhéry,
00:34:21Palaiseau et Longjumeau couvrent
00:34:23les approches routières vers le nord,
00:34:25depuis Arpajon.
00:34:29Dans Paris, malgré la trêve,
00:34:31les combats font rage.
00:34:33Les résistants doivent absolument perturber
00:34:35les mouvements des Allemands,
00:34:37notamment des escadrons d'un char considéré
00:34:39comme l'archétype de tous les chars modernes,
00:34:41alliant mobilité, puissance de feu et protection.
00:34:43Le Panzer V, aussi connu
00:34:45sous le nom de char Panther.
00:34:49Le 21 août, le colonel Roltangui
00:34:51applique une nouvelle tactique.
00:34:55Il fait placarder une affiche
00:34:57sur les murs de la capitale.
00:35:01En raison des réactions possibles
00:35:03de l'ennemi en retraite,
00:35:05la population parisienne est invitée
00:35:07à empêcher les éléments blindés
00:35:09de circuler dans Paris
00:35:11en dressant immédiatement des barricades.
00:35:15Hommes, femmes, enfants, jeunes,
00:35:17vieux, tous au barricade.
00:35:31Ici, Simon, il y avait une énorme
00:35:33barricade sur le pont 9,
00:35:35constituée de sacs de sable
00:35:37avec des charrettes, des meubles.
00:35:39Une barricade comme celle-là,
00:35:41elle peut arrêter des fantassins,
00:35:43mais elle ne peut pas arrêter des chars.
00:35:45Elle va les ralentir suffisamment
00:35:47pour que les résistants puissent
00:35:49balancer des cocktails molotov
00:35:51pour arrêter ces blindés.
00:35:53Dès le 21 août, un avis de réquisition
00:35:55a été placardé pour récupérer
00:35:57le maximum d'essence et d'acide sulfurique.
00:35:59Les ingrédients de base des cocktails
00:36:01pour permettre de les constituer
00:36:03et d'en fabriquer le maximum.
00:36:15Après le 22 août,
00:36:17au moins 500 barricades sont échafaudées
00:36:19un peu partout dans Paris.
00:36:21Les Parisiens sont dans les rues.
00:36:23La bataille est faite toujours rage
00:36:25près du Palais-Royal, place Perrer,
00:36:27place Saint-Augustin, place du Panthéon,
00:36:29place Maubert, place de la Chapelle,
00:36:31rue de Seine et autour du Sénat.
00:36:33Finalement, on se rend compte
00:36:35à quel point les résistants,
00:36:37en harcelant les Allemands,
00:36:39ont réussi à les déstabiliser.
00:36:41C'est vraiment une guerre de guérillas
00:36:43Pendant tout ce temps, les Parisiens
00:36:45ignorent totalement l'arrivée de la 2e DB.
00:36:47Effectivement.
00:36:51Le 22 août 1944,
00:36:53à 19h15,
00:36:55Leclerc reçoit l'autorisation
00:36:57de faire mouvement sur Paris.
00:36:59Eisenhower a changé d'avis.
00:37:01Il était temps.
00:37:03Le 23 août 1944,
00:37:05à 6h30 du matin,
00:37:07la 2e DB s'ébranle.
00:37:09Le défi est de taille.
00:37:11Il faut faire parcourir 200 kilomètres
00:37:13à environ 4000 véhicules
00:37:15pour les regrouper autour de Rambouillet.
00:37:17Les colonnes suivent
00:37:19deux axes,
00:37:21de C à Saint-Cyr pour la 1re,
00:37:23de Carouges à Limoures
00:37:25pour la 2nde.
00:37:29Paris réussit.
00:37:31Le général Leclerc établit son PC
00:37:33à Rambouillet à 13h.
00:37:35Le reste de sa division
00:37:37le suit dans la journée.
00:37:39Le 23 août au soir,
00:37:41la 2e DB est donc
00:37:43à quelques encablures de la capitale.
00:37:45Mais la ville est bien loin d'être libérée.
