Lost In Transition.

  • il y a 3 mois
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00:00Merci beaucoup de m'accueillir, je suis venu vers vous parce que j'ai fait une transition
00:11de genre de fille vers garçon et maintenant j'ai décidé d'arrêter et de retourner
00:16à l'inverse et avoir un peu de pilosité faciale ça dérange.
00:23Vous aviez pris des hormones ? Oui voilà pendant 16 mois.
00:25Que vous avez arrêté là depuis ? Depuis novembre 2020 et c'est vrai qu'au
00:29début ça ne me gênait pas trop parce que du coup j'ai laissé et ça ne me gênait
00:34pas trop mais c'est vrai qu'à force, surtout quand je suis dans des moments où je ne peux
00:37pas forcément me raser, ça me met dans un embarras parce que je commence à vivre en
00:42tant que femme.
00:43Est-ce que vous souhaitez qu'on fasse un petit test sur la machine ?
00:46Oui on peut essayer.
00:47Peut-être ici, là je vois que vous avez un peu de pilosité donc on peut s'installer
00:50et faire un petit test pour se rendre compte un petit peu de la sensation.
00:52Oui, d'accord.
00:53Merci.
00:54Oui, t'inquiète.
00:55Oh ça va.
00:56À 22 ans à peine, Clémentine revient d'un étrange voyage.
01:22Un voyage où elle a exploré l'autre rive du genre.
01:25Pendant plusieurs mois, elle a vécu dans la peau d'un garçon, allant même jusqu'à
01:31changer ses papiers à l'état civil pour devenir Clément.
01:35Et puis un jour, elle reçoit sa nouvelle carte d'identité.
01:39Mais alors qu'elle aurait dû s'en réjouir, tout s'écroule en une fraction de seconde.
01:52On me donne la carte d'identité et je la prends, je la garde dans les mains et je fais
01:56tout le trajet du retour jusqu'à chez moi, de la mairie à chez moi à pied avec ma carte
02:01dans les mains et je ne détache pas le regard.
02:03C'est vraiment mon précieux, c'est mon trésor et j'arrive, je la pose sur mon bureau et
02:10c'est fini.
02:11Tout est là et c'est que ça.
02:16Est-ce que ça valait le coup ?
02:17Je me dis, mais en fait, qu'est-ce que j'ai fait ?
02:21Pendant longtemps, Clémentine s'est crue garçon.
02:33En réalité, la jeune fille fait partie des faux positifs de la transition de genre.
02:40Et aujourd'hui, il lui faut tout recommencer à zéro.
02:44C'est une démarche un peu étrange, je l'admets, mais la lettre du médecin est essentielle
03:06dans le dossier, bien cordialement, Clémentine.
03:16Alors que Clémentine entame de longues démarches pour retrouver son prénom d'origine et la
03:23mention femme sur sa carte d'identité, Karl, 37 ans, célèbre l'anniversaire de son changement
03:30de genre, en compagnie de ses proches, ceux qui l'ont connu sous son ancienne identité.
03:36Est-ce que je trouve sympa ? On peut le dire, parce que t'as gardé Clarisse en deuxième
03:41prénom.
03:42Et d'ailleurs, t'sais qu'on fête les 1 an de l'admé papier, ce soir.
03:45C'est salut, d'ailleurs.
03:46Bah ouais, on va boire un coup dessus, parce qu'en fait, ils voulaient pas, en plus, au
03:50niveau administratif, que je garde le deuxième prénom.
03:52Ça a été une bataille, vous avez pas suivi quand on était loin.
03:55Parce qu'il fallait pour eux que tu masculinises complètement l'identité.
03:58Ouais, ils voulaient pas que je garde deux prénoms féminins, en fait.
04:01Tu m'as vrillé, toi ?
04:03Karl a dû insister pour garder son prénom d'origine, un choix auquel il tenait, car
04:09ce double patronyme témoigne de son parcours.
04:12Je suis allé jusqu'au procureur, j'ai dit mais attendez, faut que vous me gardiez les
04:16deux prénoms, vous m'en enlevez pas un, au profit de l'autre, faut que j'ai les deux,
04:19quoi.
04:20Ça fait pas ça, ça arrive que tu le gardes, parce que ça fait partie de toi.
04:22Bah, puis moi, je voulais que ce soit fait comme ça.
04:24Je dis, moi, j'ai quand même 15 ans ou 17 ans de fiche de paye, j'ai toute une identité
04:29avec des papiers de 17 ans avec Larisse.
04:32Je comprends, tu vois, pour des plus jeunes qui ont une vingtaine d'années, que ce soit
04:36vachement important de faire une rupture franche, mais c'est pas mon parcours de vie à moi,
04:39en fait.
04:40Mon besoin de transition, il est arrivé à l'âge adulte.
04:44Du coup, je suis ce qu'on appelle un transitionneur tardif.
04:47J'ai transitionné à 36 ans, et le chemin m'a mis à peu près une dizaine d'années
04:53entre le moment où je commence à me poser des questions, est-ce que c'est vraiment
04:57le genre dans lequel je me sens bien, et la finalité, il m'aura fallu, ouais, quasiment
05:02dix années entre les deux périodes, quoi.
05:06Mais une fois sa décision actée, tout est allé très vite pour Karl.
05:12Injection, mammectomie, carte d'identité, il y aura fallu moins d'un an pour boucler
05:18la boucle.
05:20Je fais tout mon suivi dans le privé ou hors des parcours classiques, parce que l'autre
05:26truc qui moi me tenait à cœur, c'est que pour le coup, comme j'avais maturé, j'avais
05:2937 ans, il m'était psychologiquement impensable que ce soit un psychologue ou un psychiatre
05:35qui vienne me donner un papier attestant que j'avais le droit de faire ou pas faire quelque
05:39chose avec mon corps.
05:40Autant je comprends que des problématiques se posent parfois pour des plus jeunes, autant
05:44pour moi, arrivé à ce stade-là de ma vie, il était inenvisageable intellectuellement
05:49que ce soit un médecin qui acte ce que j'avais le droit de faire ou pas, quoi.
06:04Karl, Clémentine, deux trajectoires très différentes, mais des points communs troublants.
06:09Tous deux sont nés de sexe féminin, tous deux ont effectué une transition de genre
06:14en quelques mois à peine.
06:15Mais Karl avait 36 ans au moment de sauter le pas et Clémentine 17.
