• il y a 3 semaines
L'historien Thomas Snégaroff, le député et ancien correspondant du Monde à Washington Bernard Guetta et la journaliste Laurence Haïm (en direct de Washington) analysent les dernières heures de campagne avant l'élection présidentielle américaine, qui doit départager Kamala Harris et Donald Trump. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-04-novembre-2024-4580508

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00:00Le jour J, le D-Day, c'est demain. Demain que les Américains auront à choisir entre
00:05Donald Trump et Kamala Harris. Suspense absolu, sondage difficile à élire, petite variation
00:13en faveur de l'un ou de l'autre des candidats qu'on peine à comprendre et expliquer.
00:19Bref, on va essayer ce matin de faire le point le plus précis à 24h du vote des Américains.
00:28En direct de New York, Laurence Haïm, bonjour, journaliste, réalisatrice du documentaire
00:33« Donald Trump, Dieu et les siens » diffusé demain soir sur France 2, produit par Luc
00:38et Virginie Besson, bonjour à vous. Bernard Guetta, heureux député Renew, vous avez
00:43été dans une vie antérieure correspondant du monde à Washington. Et Thomas Négaroff,
00:47historien spécialiste des Etats-Unis, auteur avec Romain Huret du podcast France Inter,
00:52Etats-Unis, anatomie d'une démocratie, bonjour à tous les trois.
00:56Et soyez les bienvenus au micro d'Inter, Trump comme Harris ratissent les États-Clefs
01:01ces dernières heures, meetings, interviews, spots télé. La Démocrate est passée par
01:06la Géorgie, la Caroline du Nord, le Michigan, le Républicain par la Virginie, la Caroline
01:11du Nord également. Pourquoi labourer le terrain ? Pourquoi matraquer les électeurs
01:17de messages télé ? Pourquoi faire du porte-à-porte ? Il reste Thomas Négaroff, encore une frange
01:22d'électeur indécis, à convaincre. Très très peu, c'est le signe d'un pays très
01:27polarisé, il y a 3-4% d'indécis, c'est très peu, c'est toujours le cas, mais là
01:31encore plus que d'habitude. Non, il faut surtout mobiliser ses troupes à soi, il faut
01:35faire le plein, chacun doit faire le plein de son camp. Sinon, c'est comme Hillary Clinton
01:39en 2016, il manque quelques voix à la fin. Et sinon, c'est comme Donald Trump en 2020
01:45face à Joe Biden, il manque quelques voix à la fin. Donc chacun essaye d'aller voir
01:48son propre camp, parler à son propre camp, ce qui est aussi le signe d'une démocratie
01:52un peu malade, quand on a abandonné même l'espoir d'aller convaincre l'autre camp
01:58que son discours est le meilleur, et qui fait craindre pour l'après-élection, bien sûr.
02:01Laurence Saïm, quels sont les faits importants de ces dernières heures de campagne, à la
02:04fois pour Kamala Harris comme pour Donald Trump ? Qu'est-ce qui vous a marqué depuis
02:08les Etats-Unis où vous suivez cette campagne ?
02:10Alors moi, ce qui me marque beaucoup, c'est à quel point Donald Trump se radicalise dans
02:16ces dernières heures. Hier, il était sur l'aéroport de Lipstick où, en Pennsylvanie,
02:22il a commencé à dire les balles ne m'ont pas frappé en juillet dernier et si jamais
02:28quelqu'un veut à nouveau m'attaquer, les balles pourront traverser la tribune des journalistes,
02:33je n'en ai rien à faire. Il a été applaudi là-dessus. Donc il y a une radicalisation
02:37dans le discours contre la presse avec une violence verbale de Donald Trump dans ces
02:41dernières heures. Écoutez, Kamala Harris, ce qui me marque, c'est encore et toujours
02:45Hollywood qui s'invite de plus en plus dans la campagne avec Kamala Harris qui multiplie
02:52les apparitions à la fois sur TikTok, sur les réseaux, mais aussi dans une émission
02:58très célèbre samedi soir où elle s'est caricaturée elle-même. Il y a beaucoup moins
03:02de fonds chez Kamala Harris qu'avant et elle privilégie vraiment une communication people.
