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Le documentaire "Ava Gardner, la gitane d'Hollywood", réalisé par Sergio G. Mondelo en 2018, explore la vie fascinante et tumultueuse de l'actrice Ava Gardner. Voici les points clés à retenir :
Synopsis
Le film retrace la carrière d'Ava Gardner, une icône d'Hollywood, connue pour sa beauté envoûtante et son charisme à l'écran. Le documentaire utilise des images d'archives, des extraits de films, ainsi que des témoignages de biographes et de critiques pour offrir un portrait complet de sa vie.
Thèmes abordés

Carrière cinématographique : Ava Gardner a travaillé avec des réalisateurs renommés, tels que John Ford dans "Mogambo", et a été une figure marquante de l'âge d'or d'Hollywood.
Vie personnelle : Le documentaire aborde également ses luttes personnelles, y compris son alcoolisme et ses relations tumultueuses, notamment avec des personnalités comme Frank Sinatra.
Séjour en Espagne : Une partie significative du film se concentre sur son long séjour en Espagne, où elle s'est installée en 1955. Ce choix de vie, fait en plein régime franquiste, est présenté comme une fuite des paparazzis d'Hollywood, mais aussi comme une quête d'amour pour Madrid et le flamenco.

Réception
Le documentaire a été diffusé sur Arte et a suscité l'intérêt du public en raison de la vie intrigante d'Ava Gardner, ainsi que de son statut d'icône du cinéma. Il met en lumière à la fois sa carrière et ses défis personnels, offrant une vision nuancée de cette figure emblématique. En somme, "Ava Gardner, la gitane d'Hollywood" est un hommage à une actrice dont la vie était aussi captivante que ses performances à l'écran, soulignant son héritage et son influence dans le monde du cinéma.
Transcription
00:00Juste avant mon 33e anniversaire, j'ai fait une chose que je menaçais de faire depuis
00:18longtemps.
00:19Une chose dont personne ne me croyait capable.
00:21Non, je n'ai pas dit adieu au cinéma, mais presque.
00:26J'ai quitté les Etats-Unis pour de bon, et je me suis installée en Espagne.
00:33Miss Eva Gardner, l'incarnation de la femme fatale de l'après-guerre, telle que le Hollywood
00:41des studios l'a dessinée, telle que le public l'a fantasmée, quitte l'Amérique en 1953
00:47pour la plus étonnante des destinations.
00:49Elle qui incarne la liberté, le glamour et la sexualité la plus débridée s'installe
00:55avec armes et bagages au cœur de la plus terrible dictature du vieux continent, un
01:01pays à peine sorti d'une guerre civile et tenu de main de fer par les militaires
01:05et les conservateurs les plus ultra-catholiques, l'Espagne de Francisco Franco.
01:10Pourquoi l'une des femmes les plus désirées, flashées, filmées de la planète, s'isole
01:1915 années durant dans un pays à l'écart du monde libre ? Suicide ou provocation ? Par
01:27quel mystère un enfer de répression peut-il devenir aux yeux d'une femme moderne un bien
01:31drôle de paradis ?
02:19Tout balancé par-dessus bord n'est jamais anodin.
02:40Pour Ava Gardner, quittée les Etats-Unis après 30 années d'une vie qui prend l'eau
02:48de toutes parts, c'est peut-être la volonté de renouer avec les premiers chapitres heureux
02:52du roman d'une vie, ceux de l'enfance.
02:56Cette enfance, pour Ava Gardner, dont une première lecture peut sembler noire et désolante.
03:02C'est en Caroline du Nord, recoin reculé, dévasté par la crise de 29, que grandit
03:20la plus jeune des Gardners.
03:21Ava est née en 1922, elle a 8 ans à l'orée de ses années 30, écrasante de pauvreté.
03:29C'est le sud des Etats-Unis, il y a des champs de tabac, pas des champs de coton,
03:35et donc Ava Gardner grandit dans ce contexte, donc un contexte très rural, elle a un accent
03:41coupé au couteau.
03:42Elle vit un peu comme un garçon, elle grimpe aux arbres, elle fait les 400 coups, elle
03:49court dans les champs de tabac, elle est déjà très singulière.
03:53Pour elle, son année noire, ce sera en 1938, cette année-là, son père meurt, premier
04:05choc qui marque une jeune fille espiègle, très proche de son père.