06:21Était-elle trop jeune ? Est-ce qu'elle s'allait trop vite ? Et surtout, pourquoi a-t-elle
06:26cru qu'elle était un garçon piégé dans un corps de fille ?
06:35Depuis le milieu des années 2010, le monde occidental assiste à une explosion des demandes
06:40de transition de genre chez les jeunes.
06:44En 2019, 800 enfants étaient suivis sur la seule ville de Paris, alors qu'il n'étaient
06:49que trois en 2013.
06:50Et aujourd'hui, bien qu'une dizaine de consultations dédiées aient ouvert en France,
06:56les listes d'attente s'allongent un peu plus chaque année.
06:58Mais parmi tous ces jeunes, certains regrettent leur parcours.
07:03On les appelle les « détransitionneurs ».
07:06Quels mécanismes ont pu induire ces ados en erreur ?
07:11Crise de la puberté ? Troubles psychologiques ? Réseaux sociaux ?
07:14Un peu partout en France, mais aussi en Suisse et en Angleterre, nous avons enquêté sur
07:20un phénomène encore émergent, mais qui inquiète de plus en plus de parents et de
07:25professionnels de santé.
07:26J'étais une petite fille très réservée, très calme, peut-être même trop calme,
07:44et je n'avais pas beaucoup d'ennemis.
07:45Je me sentais en décalage parce que je n'étais ni en l'aise avec les filles, je ne parlais
07:50pas avec les filles, je n'aimais pas les choses de filles, je n'aimais pas les jouets
07:53de filles, mais je n'étais pas un garçon non plus, je n'étais pas à l'aise avec
07:56les garçons non plus, forcément à 100%.
07:58On avait une petite bande de garçons, et moi j'étais la seule fille, et peut-être
08:11que j'étais mal à l'aise parce que souvent, parfois, ils me mettaient sur le côté.
08:14Quand on jouait aux jeux vidéo, par exemple, moi je n'avais pas le droit d'avoir la
08:17main à l'aise parce que j'étais la fille, etc., des petites choses comme ça.
08:20Et puis la puberté arrive.
08:27Clémentine se met à haïr les transformations qu'elle constate.
08:32Elle n'habite plus son corps, elle le subit.
08:36Les premiers symptômes de la puberté sont arrivés quand j'étais en sixième, donc
08:41c'était assez tôt.
08:42Et je l'ai assez mal vécu, et puis après, l'apparition des seins, etc., qui se sont
08:48faits dans la foulée, même un peu avant la sixième même.
08:52Enfin même, j'étais très mal à l'aise, je ne mettais pas de soutien-gorge, et dans
08:55les vestiaires, c'était très compliqué de même se confronter au regard des filles.
08:59C'était hyper violent parce que je n'étais pas du tout prête pour être du tout préparé,
09:06et puis surtout qu'on n'en avait jamais parlé.
09:08Je ne savais pas ce que c'étaient les règles, je ne savais pas ce que c'étaient les seins,
09:11et puis j'étais très mal à l'aise, enfin je voulais absolument, dès que mes règles
09:17sont arrivées, j'étais dégoûté, mais vraiment dans le sens, un vrai dégoût.
09:22J'étais vraiment mal à l'aise vis-à-vis de ça.
09:27Clémentine va alors déclencher une dysphorie de genre, c'est-à-dire une inadéquation
09:34entre son corps de fille et le genre masculin auquel elle s'identifie.
09:40Un trouble qui affecte de plus en plus d'adolescents, et plus particulièrement les filles.
09:50Cette mutation de la patientelle trans, Nicolas Théat, gynécologue et endocrinologue à
09:56la retraite, l'a elle-même constatée à la fin de sa carrière.
10:00J'ai reçu pendant plus de dix ans des personnes qui demandaient une transition médicalisée.
10:05Il s'agissait essentiellement d'hommes adultes.
10:08Dans la fin de mon travail avec les trans, c'est-à-dire des années 2015-2018, j'ai
10:16essentiellement rencontré des jeunes, encore adolescents.
10:20Ces jeunes venaient demander une transition médicalisée alors qu'ils avaient dans la
10:25poche un certificat de psychiatre attestant ce qu'on appelle la dysphorie de genre, c'est-à-dire
10:31une dysharmonie entre son identité sexuée et son identité de genre.
10:45On a vu une augmentation majeure de la détérioration de la santé mentale et ce qui est extraordinaire,
10:52c'est que cette situation concerne deux fois plus au moins les filles que les garçons.
10:58Est-ce un hasard ? Partout dans le monde occidental, les filles représentent aujourd'hui près
11:05de 60% des demandes de changement de genre chez les jeunes.
11:09Mais pour le docteur Athéa, il y aurait peut-être un début d'explication.
11:14Ces adolescentes souffrent d'une puberté de plus en plus précoce, en cause, les perturbateurs
11:21endocriniens présents dans l'environnement.
11:25On a assisté à un avancement qu'on a appelé séculaire de l'âge de la puberté, qui
11:30est de 0 à 3 ans tous les 10 ans, qui conduit les filles à être réglées aujourd'hui
11:36en moyenne vers 12 ans et demi et à présenter un bourgeon mammaire, c'est-à-dire des seins
11:43qui poussent, dès l'âge de 10 ou 11 ans.
11:45Cette métamorphose pubertaire, elle fait complètement intrusion dans le monde de l'enfance.
11:55C'est des petites filles, elles ne sont pas du tout prêtes à vivre une sexualisation
12:00de leur corps.
12:01Elles le vivent de façon extrêmement traumatique.
12:05Mais entre mal vivre la métamorphose de son corps et vouloir en changer, il y a un gouffre.
12:13Quels mécanismes peuvent laisser penser certains adolescents qu'ils seraient du genre opposé ?
12:17Pour Clémentine, tout a basculé avec la découverte de la chaîne YouTube d'un ado transgenre,
12:25auquel elle s'est tout de suite identifiée.
12:27Si quelqu'un se sent garçon, que dans sa tête c'est un garçon, qu'il se sent garçon
12:34à l'intérieur et qui est né dans un corps de fille, c'est ça être transgenre, c'est-à-dire
12:41un genre qui diffère de son sexe.
12:43C'était la vidéo que je regardais tout le temps, que je connais par cœur.
12:47C'est vraiment la vidéo qui explique et qui résume ce que c'est la transidentité.
12:52Des vidéos telles que celle-ci, la toile en regorge.
12:56Seule dans sa chambre, Clémentine en a visionné des heures entières.
13:00Au fil des mois, elle finit alors par adhérer à une théorie qui n'a pourtant aucun fondement
13:06scientifique.
