L’ancien Premier ministre, Lionel Jospin, était l’invité de Benjamin Duhamel dans C’est pas tous les jours dimanche, sur BFMTV.
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00:00Bonsoir Lionel Jospin.
00:02Merci beaucoup d'être avec nous ce soir dans C'est pas tous les jours dimanche, votre parole est rare.
00:07Je rappelle que vous avez été Premier ministre entre 1997 et 2002.
00:12Dans le cadre d'une cohabitation avec Jacques Chirac, nous sommes à pile une semaine du premier tour de ces élections législatives.
00:19Et les sondages donnent une très large avance au Rassemblement National.
00:23Notre sondage du jour pour BFMTV et La Tribune Dimanche, sondage Elabe,
00:28donne le Rassemblement National à 36%, loin devant le Front Populaire à 27% et la majorité sortante à 20%.
00:37Le Président de la République Emmanuel Macron appelait de ses voeux une clarification, un sursaut. C'est raté ?
00:44Le moins qu'on puisse dire, oui, effectivement, c'est que le pays est plutôt dans le trouble que dans la clarté.
00:52Cette dissolution a été une décision solitaire, incompréhensible et aventureuse.
01:03Solitaire parce que le Président de la République n'a pas écouté,
01:08notamment les trois interlocuteurs importants que l'article 12 de la Constitution lui faisait obligation de consulter,
01:16c'est-à-dire son propre Premier ministre, le Président du Sénat et de l'Assemblée nationale.
01:23Et solitaire donc, mais aussi incompréhensible parce que, au fond, qu'est-ce qui s'était passé à une élection européenne ?
01:34Le Front National avait fait un score significatif, près de 32%, une poussée, et il envoyait 30 députés au Parlement européen.
01:45On aurait été intéressé de savoir qu'est-ce que feraient ces 30 députés dans les assemblées à Strasbourg et à Bruxelles.
01:54Et tout d'un coup, brutalement, une dissolution intervient qui transfère sur la scène nationale la question qui n'était pas posée
02:07et offre au Front National l'occasion de briguer l'occupation du pouvoir en France. C'est-à-dire que c'est la question du pouvoir politique
02:17qui, trois ans avant des élections législatives, qui devaient d'ailleurs elles-mêmes venir après une élection présidentielle,
02:24on nous met dans cette situation. Et du coup, effectivement, cette élection est aventureuse.
02:33Elle est aventureuse parce que comme on dissout et que le Rassemblement national est en poussée, eh bien il y a un risque.
02:43Et d'ailleurs, cette décision est d'autant plus absurde, si je ne veux pas prendre un mot irrespectueux, bien sûr,
02:50mais que la première victime de cette dissolution semble bien devoir être le camp présidentiel lui-même,
03:00qui va vraisemblablement, si l'on doit en croire les sondages, perdre sa majorité relative.
03:07Donc au moins, ce que je peux demander au président de la République, ce que nous pouvons lui demander,
03:16c'est dans les huit jours de campagne qui restent avant le premier tour de ne pas continuer à avancer cette thèse infondée
03:26de l'égalité entre deux extrémismes.
03:30Au fond, Lionel Jospin, ce que vous dites là, c'est que vous êtes choqué par la rhétorique présidentielle
03:35consistant à dire le choix dans cette élection, c'est moi ou les deux extrêmes.
03:41C'est ce qui est dit par le président de la République. Pourquoi est-ce que cette rhétorique vous choque ?
03:46Elle me choque parce qu'elle est fausse du côté de la gauche.
03:51Il y a dans cette nouvelle alliance à gauche qui s'est faite sous le nom du nouveau Front populaire,
03:59le parti socialiste, le parti communiste, les Verts, le parti de place publique de Raphaël Guzman,
04:07qui avait fait une excellente campagne européenne.
04:10Et ces partis sont profondément et historiquement républicains.
04:15Quant aux candidats insoumis, j'ai regardé un peu, à part quelques exceptions,
04:21on ne peut pas mettre en doute non plus leur engagement républicain.
04:26Oui, mais Lionel Jospin, vous dites quelques exceptions.
04:28Ceux qui sont opposés à cette alliance du nouveau Front populaire voient qu'un candidat en Seine-Saint-Denis
04:34traite Raphaël Guzman de candidat sioniste, se souviennent d'un certain nombre de propos
04:38de députés sortants qui, pour une, Daniel Obono, qualifiaient le Hamas de mouvement de résistance,
04:44pour d'autres refusaient et continuent de refuser de qualifier le Hamas de mouvement terroriste.
04:49Est-ce qu'on peut vraiment balayer ça d'un revers de main et considérer qu'au fond, c'est quantité négligeable ?
04:54Non, je ne le balais pas d'un revers de main.
