• il y a 6 mois
Championne de ski freestyle, Coline Ballet-Baz est l'invitée d'Alexandre Delpérier cette semaine dans La victoire est en elles. Après sa carrière professionnelle, Coline Ballet-Baz s'est lancée depuis quelques années dans le documentaire et la réalisation, notamment pour mettre en avant le sport féminin, mais également des causes sociales qui lui sont chères, avec ses deux premiers films : Skivas et Recipe. Un troisième film est d'ailleurs en préparation !

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Sport
Transcription
00:00...
00:18-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:21bienvenue dans votre rendez-vous dédié aux femmes dans le sport.
00:24Je suis ravi de vous accueillir.
00:26Une femme sportive, une femme engagée,
00:29une femme qui prend des initiatives, qui nous montre sa vie,
00:33et elle est souvent la vraie vie, avec nous,
00:35Céline Balébaz. Bonjour, Céline.
00:38Bonjour. Merci beaucoup pour l'invitation.
00:41Je suis ravi de t'accueillir.
00:42Tu es dans la région lyonnaise, Grenoble.
00:46C'est ça, ton point de base, ton point de chute ?
00:48Surtout Grenoble, quand même, le point de chute.
00:51Et un peu tous les massifs des Alpes.
00:53Je bouge pas mal dans le massif du Mont-Blanc,
00:56Moréenne, Hautes-Alpes, Tarentaise, etc.
00:58Donc Grenoble, c'est un bon camp de base pour ça.
01:01Quel terrain de jeu exceptionnel.
01:02T'es une athlète engagée,
01:04t'as été membre de l'équipe de France de freestyle,
01:06tu réalises des films, tu produis aussi des films, Céline ?
01:11Oui, toujours avec des équipes qui sont compétentes
01:14dans tous les domaines de la production vidéo,
01:16mais des fois, je lance des idées de films
01:19et je m'entoure des personnes compétentes
01:21pour que ça arrive à bien.
01:23Si je dis que t'es aussi une ambassadrice pour la cause des femmes ?
01:27C'est vrai que c'est quelque chose qui me tient à cœur
01:30dans nos milieux sportifs,
01:32des sports un peu de montagne, slash sports extrêmes,
01:34qui sont quand même plus masculins.
01:36Même si j'adore être en montagne avec des hommes,
01:39mais les femmes ont aussi leur place dans ces milieux.
01:42C'est un truc que j'ai abordé dans les deux premiers projets de films
01:47que j'ai réalisés, Ce qui va, c'est Récipi,
01:49où c'était des projets entièrement féminins.
01:51Et c'est vrai que ça me tenait à cœur d'offrir cette plateforme
01:54à toutes les femmes que j'ai rencontrées sur les skis
01:57qui débordent de talent
01:59et qui sont complètement à leur place dans ces milieux.
02:02Est-ce que dans le milieu de la montagne,
02:04on va appeler ça d'une manière plus générale,
02:05est-ce qu'il y a des différences de valeur, de motivation
02:08entre les hommes et les femmes ?
02:11Non, justement pas.
02:12Pour moi, j'ai l'impression que les motivations sont les mêmes,
02:15les émotions, les sensations qu'on ressent en faisant ces sports
02:18sont les mêmes.
02:19Et juste la grosse différence,
02:21c'est un peu le nombre de pratiquants versus le nombre de pratiquantes.
02:23Il y a vraiment énormément plus d'hommes dans ces milieux.
02:27Et c'est justement pour ça que je trouve ça dommage,
02:29parce qu'il n'y a rien qui fait que ce sont des activités
02:33réservées aux hommes en termes de mental, de physique, etc.
02:36Donc, voilà, c'est justement un peu ces projets,
02:39des injonctions aux femmes à se dire,
02:42bien sûr que ces sports, ils sont faits pour vous aussi.
02:45On va développer tout ça.
02:46Mais j'aimerais que tu me dises quand la partie créative,
02:50et là, je parle vraiment de la réalisatrice des films
02:52que tu mets en place,
02:53quand est-ce que tu as senti que cette créativité était en toi
02:56et que tu avais envie de l'utiliser pour faire passer des messages ?
03:01Moi, à vrai dire, la vidéo dans le ski freestyle,
03:05puis freeride, c'est toujours ce qui m'a attirée.
03:07Même quand je faisais de la compétition,
03:09j'avais un peu dans un coin de ma tête
03:11quand est-ce que je pourrais arrêter pour me mettre à la vidéo.
03:13Et c'est ce côté créatif, en effet, que j'aime dans la vidéo.
03:16On peut tout créer à partir d'idées.
03:19Il y a le côté aussi collectif.