13:07En fait, j'ai compris qu'il existait des sexes de cerveau, un cerveau dit de garçon,
13:20un cerveau dit de femme, et parfois ces cerveaux-là pouvaient être échangés de corps.
13:23Et moi, je pensais que mon cerveau était un cerveau de garçon dans un corps de fille,
13:29mais un cerveau de garçon au sens biologique du terme.
13:31Et donc, à partir de ce moment où j'ai compris que ça pouvait être possible, même
13:37s'il n'y avait rien de scientifique, je me suis dit, ça y est, c'est ça, mon mal-être,
13:41c'est ça.
13:42Ce profond mal-être, François en a été témoin.
13:55Pendant deux ans, il a accompagné du mieux qu'il a pu sa fille.
14:00Lou, 15 ans à l'époque, était alors persuadée d'être un garçon.
14:04L'adolescente n'avait pourtant donné aucun signe d'inconfort de genre au préalable.
14:09Elle avait simplement annoncé qu'elle était amoureuse d'une fille de sa classe, un an
14:13auparavant.
14:14On avait une discussion assez sincère et assez, je dirais, assez décontractée sur
14:21la relation qu'elle avait eue avec cette camarade de classe.
14:23Et puis, elle avait compris qu'en fait, il fallait qu'elle vive ce que ses sentiments
14:27lui disaient.
14:28Et soudainement, j'ai trouvé une lettre sur mon bureau qui m'annonçait ce changement
14:36de genre ou l'intention qu'elle avait de changer de genre.
14:41Totalement sidéré par cette annonce, démuni face à la souffrance de son enfant, François
14:48décide alors de prendre rendez-vous à l'hôpital de Genève, où le service de pédopsychiatrie
14:53a ouvert, il y a quelques années, une consultation spécialisée à destination des mineurs
14:58en questionnement de genre.
14:59Ma fille est reçue en tête-à-tête avec le pédiatre pendant une vingtaine de minutes,
15:04et puis après quoi, les parents se sont combiés et on nous dit tout de suite, voilà, votre
15:10enfant présente de la dysphorie de genre.
15:13Dès lors, tout va très vite.
15:15Trois mois après ce premier rendez-vous, l'hôpital de Genève autorise l'adolescente
15:21à entamer un parcours médicalisé en direction du genre masculin.
15:25Donc il s'agit de prendre une décision quant à la médicalisation à vie d'une jeune
15:31fille de 16 ans.
15:32Je suis régulièrement à ma consultation le patient surnommé qui présente une dysphorie
15:38de genre F64, le patient présente une capacité de discernement concernant sa décision de
15:43prendre une hormone de thérapie d'affirmation de genre, il n'y a pas de contraindication
15:47du point de vue psychiatrique à ce qu'il puisse débuter une transition de genre et
15:50qu'il puisse bénéficier d'une opération de mastectomie ainsi qu'une hormone de thérapie
15:53d'affirmation de genre.
15:54Derrière, il n'y a rien.
15:55Il n'y a pas de dossier, il n'y a pas d'évaluation, il n'y a pas d'analyse,
16:00du contexte, quoi que ce soit.
16:03Ce simple document, c'est le passeport pour entamer une transition.
16:08Et si les médecins veulent aller aussi vite, c'est qu'il y a une raison.
16:11Le risque de suicide particulièrement élevé chez les ados transgenres.
16:17Selon certaines études, un tiers de ces ados auraient fait au moins une tentative.
16:22S'il y a effectivement un risque de suicide, on ne pose plus de questions.
16:27Il faut agir vite, il faut agir bien.
16:28On a tiré notre attention deux fois sur le risque suicidaire en nous disant que mieux
16:33valait un garçon vivant qu'une fille morte.
16:35A l'époque, Lou n'était pas suicidaire.
16:39Qu'importe.
16:41Les psychiatres conseillent quand même à François de laisser sa fille vivre sous une
16:46identité de garçon.
16:47Lou a donc expérimenté ce qu'on appelle la transition sociale.
16:53Une première étape destinée à se tester, a priori inoffensive, du moins selon les
16:58médecins qui suivent alors la jeune fille.
17:00C'est un peu un cercle vicieux parce qu'au moment où j'ai commencé à demander aux
17:06gens de m'appeler avec un prénom masculin et de me considérer comme un garçon, je
17:12ne m'en suis pas rendue compte tout de suite, mais je me suis sentie encore plus mal parce
17:15que plus il y avait de gens autour de moi qui me considéraient comme un garçon, plus
17:20ça creusait cette espèce de fossé entre le corps que j'avais, qui biologiquement
17:26parlant est un corps de femme, et la façon dont les autres me considéraient et me voyaient.
17:32Et donc, c'était extrêmement douloureux et c'était aussi à cause de ça que je me
17:37disais, mais une fois que j'aurai transitionné, ça ira mieux parce que mon corps collera
17:40avec ce que je me pense être à l'intérieur et ce que les autres considèrent que je suis.
17:48Pour Lou, le parcours s'est arrêté à cette étape.
17:52Aujourd'hui, la jeune fille a 20 ans et elle est revenue d'elle-même sur son envie
17:56d'être un garçon.
17:58Au bout d'un moment, j'ai perdu cette envie que j'avais de me faire opérer du
18:02torse et de prendre des hormones parce que c'était juste pas ce dont j'avais envie.
18:06Et puis petit à petit, je me suis réconciliée, on va dire, avec le corps que j'avais et
18:13avec qui j'étais.
18:14L'adolescence, c'est un moment où on change énormément.
18:16C'est normal d'avoir un rapport au corps qui est compliqué.
18:20Ça ne veut pas pour autant dire qu'il faut absolument faire quelque chose pour changer
18:24ce corps, mais peut-être plutôt changer la façon qu'on a de le voir.
18:27Lou fait partie de ce qu'on appelle les désisteurs, des jeunes qui reviennent d'eux-mêmes sur
18:35leur envie de changer de genre.
18:36Selon de nombreuses études internationales, il serait en moyenne 80% à changer d'avis
18:45après le passage difficile de l'adolescence, à condition, bien sûr, qu'on leur laisse
18:50le temps de la réflexion.
18:57Le temps de la réflexion, c'est peut-être ce qui a manqué à Clémentine, d'autant
19:13que sa famille n'a pas remis sa demande de changement de genre en question.
19:17Tous ont cru avoir trouvé la réponse à une souffrance inexplicable et qui durait depuis
19:23l'enfance.
