Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
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00:00Il est 7h48, Sonia De Villers, votre invitée ce matin est députée sortant LFI de la Somme.
00:06Bonjour François Ruffin.
00:08Vous êtes en ballotage défavorable, arrivée deuxième avec 34% des voix, contre une candidate
00:13erraine qui en a obtenu 41%, la candidate de la majorité présidentielle, elle, arrivée
00:18troisième, s'est immédiatement désistée.
00:20Alors, nous n'évoquerons pas le cas de votre circonscription pour des questions de
00:24temps de parole.
00:25Question plus globale donc, vous faites campagne et vous êtes habitués à faire campagne
00:29dans des territoires, dans les mêmes territoires que ceux du RN, comment prenez-vous acte
00:34de ce raz-de-marée ?
00:35Écoutez, c'est une difficulté, on a le vent de face, il y a de la pente, mais on
00:42est en train de la remonter, il y a match.
00:43Bon, qu'est-ce qu'il se passe ? J'étais venu, après la dernière législative, tirer
00:48le signal d'alarme, en venant dire, attention, en Picardie, il y a 8 députés sur 17 du
00:53RN.
00:54Est-ce qu'on veut laisser la France des bourgs à l'extrême droite ou est-ce qu'on
00:58se bagarre pour qu'il existe une gauche là-dedans ? Voilà, la difficulté dans
01:04laquelle on se trouve depuis deux ans maintenant.
01:06La vraie question passionnante, c'est que sur le papier, il y a une dynamique de la
01:10gauche, c'est vrai, il y a une dynamique de la gauche, mais elle se fait quasi uniquement
01:13dans les villes et même dans les grandes villes, alors que toutes les petites communes,
01:18toutes les campagnes, c'est une déferlante du rassemblement national.
01:21Est-ce que la gauche est encore entendue dans les territoires ? Est-ce que la gauche
01:24est encore entendue dans les campagnes ?
01:26D'abord, qu'est-ce qui s'est passé depuis deux ans ? Puisque je venais ici pour
01:30tirer le soudanel d'un arbre et ça n'a pas été entendu.
01:33Mais ça n'a pas été entendu, d'abord, replace-t-on les responsabilités du côté
01:36du Président de la République.
01:37Et je l'ai dit au moment des retraites, quand on a une minorité dans le pays et quand on
01:42a même une minorité à l'Assemblée, on ne peut pas gouverner avec brutalité et gouverner
01:46avec arrogance, en passant par-dessus, à l'époque, 8 salariés sur 10, tous les syndicats
01:52unis et une majorité à l'Assemblée.
01:54Ça te laisse des dégâts derrière, ça te laisse des traces.
01:56Et je disais, en sonnant l'alarme, il faut prendre soin des gens pour prendre soin de
02:00la République.
02:01Je disais, en sonnant l'alarme, qu'il fallait remiser cette réforme, parce que ça produisait
02:09non seulement quelque chose sur le plan social de dur, mais ça produisait aussi du ressentiment
02:14dans le cœur des gens.
02:15Et je disais au Président de la République, vous devez veiller d'abord à l'unité de
02:18la nation.
02:19Aujourd'hui, on assiste à ce déchirement, on assiste à ce déchirement profondément
02:23dans le pays.
02:24Et la deuxième responsabilité, je ne l'écarte pas, elle est du côté de la gauche.
02:28Est-ce qu'on a tout fait pour qu'une gauche existe dans la France des bourgs ? Non, depuis
02:33deux ans, très clairement.
02:34Maintenant, vous savez, je suis dans le match.
02:35Donc c'est au signe des faits de la gauche ?
02:37Oui.
02:38Et maintenant, vous savez, je suis dans le match.
02:39Je ne suis pas là pour commenter le match.
02:41Ça, ça sera l'after, vous voyez ?
02:42Oui, oui.
02:43Mais les abstentionnistes, par exemple, les abstentionnistes François Ruffin, en réalité,
02:50c'était une réserve de voix pour l'extrême droite ?
02:53Oui, en partie.
02:54Je veux dire, ça pouvait basculer de deux côtés.