04:57Je me réjouis d'ailleurs que dans l'accord qui a été signé,
05:01on qualifie les actes du Hamas le 7 octobre de « actes terroristes »,
05:07à défaut d'oser aller jusqu'à qualifier, comme je l'ai fait moi-même d'entrée de jeu,
05:12le Hamas de mouvement terroriste.
05:15Mais c'est un problème, ça, de ne pas pouvoir le faire.
05:17Oui, mais les candidats qui, par exemple, ont été écartés,
05:22alors que théoriquement la règle était que c'était les députés sortants
05:26qui se représentaient pour toutes les formations comme...
05:31J'ai l'ordre non méchable, là, à l'instant.
05:34Oui, Alexis Corbière, Raquel Garrido...
05:36Oui, Alexis Corbière, Simonnet, Daniel Simonnet...
05:39Ces candidats se présentent, me semble-t-il.
05:43Donc, on verra où se trouve, de ce point de vue, la légitimité.
05:48Et donc, quand il s'agit de l'antisémitisme, par exemple, ou du racialisme,
05:54je pense que cela doit être condamné d'où que cela vienne.
05:58Absolument d'où que cela vienne.
06:01Mais si vous avez lu un article très fouillé du Monde récent,
06:05qui commence à nous montrer quels sont les pédigrés,
06:08non pas de 3 ou 4 ou 5, mais de dizaines de candidats du RN,
06:16sur la question, parfois, de l'antisémitisme, de l'autoritarisme,
06:20des liens avec la Russie, je pense que le danger, à mon avis,
06:25vient davantage du RN, parce que...
06:28Mais attendez, Léonel Jospin, pardon, mais vous avez raison sur les profils
06:31plus que sulfureux d'un certain nombre de candidats et de candidates.
06:35Mais ces derniers temps, ceux qui ont défrayé la chronique
06:39en qualifiant, comme Jean-Luc Mélenchon le faisait, d'antisémitisme résiduel,
06:43c'était à l'extrême-gauche, ce n'était pas au RN.
06:47Est-ce que vraiment, aujourd'hui, on peut dire que le problème d'antisémitisme
06:51vient principalement du RN ?
06:53On pourra parler peut-être plus tard, je ne sais,
06:57de la découverte d'un lien de sympathie avec nos concitoyens juifs
07:08de la part d'un parti héritier du parti de Jean-Marie Le Pen du RN.
07:15Mais ce que je veux dire, en tout cas, c'est que,
07:19en plaçant cette égalité entre deux supposés extrémismes,
07:24alors que l'Alliance n'est nullement sous l'influence de cet extrémisme à gauche,
07:29je pense que le président de la République sert les intérêts du RN.
07:34Or, fondamentalement, je pense que le danger est là,
07:38et si vous le voulez, je m'offre d'en parler.
07:41Précisément sur le RN. Il y a 22 ans, Lionel Jospin,
07:45vous perdiez, vous étiez éliminé au premier tour de l'élection présidentielle.
07:49Il y avait ce 21 avril 2002, l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour.
07:5322 ans plus tard, le RN est aux portes du pouvoir.
07:56Vous redoutez cette victoire, cette accession de Jordan Bardella à Matignon ?
08:03J'espère que les portes resteront closes.
08:06Mais je voudrais dire déjà, pour que ce soit clair,
08:09de nommer ou de préciser ce danger.
08:12Pour moi, le RN n'est pas un parti fasciste.
08:17Je ne le disais même pas du RN de Jean-Marie Le Pen.
08:23C'est par contre un parti d'extrême droite, et il sera aisé de le montrer.
08:28Ensuite, je me tourne vers les électeurs qui ont voté pour le RN,
08:33et je sais qu'un certain nombre d'eux adhèrent aux thèses extrémistes.
08:40On le voit notamment avec les candidats.
08:42Mais pour une bonne partie de ces électeurs,
08:45ils ne sont pas ralliés aux idées d'extrême droite.
08:49Ils sont déçus, ils sont en colère.
08:52Ils sont déçus, ils sont en colère,
08:54mais eux aussi, et même peut-être eux surtout,
08:57doivent mesurer ce que représenterait ce basculement hypothétique.
09:04Alors, je sais qu'il y a le thème,
09:06on a tout essayé, mais ça, on ne l'a pas essayé.
09:09Alors là, faisons un rappel.
09:12Depuis un siècle et demi, sous la République,
09:16après la chute du Second Empire et le rétablissement de la République en France,
09:22jamais les Français n'ont porté un parti d'extrême droite au pouvoir.
09:28Il y a eu l'intermède 40-44, le régime dit de révolution nationale,
09:34mais c'était sous l'égide, l'occupation nazie.
09:40Mais sinon, depuis lors, en 150 années de vie républicaine,
09:47jamais les Français n'ont décidé, eux, de porter l'extrême droite au pouvoir
09:52parce qu'ils savent que c'est fondamentalement antagoniste
09:57avec des valeurs et des principes de la République.