19:25Moi, je n'ai pas été plus surpris que ça.
19:28Tu n'aimais pas les poupées, il fallait du bleu dans ta chambre, tu étais bien avec
19:36les garçons.
19:37C'est un faisceau d'indices qui fait que ce n'est pas déconnant de dire que tu ne
19:45te trouvais pas bien dans ton genre.
19:46Oui.
19:47Alors, à partir de 7 ans, je commence à avoir des tocs qui se développent.
19:53Je m'arrache les cheveux et c'est assez violent.
19:57Je fais des insomnies, j'ai des problèmes à l'école, des gros problèmes d'apprentissage
20:02et j'ai même des hallucinations visuelles qui commencent à se créer.
20:05Donc, ça inquiète mes parents.
20:06J'ai eu un suivi psy depuis mes 7 ans jusqu'à maintenant.
20:10Malgré les nombreuses thérapies entreprises, la santé mentale de Clémentine ne s'améliore
20:15pas. Quand la jeune fille annonce qu'elle est un garçon, le soulagement de sa famille
20:20est immédiat.
20:23Ça peut être une explication.
20:26Clémentine nous l'a tellement démontré par A plus B que c'est ça.
20:32On espère que c'est la solution.
20:34Oui, on espère avoir un bout qu'on va enfin trouver, mais on espère que c'est la bonne.
20:41Moi, j'en veux au psy.
20:43Oui, à la première.
20:45Bah oui.
20:48Elle ne t'a pas poussé dans tes retranchements.
20:49Oui, pourtant, j'avais fait l'impresse.
20:51C'était vraiment ça.
20:52Alors, toi, t'es fort pour manipuler peut-être aussi les psy.
20:55Non, je ne pense pas.
20:59Et donc, je vais voir un psychiatre libéral dont ma mère avait le contact.
21:03Et ça se passe bien dans un premier temps.
21:07Au bout de deux séances, j'ai mon attestation de dysphorie de genre qui peut me permettre
21:10d'avoir les hormones après de prendre rendez-vous avec un endocrinologue.
21:15Et son métier, elle aurait dû chercher, creuser, approfondir et
21:22te poser les questions et te remettre en question un peu plus
21:26pour que tu te rendes compte qu'en fait, non, c'était pas ça le problème.
21:30Et heureusement, tu n'as pas fait l'opération, du coup.
21:32Oui.
21:35C'était le parcours à suivre.
21:36Il fallait prendre des hormones.
21:38Et puis, j'avais ma psychiatre qui me poussait aussi à prendre des hormones
21:41le plus vite possible parce qu'il fallait absolument que mon cerveau baigne
21:45dans les hormones masculines.
21:46En fait, je suis juste venu lui dire que je voulais être un garçon.
21:50Elle m'a dit OK, on n'a parlé de rien.
21:54Quand Clémentine réalise que le changement de genre n'est peut-être pas la solution
21:57à son mal-être, elle décide alors de tout arrêter.
22:00Mais elle n'en parlera à personne, pas même à sa famille.
22:04Jamais j'étais aussi mal et je commence à m'arracher les cheveux.
22:08Je recommence en fait à retomber très, très mal.
22:12Et c'est vraiment une spirale qui ne se finit pas.
22:15Et je me dis mais comment je vais pouvoir sortir de là ?
22:16Et là, vraiment, je pense au suicide.
22:23Clémentine a stoppé le processus un mois avant l'ablation programmée de sa poitrine.
22:28Les dégâts sur son corps restent donc relativement légers.
22:33Certaines, par contre, sont allées beaucoup plus loin.
22:36Et pour elle, le voyage retour est impossible.
22:47J'ai l'apparence d'un homme parce que je suis sous traitement hormonal depuis sept ans,
22:54que je n'ai plus d'ovaire, que je n'ai plus d'utérus,
22:58donc plus de production hormonale.
23:01J'ai des poils, je n'ai plus de sein.
23:04Donc, c'est clair que tout laisse à penser que je suis un homme.
23:16L'histoire de Léa, c'est celle de beaucoup d'autres détransitionneuses.
23:21Mal-être, rejet de son corps, dysphorie.
23:25La jeune femme se croit garçon et pense qu'un torse plat la soulagera.
23:29Elle subit alors une double mammectomie.
23:33Au lendemain de l'intervention, sa santé mentale se dégrade brutalement.
23:38Après qu'on m'ait enlevé les seins,
23:40là, j'ai eu une forte...
23:43J'ai fait une forte dépression, j'ai failli me suicider, clairement.
23:47J'ai failli sauter par la fenêtre.
23:49Et là, quand je dis que je suis mal après l'opération, on me dit que c'est normal.
23:54On me dit que ça fait partie d'un processus.
23:59Parce que, ben voilà, on avait un corps, il faut aller dans une autre direction.
24:04Donc, il y a un processus, c'est normal.
24:06Face à ces signaux inquiétants,
24:08les médecins auraient dû suspendre le processus de transition.
24:13Ils vont au contraire suggérer à Léa d'aller encore plus loin,
24:17jusqu'à l'ablation de son utérus.
24:24Vous avez plus de seins, vous êtes sous traitement hormonal,
24:27vous commencez à ressembler à un homme,
24:29vous avez des problèmes de santé mentale,
24:31vous avez des problèmes de santé mentale,
24:33vous commencez à ressembler à un homme.
24:35Et il y a aussi des professionnels qui vous disent que
24:39si vous gardez votre production hormonale féminine,
24:42vous aurez un moins bon passing, comme on appelle ça.
24:46Et on me dit aussi qu'il risque d'avoir des atrophies,
24:49donc ça ne sert à rien.
24:51Du coup, je me suis dit, en fait, il faut que j'enlève ça, quoi.
24:57Ces transformations, Léa n'en avait pas mesuré les conséquences à l'époque.
25:02Alors qu'elle avait pourtant 25 ans au moment de prendre cette décision.
25:07Sept ans après, elle regrette les dommages irréversibles
25:10qu'elle s'est elle-même infligée.
25:13Une fois que vous avez retiré votre production hormonale,
25:16vous ne pouvez pas vivre sans production hormonale.
25:18Donc vous êtes obligé d'être sous substitution hormonale,
25:21que ce soit féminine ou masculine.
25:22Je ne peux pas arrêter la testostérone.
25:24En même temps, je ne sais pas non plus ce que ça va me faire
25:26au niveau de ma psyché, au niveau de mon physique,
25:28on n'a aucune étude, on ne sait pas.