03:21Beaucoup, c'est des projets collectifs.
03:24On ne roule pas que pour sa pomme.
03:26Et c'est ça qui me plaît beaucoup dans la vidéo.
03:29Parce que je savoure tes images qui sont juste extraordinaires.
03:32Évidemment que c'est du collectif.
03:33C'est du collectif dans l'effort, dans les valeurs,
03:36dans le travail d'équipe.
03:37Et puis aujourd'hui, surtout, et ça, c'est exceptionnel,
03:40c'est que vous disposez d'outils pour filmer, pour produire
03:43qui sont extraordinaires.
03:44Avant, il fallait faire décoller un hélico.
03:45Aujourd'hui, avec des drones, on a des images qui sont juste fantastiques.
03:51C'est clair que les outils ont énormément évolué.
03:54J'en profite aussi pour saluer vraiment tout le travail
03:57des équipes vidéo en montagne.
03:59Vraiment, c'est ultra impressionnant parce qu'on se déplace en montagne,
04:03c'est déjà suffisamment difficile avec ses skis.
04:07Et eux, ils se déplacent encore avec tout le matériel vidéo.
04:10Et du coup, vraiment, c'est un sacré boulot.
04:13Et donc, voilà, petite parenthèse pour saluer ce travail.
04:17Tu avais un objectif précis quand tu t'es lancée dans la vidéo ?
04:21Eh bien, à la base,
04:23mes objectifs étaient quand même beaucoup tournés autour de la performance.
04:27Enfin, c'est quand même de la performance.
04:29C'est montrer du beau ski, notamment le ski freestyle,
04:32une discipline qui me fait toujours autant vibrer,
04:36mais qui me faisait très vibrer.
04:37Là, je me suis aussi diversifiée dans plus de trucs.
04:40Mais c'était montrer cette beauté-là, moi, que je voyais dans ces sports.
04:43Et petit à petit, je me suis dit qu'il y avait de plus en plus moyen
04:47de greffer aussi à ces films des messages,
04:50que ce soit mettre en avant les femmes dans ce milieu
04:53ou parler de ce qui nous pousse, les motivations, les peurs et tout ça.
04:57Et oui, donc de plus en plus,
04:59c'est ce qui m'a intéressée aussi dans le fait de faire des films.
05:02C'est ce côté un peu aussi transmission qui est possible, quoi.
05:05Dans ce qui va, tu as vécu de grandes aventures,
05:08avec notamment ta première descente freeride.
05:10Alors, on dit comment ?
05:11L'aiguille pourrie, ça s'appelle, à côté de Chamonix, c'est ça ?
05:15Oui, c'est ça, oui.
05:17Alors, je te propose qu'on regarde un petit extrait
05:18et on en parle juste après.
05:20C'est trop bien de voir Coco évoluer dans un nouveau milieu.
05:23C'est trop cool de pouvoir lui transmettre quelque chose qu'on connaît
05:26parce qu'elle le fait pareil avec le freestyle.
05:28Du coup, c'est plutôt génial de partager tout ça.
05:33Ça va, gros ?
05:37C'était weird.
05:43C'est pas mal, ça.
05:44C'est pas mal.
05:46C'est pas mal.
05:47C'est pas mal.
05:48C'est pas mal.
05:50On va passer à droite.
05:51C'est vraiment là où la coulée, elle a commencé.
05:53OK.
05:54Pour l'instant, ce genre de face, c'est encore un peu la plongée dans l'inconnue.
05:57Même si on repère avant, on regarde les photos,
06:00on s'imagine vraiment où passer et tout.
06:02Mais c'est vrai que je n'ai pas l'habitude de dropper
06:05dans des faces comme ça où en haut, tu es complètement aveugle.
06:07Et après, il faut juste se souvenir de ton itinéraire et aller dedans.
06:12C'est trop beau.
06:16C'est juste sublime.
06:17C'est sublime.
06:19Moi, je suis un fou de montagne, comme plein de gens, j'imagine,
06:22mais généralement, on a le courage de prendre des ascensions.
06:24Pareil, les inclinaisons, c'est quoi ?
06:26Quand on vous voit avancer avec les bâtons,
06:27on a l'impression que le vide, il est en dessous.
06:31Oui, alors ça, c'est toujours l'impression qu'on a.
06:34Après, c'est raide, c'est clair.
06:36Là, je ne sais pas, ça va être à 45, quelque chose, 45 degrés.
06:41Mais voilà, c'est des choses où on prend l'habitude
06:44et petit à petit, on apprend aussi à être en sécurité dans cet environnement.