10:00Pourquoi, Lionel Jospin ?
10:01Parce que d'abord, effectivement, certains disent
10:03on en a essayé plusieurs, au fond, il faut leur donner leur chance.
10:06On entend aussi l'argument selon lequel ce sera une cohabitation
10:10et donc le président de la République gardera un certain nombre de pouvoirs
10:13si Jordan Bardella est à Matignon.
10:15Pourquoi est-ce que c'est tant un péril que ça ?
10:17Parce que vous dites que les Français n'ont jamais confié
10:19les clés du pouvoir à l'extrême droite, dont acte.
10:21Pourquoi est-ce que c'est un danger ?
10:24Eh bien, pour plusieurs raisons.
10:25D'abord, je pense personnellement, mon intuition politique,
10:31j'ai quand même peut-être une certaine expérience,
10:33que le Front National va à ses élections avec ce que j'appellerais un programme de surface
10:40couvert par la restabilité, la respectabilité,
10:44et qu'il va dans la période historique dans laquelle nous entrons,
10:48nécessairement, d'une façon ou d'une autre,
10:50accompagné par un projet profond ou souterrain
10:55qui, lui, est antagoniste avec les valeurs de la République.
10:59Et je pourrais aisément le montrer,
11:02non pas en restant sur un débat de principe,
11:04mais en évoquant des questions très claires.
11:07Je pense sur la question de la liberté de la presse.
11:11On voit à l'œuvre un prédateur, M. Bolloré,
11:14qui achète des journaux et dans une connivence idéologique et politique
11:19avec le Rassemblement National.
11:21L'indépendance du juge, y compris du juge constitutionnel,
11:26l'atteinte aux libertés,
11:31tout cela est contenu potentiellement dans le programme du Front National.
11:39Par exemple, si j'examine le thème de la préférence nationale,
11:44il faut que les Français comprennent bien que sous le vocable,
11:47ce qui peut être agréable, de la préférence nationale,
11:50est remise en cause un principe fondamental,
11:53non seulement de la République française, mais des démocraties européennes,
11:57qui est la distinction entre les droits politiques,
12:01ce qui relève de la nation, de la citoyenneté,
12:06et là, seuls les Français, naturellement, votent s'ils sont citoyens français,
12:11quelle que soit leur origine,
12:13et l'accès à la fonction publique, par exemple, n'est pas possible.
12:16Et ce qui relève des droits sociaux, du droit du travail,
12:21ou alors, là, ce qui est en cause, c'est l'égale dignité des êtres humains,
12:26et un homme ou une femme qui travaille dans notre pays,
12:30fut-il un étranger, doit avoir les mêmes droits économiques et sociaux,
12:34que les autres travailleurs.
12:37Sinon, alors, c'est l'inégalité entre les hommes,
12:41éventuellement entre les femmes, que l'on fait renaître.
12:43Ça, c'est pour le risque rassemblement national.
12:45Quand on voit les scénarios dans les sondages,
12:47il y a aussi la perspective d'une assemblée ingouvernable.
12:49C'est-à-dire que le RN n'obtiendrait pas de majorité absolue.
12:52À ce moment-là, Marine Le Pen dit, au fond,
12:54le Président n'aura d'autre choix que de démissionner.
12:57Est-ce que ça, c'est une perspective, vous, encore une fois,
13:00qui avez été Premier ministre, qui connaissait les institutions,
13:02qui est un scénario plausible ?
13:05Je note une hâte un peu surprenante
13:08chez certains des acteurs du RN.
13:12Marine Le Pen dicte au Président de la République,
13:17qui pourtant, d'après elle, parce que j'ai vu avec quelle insolence
13:21M. Bardella, ou même Marine Le Pen, disent que finalement,
13:25c'est à leur appel, en quelque sorte,
13:27que le Président de la République a dissous l'Assemblée nationale.
13:31Marine Le Pen décide pour le Président de la République.
13:34Elle n'a aucune mesure à supposer, même,
13:37qu'il y ait une majorité à l'Assemblée nationale,
13:39du RN, elle est absolument hors d'état
13:45de mettre en cause ou de pousser à la démission
13:48le Président de la République,
13:50dont je n'ai pas été un des supporters depuis...
13:55Combien ? Sept ans ?
13:56Même si je le traite naturellement avec respect
14:01Il peut y avoir une logique.
14:02M. Bardella, lui, il est déjà en train de nous dire
14:05qu'il a fait son gouvernement.
14:06Mais moi, je peux vous dire, j'ai vécu une dissolution.
14:10Et il y a eu un premier tour,
14:14mais j'ai attendu le premier tour pour commencer à réfléchir
14:17à un gouvernement.