04:09A la mort de papa, en 1938, je pensais que rien de plus douloureux ne pouvait m'arriver,
04:21il avait le don de me rendre unique, je n'attendais pas grand-chose de la vie, mais papa m'a
04:27entourée d'amour, je me sentais en sécurité avec lui, aucun père n'a pu faire davantage
04:33pour sa fille.
04:34Ses propos sont tirés des « Conversations secrètes », un livre d'entretien qu'elle
04:42a signé à la fin de sa vie avec son biographe Peter Evans, elle qui toute une vie durant
04:48n'accordera pas d'interview, ni ne s'épanchera dans les médias, donne avec ses mémoires
04:53des éléments de compréhension d'une vie d'exception, avec ses parts de souffrance,
04:57de deuil et d'errance.
04:58Le garçon manqué demeure dans l'âme, mais le corps, lui, épouse déjà une plastique,
05:14une féminité des plus parfaites.
05:17Littéralement, c'est une véritable créature au sens expérimental et douloureux du terme.
05:23C'est vraiment, je dis, Vénus dans les champs de tabac, avec un regard déjà pas commode
05:30et déjà elle fait un petit peu peur quand même, à force d'être belle.
05:34Tout est dit, à force d'être belle, les regards extérieurs la dévorent, il ne lui
05:44manque qu'un regard, celui de son père.
05:47De là, sans doute, la question qu'elle entretiendra toute sa vie avec son image.
05:50Une image à laquelle, pourtant, avadoit tout.
05:54Elle va arriver dans ce métier d'actrice simplement parce qu'elle est très jolie.
06:01Elle débarque de sa province à New York où habite sa sœur.
06:06Là, un autre monde plus glamour, plus enjoué l'attend.
06:11D'autres regards se portent sur elle.
06:17Larry Tarr, le compagnon de sa sœur, il la prend en photo.
06:20Elle est très jolie sur la photo, on croirait une bergère, une allégorie.
06:31Quelqu'un qui travaille pour les studios passe par hasard à la devanture du photographe,
06:37voit Vagarnet et se dit « tiens, il faut que j'envoie cette photo au studio ».
06:42Et ce sont les photos qui vont époustoufler la métro Goldwyn Mayer.
06:47C'est sa beauté hallucinante qui va créer sa carrière de cinéma.
06:56Cela ressemble à un conte de fées.
06:58En 1941, à 18 ans, elle a déjà en poche un contrat d'actrice de studio.
07:03Presque trop facile.
07:05C'est là que ça va devenir plus problématique finalement.
07:08Ce qui s'est passé, c'est qu'Ava Garner s'est retrouvée à la MGM
07:11avec ce contrat qui lui avait été donné simplement parce que sa beauté était hallucinante.
07:18Mais pendant un moment, la MGM n'a pas su vraiment quoi faire d'elle.
07:28Et Ava Garner, pendant longtemps, elle ne perce pas du tout.
07:31Elle est cantonnée à jouer la Vénus des plages.
07:33C'est une statue grecque qui marche sur les plages de Los Angeles.
07:37Cinq années de petits rôles, de figurations et de photos
07:40qui la rangent au rayon des nombreuses starlets de la MGM.
07:44Finalement, de longues années d'apprentissage, de patience, le temps de la modeler.
07:50Ava Garner était un produit de la MGM.
07:52Donc à la MGM, on vous donnait des cours de diction,
07:55on vous attirait entre les mains des maquilleurs,
07:58et des habilleurs qui vous transformaient, qui vous apprenaient à avoir un look.
08:02On essaie un jour de lui épiler les sourcils au studio.
08:04Elle balance un coup de poing dans la figure où elle crie ceux qui s'approchent.
08:09C'est vraiment le diamant brut de la Caroline du Nord.
08:18Je détestais ce côté exhibitionniste du métier.
08:22Pourquoi est-ce que je continuais ?
08:24Pour le fric.
08:26Toujours le fric.
08:31Ce qui est intéressant, c'est que Ava Garner a dit de cette période
08:35« Écoute chérie, nous n'étions pas des acteurs, nous étions juste jolis à regarder. »
08:41Ce qui fait décoller sa carrière, c'est finalement un mariage avec Mickey Rooney,
08:45qui est un acteur très célèbre à l'époque.
08:48Très petit, très gracieux.
08:51Mais c'est l'acteur le mieux payé d'Hollywood à l'époque.
08:56Ava se marie en 1942 à 19 ans.
08:59Pourquoi se marier si jeune quand une vie de star vous est promise ?
09:02Peut-être une quête paternelle ?