03:08Une communication people, on va y revenir. Qu'est-ce qui vous a surpris Bernard Guetta
03:12dans cette campagne ? Est-ce que la violence, la virulence de cette campagne vous a surpris ?
03:16Trump qui traite Harris de débile, de stupide, d'incompétente, prostituée même dit un
03:21proche de Trump au meeting de Madison Square Garden. De l'autre côté chez les démocrates
03:27avec Trump c'est le fascisme qui revient. Hillary Clinton qui compare le meeting de
03:30Trump au meeting nazi de 1939, il le traite de nazi Michel Obama, le traite de nazi de
03:36fasciste, le mot, le point Godwin est atteint. Qu'est-ce qui vous surprend ?
03:39Ce qui me surprend et m'accable c'est qu'une moitié, roughly speaking, une moitié des
03:46américains s'apprêtent à voter avec détermination et même enthousiasme pour un homme qui est
03:54d'une vulgarité absolument stupéfiante. Vulgarité de langage, vulgarité de manière,
04:00mais vulgarité de pensée aussi tout simplement. Vulgarité de pensée qui est d'une violence
04:05absolument inouïe. Absolument inouïe. Puisqu'il traite ses adversaires politiques d'ennemis
04:13intérieurs. D'ennemis intérieurs contre lesquels il faut lancer l'armée d'ailleurs.
04:20C'est ce qu'il a dit une fois. Contre lesquels il faut susciter une guerre civile.
04:25Mais l'accusation de fascisme Bernard Guetta concernant Trump…
04:28Elle ne me semble pas infondée. Elle ne vous sent pas infondée ?
04:30Non, elle ne me semble pas infondée. Alors évidemment que l'histoire ne se répète
04:34jamais, que ce ne sont pas les mêmes conditions, que ce n'est pas l'Europe, que ce ne sont
04:37pas les Etats-Unis, etc. Mais oui, il y a beaucoup, beaucoup de traits communs, naturellement, bien sûr.
04:42Vous êtes d'accord Thomas Pégaroff ?
04:43Alors, pas la définition du fascisme originel de 1922 à la marche de Rome. Ce n'est pas
04:47le cas, même si certains considèrent la marche sur le Capitole comme étant quelque
04:50chose qui ressemble à ça. Non, en revanche, quand on lit Humberto Eco et sa définition
04:54du fascisme au milieu des années 90, on a quelques points communs. Le culte du chef,
05:00l'anticommunisme, la haine des ennemis, la haine de la presse, la haine du pluralisme,
05:05la haine de l'alternance. Parce que qu'est-ce qui va se jouer demain ? En fait, parmi les
05:09grandes définitions de la démocratie, il y en a une qui est à mon avis la plus claire.
05:12Quand on perd une élection, on reconnaît sa défaite et on quitte le pouvoir. Il n'a
05:16toujours pas reconnu la défaite de 2020 et il a déjà annoncé que s'il perdait, c'était
05:20parce que l'élection était truquée. Et donc ça, c'est un signe d'une démocratie
05:24qui fonctionne très mal et de quelqu'un qui ne veut pas jouer le jeu de cette démocratie.
05:28Après l'accusation en fascisme, je ne suis pas sûr qu'elle soit efficace politiquement,
05:32mais elle a eu le mérite à un moment donné de poser les deux pieds dans un plat brun.
05:37Mais enfin, les États-Unis ne sont pas une démocratie assez robuste pour résister quand
05:42on vous entend à un éventuel deuxième mandat de Donald Trump ? Quand on parle de fascisme,
05:48c'était la fin de la démocratie d'une certaine manière.
05:50L'Italie a finalement résisté au fascisme !
05:53Oui, mais au bout d'un long temps !
05:56Ça a été long et je n'exclue pas complètement que les États-Unis entrent aujourd'hui dans
06:02une longue période de maladie.
06:05Et de fragilisation radicale du socle démocratique même du pays ?
06:11Écoutez, quand on voit un tel antagonisme, un tel blocage des institutions, un tel triomphe
06:18du mensonge, un tel triomphe du mensonge en politique, parce que ce mensonge marche
06:24auprès d'une moitié des Américains, il ne faut pas l'oublier !