14:18Lui, il a déjà composé son gouvernement,
14:20alors qu'il n'a même pas été élu, d'une part.
14:25Et d'autre part, quand j'ai commencé à réfléchir
14:29à mon gouvernement, je me suis gardé d'en parler aux Français,
14:31y compris parce que c'est le Président de la République
14:34qui nomme les membres du gouvernement,
14:36et qu'on sait...
14:37Donc cette démission d'Emmanuel Macron,
14:40vous n'y croyez pas ?
14:41Je ne me prononce pas sur cette question.
14:43Je suis sur un terrain de principe.
14:45Madame Le Pen est absolument hors d'état
14:48de dicter sa conduite à un Président de la République
14:50élu au suffrage universel il y a à peine deux ans.
14:54Il faut qu'elle s'en convainque.
14:56Et je vois dans cette impatience quelque chose
15:00qui ressemble à la pression et au désir de l'autoritarisme.
15:04Sur ce nouveau front populaire, Lionel Jospin,
15:07depuis la constitution de cette alliance,
15:10on entend un certain nombre d'électeurs,
15:12notamment des électeurs de Raphaël Glucksmann,
15:14dire leur malaise.
15:16Leur malaise face à une union,
15:18certains disent, faite de briques et de brocs,
15:21entre des gens qui ne se supportent pas,
15:24qui ne sont en agonie d'injure,
15:25qui ont des divergences majeures sur le fond,
15:28sur la question de l'Europe,
15:29sur la question du soutien à l'Ukraine,
15:30sur la question du Proche-Orient.
15:31Vous êtes un soutien, vous, ce soir,
15:33du nouveau front populaire.
15:35Vous qui nous avez habitués, si j'ose dire,
15:37à une forme de rectitude morale.
15:38Est-ce qu'il n'y a pas une forme de cynisme
15:40à dire, à quelques jours des élections législatives,
15:42on met tous les désaccords de côté,
15:44mais juste pour sauver des sièges,
15:45on se met ensemble ?
15:46Je pense que les différences n'ont pas été mises de côté.
15:49Je rappelle quand même que c'est face
15:52à une dissolution brusquée que les partis de gauche
15:55ont dû, en deux jours, élaborer un programme
15:59ou un projet ou une plateforme commune
16:01pour ce qui n'est qu'une alliance.
16:03S'il y a alliance, alors qu'en face,
16:06le Rassemblement national, c'est un bloc de 100 %,
16:10sans désaccords derrière les chefs,
16:12là, il y a une alliance avec des différences.
16:16Comment François Hollande et Lionel Jospin
16:17peuvent-ils se retrouver dans une alliance
16:19avec Manuel Bompard et Mathilde Panot ?
16:22A mon nez, je pense aussi à ceux qui nous regardent
16:24qui, pour certains, ont voté pour Raphaël Glucksmann
16:26et qui se disent « mais ce n'est pas possible,
16:27on se moque de nous ».
16:28On sait qu'il va y avoir une poussée
16:32du Rassemblement national et un groupe très important,
16:36nous verrons s'il l'emporte, j'espère que non,
16:39à l'Assemblée nationale.
16:41Le parti du président va être vraisemblablement
16:46en baisse et perdre sa majorité.
16:50Les Républicains, que je respecte,
16:52la droite républicaine, se voit trahi par son propre chef
16:56qui rallie le Rassemblement national.
17:02Et donc, si la gauche ne constituait pas par une union
17:06qu'elle est obligée de précipiter,
17:09ne rassemblait pas sa diversité,
17:14quelles seraient les forces qui résisteraient,
17:17ne seraient même qu'un groupe puissant d'opposition
17:19à l'Assemblée nationale ?
17:20– Quitte à ce qu'il y ait de la confusion politique.
17:22– Mais il n'y a pas de…
17:23– Admettons que le nouveau Front populaire gagne,
17:25est-ce que vous imaginez un gouvernement avec,
17:27encore une fois, je reprends mon exemple,
17:29Manuel Bompard et François Hollande ?
17:31– Alors, disons, écoutez, Bompard…
17:33– Ils ne sont d'accord sur rien ?
17:35– Je ne justifie certainement pas l'importance
17:39ou la publicité que vous lui accordez.
17:41Rappelons une chose, par rapport aux élections de 2002,
17:44où on n'entendait pas tellement ces arguments législatifs,
17:48de 2022, pardon, excusez-moi.
17:50Par rapport à ces élections,
17:52il y a eu un rééquilibrage qui a été opéré,
17:54non seulement dans les termes eux-mêmes
17:56de l'accord sur les questions essentielles,
17:58l'antisémitisme, l'attitude à l'égard de la Russie agressée,
18:02qui a agressé l'Ukraine,
18:04mais il y a eu aussi un rééquilibrage
18:06dans les circonscriptions.