09:04Ou simplement parce que le mariage était organisé par la MGM ?
09:08Mariage d'amour ou de raison, pour elle, l'échec était garanti.
09:13Elle n'avait pas la vitamine, elle n'avait pas le don du bonheur.
09:18L'union va tenir un an.
09:22Divorce, puis un nouveau mariage avec un compositeur star de jazz,
09:26Louis B. Meyer.
09:28C'est la première fois qu'Ava se marie.
09:30C'est la première fois qu'Ava se marie.
09:32C'est la première fois qu'Ava se marie.
09:34Divorce, puis un nouveau mariage avec un compositeur star de jazz,
09:38Artie Shaw.
09:40Artie Shaw, le compositeur de jazz,
09:43qui lui est le contraire de Mickey Rooney,
09:45qui est un intellectuel, qui lit.
09:47Il lui fait lire Thomas Mann, La Montagne Magique.
09:50Il la met aussi sur le divan d'un analyste.
09:54Déjà ce complexe d'une enfance plouc qui l'arrange.
09:57Et si elle pense que la culture va l'améliorer, la parfaire,
10:00ce n'est pas encore le cas.
10:05Elle est absolument épouvantable.
10:07Elle a cet accent à couper au couteau.
10:09On dirait Tom Sawyer qui parle derrière une caméra.
10:13Elle n'est pas du tout gracieuse.
10:15Elle ne sait pas non plus se déplacer.
10:20Ava finit pourtant par obtenir en 1946 à 25 ans
10:24son premier grand rôle dans Tragique Rendez-Vous.
10:26Suivrons L'Étueur avec Burt Lancaster,
10:29où elle incarne son premier rôle de garce insaisissable et mystérieuse.
10:32Sa carrière est lancée.
10:38Il ne lui manque plus qu'un film fondateur.
10:41Le film fondateur du mythe.
10:43Celui qui fera basculer sa vie tout autant que sa carrière.
10:48Ce sera Pandora.
10:51Le réalisateur Albert Lewin a choisi un petit port de pêche espagnol
10:55pour tourner son nouveau film,
10:57une interprétation très libre et personnelle de l'opéra de Richard Wagner,
11:01Le vaisseau fantôme.
11:04Tos Adhemar où la Méditerranée a l'état sauvage,
11:07avec ses plages désertes et sa citadelle romaine
11:09qui déva la flamme de collines.
11:12Mais il n'y a pas d'hébergement.
11:14Il n'y a pas d'hébergement.
11:16Il n'y a pas d'hébergement.
11:19Nous pourrions tout aussi bien être au siècle passé,
11:22tant la modernité s'est maintenue à l'écart de ce paradis.
11:26Tos Adhemar c'est un pays, c'est une ville magnifique,
11:29c'est une ville de cartes postales.
11:31Et donc tout ça va la fasciner
11:33et elle va y voir l'expression même de cette culture européenne,
11:38de son mystère, de son romantisme,
11:41tel qu'elle l'imagine.
11:44Ava incarne Pandora,
11:46Pandora, une aventurière séduite par James Mason, le hollandais volant,
11:50marin maudit condamné à errer sur les mers.
11:52Sa malédiction ne prendra fin que si une femme accepte par amour de mourir pour lui.
12:16Je ne sais pas si c'était le climat, les hommes ou la musique,
12:27mais dès que j'ai découvert l'Espagne, j'en suis tombée littéralement amoureuse.
12:40Un romantisme qui devient vite abrasif
12:43lorsque les hommes entrent en contact avec cette brune sulfureuse.
12:46Sur un plateau de tournage comme dans la vie, Ava électrise les relations.
12:51Et à Tossa, immanquablement entre deux scènes de fiction à défaut d'un marin maudit,
12:56Ava Gardner se laisse séduire par un matador joli cœur,
12:59Mario Cabret, torero de seconde zone et plus mauvais acteur encore.
13:06Elle a eu une romance avec Mario Cabret, une sorte de torero acteur.
13:11De lui, elle dira plus tard, dans ses mémoires, qu'il était beau mais qu'il était très lourd.
13:16Elle lui disait tout le temps, ne tombe pas amoureux de moi, je t'en supplie.
13:20Mais lui, le torero, il en demandait toujours plus.
13:30Ava Gardner, qui a rapidement divorcé de Artie Shaw, n'est pas restée longtemps célibataire.
13:36Après quelques autres liaisons tapageuses, elle croise la route du crooner acteur,
13:40icône du pays, homme marié, père de famille et soupçonné d'acquaintance avec la mafia.