06:28Je viens de passer, comme député européen, une semaine à Taïwan, l'autre Chine, la
06:34Chine démocratique, etc.
06:35A ma grande surprise, j'ai entendu, entre les lignes ou très directement, dans la bouche
06:41de tous les responsables de ce pays, l'idée suivante, écoutez, on vous en supplie les
06:47Européens, affirmez-vous, existez, dotez-vous d'une défense !
06:51Et pourquoi est-ce qu'ils nous disaient ça ?
06:53Parce qu'ils ont de moins en moins confiance dans les États-Unis.
06:56Ils ne pourraient pas le dire ouvertement, naturellement, parce que les États-Unis restent
07:01leurs seuls véritables défenseurs.
07:03Mais ils sentent la terre se dérober sous leurs pieds !
07:06Laurent Saïm, quel regard vous avez sur cette conversation et sur cette idée du fascisme,
07:14du mot « fasciste » qui est prononcé maintenant dans quasiment tous les meetings et toutes
07:17les interviews des démocrates ?
07:18Moi, ce qui me frappe, c'est surtout, et vos interlocuteurs le disent très justement,
07:24les propos absolument incroyables de Donald Trump, et il annonce depuis, non pas 15 jours,
07:29mais depuis 7 mois, tout ce qu'il veut faire.
07:32Et quand vous l'entendez précisément, c'est vrai qu'on peut se dire « mais est-ce que
07:35l'Amérique, ça va devenir ça ? Est-ce que l'Amérique qui, dans les années 60 ou
07:39dans les années 70, on était tous sur Woodstock, est-ce qu'aujourd'hui, ça va être l'Amérique
07:45Trump ? ».
07:47Et il a des idées, il les dit, et il les dit ouvertement, précisément.
07:51Il nomme des journalistes en disant « celui-là n'aura plus de travail parce qu'il a été
07:56contre moi ». Il dit avoir fait une liste d'ennemis, il dit « il va y avoir des expulsions
08:03malsives le jour où je vais arriver au pouvoir ». Il dit qu'il ira voir très vite Poutine,
08:10même avant de s'installer à la Maison-Blanche, pour faire la paix à sa manière à l'Ukraine.
08:14Donc il faut prendre très au sérieux, à mon sens, les propos d'un homme politique
08:19qui dit très précisément ce qu'il veut faire et qui veut le pouvoir.
08:23Mais pourquoi ça prend auprès de 50% de l'électorat, comme le disait Bernard Guetta, selon vous,
08:30Laurence Haïm ?
08:31Parce qu'on est dans une Amérique de déçus, on est dans un pays de gens qui rejettent
08:35complètement les politiques, d'une classe moyenne qui a beaucoup perdu en termes de
08:41pouvoir d'achat.
08:42C'est une inflation absolument incroyable dans n'importe quel endroit où vous allez
08:46aux Etats-Unis.
08:47Les gens n'en peuvent plus et ils ont l'impression que Donald Trump va répondre à leur attente.
08:53C'est une Amérique qui est en colère, que je constate.
08:56Sur le terrain, vous le voyez en permanence, une Amérique de gens qui n'en peut plus
09:01et qui dit « on le choisit, lui, parce qu'au moins, lui, on sait ce qu'on a ». C'est
09:07une Amérique qui est en doute et c'est vraiment la leçon, à mon sens, de cette
09:12élection, si jamais Donald Trump gagne.
09:14Thomas Négaroff ?
09:15Il y a quelques années, le ministre du Travail de Bill Clinton, Robert Reich, avait dit « dans
09:22quelques années, si, dans notre pays, il y a plus de gens qui se sentent victimes du
09:28modèle économique et du capitalisme que de gens qui en tirent profit, notre démocratie
09:32ne s'en remettra pas ». Je me demande si on n'est pas arrivé à ce moment-là où
09:36vous avez une majorité des gens qui se disent « ce système me broie, mon identité, mon
09:41niveau de vie, mon rêve américain ». Et par conséquent, vous avez, c'est le génie
09:45de Trump, cette capacité à saisir cette colère, à lui mettre un visage, à lui donner
09:50un nom et à lui donner une voix.