18:0860% des candidats uniques du Nouveau Front Populaire,
18:15pardonnez-moi, sont socialistes, communistes, verts,
18:21ou place publique, et 40% seulement sont insoumis.
18:25On peut penser même, et je n'en sais rien,
18:28c'est les électeurs qui en décideront,
18:30que dans ce rassemblement de l'Alliance,
18:35les députés de ces quatre formations
18:38seront plus nombreux que les députés de la France insoumise.
18:42Où est la domination alors que l'évolution se fait ?
18:45– Vous me fournissez une transition toute trouvée,
18:47parce que l'actualité, c'est cette déclaration
18:49de Jean-Luc Mélenchon, reprise et très commentée,
18:51c'était hier soir chez nos confrères de France 5.
18:53Jean-Luc Mélenchon qui a dit la chose suivante,
18:55j'ai l'intention de gouverner ce pays.
18:57Il ferait un bon Premier ministre, Jean-Luc Mélenchon,
19:01ou c'est un obstacle au succès de la gauche ?
19:03– Moi j'ai connu Jean-Luc Mélenchon,
19:08secrétaire d'État dans mon gouvernement.
19:10Il a bien changé depuis.
19:13Il peut toujours émettre cette idée et cette prétention.
19:21Mais je me référais à la façon dont Jean-Luc Mélenchon
19:28s'est exprimé lui-même le 16 juin dernier.
19:32Il a dit, évoquant l'hypothèse de sa candidature
19:36au poste de Premier ministre, je vous rappelle d'ailleurs
19:38qu'il n'est plus député.
19:40La vision c'est quand même d'un gouvernement hypothétique de la gauche,
19:46s'appuyant sur un parlementarisme rénové.
19:50Il a dit, je ne serai jamais le problème,
19:53je serai toujours du côté de la solution.
19:57Et il a même ajouté, la victoire d'abord,
20:00ma personne après.
20:02Eh bien, ce qui me remonte moi du terrain, un peu partout,
20:06et notamment chez les électeurs de gauche,
20:10c'est qu'aujourd'hui, Jean-Luc Mélenchon n'est pas la solution.
20:16Et je fais confiance aux futurs élus du nouveau Front populaire
20:23pour choisir un homme et une femme
20:28qui sera capable de rassembler et ensuite de gouverner
20:33en écoutant les autres.
20:35Vous dites, je constate, que Jean-Luc Mélenchon n'est pas la solution.
20:37Pourquoi il n'est pas la solution ?
20:39Est-ce que c'est sa façon de s'exprimer ?
20:41Est-ce que ce sont les idées qu'il porte ?
20:43Pourquoi est-ce que, selon vous, ce n'est pas la solution
20:45pour porter ce nouveau Front populaire ?
20:48Il y a un ton, il y a des purges,
20:52il y a une communautarisation de certaines questions,
20:58une essentialisation de certaines questions,
21:01il y a une extrême subjectivité, je le vois dans Zé Deschamps,
21:07ce qu'il vient d'avoir, par exemple, avec un ancien président de la République,
21:11ou quand il compare, quand il dit que Mathilde Panot
21:14est supérieur à Léon Blum, ce qui peut faire sourire peut-être.
21:19Vous qui connaissez l'histoire du socialisme...
21:21Oui, assez bien, dans l'ensemble, et la figure de Blum, si vous voulez.
21:26Et donc, oui, ça naît, ça existe.
21:29Et donc, je pense qu'il faut que chacun se convainque,
21:33y compris Jean-Luc Mélenchon, qu'un autre choix devra être fait.
21:37Et donc, il faut qu'il se mette en retrait de cette campagne ?
21:39Non, je ne demande rien, je parle du poste de Premier ministre.
21:43Mais alors, la singularité de cet ensemble, c'est qu'il n'y a pas de candidat.
21:48Parce qu'eux, ils ne sont sans doute pas capables de se mettre d'accord.
21:51Est-ce que ça, ce n'est pas un problème ?
21:53Au fond, si vous deviez dresser le portrait robot du candidat,
21:56il y a eu un sondage qui a été fait, OpinionWeb pour les échos,
21:59quand on interroge les Français, c'est Raphaël Glucksmann qui arrive en tête.
22:02Ça prouve qu'il a fait une bonne campagne, d'une part, que c'est un homme estimable.
22:07La façon dont il s'est exprimé sur son rapport à l'identité juive,
22:11si vous voulez, non-essentialiste, républicaine, citoyenne, universaliste,
22:17était extrêmement ébouvante il y a deux jours à la télévision.
22:22Mais je crois que ces noms qui sont évoqués le sont essentiellement
22:28pour le rapport à la personne et la notoriété.
22:31La question du choix d'un Premier ministre est d'une autre nature.