25:31Je ne sais pas comment je vais vieillir.
25:32Je ne sais pas comment mon coeur, mon foie, mes reins vont vieillir.
25:36Je ne sais pas. Je ne sais pas.
25:38Je ne sais pas non plus vous dire
25:41à quel point j'ai réduit mon espérance de vie, par exemple.
25:43Je ne peux pas vous le dire. Je n'en sais rien.
25:56Si Léa regrette son parcours alors qu'elle l'a entamé à l'âge adulte,
26:00quid des plus jeunes ?
26:02A-t-on le discernement quand on est ado ?
26:05En Suisse, en 2022,
26:08près de 1 100 personnes ont demandé un changement de genre à l'État civil.
26:1253 % d'entre elles avaient entre 15 et 24 ans.
26:18Mais dans les années à venir,
26:20combien vont s'épanouir
26:22et combien vont le regretter toute leur vie ?
26:31T'as pu bosser sur ton site, un peu ?
26:33Non, non, je n'ai pas eu du tout le temps.
26:35Il y avait trop de trucs à faire, quoi.
26:37Je pense que je vais aller au bureau fin de semaine, en fait.
26:39Si tu veux qu'on bosse ensemble, on peut...
26:41Jeudi, vendredi.
26:43Alors pas trop tôt, parce que j'ai eu une semaine un peu violente.
26:45Ça va être sportif aussi, la fin du mois.
26:49Aujourd'hui, je suis hyper apaisé.
26:51S'il y a une chose que je pense que la transition a changé,
26:53c'est vraiment mon rapport à la culture.
26:55C'est vraiment mon rapport à la culture.
26:57S'il y a une chose que je pense que la transition a changé,
26:59c'est vraiment mon rapport à la colère,
27:01parce que j'ai enfin pu être moi-même.
27:04Et en fait, ça générait tellement de frustration
27:07et de colère contre moi ou contre les autres
27:10que c'était devenu hyper compliqué pour moi.
27:14À presque 40 ans,
27:16Karl s'épanouit dans sa nouvelle identité.
27:19Pourtant, à l'instar de Clémentine, Léa et toutes les autres,
27:23sa transition a été très rapide.
27:27Son parcours diffère.
27:29En revanche, c'est sur sa santé mentale
27:31au moment d'entamer le processus.
27:35Au moment où je prends la décision,
27:37je vois un premier médecin spécialiste de la question.
27:39Et en fait, le premier entretien dure quasiment deux heures.
27:42C'est-à-dire qu'il me reçoit, etc.
27:44Et il me pose tout un panel de questions.
27:46Comment je vais ?
27:48Est-ce que j'ai déjà été sous antidépresseur ?
27:50Comment je me sens ?
27:52Comment je suis entouré dans mon quotidien socialement ?
27:55Est-ce que j'ai une situation professionnelle stable ?
27:58Etc. Etc.
28:00Et à la fin de l'entretien, il me dit
28:02que je suis vraiment parti des gens où je n'ai aucun doute
28:04sur le fait que ça va vraiment bien se passer
28:06puisque vous êtes dans une forme de stabilité
28:08à tous vos niveaux de vie sociale, économique, financier et mental
28:13qui font que vous allez bien.
28:18Il n'y a pas de problème.
28:20Vous pouvez intégrer le parcours.
28:23Pour Karl, être une personne trans est une chose.
28:26Prescrire des hormones pour soulager une souffrance en est une autre.
28:30Or, ce qui l'inquiète aujourd'hui,
28:32c'est le recours à la transition médicale pour les jeunes,
28:35en première intention.
28:38Je ne sais même pas que c'est risqué.
28:40Pour moi, c'est une défaillance du système médical.
28:42Il n'y a pas assez de gens pour accompagner les jeunes.
28:45Il n'y a pas assez de gens pour prendre le temps de discuter avec eux.
28:48Il n'y a pas assez de psys vraiment formés à ces questions-là
28:52pour les accompagner sur la durée.
28:54La médicalisation, c'est la solution la plus simple
28:57quand on n'a pas le moyen humain de traiter les choses de manière globale.
29:05La santé mentale peut-elle altérer le discernement
29:08au point de se croire transgenre ?
29:10Et surtout, la dysphorie peut-elle masquer d'autres troubles ?
29:14Des troubles qui sèmeraient la confusion,
29:17plus particulièrement chez les jeunes.
29:29A Londres, la clinique Tavistock est un cas d'école.
29:33Longtemps considérée comme précurseur dans la prise en charge des enfants trans,
29:37l'établissement est aujourd'hui au cœur d'un scandale sanitaire.
29:41Depuis l'ouverture en 1989 du service
29:44« Développement de l'identité de genre », le JIDS,
29:4712 000 jeunes en questionnement ont été suivis par les équipes.
29:51Mais aujourd'hui, le JIDS est à la veille d'une fermeture définitive.
29:56Et selon la presse anglaise, près de 1 000 familles pourraient attaquer la clinique.
30:00La cause de ce naufrage ?
30:02De nombreux mineurs auraient reçu des traitements médicaux inappropriés
30:06et le regrettent aujourd'hui.
30:08Pourtant, un homme avait tenté d'alerter dès 2018.
30:12David Bell est élu même psychiatre au sein de la clinique.
30:18Lorsque j'y travaillais, je dirigeais un service spécialisé
30:22dans les problèmes psychologiques graves et complexes,
30:26que je dirigeais depuis de nombreuses années.
30:29Mais j'étais élu au conseil de surveillance de la Tavistock.
30:36C'est parce qu'il est un membre du conseil de surveillance
30:39que peu à peu ses collègues du JIDS viennent s'ouvrir à lui.
30:42D'abord un, puis deux, puis dix.
30:45Finalement, un tiers du service défile dans son cabinet.
30:52Certaines de ces personnes étaient très expérimentées
30:55et malgré leur niveau d'ancienneté, elles étaient très inquiètes.
30:59Leur préoccupation était d'abord liée à l'énorme augmentation des patients.
31:04La structure n'était vraiment pas en mesure de gérer ce nombre de cas
31:09et ne faisait que réduire les coûts et traiter les choses
31:12très rapidement et de manière inappropriée.
31:16En 2010, seuls 97 jeunes étaient suivis par les équipes de la Tavistock,
31:21essentiellement des garçons.
31:23Dix ans plus tard, en 2020, plus de 3000 enfants et adolescents
31:27venus de toute l'Angleterre intègrent le JIDS,
31:30soit une augmentation de 3000 %.