00:37:49Dans Paris,
00:37:51la stratégie des barricades
00:37:53porte ses fruits.
00:37:55Les Allemands ne se hasardent plus
00:37:57que dans les grandes artères
00:37:59et privilégient les patrouilles de chars.
00:38:01Mais l'occupant est bien loin
00:38:03d'avoir dit son dernier mot.
00:38:05Le 8e arrondissement.
00:38:07L'édifice est en flammes.
00:38:11Le même jour,
00:38:13Adolf Hitler réitère
00:38:15ses ordres à von Scholtitz.
00:38:17Paris ne doit pas tomber entre les mains
00:38:19de l'ennemi, sauf sous l'aspect
00:38:21d'un champ de ruines.
00:38:233 tonnes d'explosifs sont placées sous Notre-Dame,
00:38:255 tonnes sous le Louvre.
00:38:27La Tour Eiffel, Madeleine,
00:38:29le Palais-Royal et le Sacré-Cœur sont minés.
00:38:31Tous les ponts doivent également sauter
00:38:33et les représailles exercées sur la population
00:38:35doivent être impitoyables.
00:38:37Le Führer n'a pas renoncé
00:38:39à faire de Paris le Varsovie de l'Ouest.
00:38:41S'il suit ses directives insensées,
00:38:43von Scholtitz fera 500 000 victimes
00:38:45et lui-même périra
00:38:47sous les décombres.
00:38:49Le temps des insurgés est compté.
00:38:55Le 24 août 1944,
00:38:57dans l'après-midi,
00:38:59Leclerc envoie à Paris
00:39:01un petit avion de reconnaissance
00:39:03qui parvient à larguer un message
00:39:05dans la cour de la préfecture de police.
00:39:07Sur le papier,
00:39:09c'est quelques mots griffonnés à la hâte.
00:39:11Tenez bon, nous arrivons.
00:39:17A 7 heures, le patron,
00:39:19comme l'appellent les hommes de la 2e DB,
00:39:21lance ses troupes.
00:39:23Leclerc a organisé sa division
00:39:25en groupements tactiques portant le nom de leur chef.
00:39:27Le groupement tactique Billotte
00:39:29et le groupement tactique Langlade.
00:39:33Ce sont des unités composées d'infanterie,
00:39:35de chars et d'artillerie
00:39:37qui devront combiner leurs forces
00:39:39pour progresser le plus rapidement possible.
00:39:41Leclerc mise sur la rapidité.
00:39:45Mais cette marche forcée vers Paris
00:39:47ne sera pas une partie de plaisir
00:39:49car les Allemands attendent un embuscade.
00:39:57Laurent Fournier est un passionné de la 2e DB
00:39:59à laquelle il a consacré avec son ami Alain Aimard
00:40:01un ouvrage en 2 tomes
00:40:03qui constitue une référence sur le sujet.
00:40:27Bonjour Laurent.
00:40:29Bonjour Serge.
00:40:31Expliquez-moi, quelles sont les intentions stratégiques de Leclerc
00:40:33lorsqu'il donne ses ordres au groupement tactique
00:40:35de Langlade, Billotte et Dieu ?
00:40:37Alors il leur demande de foncer sur Paris,
00:40:39de ne pas se laisser accrocher par les points de résistance allemand
00:40:41et d'investir la capitale pour la libérer.
00:40:43Le but c'est vraiment d'aller à Paris ?
00:40:45Absolument.
00:40:47Et ça va se passer comme prévu ?
00:40:49Malheureusement non, les artilleurs allemands
00:40:51vont se charger de contrer les plans de Leclerc.
00:40:53On a une image de la 2e DB qui rentre en Paris
00:40:55et ce que vous me dites là, c'est que les allemands
00:40:57avaient bien organisé une défense dans le sud de Paris.
00:40:59Absolument.
00:41:01Alors le 24, le groupement tactique Langlade
00:41:03est à Rambouillet.
00:41:05Le groupement tactique Billotte est à Limbourg.