09:52En 2016, quand il avait gagné, il avait dit « je serai la voix de ceux qui n'en ont
09:57pas ». Désormais, il dit « je serai le bras armé, je serai l'acte de revanche
10:02de ces gens-là, à qui on dit en permanence qu'on a volé l'élection ». Donc, quand
10:07vous dites « la démocratie est malade », tous ces gens disent « on veut sauver la
10:11démocratie ». Seulement, ce n'est pas de la même démocratie dont ils parlent.
10:14Un des insurgés du Capitole, on en a fait un sujet hier sur France 5, il est sorti du
10:18Capitole, il a fait 4 ans de prison, le type il sort de prison, il dit « je suis prêt
10:22à y retourner ». Et qu'est-ce qu'il se passe en prison ? Il fait un blog avec d'autres
10:26prisonniers, les gardes sont avec lui parce qu'il y a toute une Amérique qui considère
10:31que ces gens-là sont des héros. Donald Trump les appelle des prisonniers politiques.
10:36Voilà où on en est aujourd'hui aux États-Unis.
10:37Et face à ça, on a une campagne de Kamala Harris, Laurent Saïm le disait, qui privilégie
10:42les people, qui montre une image du système bien installé, du système pour qui ce système
10:48capitaliste convient, et qui, d'ailleurs Donald Trump l'a dit, il dit « moi je dis
10:52ce que je vais faire quand je serai élu président, elle, elle ne fait qu'une seule chose, elle
10:56ne fait que parler de moi ». Et ce n'est pas faux, elle ne dit pas vraiment ce qu'elle
10:59va faire, elle passe son temps dans toutes les interviews à dire « Trump, il est méchant
11:05».
11:06Elle l'a dit au début de sa campagne, puis elle a renoncé parce qu'elle a vu que,
11:11tout simplement, ça ne prenait pas. Et ça ne prend pas pour une raison très, très
11:15simple, c'est que partout, aux États-Unis, comme en Europe, en Europe ça monte, on a
11:20quelques années de retard, mais ça monte en même temps. Il y a un épuisement des
11:24forces politiques traditionnelles qui dominaient tout l'après-guerre depuis 1945. Droite
11:32et gauche sont intellectuellement épuisées, elles n'ont plus grand-chose de neuf, de
11:36nouveau à proposer, et une grande moitié des électorats, éventuellement parfois plus
11:42que la moitié des électorats, cherchent l'homme ou la femme d'ailleurs. L'homme
11:47providentiel, l'homme providentiel. Et Trump joue évidemment dans sa vulgarité,
11:54son personnalisation, etc., la carte de l'homme providentiel. Et c'est pour ça, je le répète,
11:58que l'évocation du fascisme ne me semble pas infondée. Et encore une fois, ce n'est
12:04pas la reproduction mot pour mot, circonstance pour circonstance. Mais l'homme providentiel
12:09qui bouscule une démocratie dont les idées, dont les partis, dont les forces politiques
12:15sont fatiguées, moi ça me rappelle beaucoup le début des années 30.
12:18Est-ce que Laurence Haïm, l'un des deux candidats, peut-être dramatiquement sous-estimé
12:24par les sondeurs ? Est-ce qu'il peut y avoir un vote Trump caché ? Ou un vote démocrate
12:30Harris sous-estimé ? Comme ça avait déjà été le cas lors des élections de mi-mandat
12:36en 2022. Quel est le point sur ce débat-là ? Nicolas, vous devriez être aux États-Unis
12:44pour essayer de répondre à cette question, c'est la question la plus difficile. Personnellement
12:50oui, il y a certainement un vote caché qu'on va sans doute avoir dans la nuit de mardi
12:55à mercredi. Ça va être ou la majorité silencieuse pour Kamala Harris qui, et les
13:01démocrates l'espèrent, va au dernier moment venir voter. Surtout les femmes sur le problème
13:07de l'avortement, c'est vraiment ce que les démocrates espèrent. Mais côté républicain,
13:12il y a aussi une majorité silencieuse qui, d'après les gens autour de Donald Trump,
13:18veulent en finir avec l'Amérique démocrate et veulent, et Thomas le disait très bien,
13:22rétablir la justice. Parce que pour les auditeurs, les trumpistes sont absolument persuadés
13:29qu'en 2020, Donald Trump a gagné. Et donc ce vote qui va se passer demain, c'est le
13:37retour de Donald Trump, mais le retour du président qui n'a jamais cessé d'être président.