22:34Je rappelle d'ailleurs que c'est le Président de la République qui nomme le Premier ministre.
22:41Je rappelle aussi que le Président de la République doit être d'accord,
22:45s'il y a une majorité, il ne décide pas du gouvernement, bien sûr,
22:50mais il doit être d'accord avec le choix du ministre de la Défense
22:52et du ministre des Affaires étrangères.
22:54Donc, pas d'impatience du côté du Rassemblement national.
22:57D'abord, ils ne sont pas encore élus.
22:59Et ensuite, il faudra qu'ils s'inscrivent dans l'état de droit.
23:03Il faudra qu'ils ne bousculent pas les institutions.
23:06Il faudra qu'ils ne soient pas indulgents avec la Russie,
23:10complices d'un certain nombre de régimes autoritaires.
23:14Il faudra qu'ils respectent l'indépendance de la magistrature,
23:18la liberté de la presse si vous voulez.
23:20Et donc, à mon avis, ils vont un peu vite
23:24et j'espère que les jours de campagne qui vont nous rester après le premier tour
23:30permettront à cet égard d'éclairer les Français.
23:36Je ne pense pas qu'il faille aujourd'hui,
23:39dans la situation de la France, que s'opère ce basculement.
23:42Sur cette question juste de l'incarnation,
23:44je voudrais vous montrer une photo qui a été postée sur les réseaux sociaux
23:48par votre ancienne conseillère en communication, Marie-France Lavarini.
23:51Une affiche à Limoges où est écrit « Jospin revient ».
23:55Je suis là.
23:56Oui, mais alors est-ce que précisément,
23:58comme il n'y a pas d'incarnation pour porter ce nouveau pont populaire ?
24:01Non, ça va se limiter à accompagner ce que je crois juste,
24:05à essayer aussi de mettre dans ce débat un peu de sagesse,
24:09peut-être à faire passer une expérience, mais c'est tout.
24:14Ça manque de sagesse aujourd'hui, notamment,
24:16sans revenir sur Jean-Luc Mélenchon,
24:18mais quand on voit les échanges, la dureté avec laquelle il peut s'exprimer
24:22concernant François Ruffin, concernant effectivement ceux qu'il a écartés.
24:25Je reprends ce que vous disiez, vous qui l'avez connu.
24:28Comment est-ce que vous expliquez cette évolution qui a été la sienne ?
24:32Je n'ai pas pour vous cette passion pour les personnages,
24:38y compris pour Jean-Luc Mélenchon, que depuis 2002,
24:42je n'ai vu, je crois, qu'une fois dans un train
24:45qu'allait à Marseille cinq minutes.
24:47On a été compagnon dans un gouvernement, mais on n'est pas très proche.
24:53Moi, je veux réagir. J'ai dit ce que j'avais à dire, qui est essentiel.
24:57Pour le reste, je ne veux pas revenir et faire des portraits psychologiques
25:01ni même du meilleur Premier ministre supposé.
25:04Je connais un gouvernement, mais ça, c'est la question économique.
25:08Je ne sais pas si vous voulez en parler, du programme de la gauche, par exemple.
25:11J'aimerais juste, avant cela, qu'on redise un mot de la question des barrages.
25:16Tout à l'heure, vous disiez être choqué par la rhétorique du Président
25:19renvoyant dos à dos les extrêmes.
25:20Vous, vous dites très clairement qu'il faut qu'il y ait un front républicain
25:24pour battre les candidats du RN.
25:26Il y a, par exemple, des scénarios qui peuvent se poser,
25:28ce qu'on appelle les triangulaires.
25:29C'est-à-dire que, compte tenu de la participation,
25:31que trois candidats puissent se maintenir au second tour.
25:34Pour vous, la ligne à gauche doit être très claire,
25:37tout faire pour battre le RN, quitte à ce qu'un candidat de gauche se désiste.
25:41Bien que toujours membre du Parti socialiste,
25:44je ne décide d'aucun point à cet égard dans les partis.
25:52Mais pour moi, la position est claire.
25:55J'ai envie de dire à ceux qui nous écoutent et nous regardent,
25:59choisissez, par exemple, chez les Républicains,
26:03ceux dont vous êtes sûrs qu'ils seront dans l'idée de barrage,
26:08et donc pas pour les candidats de M. Ciotti.
26:11Si vous êtes des adeptes de la majorité présidentielle ancienne,
26:16là aussi, choisissez bien, parce qu'il y a des divisions quand même,
26:20il y a des écarts.
26:21Mais il faut qu'il y ait ce front républicain.
26:23Je vais unir, je vais répondre.
26:25Je ne fuis aucune question et je ne vais pas suivre celle-là.
26:28Donc je vous donne quand même le contexte.
26:30On peut agir dans le premier tour les électeurs
26:33pour préférer à l'intérieur de leur famille politique.