00:41:07Donc quand De Langlade
00:41:09part à l'attaque, il traverse
00:41:11la vallée de Chevreuse et ainsi de suite sans encombre,
00:41:13Saint-Rémy, et arrive à Châteaufort
00:41:15et rencontre un terrain miné
00:41:17donc il faut dégager le point miné
00:41:19et après les points durs qu'il va rencontrer
00:41:21c'est à Toussul-Noble
00:41:23où il va y avoir une forte concentration d'artilleurs allemands
00:41:25et à Jouy-en-Josas où là encore une fois
00:41:27les 88 allemands vont se charger
00:41:29de ralentir la progression de Langlade
00:41:31vers le pont de Sèvres.
00:41:33Une fois que le véron est sauté,
00:41:35ils vont passer par Clamart et à ce moment-là,
00:41:37à Clamart encore une fois, ils vont rencontrer
00:41:39un petit point de résistance qui va être vite annihilé
00:41:41et après ils vont arriver jusqu'au pont de Sèvres.
00:41:43Le soir du 24 août.
00:41:45Le soir du 24 août.
00:41:47En ce qui concerne Billotte par contre,
00:41:49lui ça va bien se passer jusqu'à Longjumeau
00:41:51par contre à la sortie de Longjumeau,
00:41:53là encore une fois, l'artillerie allemande
00:41:55du 105, du 90, du 115 et du 37
00:41:57va freiner la progression
00:41:59et après le prochain point dur ça sera
00:42:01la Croix-de-Bernie mais aussi du côté
00:42:03de la prison de Fresnes.
00:42:05La progression va reprendre vers Bourg-la-Reine
00:42:07et à l'entrée de Bourg-la-Reine encore une fois
00:42:09un autre 88 qui vont faire sauter
00:42:11mais le soir arrivant ils vont s'arrêter
00:42:13à la Croix-de-Bernie.
00:42:15Ça, ça signifie qu'au soir du 24 août 1944
00:42:17les objectifs
00:42:19qui étaient de rentrer dans Paris sont pas atteints.
00:42:21Absolument.
00:42:25Bloqué à l'entrée de Bourg-la-Reine,
00:42:27le général Leclerc piétine d'impatience.
00:42:29Avisant le capitaine Raymond Drone
00:42:31qui passe à sa hauteur,
00:42:33il l'interpelle.
00:42:37Le 24 août au soir,
00:42:39le général Leclerc décide d'envoyer le capitaine Drone
00:42:41dans Paris mais qu'est-ce qu'il lui dit exactement ?
00:42:43Il lui dit de foncer sur Paris,
00:42:45de pas se laisser accrocher et d'entrer dans Paris
00:42:47et de prévenir les parisiens que toute la division
00:42:49sera demain matin dans Paris.
00:42:51Ce que je te propose, c'est de refaire le chemin
00:42:53du capitaine Drone à bord de ce
00:42:55halftrack. Extra.
00:42:57Par contre, il s'appelle le
00:42:59Guadalajara, il y a un drapeau qui est un drapeau
00:43:01républicain sur le côté, pour quelles
00:43:03raisons ?
00:43:05A la formation de la 2e DB à Temara au Maroc,
00:43:07beaucoup d'espagnols, de républicains
00:43:09espagnols vont venir rejoindre l'armée française
00:43:11pour continuer le combat contre les nazis.
00:43:13Et justement, la 9e compagnie,
00:43:15elle est formée d'espagnols, environ 140 à
00:43:17150 espagnols,
00:43:19d'où son nom, Nueve, et non pas 9e compagnie.
00:43:21Entonces, adelante !
00:43:23Allons-y !
00:43:31A 20h, le
00:43:3324 août 1944,
00:43:35Drone quitte le centre d'Antony.
00:43:39Le détachement est
00:43:41composé de 200 hommes environ,
00:43:432 sections d'infanterie, 3 chars Sherman,
00:43:45le Romy, le Montmirail et le
00:43:47Champ-Auber, et une section du génie.
