Isild Le Besco présente son livre Dire Vrai, publié aux éditions Denoël dans lequel elle revient sur les violences qu'elle a subi. Elle évoque sa relation avec Benoit Jacquot lorsqu'elle avait 16 ans, une relation ponctuée de violences physiques et morales. Des accusations que le cinéaste réfute.
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00:00 qui s'appelle « Dire vrai » publié aux éditions de Noël.
00:02 Bonjour et bienvenue à vous.
00:03 Bonjour Isilde Lebesco, merci de nous accorder cette interview.
00:07 Dans votre livre qu'on a juste ici,
00:09 vous revenez sur les violences que vous avez subies,
00:11 vous mettez des mots sur votre histoire.
00:13 Vous dites notamment « J'ai protégé si longtemps ceux qui m'ont abusé ».
00:17 Vous parlez entre autres de votre relation avec le cinéaste Benoît Jacot.
00:20 Vous aviez 16 ans, il en avait 52.
00:22 Une relation qui dure plusieurs années,
00:24 une relation qui est marquée par des violences physiques et morales.
00:27 C'est ce que vous décrivez.
00:29 Lui réfute ces accusations.
00:31 Vous avez récemment passé une nouvelle étape, si je peux le dire ainsi,
00:34 puisque vous avez annoncé la semaine dernière avoir porté plainte
00:37 contre Benoît Jacot alors que jusqu'à maintenant, vous vous y refusiez.
00:41 Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ?
00:44 Alors ce livre, on parle beaucoup des agressions, des abîmes,
00:50 mais en fait, ça parle surtout d'une femme qui reprend le pouvoir sur soi.
00:55 Et porter plainte, je ne savais pas si j'aurais le courage d'y aller
01:04 et de porter ma voix à la justice,
01:08 parce que je sais que c'est la justice qui choque et rechoque souvent les femmes.
01:13 Mais voilà, je pense que j'ai été tellement renforcée
01:17 par tous les gens qui m'ont entourée ces derniers temps
01:21 que j'ai passé le pas pour parler surtout de...
01:31 et pour exprimer le fait qu'on peut être,
01:34 peut-être pas réparée, mais en tout cas heureuse et reprendre le pouvoir sur soi.
01:38 C'était important pour moi de valider mon émotion aussi par la justice,
01:43 même si on peut la craindre.
01:47 Et voilà, rejoindre cette norme.
01:49 Vous avez donc trouvé ce courage grâce, notamment, vous le disiez,
01:52 au soutien de nombreuses personnes.
01:54 Vous disiez il y a quelque temps, dans un entretien à Libération,
01:56 il faut respecter le rythme des victimes.
01:59 C'est-à-dire que vous, là, vous avez trouvé que pour vous,
02:01 et avec ce courage, c'était le bon moment ?
02:04 C'était le bon moment, mais j'ai évidemment été absolument aidée,
02:07 poussée, si je puis dire, par tout ce qui s'est passé.
02:09 Je ne pense pas que sinon, j'aurais fait le pas.
02:14 Le rythme est tout à fait différent pour chacun.
02:16 On peut parfois rester une vie dans la tessiture, si je puis dire,
02:22 ou dans le silence.
02:25 Une vie à réaliser, à ne pas forcément réussir à prendre le pouvoir,
02:28 en quelque sorte, notamment en déposant plainte, c'est ça ?
02:31 Oui, à valider ses émotions.
02:32 On a tellement appris à être écrasé et à être nommé comme hystérique,
02:37 qu'on n'a pas l'habitude de valider ses émotions.
02:40 Or, je crois que ça passe par là.
02:43 Une société plus douce, plus équilibrée,
02:45 des rapports amoureux et de couple plus équilibrés,
02:49 parce que les femmes valident ce qu'elles ressentent.
02:52 Vous en attendez quoi de la justice après ce dépôt de plainte ?
02:56 Moi, je n'en attends rien et j'aurais plutôt envie d'inviter
02:59 les femmes qui osent passer le cap à n'en attendre rien
03:03 et le faire pour elles et pour avancer les choses.
03:07 Mais ce n'est pas elles qui réparent.
03:09 En fait, on a trop l'impression qu'en allant à la justice,
03:12 on va avoir réparation, mais non.
03:14 Elle peut être décevante, la justice aussi, c'est ça que vous dites ?
03:17 Elle est pratiquement toujours décevante,
03:18 puisque même quand on a la chance de faire partie des gens
03:21 qui vont avoir un jugement favorable et une condamnation,
03:25 elle est minime par rapport à la destruction qu'a une femme,
03:29 je dirais une enfant qui s'est fait violer par son père, par exemple,
03:33 et son père peut avoir deux, trois ans de condamnation.