02:56Maintenant, moi, la question, c'est qu'est-ce que je viens dire aux éboueurs quand je les
02:59rencontre ? Qu'est-ce que je viens dire à des gens qui se lèvent tôt, qui vont au
03:03boulot, qui ont mal au dos, qui rendent un service aux villes ? Et quand ils me montrent
03:08les messages que leur envoie le Crédit Agricole, c'est pour me dire que le 6 du mois, ils
03:12auront 650 euros de découvert, que pour continuer à vivre, ils sont obligés, parce
03:17qu'ils sont papa et célibataire de deux enfants, de faire l'aumône quasiment près
03:22de leur famille et de leur mère, que pendant ce temps-là, le maire décide, sur eux, parce
03:27qu'il n'y a pas de budget, parce que l'État resserre les crédits, d'aller gratter de
03:31100 à 200 euros sur leur salaire à eux.
03:33Qu'est-ce que ça produit, ça ? En leur disant, voilà, votre heure du matin, entre
03:375 et 6 heures du matin, elle ne sera plus payée double, vous aurez juste 17 centimes
03:41en plus.
03:42Qu'est-ce que ça produit ? Il faut bien le comprendre.
03:44Qu'est-ce que produit ce resserrement, ce rationnement des gens ?
03:47Ça produit une chose sur le plan matériel, c'est sur le porte-monnaie, comment on peut
03:50vivre avec ça ? Comment on peut payer son loyer ? Comment on peut payer ses factures ?
03:54Mais ça produit aussi quelque chose de l'ordre spirituel, qui est un sentiment d'humiliation.
03:58Je rends un service au pays, je rends un service à ma commune, et comme me l'a dit un éboueur,
04:04on me crache à la gueule.
04:05C'est l'humiliation qui s'est exprimée dans les urnes.
04:07Oui, l'humiliation, ça produit du ressentiment, un ressentiment qui gonfle dans le pays.
04:11Le ressentiment produit de la colère, et la colère produit du vote à l'Assemblée
04:14nationale.
04:15Ça permet le ressentiment en espérance, mais ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il
04:18faut marteler des mesures de bon sens et de désens.
04:22Les Français doivent pouvoir vivre de leur travail, bien en vivre et pas seulement en
04:26survivre.
04:27Ça veut dire quoi ? Ça veut dire indexation des salaires sur inflation.
04:28Ça veut dire que quand le prix des oeufs, du lait augmente, quand l'huile d'olive devient
04:33presque un produit de luxe, quand les factures de gaz bondissent, il faut dire que les salaires,
04:39les retraites doivent suivre ça.
04:41Et vous savez, si on dit ça, si ça avait été le message qu'on n'avait pas parté
04:44centralement depuis deux ans, on serait entendus.
04:46Si on avait porté comme message depuis deux ans que côté impôts, les petits doivent
04:51payer petit et les gros doivent payer gros, qu'il faut mettre fin à l'injustice fiscale
04:55dans notre pays.
04:56Alors justement, qui entend quoi François Ruffin ? On comptait à la sortie du premier
04:59tour 306 triangulaires.
05:01La cacophonie du camp présidentiel, les uns se désistent, les autres pas, fait couler
05:04beaucoup d'encre.
05:05Mais pour de vrai, c'est la gauche qui paye le prix fort du Front républicain.
05:08C'est-à-dire que c'est la gauche qui a le plus de candidats en position de se désister,
05:13qui a le plus de candidats qui sont arrivés troisièmes.
05:17Mais est-ce que les électeurs vont suivre les consignes de vote ? Est-ce que des électeurs
05:22qui ont le cœur bien accroché à gauche vont voter pour d'anciens ministres macronistes,
05:28vont voter pour des LR qui ont massivement soutenu la loi immigration ? Est-ce qu'à
05:32l'inverse, est-ce qu'à l'inverse, des macronistes de gauche vont voter pour des
05:35anciens ?
05:36C'est crucial.
05:37Je ne suis pas dans le cœur des gens, je ne suis pas prophète, je peux vous dire ce
05:40que j'ai dit dès dimanche soir, c'est qu'on a un objectif aujourd'hui, ce n'est
05:44pas de majorité absolue pour le Rassemblement national.
05:46J'ai dit à quel point le Président de la République avait brutalisé ce pays ces
05:50dernières années.