06:48Mais là, c'est vrai qu'avec Juliette,
06:49moi, c'était une de mes premières vraies phases de freeride
06:51et j'avais appris beaucoup de choses.
06:54C'est des apprentissages constants et permanents quand on est en montagne.
06:57Donc, c'est ça qui est passionnant aussi et assez infini.
07:01Les conditions étaient très bonnes.
07:03Est-ce que c'est vrai qu'il y a un vrai esprit de solidarité
07:06entre gens de la montagne ?
07:10Disons que quand tu es en montagne avec...
07:12Déjà, on n'est jamais en montagne à beaucoup
07:14et quand on est en montagne avec quelques personnes,
07:17tu n'as pas vraiment le choix
07:18parce que la sécurité dépend vraiment des personnes avec qui tu es.
07:22Parce que s'il se passe quelque chose, notamment en cas d'avalanche,
07:25le temps de déclencher les secours et tout,
07:27la personne sous l'avalanche, le temps que les secours arrivent,
07:30elle sera déjà probablement décédée.
07:32Donc, c'est vraiment...
07:35Il faut savoir compter les uns sur les autres.
07:37Et du coup, oui, ça forge assez vite des relations de solidarité
07:42qui peuvent vite se transformer en amitié quand ça se passe bien
07:45parce que tu mets vraiment ta sécurité et ta vie
07:49dans les mains des personnes avec qui tu es en montagne et vice-versa.
07:53Donc, il y a aussi une responsabilité de sa part
07:56envers les personnes avec qui tu es en montagne
07:59de se former, de savoir s'il se passe quelque chose,
08:03de savoir y répondre.
08:04Pardon d'évoquer ça, mais c'est important aussi
08:06puisque c'est une question qu'on se pose tous, nous, les terriens,
08:09j'ai envie de dire, les gens d'en bas.
08:11Est-ce que t'as été confrontée à des très grosses frayeurs
08:15et j'imagine que tu as perdu des camarades, peut-être, aussi ?
08:20Alors, moi, pour l'instant, je touche du bois.
08:22J'ai eu beaucoup de chance avec ça.
08:23Non, j'ai jamais été témoin d'un vrai accident d'avalanche
08:26ou d'un décès ou de quelque chose de vraiment grave en montagne.
08:30Donc, j'espère que ça va continuer.
08:31Par contre, des histoires d'amis proches,
08:34ça, oui, il y en a à la pelle, malheureusement, de décès,
08:39de témoins d'accidents, que ça concerne ton groupe
08:42ou que t'arrives sur un accident d'un autre groupe.
08:45Ça, il y en a quand même beaucoup.
08:47Donc, c'est quelque chose qui fait partie de notre pratique
08:50et qu'il faut avoir en tête aussi.
08:52Je pense que c'est nécessaire de l'avoir en tête aussi
08:54pour mettre les choses en place du mieux qu'on peut pour l'éviter.
08:58Oui, c'est ça, c'est que la montagne, à la fois, elle est imprévisible,
09:02mais en même temps, si on anticipe bien qu'on part au bon moment
09:06en fonction de l'enneigement, des températures,
09:08des conditions de chute de neige qu'il y a eu précédemment,
09:10de l'évolution de la météo dans les jours d'après,
09:12on essaie de balayer un maximum de choses,
09:14même si, évidemment, on n'est pas 100 % certains d'eux.
09:20Oui, voilà, ce n'est pas une science exacte.
09:21On dit souvent que le risque zéro n'existe pas en montagne,
09:25mais il y a quand même beaucoup d'outils et de formations
09:28qui permettent de limiter ce risque
09:30ou s'il se passe quelque chose, de savoir répondre au mieux.
09:34Donc voilà, il faut se former aux techniques de secours en avalanche.
09:39C'est sûr, c'est primordial au premier secours,
09:41mais il faut aussi se former pour éviter qu'une avalanche arrive.
09:45Donc c'est vraiment plein d'étapes comme ça,
09:48et c'est des apprentissages qui prennent des années.
09:50C'est presque impossible, je pense, de se dire,
09:52allez, je m'y mets trois mois à fond et je saurai tout sur la montagne.
09:55C'est impossible.
09:56À chaque sortie, on en apprend un peu plus.
09:59À chaque discussion, des fois, avec des amis ou des guides,
10:02on en apprend.
10:03Donc oui, c'est un long processus.
10:05Je savoure ces images extraordinaires.
10:08C'est combien de personnes qui filment, qui montent ?
10:11Comment ça se passe ? Comment vous êtes organisés ?
10:13Alors là, les images, c'était le film « Recipe »,
10:17qu'on a tourné, je crois, si je ne dis pas de bêtises,
10:19il est sorti en 2022.
10:21Et alors, combien de personnes ?