13:43Il y a un sentiment, quand vous parlez aux trumpistes, en permanence de tricherie. On
13:46nous a volé l'élection en 2020, Biden est un pourri du style, les démocrates nous
13:52ont dérobé cette élection, on va faire justice. Et ce sentiment de justice, c'est bien évidemment
13:57ce qui inquiète tout le monde. Moi, ce que je voudrais aussi vous dire, parce que ça
14:01me paraît vraiment très important, très rapidement, c'est qu'il y a trois possibilités.
14:07L'un des deux passe triomphalement, très haut, et on s'était tous trompés et les
14:12sondages en premier. Ça peut arriver, c'est Trump ou c'est Kamala Harris. L'autre solution,
14:18c'est qu'on recompte, et là on va être dans quelque chose qu'on a, à mon sens, jamais
14:22connu, avec énormément de tension de part et d'autre, d'une Amérique qui ne supporte
14:28plus l'autre.
14:29C'est les deux scénarios que vous voyez, donc ?
14:31Si c'est la deuxième hypothèse, si c'est la deuxième hypothèse, les conséquences
14:35internationales, je ne parle pas des conséquences nationales, elles sont évidentes, les conséquences
14:39internationales sont épouvantables. Parce que vous seriez Xi Jinping, vous seriez Poutine,
14:45vous verriez l'Amérique totalement paralysée au bord de la guerre civile pendant deux
14:50mois. Vous ne seriez pas tenté d'en profiter ? Et d'en profiter en poussant vos pions ? Je
14:55ne dis pas forcément de lancer les chars sur Paris ou sur Berlin. Non, non, mais d'avancer
15:01vos pions avec subtilité, oui, bien sûr que oui. Et à Taïwan, j'y reviens, à Taïwan,
15:08ils se disent « mais si l'Amérique est paralysée pendant deux mois, que fait la
15:12Chine continentale ? Que fait la Chine continentale ? ». C'est un point d'interrogation.
15:16Et si, aujourd'hui, le premier ministre polonais que citait tout à l'heure géopolitique,
15:22le premier ministre Tchéraski, bien sûr, peut dire, alors qu'il est polonais, peut
15:28dire, comme ça l'ère de la sous-traitance est terminée, c'est que dans toute l'Europe,
15:35il y a aujourd'hui le sentiment que l'on ne peut plus forcément compter sur les Etats-Unis.
15:41Thomas Snégarov ? Sur le vote caché, et c'est une question sur l'appli France Inter,
15:45c'est vrai que c'est ce qu'on entend ces dernières heures. C'est une question
15:48de Sarah, est-ce que les nouveaux sondages qui donnent Kamala Harris gagnante dans la
15:51Iowa peuvent changer le cours de l'élection ? Oui, j'allais le dire, ce n'est pas les
15:54nouveaux, c'est un sondage. Et on en est là aujourd'hui, c'est un sondage sérieux,
15:57parce qu'aux Etats-Unis, il y a des sondages pas sérieux et très nombreux. C'est un
16:00vrai business, le sondage. Et les sondeurs sont conservateurs, progressistes, il faut
16:04toujours savoir lire les sondages. C'est compliqué, parce que les sondages nationaux
16:07n'ont aucun intérêt, il faut regarder état par état. Et effectivement, l'Iowa, avant-hier,
16:10donne, alors que ce n'était même pas un swing state, on le donnait vainqueur, gagnant
16:14par Donald Trump, et elle est trois points d'avance avec le vote des femmes. Et c'est
16:18un sondage très sérieux. Et là, on se dit, tiens, est-ce qu'il est en train de se passer
16:21quelque chose ? En 2016, ils se sont plantés, et nous avec. On avait tous dit Hillary Clinton,
16:26parce que les sondeurs l'avaient dit. En 2020, ils se sont encore plus trompés. Ils
16:29avaient dit, ça va être Biden, avec une avance bien plus large, et puis l'année américaine,
16:33souvenez-vous, et à un moment donné, on s'est dit, est-ce que c'est Trump qui va gagner ? Et
16:36aujourd'hui encore, il pense avoir gagné, tellement ça s'est joué à peu. En 2022,
16:39on s'est plantés. En 2022, on s'est plantés. Ils avaient sous-estimé le vote démocrate.