00:43:49Les 2 sections d'infanterie
00:43:51sont portées par 12 halftracks,
00:43:53le 1er véhicule de transport de troupes de
00:43:55l'armée américaine, à être utilisé
00:43:57en opération.
00:44:09Guidé par un jeune homme, Georges Chevalier,
00:44:11le détachement drone dépasse
00:44:13l'Île-et-Rose, Cachan, Arcueil et
00:44:15le fort de Bicêtre.
00:44:17A 20h45,
00:44:19il entre dans Paris par la porte d'Italie.
00:44:23Après avoir cru à l'arrivée de renforts allemands
00:44:25puis de troupes américaines,
00:44:27les parisiens se ruent sur ceux qu'ils appellent
00:44:29affectueusement les Français de l'Auclair.
00:44:31L'accueil est frénétique.
00:44:35La petite troupe est submergée
00:44:37par une foule difficile à écarter.
00:44:39Bientôt,
00:44:41les blindés remontent l'avenue d'Italie,
00:44:43descendent le boulevard de l'hôpital,
00:44:45franchissent le pont d'Austerlitz,
00:44:47longent le quai Henri IV
00:44:49et atteignent enfin
00:44:51l'hôtel de ville à 21h22.
00:44:55Le capitaine drone
00:44:57dispose aussitôt ses forces sur le parvis
00:44:59prêt à repousser une attaque allemande
00:45:01et s'empresse de saluer l'état-major
00:45:03du Conseil National de la Résistance.
00:45:05A 22h30,
00:45:07les cloches de toutes les églises
00:45:09se mettent à sonner.
00:45:11A quelques kilomètres de là,
00:45:13Leclerc apprend ainsi que son capitaine
00:45:15a rempli sa mission.
00:45:17Appuyé par les résistants,
00:45:19français et américains s'apprêtent
00:45:21à livrer bataille au cœur de Paris.
00:45:29Le vendredi 25 août,
00:45:31un soleil estival brille
00:45:33sur la région parisienne.
00:45:35Le plan du général Leclerc est simple
00:45:37et efficace, il a pour principal
00:45:39objectif de faire rapidement capituler
00:45:41le commandant du Grosse Paris.
00:45:43En clair, couper la tête du dispositif
00:45:45allemand.
00:45:49La 4ème division américaine
00:45:51nettoiera l'est de la capitale suivant une ligne
00:45:53Porte d'Italie-Bastille.
00:45:55Partie de freine, le groupement tactique
00:45:57Biote devra s'emparer du jardin du Luxembourg,
00:45:59des Tuileries et de l'hôtel Meurisse.
00:46:01Leclerc, accompagné de son escadron
00:46:03de protection, prendra un raccourci pour
00:46:05atteindre la place d'Enfer-Rochereau.
00:46:07Le groupement Duo, par la porte
00:46:09d'Orléans, devra aller contrôler la
00:46:11Chambre des députés, les Invalides,
00:46:13le ministère des Affaires étrangères, l'école
00:46:15militaire de façon à boucler les débouchés
00:46:17au sud de la place de la Concorde.
00:46:19Le groupement Langlade, arrivant
00:46:21par la porte de Saint-Cloud, devra
00:46:23sécuriser le pont de la Concorde pour atteindre
00:46:25la place de l'Etoile, faire tomber l'hôtel
00:46:27majestique et boucler l'avenue
00:46:29des Champs-Elysées.
00:46:31Les blindés de la 2ème DB devront s'emparer
00:46:33de la Tour Eiffel, sécuriser le champ de Mars
00:46:35et obtenir la reddition de l'école militaire.
00:46:37Ce ne sera pas une mince affaire.
00:46:43Engagé dans les forces
00:46:45françaises libres dès juin 1940,
00:46:47Fred Moore était lieutenant
00:46:49au régiment de marche de Spahis marocains.
00:46:51Grand chancelier de l'Ordre
00:46:53des Compagnons de la Libération,
00:46:55il se souvient très bien de ces heures fiévreuses
00:46:57qui ont pour lui une résonance particulière.