13:52Indéniablement, il n'est pas un homme pour elle.
13:55Et comme père de substitution, on fait mieux.
13:57Elle était attirée par des hommes qui étaient quand même totalement déjantés.
14:01Mickey Rooney était déjanté, Artie Shaw était déjanté,
14:06Frank Sinatra était quelqu'un de complètement tourmenté.
14:14Nous sommes en 48 à une soirée sur Hollywood Boulevard.
14:17Et puis Sinatra lui dit, on vient, prenons ma voiture.
14:21Et puis il roule dans le désert.
14:25Très vite, à toute allure, Sinatra met la radio, on se croirait dans une de ses chansons.
14:29Et puis soudain, il s'arrête et il sort des revolvers de sa boîte à gants.
14:34Il se met à tirer comme ça dans la nuit.
14:36Il tire sur les étoiles.
14:37Et Wagner prend un revolver aussi et le tire.
14:40Il canarde la nuit.
14:41Alors là, ça scelle la réunion.
14:43Cet assassinat des étoiles ensemble.
14:47Mais c'est plutôt à Tosa de Mar, quelques années plus tard, pendant le tournage de Pandora,
14:52que cette union va définitivement se sceller.
15:17Le tournage de Pandora, ce film magnifique et tragique,
15:21se change en vaudeville à l'espace d'un instant.
15:23Sinatra débarque de l'avion, il veut la surprendre.
15:26Le matador de Perrette déclare qu'il va tuer Sinatra
15:31si jamais il s'approche de Wagner.
15:33La fiction rejoint la réalité du film.
15:38Il n'y aura pas de meurtre à Tosa.
15:40Ava a bien joué.
15:43Longtemps, ses proches penseront que cette romance avec Mario Cabret
15:46n'a servi qu'à motiver Frank à sauter le pas pour l'obliger à divorcer.
15:51Comme si enfin Ava prenait l'initiative et manipulait à son tour.
16:01Fin 51, Ava Garner se marie avec Frank Sinatra.
16:04Pour le meilleur et pour le pire.
16:06Et le pire ne va pas tarder.
16:08En ce début des années 50,
16:10Hollywood vient de basculer dans une nouvelle ère,
16:13celle de la surmédiatisation.
16:18Et Ava Garner est une immense star
16:20dont les rebondissements amoureux déchaînent les passions
16:23et hystérisent la meute des journalistes et photographes
16:26qui l'étouffent jour après jour.
16:28Pour leur échapper, elle enchaîne les rôles loin des Etats-Unis.
16:35C'est la sorte de Hollywood,
16:37de sa relation compliquée avec Sinatra,
16:39qui se suicide 17 fois par jour pour elle,
16:42ou qui fait semblant.
16:46Après l'Espagne méditerranéenne,
16:48c'est l'Afrique sauvage.
16:56Ava Garner tourne fin 1952
16:58sous la direction de John Ford, Mogambo.
17:01Un triangle amoureux qui se joue avec Clark Gable
17:04en pleine jungle kenyane.
17:07Plus beau et plus excitant
17:09que tu n'as jamais vu.
17:11A leur côté, une blonde au destin plus polissée,
17:14Grace Kelly.
17:16Tu es coincée, n'est-ce pas ?
17:18Une fois pour toutes...
17:19Tu es jalouse.
17:20Tu ne devrais pas examiner tes propres émotions dans cette vie ?
17:23Regarde, ne t'inquiète pas pour moi.
17:27Aux pénibles conditions de tournage au milieu de la savane
17:30vient s'ajouter un drame bien plus intime.
17:33Elle attend un enfant de Sinatra
17:35qui l'avorte sans lui en parler.
17:38Tu n'avais pas le droit de le faire.
17:45C'est mon enfant aussi, tu sais.
17:47Ne meurs pas.
17:50Et là, ça te passe très mal.
17:52Il y a beaucoup de tristesse.
17:59Imbécile.
18:06Pour noyer la tristesse de cet avortement,
18:08prémisse à l'explosion du couple,
18:10Ava décide de retourner en Espagne.
18:12Comme pour retrouver les jours heureux,
18:14ces rares moments de légèreté qu'elle a connus.
18:16Ava s'installe à Madrid en 1953.
18:20Elle arrive en Espagne en espérant pouvoir s'y reposer.
18:23A son arrivée, c'est une femme brisée,
18:25avec un mariage en ruine.
18:36L'installation espagnole crée une véritable déflagration.