10:23Il y avait une quinzaine de skieuses dans le film.
10:26En tout, je pense, il y avait trois, quatre caméramans principaux,
10:29mais selon les lieux où on allait,
10:31des fois, on rajoutait des caméramans.
10:33Donc en tout, il doit y avoir cinq, six caméramans.
10:35Alors pardon, excuse-moi, Coline.
10:37Quand tu dis « caméramans », c'est des gens avec une vraie caméra
10:40ou c'est des GoPros, c'est des drones, c'est comment ?
10:42Non, « caméramans », c'est des gens avec des vraies caméras.
10:45J'inclus drones et plans fixes là-dedans.
10:48Et les GoPros, c'est nous qui les portons.
10:50Les GoPros, c'est le travail, entre guillemets,
10:52de chaque skieuse dans le film, d'avoir sa petite GoPro
10:56et de donner les shots aux caméramans,
11:00justement le soir, chaque soir, on fait des back-up, on appelle ça.
11:04Enfin, on sauvegarde les shots pour être sûr qu'il n'y ait rien qui se perde.
11:07Et après, deux personnes qui font le montage,
11:11des personnes qui sont sur la production, la recherche de financement,
11:14l'organisation logistique de tous ces tournages.
11:17Donc, ça fait vite une équipe autour du film d'une bonne dizaine de personnes,
11:20sans compter les skieuses qui viennent juste pour skier,
11:24entre guillemets, ce qui est déjà énorme.
11:26Ton rôle à toi, c'est quoi ? C'est de piloter tout ça ?
11:30Eh bien, un petit peu, oui.
11:31Moi, je suis un peu en contact avec tout le monde.
11:34Souvent, c'est moi qui étais en contact avec les filles,
11:37avec les skieuses qui organisaient un peu les tournages.
11:40On décidait tous ensemble où aller, ce qu'on faisait à la journée et tout ça.
11:45Au montage aussi, j'avais mon petit mot à dire.
11:47Donc, c'est pas mal d'aller-retour pendant l'été, pendant le montage,
11:49pour faire ajuster des petits trucs ou des gros trucs.
11:53Sur Recipe, j'avais aussi géré la partie interview,
11:56une partie qui était nouvelle pour moi et qui me bottait bien.
11:59J'essayais de faire des interviews selon les skieuses que je connaissais.
12:03Quand tu connais les personnes, c'est toujours un peu plus facile
12:05aussi d'orienter les questions, entre guillemets.
12:08Donc, un petit peu plein de choses comme ça.
12:11Et puis, le rôle de skieuse, quand on était en montagne,
12:14je reprenais mon rôle de skieuse et c'était très bien aussi comme ça.
12:17Oui, j'imagine. En même temps, ça doit être difficile de kiffer,
12:20de prendre son pied sur les skis,
12:22et en même temps, de tenir compte de tous les aspects techniques.
12:25Technique, je veux dire, où est le caméraman,
12:27attendre le bon moment, la bonne lumière, tout ça, non ?
12:30Oui, complètement. Moi, quand on était en montagne,
12:32j'aimais bien vraiment reprendre ma casquette de skieuse et basta quoi.
12:35Et les caméramans autour, en plus, je leur faisais entièrement confiance.
12:40Eux, ils gèrent les lumières, leurs angles, tout ça.
12:44Je les laissais entièrement faire
12:46et moi, ça rendait les choses beaucoup plus simples pour moi.
12:49Déjà qu'il y a tout le temps un peu de la petite logistique en montagne.
12:53Il y a toujours des trucs liés à la météo.
12:55Il n'y a jamais grand-chose qui se passe comme prévu.
12:59Du coup, je préférais revenir à un truc comme ça
13:02où on gère plutôt ces petits problèmes,
13:05enfin problème ou pas problème,
13:06mais ces petits aléas liés à la pratique du ski.
13:11Et le côté caméra, le côté film,
13:14c'est les filmeurs qui prenaient le relais.
13:17On va parler de la compétition
13:18puisqu'on rappelle que tu as une très belle carrière dans le freestyle.
13:23Pour quelles raisons, blessures, l'âge, l'envie d'autres choses ?
13:26Comment tu as décidé ?
13:28Qu'est-ce qui a été le déclic où tu t'es dit,
13:29bon, la compète, maintenant, c'est fini.
13:31Maintenant, je veux faire des films et raconter les histoires
13:33qui correspondent à mes valeurs.
13:37Oui, c'est un petit peu un mix de plein de choses.
13:39Déjà, comme je te disais tout à l'heure,
13:41cette envie depuis toujours,
13:43en fait, cette réelle passion pour la vidéo et les films
13:48qui m'a toujours animée presque plus que les compétitions.