31:33Entre temps, ce service est devenu le plus rentable de la clinique
31:37et représente à lui seul 30 % du chiffre d'affaires de la Tavistock.
31:44Quelques collègues m'ont dit qu'ils avaient jusqu'à 140 enfants à charge.
31:48140 enfants ont été pris en charge.
31:55Cela signifiait qu'ils ne pouvaient tout simplement pas fonctionner correctement,
31:59cliniquement.
32:01Comme un de mes collègues me l'a dit à propos de ces enfants,
32:04je ne peux plus les distinguer les uns des autres.
32:07Je ne sais plus qui est qui parce que j'en ai 140
32:10et la façon dont on m'oblige à les gérer, c'est devenu de la bureaucratie.
32:17Les médecins de la clinique, littéralement débordés,
32:20ont alors appliqué à l'aveuglette un protocole expérimenté en Hollande
32:25au début des années 90 pour répondre aux besoins des enfants trans
32:30et qui propose bloqueurs de puberté, hormones et chirurgie des seins
32:34pour les filles à partir de 14 ans.
32:39Mais à l'origine, ce protocole devait être administré sous conditions.
32:45Dans les indications du protocole, il n'y avait pas de psychopathologie.
32:49Les adolescents porteurs de psychopathologie étaient soit totalement éliminés,
32:53soit étaient mis en attente pendant longtemps le temps qu'ils guérissent
32:56avant de les prendre en charge.
32:59Comme partout ailleurs, les équipes de la Tavistock
33:02ont constaté une explosion de la demande des filles
33:05et des filles souffrant de nombreux troubles psychologiques.
33:09Un phénomène qui, selon David Bell, aurait dû alerter les soignants.
33:14La réalité, c'est que nous ne savons pas pourquoi il y a autant de filles.
33:17Mais au lieu de se dire, arrêtons de faire ce que nous faisons
33:20et essayons de comprendre, ils ont simplement continué.
33:29Parmi les anciens patients suivis à la Tavistock,
33:32un chiffre en particulier pose question.
33:3535% d'entre eux sont autistes,
33:38contre seulement 1,8% de la population générale en Angleterre.
33:45Les personnes atteintes d'autisme souffrent de diverses manières
33:48et se sentent isolées et seules.
33:51Le mouvement trans leur donne donc, encore une fois,
33:55un sentiment d'appartenance.
33:59C'est ce qui a conduit Chloé, 23 ans,
34:02à se croire un garçon trans à l'adolescence.
34:06Chloé est autiste Asperger.
34:09Elle a été séparée de son père,
34:12sa mère, sa mère, sa mère,
34:15sa mère, sa mère, sa mère,
34:18sa mère, sa mère, sa mère,
34:21sa mère, sa mère, sa mère,
34:24sa mère, sa mère,
34:27Chloé est autiste Asperger,
34:30mais à l'époque, elle ne le savait pas.
34:33Alors, cette photo-là,
34:36la transformation est assez...
34:39compliquée.
34:42Mais là, clairement, on dirait un garçon.
34:45Il n'y a pas de poitrine,
34:48il y a la pose, la façon de mettre tes mains, tes jambes.
34:51Il y avait vraiment ce désir d'enlever toutes les formes,
34:54de mettre les doigts comme ça.
35:05Depuis la petite enfance,
35:08la jeune fille se sentait en décalage.
35:11Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait tant de mal
35:14à communiquer avec les jeunes de son âge.
35:17J'étais très renfermée sur moi-même.
35:20J'étais seule, j'avais vécu beaucoup de harcèlement
35:23et je m'étais reclue dans les jeux vidéo,
35:26dans les réseaux sociaux, etc.
35:31Pour Chloé, tout bascule au lycée
35:34quand elle fait la rencontre d'un petit groupe d'ados LGBT.
35:39Alors que ses autres camarades l'ignorent depuis toujours,
35:42eux vont l'accueillir à bras ouverts.
35:46Quand je suis arrivée au lycée,
35:49que j'ai découvert ce groupe qui m'a acceptée,
35:52c'est trop bien, je découvre ce que ça fait d'avoir un groupe d'amis.
35:57Très rapidement, je suis tombée amoureuse
36:00d'une fille qui était dans ce groupe.
36:04La première fois que je l'ai vue, c'était en cours.
36:07J'ai vraiment cru que c'était un garçon
36:10et j'ai compris que c'était une fille au moment où j'ai entendu sa voix.
36:13Elle se disait non-binaire et j'en suis tombée follement amoureuse.
36:16C'était mon premier amour.
36:20Très vite, Chloé finit par se reconnaître totalement
36:23parmi ce petit groupe d'ados un peu à la marge.
36:27Jusqu'à se croire elle-même un garçon transgenre.
36:35C'est ça qui est frappant, c'est que là, on est en janvier 2017,
36:38on est quand même dans une représentation un peu fémen et tout.
36:43Ici, on est en mai, on est six mois après.
36:46C'est pas la même personne.
36:50Ça, c'est violent.
36:53En tout cas, pour nous, en tant que parents, c'est violent.
36:56C'est-à-dire si encore on t'avait sentie bien,
36:59on t'avait sentie heureuse ou on t'avait sentie épanouie,
37:02mais c'était que tu te renfermais complètement sur toi,
37:05t'étais dans l'opposition, dans le conflit,
37:08il n'y avait aucune discussion possible.
37:11C'était compliqué, ça.
37:14Quand, à la fin du lycée, Chloé et sa petite amie se séparent brutalement,
37:17le monde de la jeune fille s'effondre.
37:20Et avec toutes ses certitudes,
37:23y compris celle d'être un garçon.
37:32Explique-moi pourquoi, quand je jette une banane,
37:35je ne sais jamais au bon endroit.
37:38C'est normal, t'as eu ton toit qui a lâché.
37:41Pourquoi avoir poussé le mimétisme aussi loin ?
37:44Pourquoi un tel besoin d'appartenance ?
37:47Il y a un an à peine, Chloé a enfin compris.
37:50Diagnostiquée autiste Asperger,
37:53elle reconsidère aujourd'hui sa trajectoire
37:56avec un prisme différent.
37:59Être autiste, c'est vraiment une difficulté
38:02à interagir avec une personne qui n'est pas comme nous.
38:05C'est très compliqué pour un autiste de se faire comprendre
38:08qu'il y a une manière de voir les choses,
38:11de dire, de faire, qui est complètement différente.
