C’est un des gros points noirs des années Macron : le sentiment de déclassement des classes moyennes persiste ou s’approfondit, en dépit du coup de semonce de la crise des gilets jaunes. C’est ce que révélait entre autres une enquête de l’institut Jean Jaurès publiée en novembre 2023. Ce sentiment qui comporte de multiples facettes est difficile à objectiver. Il recouvre d’abord la perte de confiance concernant le destin des générations futures. [...]
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00:09 C'est un des gros points noirs des années Macron.
00:11 Le sentiment de déclassement des classes moyennes persiste ou s'approfondit,
00:16 en dépit du coup de semence de la crise des gilets jaunes.
00:20 C'est ce que révélait entre autres une enquête de la Fondation Jean Jaurès publiée en novembre 2023.
00:26 C'est un sentiment qui comporte de multiples facettes et difficile à objectiver.
00:31 Il recouvre d'abord la perte de confiance concernant le destin des générations futures,
00:36 le sentiment de plus en plus prégnant que les enfants ne bénéficieront ni de l'ascenseur social
00:42 ni d'un bien-être supérieur à celui de leurs parents.
00:46 Il recouvre aussi un sentiment plus diffus d'une dégradation du statut social de chacun,
00:51 sentiment de détérioration des conditions de vie par rapport aux parents,
00:55 de perte de reconnaissance des métiers, de risque de trajectoire descendante du point de vue des revenus.
01:02 Et ce sentiment larvé de déclassement est au cœur de la bascule vers les extrêmes du corps social.
01:08 Sur le papier, le bilan d'Emmanuel Macron est pourtant plutôt favorable du point de vue de l'emploi.
01:14 Et l'on aurait pu penser que le reflux du risque de basculer dans le chômage,
01:18 l'accélération des embauches agiraient de façon décisive sur la peur du déclassement.
01:24 Notamment dans un pays où le chômage de masse était le sujet de préoccupations centrales,
01:29 d'autant plus anxiogènes qu'ils s'enquistaient en chômage de longue durée.
01:34 On aurait pu penser également que la montée en puissance de l'apprentissage,
01:38 qui a fluidifié la transition des études à l'emploi pour les plus jeunes,
01:42 atténuerait la peur du déclassement intergénérationnel.
01:46 Idem concernant la forte poussée des emplois cadres dans le sillage de l'explosion du numérique.
01:53 Côté revenus, les chiffres officiels signalent une robustesse du pouvoir d'achat
01:58 en dépit de l'accès de fièvre inflationniste.
02:01 D'où vient alors cet approfondissement du sentiment de déclassement ?
02:05 D'abord du récent épisode inflationniste.
02:07 Ce dernier a intensifié les comportements de renonciation à certaines dépenses et certaines marques,
02:14 favorisant un repli sur le hard discount.
02:17 Le fait que l'alimentaire est constitué l'un des principaux postes d'ajustement
02:21 dans toutes les strates de la société est symboliquement très puissant.
02:27 Le mandat Macron est ensuite marqué par une autre tendance lourde,
02:30 le phénomène de smicardisation,
02:33 qui contribue très largement au sentiment de déclassement des classes moyennes inférieures.
02:38 Le salaire n'est certes qu'une composante du niveau de vie des ménages,
02:42 mais c'est en termes de perception un élément décisif.
02:46 Et si le pouvoir d'achat du smic a bien été protégé de l'érosion inflationniste,
02:50 entre fin 2019 et fin 2023,
02:53 les salaires immédiatement au-dessus n'ont pas suivi la cadence,
02:57 s'ajustant avec retard et de façon incomplète,
03:00 que ce soit pour les ouvriers, employés ou pour les professions intermédiaires.
03:04 Avec deux conséquences, une perte du pouvoir d'achat des salaires dans le bas de la distribution
03:10 et un gonflement de la part des salariés rattrapés par le smic.
03:14 La cause principale est bien connue, la forte pente d'augmentation des cotisations sociales
03:19 désincite les employeurs à augmenter les salaires au-delà du smic,
03:24 ce qui écrase le rapport entre le salaire médian et minimum.
03:28 A cela s'ajoutent les retombées décalées des choix fiscaux du premier mandat.
03:33 L'évolution du revenu disponible des ménages a suivi une courbe ennue entre 2021 et 2023.
03:39 Le premier décile a bénéficié plus fortement que les déciles supérieurs de l'indexation du smic et du minima.
03:47 Et les ménages les plus riches ont profité à plein de la forte augmentation des revenus du patrimoine,
03:53 boosté par l'inflation intérêt, dividendes, plus-values et faiblement taxés.
03:59 Plus globalement, l'objectif de plein emploi de Macron a eu un coût social.
04:04 Il a été mené en rognant sur deux grandes assurances notamment.
04:08 Les retraites d'abord, attaquées en début de mandat par un report des cotisations pesant sur le travail sur la CSG,
04:16 puis sur le terrain de la durée de cotisation, installant le sentiment qu'il faut aujourd'hui travailler plus pour gagner moins et moins longtemps en tant que retraité.
04:27 Et ensuite l'assurance chômage, qui a subi de nombreux assauts.
04:31 Le risque de chômage est moindre sous Macron, mais il est aussi moins bien assuré.
04:36 A cela s'ajoute en arrière-plan l'incroyable accélération numérique liée à l'IA,
04:42 qui vient percuter tous les métiers de service avec un fort pouvoir de déstabilisation des professions dites intellectuelles.
04:49 Et face à cela, un appareil éducatif perçu comme dysfonctionnel est de plus en plus sélectif,
04:57 qui au lieu d'être le marche-pied de l'ascenseur social, se transforme de plus en plus tôt en machine à frustration et à exclusion,
05:06 le psychodrame autour de Parcoursup s'en faisant chacaner l'écho.
05:10 In fine, en misant trop sur l'emploi et le ruissellement, Macron a loupé son rendez-vous avec les classes moyennes.
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