13:51Mais à l'époque, je pensais un peu que la compétition,
13:53c'était le seul moyen de vivre de mon sport.
13:55Du coup, je continuais là-dedans.
13:57Et aussi, ce n'était pas du tout non plus un sacrifice.
14:00J'ai appris énormément en compète
14:02et ça te fait progresser techniquement, mentalement et tout ça.
14:06Mais en effet, à un moment, j'ai eu un petit enchaînement de blessures
14:09et il y a une blessure qui m'a fait avoir un déclic.
14:11J'avais cette envie grandissante de faire de la vidéo.
14:15Et c'est vrai qu'une blessure en Coupe du monde à Québec,
14:19en 2019, aux genoux,
14:21et où je me suis dit, tiens, c'est le moment.
14:24En plus, c'était fin de saison.
14:26C'était quoi comme blessure ?
14:28C'était une entence du ligament interne,
14:31mais qui faisait suite au ligament croisé l'année d'avant.
14:34Il y avait eu un peu un enchaînement et on y croit ou pas.
14:38Mais moi, je m'étais un peu dit, si ça se trouve,
14:40ça n'arrive pas pour rien.
14:42Et c'est aussi pour me dire que c'est peut-être temps
14:45de changer de voie et de quitter tout ça.
14:47J'avais appelé la CD et je leur avais annoncé
14:50que j'arrêtais la compétition.
14:52Et donc, j'étais assez, pas dans l'incertitude,
14:55mais je me disais, si ça se trouve, ça va marcher un an
14:58et puis après, tu ne pourras plus vivre du ski.
15:00Et au final, grâce aux sponsors qui ont suivi le projet,
15:05ça marche pas mal encore dans la vidéo, encore maintenant.
15:08Colline, il y a deux mots que je n'ai pas entendus jusqu'à présent,
15:10c'est nature et liberté.
15:12OK.
15:13Alors que je pense qu'ils sont hyper importants
15:15dans ta façon d'avancer et de voir les choses.
15:19Oui, carrément.
15:20Moi, je pense que je suis aussi passionnée de ski
15:22parce que c'est un sport de pleine nature
15:24et qu'on évolue dans cet environnement époustouflant
15:28qui est la montagne.
15:30Et c'est vrai que tous les pratiquants, pratiquantes de montagne,
15:32ils en parlent de ce sentiment de liberté.
15:36C'est un environnement où il n'y a pas de règles,
15:40mais s'il y a un peu les règles de bon sens,
15:43les règles de sécurité, les règles de solidarité d'en s'accorder.
15:46Et je pense que c'est un peu tout ce qu'on recherche
15:48quand on va en montagne, quand on fait du ski,
15:50quand on fait ces sports-là.
15:52C'est ce sentiment de liberté et d'infini
15:55un peu dans les possibilités et de beauté que la montagne offre.
15:59Et merci de nous permettre de voyager, nous qui regardons tes films.
16:03Je voudrais qu'on revienne sur ta carrière.
16:05Comment tu as commencé le ski ?
16:07Tes parents étaient skieurs.
16:08Tu es née où ? Tu étais dans quelle région ?
16:11Moi, j'ai grandi à Vienne, dans le sud de Lyon,
16:14donc assez inhabituel pour une skieuse.
16:16Mais mon père est originaire de Haute-Savoie, près de Salanche.
16:19Donc, on allait skier tous les hivers
16:22chez notre grand-père autour de Salanche, dans les petites stations là-bas.
16:25Attends, je t'interromps.
16:27Quand tu me dis qu'on allait skier tous les hivers,
16:29c'est comme nous, les Parisiens, une semaine ou tu y allais tous les week-ends ?
16:33Non, c'est comme les Parisiens.
16:35D'accord.
16:36On y allait une grosse semaine en février
16:38et on y allait un ou deux week-ends par an.
16:41Quand même…
16:42Mais déjà, à l'époque, c'était ma semaine de l'année.
16:46C'était la semaine préférée de l'année.
16:48Du coup, en déménageant à Grenoble pour mes études à 17 ans,
16:51j'ai découvert qu'on pouvait skier tout le temps.
16:54J'ai pris l'option ski freestyle en sport aux études.
16:58Du coup, là, je me suis mis à fond
17:00et je suis vraiment tombée amoureuse de ce sport.
17:02Il faut savoir aussi que moi, je faisais du roller en skatepark.
17:07À partir de mes 13 ans, je crois.
17:09Donc, ça pose des bonnes bases pour le freestyle, en tout cas.
17:14Ce n'est pas exactement pareil, mais ça posait des bonnes bases.