16:42En permanence. Et les sondeurs commencent à se demander aussi si l'Iowa ne dit pas
16:48une chose, c'est que le biais qui a été mis en place par les sondeurs pour corriger
16:52à la hausse Trump, parce qu'il avait été sous-évalué en 2016 ou en 2020, n'est pas
16:57trop fort. Ça serait l'éventuelle voie qu'évoquait Laurence Haïm il y a un instant
17:04pour une victoire plus large qu'on ne l'imaginait tous ici de Kamala Harris. Ce n'est pas impossible
17:09à l'heure où on se parle, l'inverse est possible aussi.
17:12Laurent Haïm, justement, est-ce qu'on peut dire ce matin, si on veut être caricatural,
17:17que ce n'est pas l'élection américaine qui se joue demain, mais l'élection de
17:21l'État de Pennsylvanie ? Tant cet État, ses banlieues périurbaines, ses cols bleus,
17:26ses électeurs, ont un rôle crucial dans le scrutin.
17:30Ça peut être la Pennsylvanie, ça peut être un autre État. À mon avis, il va y
17:35avoir d'énormes surprises dans les résultats. Il ne faut pas faire de prévision parce
17:40qu'encore une fois, quand vous les voyez, quand vous voyez l'ambiance dans les meetings
17:45par rapport à toutes les campagnes que nous tous on a couvert, on n'a jamais vu ça.
17:49Moi, ce qui me frappe aussi, c'est l'enthousiasme, de manière positive et de manière négative.
17:53Il y a un enthousiasme, il y a une passion pour la politique. Ce n'est pas une Amérique
17:58qui dit, oh là là, c'est des élections, on ne va pas aller voter. Tout le monde parle
18:03de ça. À New York, où je suis, les gens sont extrêmement anxieux. Il y a des gens
18:08qui vous disent, je n'arrive plus à dormir parce que l'avenir de mes enfants se joue
18:14dans cette élection. Et puis, il y a sur les meetings, quelque chose que moi, je n'ai
18:19jamais vu, c'est un enthousiasme qui a disparu. Vous avez une colère et une énergie très,
18:26très, très bruyante qu'on voit dans les meetings de Trump et côté démocrate. Vous
18:31n'avez pas une Amérique qui danse en disant, ça y est, on va gagner. Vous avez une Amérique
18:37qui danse mollement. Et ça, en suivant Michelle Obama, je l'ai vu samedi et ça m'a vraiment
18:43surprise en Pennsylvanie. Les gens sont tellement inquiets qu'ils dansent mollement. Ils ont
18:49peur. Il y a une Amérique qui fait peur et il y a une Amérique qui a peur. Et à mon
18:54sens, on va avoir de grosses surprises dans les résultats.
18:59Les Américains disent que c'est l'élection all or nothing pour tout le monde. Chacun se
19:02dit, c'est nous ou le chaos. Et ce qui est frappant, en écoutant Laurence et Bernard,
19:08ce qui est intéressant, je trouve, c'est que ce climat d'incertitude qu'on évoque
19:11ensemble, il nourrit des gens comme Trump. Parce qu'à la fois, l'incertitude est nourrie
19:16par Trump, mais elle le nourrit aussi l'incertitude parce qu'il offre des réponses à ça. Vous
19:21savez, l'un de ses slogans que je préfère de Trump, c'est « Trump will fix it ». Trump
19:24va trouver une solution. Il va réparer les choses. Et dans un monde aussi complexe où
19:30les problèmes sont nombreux, où il y a l'inflation, où il y a l'immigration, où il y a la guerre
19:34partout, vous avez quelqu'un qui se pointe et qui dit « moi, j'ai la solution ». Et
19:39c'est en ça que le leader charismatique, il est puissant en ce moment. C'est en ça
19:42que ça nous concerne aussi, nous, chez nous. L'idée du type qui arrive ou de la femme
19:45qui arrive en disant, et souvent c'est un homme, « je peux tout régler d'un coup
19:48de baguette magique, faites-moi confiance, suivez-moi, je ne veux pas faire de parallèle
19:52historique ». Mais c'est là que ça se joue. C'est là qu'il faut envisager
19:55notre temps présent avec ce personnel politique dont Trump n'est que l'un des avatars.