03:37 Qu'est-ce que c'est au regard d'une vie entière abîmée, complètement abîmée ?
03:44 Vous parlez, dans votre cas et pour ce qui concerne Benoît Jadko,
03:48 de viol physique, mais aussi de viol de l'esprit.
03:51 Qu'est-ce que ça change ? Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
03:55 C'est quelque chose d'absolument crucial aujourd'hui de comprendre
04:00 qu'il y a des êtres sensibles, des garçons aussi, évidemment,
04:05 et en fait qu'ils peuvent être comme pris, l'esprit, guidés,
04:10 comme télécommandés par quelqu'un.
04:13 Et ça va, les techniques aujourd'hui sont assez connues.
04:17 On fait le chaud, tu es belle, mais t'es bizarre en même temps,
04:21 tes cheveux, je sais pas, ils sont de quelle couleur originellement ?
04:25 Enfin, plein, mais je les trouve super beaux.
04:28 Donc, toujours en fait, faire le chaud et le froid fait que...
04:31 - Une manipulation. - Oui, enfin oui.
04:34 Et puis de dire aussi, "Ah, mais tu te sentais pas bien, en fait,
04:38 j'ai vu que ça allait pas."
04:40 Enfin, de vraiment mettre ses paroles,
04:43 et c'est quelque chose qui marche sur beaucoup, beaucoup, beaucoup de femmes,
04:47 aussi fortes qu'elles soient.
04:48 Et moi, je parle aujourd'hui parce que je suis une femme très forte,
04:51 j'ai toujours produit mes films depuis l'âge de 17 ans,
04:54 et pourtant, j'ai vécu en prise, sous emprise,
04:59 par des hommes qui ont décidé de prendre le contrôle sur moi,
05:01 et je suis mal tombée, c'est pas que j'étais fragile,
05:04 et c'est très important parce que les femmes qui vivent dans ces situations
05:07 se sentent fragiles et culpabilisent elles-mêmes d'avoir été dans ces situations.
05:11 Or, on est toutes, en fait, possiblement dans ces situations.
05:16 Vous avez vu rejaillir, vous, en à peine quelques mois,
05:19 de nombreux traumatismes.
05:21 On a expliqué votre livre,
05:23 on a expliqué votre dépôt de plainte ces derniers jours.
05:25 Comment est-ce que vous vivez personnellement tous ces changements ?
05:29 Bah, je les vis plutôt bien parce que j'ai la chance de pouvoir les dire,
05:32 de pouvoir être écoutée, parce qu'elles ont quand même été beaucoup digérées,
05:36 et c'est pour ça que je peux en parler de manière pas trop dramatique,
05:41 et c'est ce qui fait que c'est audible.
05:44 Ce qui est difficile, c'est d'écouter ceux qui les vivent à l'instant T,
05:48 parce que c'est dur à écouter, à réceptionner des paroles douloureuses.
05:53 On va regarder ensemble une image qui va s'afficher juste ici,
05:57 image marquante du festival de Cannes.
05:59 On voit l'actrice et la réalisatrice Judith Godrej,
06:02 qui a aussi porté plainte contre Benoît Jacot.
06:04 Elle a foulé le tapis rouge avec l'équipe de son film, "Moi aussi",
06:07 avec Rokhaya Diallo également,
06:08 et ils ont eu ce geste main sur la bouche qu'on vient de voir,
06:11 symbole du silence imposé aux victimes de violences sexuelles.
06:15 Quand vous avez vu ces images-là, comment vous avez réagi ?
06:18 Comment vous les avez reçues, ces images ?
06:21 Elles sont fortes, parce qu'elles parlent comme c'était avant,
06:26 mais aujourd'hui j'ai envie d'inviter plutôt à ouvrir la parole
06:30 et à valider, encore une fois, je vous répète ce mot,
06:34 valider l'émotion des femmes et qu'elles puissent l'exprimer
06:38 et que ça puisse être réceptionné.
06:39 Et que tous les corps de métier, de la justice,
06:42 de l'aide éducative, des écoles,
06:45 que tous ces gens-là apprennent et s'éduquent
06:48 sur la réception de ces paroles,
06:49 c'est absolument crucial pour tenter de rendre
06:54 plus d'harmonie dans les rapports humains.
06:58 Merci, merci beaucoup Isile de Lebesgueau pour votre témoignage.
07:01 Je rappelle le titre de votre livre,
07:03 « Dire vrai », c'est un récit autobiographique
07:05 qu'il faut mettre entre toutes les mains.
07:06 Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
07:08 Merci à vous.