17:16Certains feraient peut-être le raccourci en se disant
17:18skate, roller, ski freestyle, casse-cou.
17:21Non, c'est plutôt la sensation de glisse,
17:24les inclinaisons, la recherche de vitesse, tout ça.
17:28Oui, complètement. Il y a une notion de recherche de vitesse,
17:30d'équilibre, de glisse, un peu tout ça, comme tu as dit,
17:34de technique aérienne aussi.
17:36On recherche à être le plus joli en l'air,
17:40à peaufiner nos figures.
17:42Moi, dans l'évolution d'une figure, dans ma tête,
17:44c'était toujours, OK, il y a rentrer la figure,
17:47ratterrer sur ses pieds et sans se faire mal après avoir fait une figure.
17:51Mais ça, c'était vraiment la première étape pour moi.
17:53Et la deuxième étape, c'était d'essayer de la rendre jolie,
17:55de la rendre fluide, de mettre du style, comme on dit.
17:58Et ça, c'est un truc qu'on retrouve dans tous les sports un peu freestyle,
18:02que ce soit le skate, le BMX, le ski, le kitesurf, et j'en passe.
18:06Et oui, c'est là où je voyais les grosses similarités entre ces deux sports.
18:11C'est fou parce que la bascule, elle s'est faite à 17 ans
18:15quand tu as déménagé à Grenoble pour tes études.
18:18Mais très vite, tu as vraiment performé.
18:20Tu as eu une ascension fulgurante.
18:24Alors, sans que ce soit de la fausse modestie,
18:27je pense que j'étais aussi à un bon timing.
18:29C'était aussi l'époque…
18:31Donc, moi, vers 2009-2010, je me suis mise au ski freestyle.
18:36Il faut savoir que c'est un sport encore assez jeune,
18:37que ce soit pour les filles ou les gars.
18:39Mais pour les filles, à l'époque, il y avait vraiment…
18:41On devait être 4-5 à faire du ski freestyle en France.
18:45Et du coup, ça permet quand même de se faire un nom un peu plus facilement.
18:48Il y avait une compétition de ski freestyle à l'époque
18:51qui s'appelle le SFR Tour et je m'étais mise à participer.
18:55Et du coup, forcément, je finissais… J'avais fait des podiums et tout ça.
18:59Et en 2013, quand la première équipe de France a été créée,
19:03ils se sont basés sur les résultats de cette compétition
19:05pour faire leur sélection et du coup, j'ai été sélectionnée.
19:08Donc, c'est pour dire aussi qu'il y avait un bon timing.
19:11Je pense que ça, ce serait plus possible maintenant, ce genre de parcours,
19:14parce que le niveau a vraiment explosé.
19:17Maintenant, il y a plus de jeunes femmes.
19:19Heureusement, c'est génial.
19:20Et ce serait moins possible, je pense, de déparquer sa petite ville
19:24et de finir en équipe de France en 3-4 ans.
19:26Oui, enfin bon, là, tu me parles de la France,
19:28mais enfin, tu as eu des victoires en Coupe du Monde,
19:31tu as eu des classements, des podiums en Coupe du Monde.
19:33Là, on est sortis du périmètre de la France
19:35et j'imagine que les Américaines ou d'autres nations,
19:38les Suisses ou je ne sais quoi,
19:40eux, c'étaient des disciplines qui étaient en pleine explosion, quand même.
19:45Oui, c'est vrai que c'est une discipline qui est née aux États-Unis.
19:49Donc, c'est vrai que les Américains ont toujours un peu, quand même,
19:52dominé le sport, même si maintenant,
19:55les Norvégiens, les Suisses sont très forts, les Françaises aussi.
19:58Mais…
20:01Donc, oui, c'est vrai qu'après, le fait d'être en équipe de France,
20:04justement, te permet d'avoir un entraînement régulier
20:07et une rigueur dans l'entraînement qui fait prendre du niveau.
20:10Ça, c'est clair que, pareil, je ne serais pas arrivée à ce niveau-là
20:13si je n'avais pas eu cette structure-là.
20:15Mais voilà, c'est mon ticket d'entrée, entre guillemets, en équipe de France
20:19qui serait peut-être plus compliqué à avoir de cette manière-là maintenant.
20:24Et l'Alpin, les piquets, non, ça n'a jamais été ton truc, ça ?
20:27Ah non, moi, ça, non.
20:29Vraiment, je trouve ça magnifique et très beau.
20:33C'est un sport très technique, mais ça n'a jamais été mon truc, comme tu dis.
20:37Oui, j'aime aller vite, mais je préfère tournicoter dans les airs.
