• il y a 6 mois
Sonia Devillers reçoit Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, porte-parole d'une coalition associative et syndicale créée en réponse au contexte politique. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-19-juin-2024-1548650

Category

🗞
News
Transcription
00:00Il est 7h48, Sonia De Villers, votre invitée ce matin est déléguée générale de la
00:09Fondation Abbé Pierre.
00:10Hier, Nicolas, dans un geste totalement inédit, une constellation d'une centaine d'associations
00:14de terrain de lutte contre la pauvreté et les inégalités.
00:17La Fondation Abbé Pierre, ATD Carmond, la Fédération Nationale des Samus Socios, Action
00:23contre la faim, Oxfam, des ONG de défense de l'environnement, d'aide aux réfugiés,
00:27le premier syndicat de France, la CFDT, se sont réunis pour lancer un appel du 18
00:32juin.
00:33Bonjour Christophe Robert.
00:34Bonjour.
00:35Un appel pour faire barrage au Rassemblement National, pourquoi ?
00:38Écoutez, le moment est grave, le risque de bascule dans le chaos est présent.
00:44Beaucoup de nos organisations, des militants, des bénévoles, des salariés, beaucoup des
00:49personnes que l'on accompagne ont peur aujourd'hui.
00:52Ont peur de voir basculer le pays vers quelque chose qui ne permettrait pas de penser qu'on
00:58peut vivre ensemble convenablement, pour plus de solidarité.
01:01Alors, on a conscience des souffrances, on les voit tous les jours, on essaie de les
01:04accompagner, on a conscience du fait qu'il y a l'isolement de beaucoup de monde, de
01:08la colère aussi chez beaucoup de monde, on a tenté pendant ces 7-8 dernières années
01:12de pouvoir vraiment enclencher une autre société, un autre projet de société.
01:17On voit bien, les distributions alimentaires ont été multipliées par 3 en 10 ans, le
01:22nombre de personnes sans domicile a doublé, donc il y a un problème dans ce pays.
01:25Il y a un problème de pauvreté, il y a un problème d'inégalité qui touche aussi
01:28jusqu'aux classes moyennes inférieures qui n'arrivent pas à finir les fins de mois
01:32convenablement.
01:33Donc, on voit dans quel état est le pays.
01:35Mais nous sommes convaincus, convaincus que l'extrême droite n'est pas la solution.
01:38Et nous sommes convaincus que l'extrême droite n'a pas changé.
01:41Et du coup, nous en appelons au sursaut collectif.
01:45Nous en appelons à la mobilisation collective pour tout faire de façon à ce que l'extrême
01:51droite ne gagne pas ses élections législatives.
01:54Concrètement, si l'extrême droite remporte ses élections législatives et arrive au
02:00pouvoir, qu'est-ce que ça change pour ces populations, comme vous dites Christophe
02:05Robert, que vous aidez au quotidien, que vous accompagnez au quotidien ?
02:08Ça change trop de choses.
02:10Trop de choses.
02:11Ça veut dire que par exemple, des personnes qui ont besoin de se faire soigner du fait
02:14de la suppression ou de la réduction de voilure de l'aide médicale d'État, ne
02:17se soigneront pas quand elles auront des pathologies, et que ces pathologies vont s'aggraver,
02:21et qu'on va les retrouver aux urgences des hôpitaux, avec des maladies encore plus
02:24graves.
02:25Ça veut dire que les personnes qui sont à la rue, on va les trier, toi tu rentres,
02:27toi tu rentres pas, toi tu restes à la rue, avec encore plus de souffrance, encore plus
02:31de désordre dans nos sociétés, dans nos villes.
02:33Ça veut dire qu'on va trier les personnes en fonction de leur couleur, en fonction de
02:36leur religion, de leur orientation sexuelle, ou je ne sais quoi.
02:39On ne peut pas fonctionner comme ça dans un pays.
02:42Ce qui fait la force de ce pays, et les associations font partie de cette force-là, avec d'autres,
02:46avec les maires, les élus, les collectivités, les départements, les régions, l'État,
02:50ce qui fait la force, c'est de dire, tous ensemble, on va relever les défis, les défis
02:53écologiques, les défis sociaux, les défis de lutte contre les inégalités.
02:57Donc ça changerait beaucoup de choses.
02:58Je prends juste un exemple.