00:47:27C'était pas ma mission, ma mission
00:47:29c'est de l'attaquer par devant
00:47:31et puis de faire en sorte que l'ennemi
00:47:33se taise s'il y en a.
00:47:35Vous m'avez dit qu'il y avait des traces sur la façade
00:47:37des combats, il y a encore des traces sur la façade
00:47:39de l'école militaire
00:47:41des combats qui ont eu lieu ce jour-là ?
00:47:43Ah mais bien sûr !
00:47:45Et vous pouvez me les montrer ?
00:47:47Oh là, je ne les ai pas comptés,
00:47:49mais je peux vous les montrer facilement.
00:47:51Je vous propose mon bras
00:47:53et on y va ensemble.
00:47:55Et vous pour autant ?
00:47:57Non mais bon, ça va.
00:47:59Pour moi ça va alors, on y va.
00:48:11Vous voyez, maintenant qu'on approche,
00:48:13ça c'est un impact de 37.
00:48:15D'accord.
00:48:17Vous, vous êtes capable de reconnaître le calibre en plus ?
00:48:19Oui, je sais bien.
00:48:21Vous voyez, ça aussi c'est du 37.
00:48:27Là, pratiquement,
00:48:29je pense que ce n'est pas du tout du 37.
00:48:31C'est très probablement
00:48:35la mitrailleuse.
00:48:37Il y en a beaucoup.
00:48:39Ici, ça a dû tirer pas mal.
00:48:41Ça c'est de votre côté.
00:48:43En plus de ça, ça c'était de votre côté.
00:48:45C'est de mon côté, oui.
00:48:47Comme il est arrivé juste sur la pointe,
00:48:49ça a éclaté la raie.
00:48:51Vous êtes pleinement responsable des trous qui sont ici,
00:48:53mon colonel ?
00:48:55Absolument.
00:49:01Extrêmement violents,
00:49:03les combats ont aussi laissé des traces
00:49:05à l'intérieur du bâtiment,
00:49:07en particulier dans la bibliothèque.
00:49:11Donc là, nous sommes au rez-de-chaussée
00:49:13de l'école militaire,
00:49:15le 25 août 1943.
00:49:17Il y a des combats très violents.
00:49:19On a vu les impacts à l'extérieur.
00:49:21Et la bibliothèque,
00:49:23elle a été également impactée.
00:49:25Elle était au milieu des combats.
00:49:27Oui, les Allemands ont occupé cette bibliothèque.
00:49:29Et donc, les Allemands avaient protégé
00:49:31les fenêtres avec des sacs de sable
00:49:33ou de terre
00:49:35et avaient complété avec des livres.
00:49:37Vous voulez dire que dans les embrasures,
00:49:39en fait, ils ont calé des ouvrages
00:49:41pour se protéger ?
00:49:43Exactement.
00:49:45Et c'est ça que vous avez découvert, vous,
00:49:47quand vous restaurez les livres,
00:49:49vous découvrez régulièrement
00:49:51les cicatrices, finalement.
00:49:53Des combats,
00:49:55avec les balles qui venaient de l'extérieur.
00:49:57Et vous en avez donc
00:49:59des exemples particuliers.
00:50:01Nous avons retrouvé dans les magasins
00:50:03et dans les vitrines un certain nombre de livres
00:50:05avec des impacts de balles.
00:50:07Certains ont été vraiment ravagés.
00:50:09Oui, c'est un impact par le dos.
00:50:11Récemment, j'ai été attiré
00:50:13par une boîte de conservation
00:50:15où on met les livres
00:50:17brochés, qui sont fragiles.
00:50:19Et j'ai été attiré
00:50:21par ce trou.
00:50:23J'ai ouvert la boîte
00:50:25et le trou continuait
00:50:27dans un livre broché.
00:50:29Bien sûr, j'ai ouvert.
00:50:31Effectivement, le livre a été troué
00:50:33complètement.
00:50:35Et j'ai trouvé cette balle
00:50:37qui était arrêtée
00:50:39dans sa course.