20:43Et puis, il y a cette liberté et cette créativité
20:45qu'on retrouve maintenant dans tes films, d'ailleurs.
20:47Tes parents, ils ont réagi comment quand tu leur as dit coucou ?
20:49Vous me voyez, maintenant, vous me regarderez en train de sauter,
20:52en train de voyager dans le monde entier, tout ça.
20:54Comment ils ont réagi ?
20:55Et tu avais quel âge à ce moment-là quand tu leur as dit,
20:57bon, j'ai choisi ma voie ?
21:00Je pense que ça s'est fait un peu à la fin de mes études.
21:03Du coup, je leur ai dit que je n'allais pas forcément
21:07trouver un métier dans la suite de mes études,
21:09mais plus continuer dans le ski.
21:10Et eux, ils ont toujours été très encourageants.
21:13Ils n'ont jamais remis ça en question.
21:15De toute façon, je pense qu'ils sentaient très bien que c'était mon truc
21:18et que remise en question ou pas,
21:21ça n'allait pas changer grand-chose pour moi.
21:22Mais ils ont toujours été très, très encourageants.
21:25Alors que, bon, on n'est pas dans une famille de sportifs de haut niveau.
21:30Donc, c'est vrai qu'il aurait pu y avoir des questionnements,
21:33des peurs, des doutes et tout.
21:34Et jamais trop, en tout cas, ce n'est jamais trop ce qu'ils m'ont fait ressentir.
21:37Donc, je les remercie pas mal pour ça et même beaucoup.
21:40Et c'est vrai que c'est important, je pense, dans ce genre de choix,
21:43d'être soutenu par son entourage
21:45et de ne pas sentir que c'est une décision complètement loufoque ou farfelue.
21:49Donc, moi, je n'ai jamais ressenti ça.
21:50Donc, oui, je leur ai dit merci.
21:52Tu as parlé de blessures.
21:54Moi, je vais te parler de compétitions,
21:57notamment les Jeux olympiques de Pyeongchang en 2017.
22:01Tu étais sur la liste, clairement.
22:02Tu avais la possibilité d'y être.
22:03Et puis, il y a eu une blessure.
22:05C'est quoi ? C'est la rupture des ligaments croisés, c'est ça ?
22:08Oui, c'est ça.
22:09Une compétition aux États-Unis en décembre 2017.
22:15Donc, les doigts un mois avant les pieds hauts.
22:16Donc, c'était plié, quoi.
22:17Oui, c'est ça.
22:18Ça a fait quoi, ça, dans la tête ?
22:22Eh bien, grosse déception.
22:23Grosse déception, quand même,
22:24parce que les JO, après, il y a ton envie à toi d'y aller.
22:28Et il y a aussi, c'est vrai, une sorte de pression collective médiatique.
22:32Tout le monde te parle des JO.
22:33Du coup, ça fait encore grossir le truc plus dans ta tête.
22:36Et du coup, c'est vrai que quand tu te prépares depuis un ou deux ans
22:39à cet objectif et que tu te blesses un mois avant,
22:41bon, il y a de la déception.
22:42Il y a un peu l'impression qu'il y a ton univers qui s'écroule un peu.
22:48Mais bon, c'est comme ça.
22:51Et puis, au final, j'ai eu de la chance dans ma rééducation.
22:55Six mois plus tard, j'étais sur pied et sur ski.
22:58Donc, voilà.
23:00Au final, c'est une expérience comme une autre.
23:03Mais oui, je n'aurais pas eu cette expérience des JO, au final,
23:05mais c'est comme ça.
23:06J'en ai eu plein d'autres de belles.
23:08Coline, tu te qualifies de féministe douce.
23:10C'est quoi ? Explique-nous.
23:11C'est quoi être une féministe et c'est quoi être une féministe douce ?
23:15C'est une bonne question.
23:18Être une féministe, je pense, pour moi, c'est juste un peu normal.
23:23C'est militer, entre guillemets, pour que les femmes aient les mêmes droits
23:28et les mêmes choix, les mêmes possibilités de choix que les hommes.
23:32Donc, ça me paraît être un truc assez normal.
23:35Et douce, c'est peut-être parce que je ne suis pas spécialement engagée
23:41dans des associations, je ne vais pas forcément plaider
23:44cette cause tout le temps autour de moi.
23:48Peut-être parce que moi, dans mon féminisme,
23:52c'est plus montrer que revendiquer.
23:56Mais voilà, c'est ma manière à moi de faire les choses
23:59et de faire passer les messages.
24:00Je pense qu'on a besoin de toutes les manières de faire passer les messages.
24:04Mais la mienne, c'est plutôt celle-là.