02:59Les députés du Rassemblement National veulent affaiblir la loi SRU, cette belle loi de
03:05la République qui permet concrètement de construire les égalités, l'égalité territoriale,
03:12l'égalité sociale.
03:13Eh bien, ils veulent en réduire la voilure.
03:15La loi SRU, c'est une loi sur le logement social ?
03:17Oui, vous savez, cette loi qui dit qu'il faudrait construire 25% au moins de logements
03:22sociaux, c'est une loi de solidarité.
03:23Elle a montré ses effets positifs dans la vie.
03:26Voilà une belle loi de la République.
03:27Eh bien, il y a eu des propositions de loi qui voulaient l'affaiblir en disant que ça
03:30ne sera plus les villes de 3 500 habitants, mais à partir de 75 000 habitants.
03:34Eh bien, on ne répond pas aux problèmes dans ce pays avec ça.
03:37Donc, on est dans ce moment-là.
03:39Nous voulons vraiment que nos concitoyens prennent conscience.
03:43Et on voit quelque chose.
03:44C'est qu'on voit qu'il y a beaucoup de gens qui ne s'intéressent pas directement
03:46à la politique.
03:47Ce ne sont pas des militants politiques.
03:48C'est un peu éloigné.
03:49Ils ne sont pas forcément au fait de tout ça.
03:51Et on leur dit « Allez voter, faites voter les autres, regardez, on va ensemble décrypter
03:55les programmes ».
03:56Allez voter quoi ? Est-ce que c'est un appel à soutenir le Nouveau Front Populaire ? Est-ce
04:00que c'est un appel à voter à gauche pour faire barrage à l'arrivée de l'extrême-droite ?
04:04Non.
04:05Nos organisations n'appellent pas à voter tel ou tel parti.
04:09Elles ont fonctionné, elles ont essayé de faire évoluer notre société au fil des
04:12décennies avec les gouvernements en place.
04:15Donc, ce n'est pas un appel.
04:16On regarde, évidemment, on discute avec les partis et il y a des choses qui sont très
04:19intéressantes aujourd'hui.
04:20Et d'ailleurs, je note que la CGT n'est pas à vos côtés.
04:23La CGT qui a rompu avec sa tradition de non-appel au vote.
04:27Mais la CGT, on était tous ensemble dans l'appel à manifester la semaine dernière.
04:30On a fait un appel ensemble avec la Ligue des Droits de l'Homme, avec les organisations,
04:33avec ATTAC qui sont aussi dans cette alliance, avec toutes les associations que je ne peux
04:36pas citer ici.
04:37On est à peu près une centaine.
04:38Mais, vous savez, ça n'est pas qu'une question partisane, c'est une question de
04:44société.
04:45Qu'est-ce que nous voulons pour la France demain ? C'est ça que nous disons, nous,
04:47les organisations.
04:48Donc, il faut qu'on soit aussi contributifs, maîtres de notre destin.
04:52Et donc, on dit, on va ensemble décrypter les débats.
04:54Partout, on va créer des débats.
04:56Partout, on va regarder les contenus des programmes de campagne pour se dire « est-ce que c'est
05:00ça que vous voulez ? ».
05:01L'enjeu, c'est d'aller, Christophe Robert, chercher des gens qui sont plus démunis,
05:05moins éduqués, plus isolés, qui ne vont pas vers le vote, qui ne sont pas politisés,
05:10qui ne se sentent pas concernés, qui ne se sentent pas en droit de voter ?
05:13Oui, parce qu'au fond, il n'y a pas de débat autour de ça.
05:17Chacun fait ce qu'il veut dans la vie.
05:19C'est-à-dire qu'on peut ne pas s'intéresser à la politique, on peut ne pas s'intéresser
05:22au sport, à la lutte contre l'exclusion.
05:23On ne nous dit pas que tout le monde doit être dans les associations de solidarité.
05:27Mais ce que nous voulons dire aujourd'hui, et grâce à votre micro, c'est de dire
05:30« regardez ce qui est en train de se passer.
05:31L'extrême droite n'a pas changé.
05:33Regardez à quoi ça pourrait conduire, à plus de désordre, à plus de chaos.
05:37»
05:38L'extrême droite n'a pas changé, Christophe Robert.
05:39Néanmoins, les études montrent que les plus modestes en France se sont massivement tournées
05:44vers le vote d'extrême droite, que ça vous plaise ou non.