05:51Et vous savez que j'ai tenu compte de ça dès ma réélection de 2022 et même si ça
05:55a été confortable à l'époque, j'ai tenu compte de cet état d'esprit.
05:58Je dis qu'il nous faut apaiser, il nous faut réconcilier, il nous faut sortir de
06:03cette brutalité, il faut passer du bruit à la fureur à la force tranquille quelque
06:07part.
06:08Je l'ai fait pour moi-même.
06:09Les insoumis, c'est la force tranquille, les insoumis, c'est le vote de l'apaisement,
06:13c'est le vote de la réconciliation.
06:15Vous avez parlé du Rassemblement national, la question c'est, est-ce qu'à une brutalité
06:21va s'ajouter une autre brutalité ? Parce qu'il va y avoir des décisions prises par
06:27Marine Le Pen et Jordan Bardella, peut-être qu'ici ça deviendra une radio privée livrée
06:31à Vincent Bolloré, on verra bien, avec une mise en cause de la démocratie, mais il y
06:36a autre chose.
06:37C'est qu'est-ce que ça va réveiller comme forces obscures dans le pays ? Quelle tension,
06:41quel conflit entre voisins ? Comment on va traier ?
06:43Qui doit porter ce discours, François Ruffin, qui doit porter ce discours dans cette entre-deux-tours
06:47cruciale ? Jordan Bardella souhaite un débat de télé avec Jean-Luc Mélenchon parce qu'il
06:50considère qu'il n'y a plus que deux choix en France.
06:53Jean-Luc Mélenchon est d'accord, mais il renvoie à sa place ses lieutenants insoumis.
06:58Mais il y a Marine Tondelier qui dit « non, non, non, mais attendez, c'est mon tour de
07:01porter cette voix-là ». Vous vous en fichez aussi ?
07:03C'est Lunaire, vous savez, moi je parle.
07:05Ce n'est pas Lunaire.
07:06Non, les débats télévisions, ils ont été massivement suivis.
07:09On ne peut pas se réjouir que les gens votent et se passionnent pour la politique et dire
07:14« c'est Lunaire, les débats télé ».
07:15Ce n'est pas le sujet, je vous assure, aujourd'hui, ce n'est pas le sujet.
07:19Je vis dans une Picardie où six députés Rassemblement National ont été élus dès
07:23le premier tour.
07:24Voyez ? C'est ça.
07:25Donc maintenant, il s'agit de comprendre qu'est-ce qui se passe profondément dans
07:28le pays.
07:29Pourquoi on a ce glissement de terrain ? Je l'ai dit avec clarté concernant Jean-Luc
07:34Mélenchon.
07:35« Lui, c'est lui.
07:36Moi, c'est moi ». Nous avons des désaccords profonds.
07:38Ils sont connus, à la fois sur le ton et sur le fond.
07:41Maintenant, ce n'est pas le moment, ça se fera à un autre moment.
07:44Il y a des séquences télé qui frappent, François Ruffin.
07:46Le soir du premier tour, Jean-Luc Mélenchon qui prend la parole tout de suite, qui est
07:50accompagné de l'eurodéputé Rima Hassan, enroulé dans son keffier de la lutte, symbole
07:55de la lutte pro-palestinienne.
07:56Évidemment qu'il y a des séquences télé qui frappent.
07:58Je vous l'ai dit, lui, c'est lui, moi, c'est moi.
08:00Maintenant, le sujet, c'est qu'est-ce qu'on vient dire ?
08:03« Je m'en fous de Jean-Luc Mélenchon, c'est ce qu'a dit Marine Le Pen, son delié.
08:06»
08:07Moi, ce que je viens dire, c'est comment on doit traiter les gens ? Comprendre ce qui
08:11se passe.
08:12Les gens sont placés depuis 40 ans dans une instabilité qui n'a fait que s'accélérer
08:15sous l'ex-Emmanuel Macron.
08:16On veut les rendre flexibles, liquides, mobiles.
08:19Et nous, on doit être la force qui rassure.
08:22On doit être la force qui protège.
08:24On doit être la force qui ramène de la confiance.
08:26Voilà ce qu'on doit incarner au quotidien et en sortir du désordre.
08:32Parce que c'est un désordre qui a été installé par Emmanuel Macron sur le plan
08:35financier, sur le plan social et là, maintenant, sur le plan politique.