26:37Parce qu'on n'est pas obligé de cultiver la déloyauté
26:40comme un principe quand même.
26:41Donc on reste dans sa famille politique,
26:43mais on choisit ceux qui, effectivement,
26:47vont faire que les choses restent possibles
26:50dans une vision républicaine.
26:52Donc qu'ils le fassent.
26:54Et alors, quant à la question de ce que vous appelez le front républicain,
26:58il est clair qu'à partir du moment où il y a dans une circonscription,
27:02à mes yeux, mais je ne décide de rien,
27:06à partir du moment où il y a un candidat du RN
27:10et un candidat républicain, quelle que soit sa couleur au deuxième tour,
27:14si ce n'est pas nous, soit socialistes, soit communistes,
27:18soit insoumis, c'est-à-dire candidats uniques
27:21de ce rappelonsemblement de gauche,
27:23il est clair que le RN doit être écarté
27:28et que le vote doit aller au candidat
27:31qui permet d'écarter un député RN.
27:35Lionel Jospin, je voudrais qu'on parle de la question de l'antisémitisme
27:38qui s'est imposée comme thématique de campagne
27:40à cause de l'horreur de ce qui s'est passé à Courbevoie
27:43où une fillette de 12 ans a été victime d'un viol antisémite.
27:45Les actes antisémites explosent.
27:48Deux questions, et ensuite on déroulera sur cette question.
27:51D'abord, c'est un échec collectif.
27:53Et surtout, certains ont comparé la place
27:56que pouvait prendre ce drame de Courbevoie dans la campagne
28:00à ce qui était arrivé pendant la campagne présidentielle de 2002,
28:03ce qu'on a appelé l'affaire Papivoise,
28:05qui est ce monsieur âgé dont on voit les images à l'instant
28:13qui avait ce visage tuméfié, qui avait été agressé
28:15et qui avait au fond incarné la prééminence
28:19de la thématique de l'insécurité dans la campagne.
28:21Est-ce que ce parallèle vous paraît pertinent ?
28:24Non. Parler d'insécurité dans les deux cas peut se concevoir.
28:28Mais en l'espèce, rapprocher le cas de ce monsieur appelé Papivoise,
28:33dont on a su après quand même un certain nombre de choses,
28:37et le cas de cette jeune fille de 12 ans violée, brutalisée,
28:42notamment ou en particulier parce qu'elle est juive,
28:46ce rapprochement, je le trouve presque obscène, si vous voulez.
28:49J'ai dit, l'antisémitisme doit être combattu d'où qu'il vienne.
28:53Donc ça, c'était extrêmement clair.
28:56Et c'est toujours de cette façon que je me suis engagé à travers ma vie.
29:01Donc ce rapprochement ne me paraît pas pertinent.
29:05Là, on est sur le terrain de l'antisémitisme avéré.
29:10Et donc ce à quoi on doit veiller,
29:14c'est que nos concitoyens d'origine juive
29:18se sentent bien et à l'aise dans la République.
29:21Donc ça, c'est un travail de tous,
29:23et derrière lesquels devraient se tourner tous les partis politiques.
29:26Je ne suis pas sûr que ce serait le cas.
29:29J'ai vu d'ailleurs les réactions de Mme Le Pen
29:32sur un épisode de Devoisine, il y a à quoi je fais allusion,
29:36va à la niche, où c'était quand même une banalisation
29:41ou une évacuation de la dimension raciste.
29:44Vous faites référence, pour ceux qui nous regardent,
29:46à cette séquence d'Envoyé Spécial,
29:48où effectivement une femme divine qui est là est victime d'injures racistes.
29:52Notamment ce va à la niche, et Marine Le Pen a réagi en disant
29:55je ne suis pas sûr que va à la niche ce soit une accusation de racisme.
29:59Mais juste pour rester sur cette question de l'antisémitisme,
30:02est-ce qu'il y a un problème à gauche avec l'antisémitisme, Lionel Jospin ?
30:05Parce qu'une fois encore, Jean-Luc Mélenchon,
30:07l'antisémitisme est résiduel en France.
30:09Un candidat, La France Insoumise, en Seine-Saint-Denis,
30:11qui traite Raphaël Glucksmann de candidat sioniste.
30:14Y a-t-il un problème à gauche avec l'antisémitisme ?
30:18La gauche a toujours été hostile à l'antisémitisme,
30:22l'a toujours combattue.
30:24Et à mon sens, ça n'a pas changé.
30:26Même s'il peut y avoir des phrases douteuses
30:29ou des déviations chez un certain nombre d'individus.
30:33Mais globalement, non.
30:35En tout cas, ce que je voudrais vous dire,
30:38parce que j'ai écouté Serge Klarsfeld
30:42dire que le Rassemblement National était un parti pro-juif.