05:46L'extrême droite n'a pas changé, il n'empêche que son discours s'adresse massivement
05:52aux oubliés, aux déclassés, aux écrasés, aux humiliés, à ceux qu'elle dit « abandonnés
05:57par les autres parties ».
05:58Oui, mais c'est quoi ? C'est une partie du public que le Rassemblement national veut
06:04aider.
06:05Ça sera toi, oui, mais toi, non, pour telles raisons, de couleur, de religion, de parcours,
06:10de difficultés, d'orientation sexuelle.
06:12Mais la société, elle est multiple, et nous devons apporter, nous devons tendre la main,
06:17nous devons trouver des solutions ensemble.
06:19Mais je ne dédouane pas la responsabilité des autres parties.
06:21Ça fait des années que nous, on est une force de proposition, nous, ces organisations,
06:25qu'à partir du trail de terrain que l'on fait, on dit « regardez, ça, ça marche,
06:28telle mesure, regardez, il faut répartir les richesses », parce qu'on ne peut pas
06:31voir 5% de la population s'enrichir pendant que 50% des plus modestes s'enfoncent dans
06:35la pauvreté.
06:36Pouvoir entendre les colères et les peurs des classes moyennes inférieures qui disent
06:40« mais moi, je ne m'en sors pas, moi je pense à cette femme qui a 7 employeurs, parce
06:43qu'elle est en milieu rural et elle va de maison en maison et elle fait 20km ici, 40km
06:47à 2€ le litre de carburant », eh bien, ce n'est pas rentable d'aller bosser.
06:51Il faut leur apporter des réponses à ces personnes-là.
06:53Et la responsabilité politique de nombreux partis politiques ou de nombreux responsables
06:58politiques du pays est énorme dans le chaos que nous vivons aujourd'hui.
07:01Précisément, vous en proposez des réponses, vous proposez un nouveau modèle de société,
07:06vous proposez un document extrêmement fourni qui est simplifié avec une liste de 16 ou
07:1117 mesures qui concerne énormément de choses, l'accès à la mobilité, l'accès aux
07:15services publics, l'accès aux transports, l'accès aux logements, et qui sont documentés
07:21et taillés par vos expériences de terrain.
07:23Oui, ou par des politiques publiques qui ont été menées localement par exemple, ou dans
07:26d'autres pays, qu'on a capitalisées depuis maintenant 10 ans, on est allé voir ce qui
07:30marche et ce qui marche pour changer la vie des gens, si vous voulez, on n'est pas dans
07:33l'idéologie.
07:34Ce dont les personnes ont besoin c'est d'être assurés sur le fait que oui, dès les premiers
07:37100 jours du gouvernement qui va prendre le pouvoir à partir de 2024, eh bien, on va
07:42s'occuper du pouvoir d'achat, on va s'occuper d'encadrer les loyers, ça marche, l'encadrement
07:47des loyers à Paris qui est mis en application depuis 3 ans, ça fait baisser de beaucoup
07:51les loyers de ceux qui payent trop cher, et on leur rend même des trop-perçus, si vous
07:56voulez, parce qu'à un moment on dit on ne fait pas n'importe quoi, donc on encadre
07:58une partie des marchés, des mesures sur l'écologie, des mesures sur l'écologie, sur la biodiversité,
08:03des mesures sur le service public, vous voyez bien dans la colère aussi d'une partie
08:07de nos concitoyens, la poste qui ferme, le service des impôts qui ferme, l'absence
08:12de transport pour se relier au pays, pour vivre ensemble en quelque sorte, là il est
08:16faux ces réponses sur la mobilité, autrement les gens ils ne s'en sortent pas, ils se
08:20sentent isolés, et à un moment ils ont envie de renverser la table, je crois qu'on est
08:23à ce moment de risque d'avoir envie de renverser la table sans qu'on mesure collectivement
08:29complètement les conséquences que cela peut amener.
08:30T'as à dire qu'un bureau de poste qui ferme, une ligne de train qui ferme, c'est
08:34la sensation de se sentir abandonné ? Et même un centre des impôts, ça veut dire
08:38que ma ville elle n'est plus dans le pays, et puis c'est du brassage, c'est des endroits
08:42où on se rencontre, c'est des endroits aussi qui créent de l'emploi dans des territoires
08:45qui sont aujourd'hui en baisse d'emploi, en décroissance économique en quelque sorte.

Recommandations