20:00L'inquiétude, l'incertitude dont parle Laurent Sahim, Bernard Guetta, la peur de
20:06l'Amérique, d'une partie de l'Amérique, elle est partagée aussi en Europe. Il y a
20:11une peur, j'imagine, au Parlement européen, dans les instances européennes, de se dire
20:14« la donne va totalement changer, et notamment avec Poutine, et notamment sur l'Ukraine ».
20:18Le Parlement européen soutient Trump. Elle a voulu, l'extrême droite, attribuer le
20:24prix Sakharov à Elon Musk, le principal soutien de Donald Trump. Mais à part cette
20:31extrême droite, deux des extrêmes droites, il y a l'unanimité au Parlement européen
20:37contre Trump et l'unanimité dans une anxiété. Et cette anxiété, aujourd'hui, amène l'Union
20:44européenne à se doter, tenez-vous bien, quand même, d'un commissaire à la défense,
20:48d'un commissaire à la défense, et d'un commissaire à la Méditerranée. Ça veut
20:52dire que frontière méridionale, frontière orientale, l'Union européenne, aujourd'hui,
20:58se donne les moyens de devenir une puissance politique.
21:01NICOLAS ROCHEFORT « Allez, dernière question, pronostique ? On vous en voudra pas, on sortira pas à l'archive, Bernard Guetta ? »
21:09NICOLAS ROCHEFORT « Non, certainement pas, certainement pas, évidemment pas de pronostique, évidemment pas ! »
21:13THOMAS NEGAROFF « Si, moi, je vais vous faire un vrai pronostic, je pense que ça sera serré. »
21:16NICOLAS ROCHEFORT « Merci, Thomas Négaroff, ce courage qui vous honore ! »
21:19NICOLAS ROCHEFORT « Et vous, Laurence Haïm, qui vivez ça depuis les Etats-Unis ? »
21:25LAURENCE HAÏME « Grosse surprise ! »
21:26NICOLAS ROCHEFORT « Ça veut dire quoi, ça, grosse surprise ? »
21:29THOMAS NEGAROFF « Ça ne veut rien dire, c'est ça qu'elle a choisi, c'est bon ! »
21:33NICOLAS ROCHEFORT « Ça voudrait dire une victoire large, en fait, ça voudrait dire le contraire de ce que dit Thomas Négaroff, une victoire large d'un des deux. »
21:40LAURENCE HAÏME « Grosse surprise ! Ça veut dire que soit on se reparle pendant deux mois, et on se retrouve tous dans le comté de Maricopa en Arizona, au far front de la Pennsylvanie, avec, et encore une fois, je reprends ce qu'on entend depuis 48 heures,
21:57des villages où il y aura six voix de différence entre l'un et l'autre, et tout le monde répondra, il y aura beaucoup d'avocats, et on se dira, ils sont complètement dingues, que se passe-t-il dans cette démocratie ? »
22:07« Soit énorme surprise, énorme, voilà, c'est mon pronostic ! »
22:12NICOLAS ROCHEFORT « Quand même un pronostic ! Je crains que s'il a perdu, Trump, dans tous les cas de figure, refuse le résultat. »
22:19NICOLAS ROCHEFORT « Merci à tous les trois, Bernard Guetta, heureux député, Rignoud, Thomas Négaroff, historien, on renvoie à votre podcast avec Romain Huret, « Etats-Unis, anatomie d'une démocratie ».
22:31Merci Laurence Haïme d'avoir été en ligne avec nous, je renvoie à votre documentaire « Donald Trump, Dieu et les siens », diffusé demain soir sur France 2 à 22h50. Merci encore. »

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