30:47J'ai un immense respect pour Serge Klarsfeld,
30:51pour son combat, sa lutte historique, pour sa vie.
30:56Et ce respect, je le garde aujourd'hui, pleinement.
31:00Mais sur ce point, d'abord, je veux dire que
31:04parler d'un parti pro-juif,
31:06de la même manière qu'on parlerait d'un parti pro-arabe ou pro-musulman,
31:11c'est s'éloigner de la tradition républicaine française
31:14qui n'essentialise pas un certain nombre de nos concitoyens
31:18ou même un certain nombre des communautés qui peuvent vivre en France.
31:22Ça, c'est un premier élément.
31:24Le deuxième élément, c'est que
31:26si jamais on pouvait considérer que
31:30le Rassemblement National était pro-juif,
31:34il le serait en pensant au Premier ministre Netanyahou
31:42et à l'extrême droite religieuse en Israël,
31:46parce qu'elle existe,
31:48qui a failli faire, sinon succomber,
31:52en tout cas altérer la démocratie en Israël même,
31:56et qui n'a pu reculer qu'à cause des manifestations massives
32:01qui successivement, chaque semaine, se sont produites.
32:04– Mais Lionel Jospin, je rebondis sur les propos de Serge Klarsfeld.
32:08Dans sa prise de position, il y a aussi cette idée
32:11qu'aujourd'hui, pour une partie de la communauté juive,
32:14la France insoumise apparaît comme un danger supérieur au RN.
32:17C'est bien qu'il s'est passé quelque chose.
32:19– Non, mais vous revenez sur cette thématique
32:22et je crois avoir noté, mais bon, je ne suis pas sûr,
32:27mais je crois avoir noté que beaucoup de personnalités importantes
32:31de la communauté juive s'étaient, sinon désolidarisées,
32:37en tout cas inquiétées de la position de Serge Klarsfeld.
32:40– Oui, et ces mêmes personnalités de Lionel Jospin
32:42soulignent aussi qu'il y a un problème d'antisémitisme,
32:45ou du moins d'ambiguïté quant à la lutte contre l'antisémitisme,
32:47à la France insoumise.
32:48– D'accord, ça fait cinq fois que vous le répétez
32:51avec une insistance tranquille et souriante.
32:54Moi je vais vous dire, nos compatriotes juifs
32:58ne seront jamais protégés par un parti xénophobe
33:02et par un parti raciste, même si, conjoncturellement,
33:07à un moment ou à un autre, ils tournent son hostilité aux étrangers
33:13contre les musulmans ou les arabes.
33:16Jamais qu'ils se disent ça.
33:18Et ils trouveront en nous, et à la plupart des composantes
33:22de ce qu'est cette nouvelle alliance à gauche,
33:27des amis plus solides et plus constants.
33:30– Une toute dernière question à Lionel Jospin,
33:32je parlais tout à l'heure de celui que vous aviez affronté
33:35en 2002, Jean-Marie Le Pen.
33:38On dit beaucoup aujourd'hui que le RN a changé.
33:40– Non, je ne l'ai pas affronté en 2002, c'est Jacques Chirac qui l'a affronté.
33:43– Oui, enfin en tout cas vous l'avez…
33:44– Il ne l'a pas affronté, on a fait une cérémonie antifasciste
33:46et Jacques Chirac avait concouru avec 40%.
33:49– Vous avez concouru à l'élection présidentielle en 2002, il était candidat.
33:54Est-ce que le RN a changé depuis 2002
33:58et depuis cette candidature de Jean-Marie Le Pen,
34:00aujourd'hui Jordan Bardella qui est donc aux portes de Matignon ?
34:05– Oui, il a changé, je l'ai dit tout à l'heure.
34:07Il y a cette différence, à mon sens, c'est ma conviction,
34:12entre ce projet de surface pour aller vers l'élection législative
34:18et ses fondamentaux profonds et son projet
34:22qui serait celui d'un régime autoritaire, attentatoire aux libertés,
34:28indifférent aux contre-pouvoirs et même irrité par les contre-pouvoirs,
34:34isolé sur la scène européenne parce que les principes démocratiques,
34:42ce n'est pas ce qu'il veut avancer, indulgent à l'égard des régimes autoritaires,
34:54je ne dirais pas soumis mais, comment dirais-je,
34:58oui indulgent à nouveau pour la Russie
35:01et donc non, je ne pense pas qu'en profondeur cela a changé
35:06et au moment où, comme on disait, les destins peuvent changer de chevaux,
35:15il vaut mieux s'intéresser à la profondeur qu'à la surface des choses.
35:20– Merci beaucoup Lionel Jospin d'avoir été l'invité de C'est pas tous les jours dimanche
35:25et donc merci de nous avoir réservé cette interview.
35:27Je le disais, votre parole est rare.