00:50:41Elle a traversé le couvercle de la boîte
00:50:43et elle a arrêté sa course
00:50:45directement dans cet ouvrage.
00:50:47Et pendant 70 ans,
00:50:49le livre n'avait pas été ouvert.
00:50:51Et c'est vous qui l'avez réouvert 70 ans plus tard,
00:50:5370 ans après la libération
00:50:55de l'école militaire.
00:50:57Les livres ont aussi été les victimes
00:50:59de la guerre, finalement.
00:51:03Ce n'est pas une bataille de rue,
00:51:05mais une guerre de sièges
00:51:07que mènent les hommes du général Leclerc.
00:51:09Après 1h30 de combat,
00:51:11les 200 prisonniers allemands
00:51:13de l'école militaire sont rassemblés
00:51:15dans le kiosque à musique du Champ de Mars.
00:51:17La foule est hostile,
00:51:19haineuse, prête à lyncher
00:51:21les anciens occupants qui ont osé résister.
00:51:23Les furieux combats
00:51:25accompagnant la chute de l'école militaire
00:51:27sont symptomatiques de ce qui va se produire
00:51:29aux quatre coins de la capitale.
00:51:33L'Orange était au centre d'entraînement
00:51:35en zone urbaine de l'armée française
00:51:37et de l'armée française.
00:51:39En règle générale, pour prendre une ville,
00:51:41il fallait que les assaillants soient
00:51:438 à 10 fois plus nombreux que les défenseurs.
00:51:45Or, ce n'est pas ce qui s'est passé à Paris,
00:51:47puisque la 2e DB ne comptait pas
00:51:49200 000 hommes.
00:51:51Est-ce que la grande réussite
00:51:53de l'insurrection et des résistants
00:51:55n'est pas d'avoir obligé les Allemands
00:51:57à s'enfermer dans des points fortifiés
00:51:59comme les Invalides ?
00:52:01Absolument. La grosse réussite
00:52:03de cette insurrection, c'est d'avoir forcé
00:52:05des résistances bien précises
00:52:07et ainsi permettre à la 2e DB
00:52:09de mieux cibler les endroits à faire tomber.
00:52:15Si la garnison allemande des Invalides
00:52:17se rend à 10h du matin,
00:52:19les hommes de la 2e DB livrent
00:52:21de violents combats devant le palais Bourbon
00:52:23et le quai d'Orsay.
00:52:27Il y a eu des combats tout autour
00:52:29du ministère des Affaires étrangères.
00:52:31Effectivement, on est toujours
00:52:33dans le secteur du groupement Tactic Dio.
00:52:35Pour l'attaque du ministère des Affaires étrangères,
00:52:37il y a une colonne de chars
00:52:39appuyée par des soldats du RMT
00:52:41qui vont arriver par cette rue-ci.
00:52:43Les soldats vont en premier temps
00:52:45longer les bâtiments qui sont là.
00:52:47Après, ils vont se rabattre sous les arbres
00:52:49pour être mieux protégés,
00:52:51pour pouvoir tirer sur le ministère
00:52:53des Affaires étrangères.
00:52:55Qui est là-bas.
00:53:03Ici, les fantassins étaient
00:53:05sous le couvert des arbres derrière nous
00:53:07et ils tiraient sur le ministère
00:53:09des Affaires étrangères qui se trouve là.
00:53:11Il y a les fantassins de chaque côté,
00:53:13derrière les arbres, ça tirait vers les fenêtres
00:53:15et les Allemands, depuis les fenêtres,
00:53:17tiraient vers les soldats de la 2e DB.
00:53:19Ici, ça tiraillait de partout.
00:53:21Dans tous les sens.
00:53:27Pendant que les fantassins tiraient sur les fenêtres,
00:53:29les chars ont progressé.
00:53:31Il y en a un qui a défoncé la porte qui était là.
00:53:33A l'époque, il n'y avait pas de parpaing,
00:53:35il n'y avait pas de grille.