38:14Je cochais complètement ces cases
38:17de jeunes filles qui veulent transitionner
38:20parce que, socialement, je n'arrivais pas à m'intégrer,
38:23parce que j'étais bizarre.
38:26Quand on venait me parler, on se disait
38:29qu'elle était bizarre, cette fille.
38:32Les troubles du spectre autistique peuvent-ils semer la confusion
38:35et jusqu'où un ado solitaire est-il prêt à aller
38:38pour trouver sa tribu ?
38:47Hervé Piccard est médecin généraliste.
38:50Depuis de nombreuses années, il soigne un grand nombre
38:53de personnes transgenres.
38:56En 2022, il a été mandaté par le ministre de la Santé
38:59pour coécrire un rapport visant à faciliter
39:03Pour lui, l'autisme ou encore les troubles mentaux
39:06ne doivent pas empêcher ceux qui le souhaitent de changer de genre.
39:09Mais pour que le discernement d'un patient puisse s'exercer pleinement,
39:12il faut évidemment être diagnostiqué
39:15et pris en charge au préalable.
39:18Et cela peut demander du temps, surtout chez les ados.
39:21À titre personnel,
39:24je ne prescris pas d'hormonothérapie aux mineurs.
39:27C'est une règle que je me suis fixée.
39:30Je ne suis pas capable d'orienter la personne vers une structure
39:33à même de lui répondre.
39:36À l'instar de l'Académie de médecine,
39:39Hervé Piccard recommande lui aussi du temps,
39:42de la prudence et de l'écoute,
39:45du moins quand il s'agit de jeunes patients.
39:48Une réponse satisfaisante, c'est au moins de dire
39:51j'ai entendu votre demande et on va prendre le temps
39:54d'en parler et d'y réfléchir.
39:57Toutes les options qui s'offrent à vous, prenons le temps
40:00d'y réfléchir collectivement et aussi, si vous le souhaitez,
40:03avec la famille, avec vos proches.
40:09Mais en matière de santé et plus particulièrement de santé mentale,
40:12prendre du temps est devenu un luxe en France.
40:17Aujourd'hui, ce qui inquiète Hervé Piccard,
40:20c'est que l'hôpital public ne soit tout simplement pas en mesure
40:23de suivre correctement ses ados en souffrance.
40:27Si on va trop vite, on éteint des incendies
40:30en apportant une réponse qui n'est peut-être pas pensée,
40:33pas construite, mais comme pour toute la santé mentale en France.
40:36Le dispositif est en souffrance
40:39parce qu'on n'a pas assez de professionnels de la santé mentale.
40:42Il manque je ne sais pas combien de centaines de psychiatres dans les hôpitaux.
40:45Ce n'est pas très réjouissant.
40:48On a un système de santé publique
40:51qui a été étiré un peu comme un chewing-gum
40:54jusqu'aux limites de ses possibilités.
40:57Et on est apparemment,
41:00je ne sais pas si je peux me permettre de dire qu'on est proche du point de rupture,
41:03mais en tout cas, le système de santé publique
41:06souffre pour répondre aux besoins de la population.
41:09La France risque-t-elle un naufrage comparable
41:12à celui de la clinique Tavistock à Londres ?
41:15En 2021, les équipes de l'hôpital Robert Debré
41:18ont pratiqué une mammectomie sur une patiente d'à peine 14 ans.
41:21A l'époque, cette décision a scandalisé
41:24une partie du corps médical.
41:27Pour comprendre ce qui a pu motiver cette opération,
41:30nous avons adressé de nombreuses demandes d'interview auprès de la PHP.
41:33Toutes sont restées lettres mortes.
41:45À force de dialogues et de patience,
41:48François a créé un environnement bienveillant autour de sa fille Lou.
41:51Un environnement propice à la réflexion
41:54et qui a permis à l'adolescente
41:57de mûrir tranquillement sa décision
42:00sans être tiraillée d'un côté ou de l'autre du genre.
42:05Moi j'entendais qu'elle voulait devenir un garçon
42:08et à un certain moment, elle a accepté l'idée
42:11que devenir un garçon n'était pas une fin en soi.
42:14La fin en soi, c'était le mieux-être.
42:17C'était notre manière d'atteindre ce mieux-être.
42:20Donc on a aligné un certain nombre d'autres moyens
42:23qui allaient de moyens chimiques comme la prise de la pilule
42:26pour effacer les effets secondaires des règles
42:29à des moyens physiques.
42:32Elle voulait avoir une belle carrure masculine.
42:35On s'est levé le matin et on a fait de la musculation tous les matins.
42:38Inutile de dire qu'après trois semaines ou un mois,
42:41elle en avait un peu marre de soulever de la fonte.
42:45Mais contre toute attente, alors que Lou, presque majeure,
42:48renonce d'elle-même à changer de genre,
42:51François reçoit avec stupeur un courrier
42:54des services de protection de l'enfance.
42:57C'est un courrier qui a été envoyé par les associations LGBT
43:00aux services de protection des mineurs.
43:03Nous sommes particulièrement inquiets pour la santé mentale de X.
43:06Il ne vient plus à l'association,
43:09ne bénéficie plus de soutien psychologique
43:13C'est pourquoi nous espérons que l'instance compétente,
43:16les services sociaux, puissent prendre le relais
43:19et aider la jeune dans le conflit de loyauté dans lequel il se trouve
43:22et lui permettre d'être lui-même
43:25et notamment de pouvoir faire ses proches choix médicaux et autres.
43:31C'est un courrier de dénonciation
43:34où il dénonce une maltraitance psychologique
43:37et il exprime un grand souci
43:40en disant que ça fait une dizaine de mois, voire une année,
43:43qu'ils n'ont plus de nouvelles de ma fille.
43:46Ma fille a répété, je crois par deux fois,
43:49qu'elle allait bien et qu'elle n'avait plus besoin de leurs services.
43:57Il ne manifeste pas comme ça, mais c'est une pression pour que les services sociaux
44:00interviennent et se substituent à l'autorité parentale
44:03ou en tout cas préservent l'enfant.
44:07Il y a une espèce de refus de considérer
44:10que des jeunes peuvent revenir en arrière
44:13ou se décister.
44:20Nous avons contacté l'association LGBT en question
44:23afin de comprendre pourquoi il s'était permis de signaler François
44:26aux services sociaux.
44:30Au bout du fil, notre interlocutrice
44:33refuse de justifier sa démarche
44:36en invoquant une clause de confidentialité.