24:06C'est quoi les projets ? C'est quoi l'avenir ?
24:08Je crois que tu travailles sur un gros docu sur les deux années à venir.
24:12Oui, je me suis lancée dans un projet sur deux ans
24:15qui est assez nouveau pour moi, avec ma sœur Charlotte,
24:18qui est réalisatrice de documentaires sur Paris.
24:21Et on se lance dans un documentaire qui va mêler le film de ski
24:26et le documentaire sur la région du Briançonnet,
24:29qui est le territoire à la fois de beaucoup de passages migratoires
24:33et donc d'une répression assez sévère
24:37et aussi d'un gros mouvement de solidarité de la part de la population
24:40pour accueillir ces personnes exilées.
24:42Et qui est aussi très connu pour ses montagnes magnifiques enneigées,
24:46ses stations de ski, sa pratique de la montagne.
24:49Et c'est un peu cette dichotomie entre ces deux réalités
24:52opposées sur le même territoire qui nous a intéressés
24:55et qu'on va essayer de documenter dans ce projet.
24:58Donc il y a un premier 8 minutes là-dessus qui va sortir à l'automne
25:01et on va essayer de travailler sur un plus long format pour l'automne 2025.
25:07Donc il y a une dimension sociétale que vous allez porter avec ta sœur.
25:10Oui, voilà, complètement.
25:11Et c'est cette dimension qui est nouvelle pour moi
25:13et où c'était vraiment nécessaire d'être entourée de quelqu'un
25:17qui sait gérer l'écriture d'un script,
25:20enfin qui sait gérer la réalisation d'un documentaire.
25:23C'est quand même éloigné de ce qu'on fait nous dans le ski
25:25ou en général ce qu'on fait c'est plus d'organiser des tournages
25:28et de gérer la logistique liée au ski et basta.
25:31Et là, il y a plein d'autres aspects.
25:33C'est ultra intéressant et j'apprends beaucoup de choses avec ma sœur.
25:37Ça veut dire que là, vous avez déjà des images,
25:39j'imagine, de flux migratoires, de migrants,
25:43de personnes traversant les montagnes, les frontières,
25:47dans des conditions, j'imagine, terribles parfois ?
25:50Alors oui, les conditions de traversée sont parfois dures
25:53parce qu'ils passent par un col enneigé,
25:55le col du Mont Genève qui est enneigé.
25:57Évidemment, les personnes exilées qui viennent un peu des quatre coins du monde
26:00n'ont pas forcément, même rarement, le matériel adéquat pour traverser.
26:05Après, nous, ce n'est pas vraiment là-dessus,
26:08ce n'est pas ça qu'on voulait filmer.
26:10On voulait se concentrer sur la notion de solidarité
26:15à la fois commune à la pratique de la montagne,
26:17comme on en parlait avant,
26:19et à la fois qui est très présente
26:21et qui est à la base du mouvement de solidarité
26:23pour aider ces personnes exilées dans le Briançonnet.
26:26Donc, ça va être un peu notre fil rouge.
26:27Le film ne sera pas forcément rempli d'images de traversées aux frontières,
26:33même si on va en parler, évoquer quelques chiffres
26:35et planter le décor, entre guillemets.
26:37Mais voilà, on voulait plus se concentrer sur le pourquoi,
26:41pourquoi on s'investit là-dedans,
26:42pourquoi il est nécessaire de ne pas laisser quelqu'un en perdition en montagne,
26:46mais du coup, de manière plus générale, en perdition tout court.
26:50Et voilà, c'est notre fil rouge à nous.
26:53Mais il y a énormément déjà de documentaires sur cette région
26:57et sur ces luttes aux frontières qui sont super bien faites.
27:01Donc, oui, il y a beaucoup de choses à regarder
27:04où justement la situation aux frontières elle-même
27:06est plus dépeinte et plus filmée.
27:08Ma dernière question, on vit correctement de tout ça, de tout ce que tu fais ?
27:13Écoute, oui, moi, je suis quelqu'un d'assez sobre,
27:17donc je n'ai pas besoin d'un salaire miro-volant,
27:20mais oui, je ne me plains pas et j'arrive à vivre de cette passion
27:24qui est le ski et la vidéo maintenant.
27:26Donc, oui, je suis assez reconnaissante pour ça.
27:29Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
27:30C'était top. Merci mille fois, Coline.
27:32Merci à toi pour l'invitation.
27:33Et à bientôt. Merci à toutes les équipes.
27:35Et puis, je vous retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro
27:38encore avec des femmes toujours aussi inspirantes.
27:40Merci à toutes les équipes techniques derrière tout ça.
27:43Salut à tous. À bientôt. Bye bye.

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