00:53:37Il y en a un autre qui est allé plus loin là-bas,
00:53:39qui s'est posté perpendiculairement
00:53:41à l'avenue et à ce moment-là, lui,
00:53:43il s'est pris un coup de Panzerfaust.
00:53:45Les 5 membres de l'équipage ont réussi à s'échapper
00:53:47avec des brûlures et quelques contusions.
00:53:49Mais ils étaient indemnes ?
00:53:51Tout à fait, ils étaient indemnes, oui.
00:53:53Rue des Archives,
00:53:55le capitaine Drone et ses soldats vont devoir lutter
00:53:57pour s'emparer du central téléphonique
00:53:59que les Allemands menacent de faire en sauter.
00:54:05Près de la place de l'Etoile,
00:54:07le groupement de l'Anglade attaque l'hôtel Majestic,
00:54:09dont la garnison se rendra au colonel Massu.
00:54:23Parfois, quelques chars allemands osent sortir
00:54:25de leur point d'appui sans être accompagnés
00:54:27de fantassins pour les protéger.
00:54:29C'est le cas au jardin du Luxembourg
00:54:31où un panthère est détruit rue de Médicis.
00:54:35Des chars allemands stationnés dans les jardins
00:54:37des Tuileries s'offrent également
00:54:39une macabre charge.
00:54:43Les Allemands, les Allemands
00:54:45viennent de tirer sur la foule qui entoure les chars
00:54:47depuis la place de la Concorde.
00:54:49On a senti le souffle de l'ombu sur le radar.
00:54:53Les gens, maintenant, sont touchés.
00:54:55Les gens sont touchés.
00:54:57Ils sont touchés d'ailleurs avec beaucoup de panneaux
00:54:59au milieu de l'avenue Champs-Elysées.
00:55:01Il y a des bicyclettes abandonnées qui jonchent l'avenue.
00:55:03Oui, il y a un pompier là-bas.
00:55:05Vous voyez, le pompier, il est touché sûrement.
00:55:07Il est touché, oui.
00:55:09Ce camarade le traîne.
00:55:11Sa jambe, sa jambe, qui reste au milieu de la santé.
00:55:13Il continue à tirer.
00:55:15Ce camarade le traîne.
00:55:17Il y a des blessés.
00:55:19Il y a des morts.
00:55:21Ils agitent leur drapeau.
00:55:23Le 25 août 1944,
00:55:25la place de la Concorde a été le théâtre
00:55:27d'un combat de chars.
00:55:29Juste à cet endroit-là, il y a un panthère
00:55:31qui était stationné en face des Champs-Elysées.
00:55:33Il s'est fait descendre par des blindés
00:55:35de la 2e DB.
00:55:37Ce panthère faisait partie d'une section
00:55:39de 5 chars qui se trouvaient stationnés
00:55:41dans le jardin des Tuileries.
00:55:43...
00:55:49Il y avait donc 2 panthères
00:55:51qui étaient à droite côté Seine
00:55:53et il y en avait 2 autres qui étaient côté gauche,
00:55:55côté Rivoli.
00:55:57Mais pourquoi avoir mis autant de chars
00:55:59dans un si petit espace ?
00:56:01Tout simplement pour protéger Von Schultlitz
00:56:03qui avait pris ces quartiers dans l'hôtel Meurisse,
00:56:05justement, rue de Rivoli, qui se trouve là.
00:56:07Ici-même ?
00:56:09Ici-même.
00:56:113 chars panthères et une vingtaine de camions
00:56:13ont été détruits.
00:56:15160 véhicules et 350 hommes ont été capturés.
00:56:17À 11h du matin,
00:56:19le colonel Billotte avait envoyé
00:56:21un ultimatum au commandant du Grosse Paris.
00:56:23Mais Von Schultlitz ne veut pas
00:56:25se rendre sans un baroud d'honneur.
00:56:27Il va falloir combattre.
00:56:29Billotte attaque l'hôtel Meurisse
00:56:31à 14h.