44:39Assez rapidement,
44:42nous comprenons que le thème de notre film pose problème.
45:03Selon certaines associations,
45:06il n'y aurait pas plus d'un pour cent de détransitionneurs.
45:09Un chiffre qui repose sur des études contestées.
45:12Une certitude ?
45:15Les regrets post-transition sont un tabou pour la communauté LGBT,
45:18très active à dénoncer le moindre sujet sur la question.
45:21Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'un pour cent de détransitionneurs.
45:24Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'un pour cent de détransitionneurs.
45:27Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'un pour cent de détransitionneurs.
45:30Celle qui en a fait l'expérience,
45:33Celle qui en a fait l'expérience,
45:36c'est Sofia Pekmez,
45:39journaliste pour la RTS, la télévision suisse.
45:42Elle s'est intéressée à la question des détransitionneurs
45:45et en a fait un documentaire.
45:48On remarque que les jeunes,
45:51surtout les jeunes de la génération Internet nées après 1980...
45:54Très vite,
45:57elle a subi des pressions de la part de certains militants
46:00qui ont été jusqu'à écrire au PDG de sa chaîne
46:03pour tenter d'empêcher la diffusion du film.
46:15Peine perdue, ni Sofia, ni la chaîne n'ont cédé.
46:18Peine perdue, ni Sofia, ni la chaîne n'ont cédé.
46:22Il y a une façon d'aborder la réalité des choses aujourd'hui
46:26qui, nous, journalistes, nous complique beaucoup la vie.
46:29C'est-à-dire qu'il faut regarder ce qui nous entoure
46:32à travers des prismes.
46:35Qui sont des prismes agréés, acceptés,
46:38considérés comme porteurs et justes.
46:41C'est pas notre job.
46:44C'est pas notre job.
46:47Notre job, c'est de poser des questions.
46:50Et aujourd'hui, on vit un temps
46:53où nos identités rentrent là-dedans,
46:56où la question est devenue suspecte.
46:59Le simple fait de poser des questions,
47:02c'est suspect.
47:05Parce que ça veut dire que vous n'acceptez pas
47:08une vérité qui vous est proposée
47:11et qui vous est présentée comme juste.
47:14Et pourquoi je l'accepte pas dans ce cas précis ?
47:17Pas parce que c'est mon opinion.
47:20Non, particulièrement parce que j'apprends
47:23qu'il y a des détransitionneurs.
47:26C'est leur existence qui questionne la transaffirmation.
47:29Ce n'est pas moi.
47:40Pour Sophia, ses militants font une erreur
47:43en essayant d'invisibiliser le phénomène des détransitionneurs.
47:46Car comprendre les mécanismes
47:49qui poussent un jeune à se tromper,
47:52ça n'est pas interdire les parcours médicalisés,
47:55mais simplement éviter de terribles désillusions
47:58à des jeunes parfois confus.
48:03Je pense que le fait de considérer
48:06les détransitionneurs ou désisteurs
48:09comme faisant partie de la communauté trans
48:12parce que c'est ce qui est réellement,
48:15ça permettrait peut-être de limiter
48:18un petit peu les dégâts.
48:21Là, on n'a pas visé juste.
48:24On a peut-être orienté pas tout à fait comme il fallait.
48:27Pourquoi ?
48:30Ça va surtout permettre aux personnes qui détransitionnent
48:33de ne pas se retrouver absolument seules,
48:36c'est-à-dire coupées de leur communauté d'avant
48:39qui les a portées, qui les a encouragées,
48:42qui les a aidées, qui a été là
48:45pour leur tenir la main,
48:48ces personnes qui les écoutent,
48:51qui leur tend la main,
48:54qui est là pour elles.
48:57Et nous, journalistes,
49:00on ne pourrait pas leur tendre le micro.
49:03Moi, je suis inscrite nulle part.
49:06Ça veut dire que je n'existe pas dans les statistiques.
49:09Pourtant, je détransitionne.
49:12On se met des œillères,
49:15c'est-à-dire qu'on ne veut pas voir le danger,
49:18on ne veut pas voir le fait qu'on peut détransitionner,
49:21que ça existe, en fait.
49:24On ne veut pas que ça existe,
49:27on ne veut pas que ça existe.
49:30On est vraiment seul,
49:33il n'y a rien qui est fait pour nous,
49:36on n'existe pas, on n'a aucune représentation,
49:39on ne sait pas les démarches à faire,
49:42on sait comment faire pour changer l'état civil dans un sens,
49:45mais est-ce que c'est les mêmes dans l'autre sens ?
49:48On ne sait pas.
49:51On n'a aucune association qui nous accueille.
49:54Moi, j'ai demandé à l'association dans laquelle j'allais
49:57s'il n'y avait pas des contacts de personnes qui détransitionnent,
50:00ils n'ont aucun contact.
50:03Donc j'étais vraiment seul et je pense que beaucoup de personnes
50:06peuvent penser au suicide à cause de ça.
50:09Salut Emma, ça va ?
50:12Super, viens, installe-toi.
50:15Merci.
50:18Malgré son parcours chaotique,
50:21malgré sa voix masculine qui ne changera plus,
50:25et même si aujourd'hui elle ne représente plus le T des LGBT,
50:28elle se sent toujours très proche de son ancienne communauté.
50:33Moi, j'aimerais dire déjà aux personnes qui sont trans
50:36qu'elles sont profondément aimées.
50:39Et j'aimerais aussi leur dire d'arrêter les réseaux sociaux
50:42parce que c'est vraiment un lavage de cerveau à force
50:45et d'écouter les discours des détransitionneurs et des détransitionneuses
50:48parce qu'on apporte des nouveaux arguments.
50:52Ces nouveaux arguments sont là pour renforcer votre choix ou pas,
50:55pour vous faire réfléchir.
50:58Et c'est vraiment ça que j'ai envie de leur dire.
51:01Et je pense qu'on peut vraiment travailler ensemble
51:04dans le sens qu'on peut vraiment s'apporter mutuellement.
51:11La transition de genre est parfois une solution
51:14au profond mal-être de certains jeunes.
51:17Mais est-ce la seule ?
51:20Aujourd'hui, les voix des détransitionneurs interrogent.
51:23Un adolescent a-t-il le discernement suffisant
51:26pour prendre une décision qui impactera sa vie entière ?
51:29Et en cas de regret,
51:32qui, des médecins, des parents ou des associations,
51:35en prendra la responsabilité ?
51:50Sous-titrage Société Radio-Canada