00:56:33Après de violents combats,
00:56:35durant lesquels la 2e DB perd 5 hommes,
00:56:37le Meurisse tombe enfin.
00:56:39À 12h40,
00:56:41la commandante Tour,
00:56:43siègeant à l'Opéra Garnier,
00:56:45tombe également.
00:56:53À 15h45,
00:56:55à la préfecture de police,
00:56:57le général Leclerc reçoit la reddition
00:56:59du général Von Schultlitz.
00:57:01Aussitôt après la signature,
00:57:03les 2 hommes se rendent au PC de Leclerc,
00:57:05gare Montparnasse,
00:57:07à l'hôtel Meurisse.
00:57:11Des missions mixtes parlementaires
00:57:13chargées d'appliquer la reddition sont constituées.
00:57:17Elles comportent un officier
00:57:19de la 2e DB,
00:57:21un officier allemand et généralement
00:57:23un officier des FFI.
00:57:25À partir de 16h30,
00:57:27ce 25 août 1944,
00:57:29les émissaires portent l'ordre
00:57:31de cesser le feu vers les lieux
00:57:33où les combats se poursuivent.
00:57:37Le 26 août,
00:57:39le général de Gaulle
00:57:41est à l'arc de triomphe pour réanimer
00:57:43la flamme du soldat inconnu.
00:57:45Les parisiens sont sortis de chez eux en masse.
00:57:47C'est la grande fête
00:57:49de l'opportunisme, car il y a là
00:57:51plus d'attentistes que de résistants véritables.
00:57:57Malgré la capitulation de Von Schultlitz,
00:57:59les allemands n'ont pas encore
00:58:01renoncé.
00:58:03Dans la nuit du 26 au 27 août,
00:58:05l'aviation allemande lance sa dernière
00:58:07opération d'envergure en France.
00:58:09108 appareils de la Luftwaffe
00:58:11bombardent Paris.
00:58:139 arrondissements ainsi que
00:58:15plusieurs communes de la proche banlieue sont touchées.
00:58:17Le bilan
00:58:19est dramatique.
00:58:21189 victimes, 890
00:58:23blessés et 372
00:58:25immeubles détruits.
00:58:27La bataille pour Paris
00:58:29aura fait plus de 6000 morts,
00:58:31résistants, civils, soldats
00:58:33alliés ou allemands.
00:58:35Français et américains
00:58:37devront encore se battre pour sécuriser le nord de la capitale.
00:58:39Le bombardement de Paris
00:58:41par la Luftwaffe et la résistance
00:58:43acharnée des soldats de la Wehrmacht révèlent
00:58:45bien l'état d'esprit des allemands
00:58:47en cette fin du mois d'août.
00:58:49Certes, Paris n'est pas un champ de ruines
00:58:51comme le voulait le Führer, mais les généraux
00:58:53du Reich tenteront jusqu'au bout
00:58:55de retenir l'avancée des alliés.
00:58:59Le 29 août 1944,
00:59:01les GIs de la 28e
00:59:03division d'infanterie américaine défilent
00:59:05sur les Champs-Elysées.
00:59:07À bien y regarder,
00:59:09ce n'est pas une parade classique
00:59:11à laquelle assistent les Parisiens.
00:59:13Les hommes sont alignés en blocs
00:59:15compacts, ils constituent une masse
00:59:17incroyablement dense.
00:59:21Chaque soldat a le fusil à l'épaule,
00:59:23baïonnette au canon, le sac sur le dos.
00:59:27Ils ne défilent pas,
00:59:29ils marchent.
00:59:31Ce n'est pas une parade, mais bel et bien
00:59:33une montée en ligne.
00:59:35Ces hommes vont au front.
00:59:39Bien d'autres batailles vont avoir lieu en France
00:59:41avant d'atteindre Strasbourg
00:59:43et les bords du Rhin.
00:59:45Berlin ne tombera qu'au mois de mai 1945.
00:59:47La seconde guerre mondiale
00:59:49est bien loin d'être terminée.