18:40La nouvelle surprend le petit monde d'Hollywood,
18:42comme les femmes.
18:49Il n'y a que Ava Garner pour vivre à Madrid.
18:51Donc même là, elle est politiquement incorrecte.
18:57Elle devient l'hymne d'un pays totalitaire.
18:59C'est complètement paradoxal.
19:02A peine 15 ans se sont écoulés
19:04depuis la fin de la guerre civile espagnole en 1939.
19:14Le pays en est sorti exsangue.
19:16A la pauvreté s'est ajoutée la terrible main de fer
19:19qui s'est abattue sur l'Espagne.
19:22Le général Franco, aidé par l'église,
19:24va fermer ses frontières.
19:27Le dictateur a bien trop peur
19:29que les forces extérieures renversent son régime
19:31et rétablissent la République.
19:34L'autarcie devient sa politique.
19:36Mais à présent, le pays à l'écart de la modernité
19:38devient le cœur d'enjeux géopolitiques.
19:44Les Etats-Unis avaient un grand intérêt
19:46à créer un pont qui ouvrirait un chemin
19:48entre l'Europe et l'Afrique.
20:00S'il était plausible d'imaginer que les Etats-Unis
20:02feraient tout pour renverser le pouvoir politique
20:04en place à Madrid, il n'en sera pourtant rien.
20:08Passant outre l'embargo des Nations Unies,
20:10Franco et l'administration américaine
20:12signent des accords d'entraide,
20:14sorte de plan Marshall unilatéral.
20:17Franco est consolidé sur son trône de généralissime
20:20et les Américains assoient leur American way of life
20:23dans ce sud-européen à fort potentiel.
20:26C'est le début du flirte cynique
20:28entre le dictateur et la première démocratie au monde.
20:33L'Espagne s'offre littéralement aux Etats-Unis
20:36dans le but de sortir de cette autarcie,
20:38de son isolement.
20:42Et le cinéma fait partie intégrante
20:44de cette volonté d'ouverture.
20:46L'Espagne permet le libre accès de son marché
20:48aux films hollywoodiens,
20:50des films retouchés par la censure
20:52et validés par le plus haut dignitaire du pays.
20:55Franco était un cinéphile invétéré.
21:00Il avait une salle de projection dans son palais du Pardo,
21:03dans laquelle il regardait des films.
21:07Et il disait, amenez-moi des films.
21:10Et on lui en importait.
21:14L'Espagne devient le principal importateur
21:16de films américains en Europe
21:18et ava une véritable star sur le sol ibérique.
21:21Le public espagnol l'a admiré dans Pandora
21:24et les espagnols sont fiers d'accueillir
21:26cette nouvelle madrilène.
21:32Ava va rapidement devenir une figure
21:34de la nomenclatura locale.
21:36Elle accède à ce petit cercle de privilégiés
21:38grâce aux soirées d'un américain installé à Madrid,
21:41Richard Seacre, officiellement homme d'affaires
21:43et plus officieusement représentant de l'OSS,
21:46l'ancienne CIA.
21:51Dans la somptueuse demeure madrilène des Seacre,
21:53soir après soir,
21:55défilent hauts dignitaires franquistes,
21:57vagues espions restés en Espagne
21:59au lendemain de la seconde guerre mondiale
22:01et surtout hommes d'affaires américains
22:03qui viennent humer les marchés locaux.
22:06Pour Ava, on ne peut imaginer meilleur anfitrion.
22:11Et on sent quand même que la présence d'Ava Gardner
22:14en Espagne se faisait sous une espèce de protection
22:18non dite des services secrets américains.
22:22Grâce à cette protection et à ses cachets hollywoodiens,
22:25Ava, elle, vit comme une princesse
22:27dans ce pays qui crève de faim.
22:29S'en soucie-t-elle ? Certainement pas.
22:33Car Ava est une princesse oisive
22:35pour qui Madrid est une fête,
22:37une femme sans scrupules,
22:41qui profite des largesses accordées par la dictature
22:43aux privilégiés du régime.
22:46Il ne se passait pas un jour sans qu'il y ait une fête.
22:49Quand ce n'était pas une soirée dans une ambassade,
22:52c'était l'inauguration d'un hôtel,
22:54une soirée privée chez un toréro
22:56ou encore une partie de chasse.
22:59Et ce qui est commun à toutes ces soirées,
23:01c'est qu'elles finissaient toujours avec du flamenco.
23:10Pour elle, l'Espagne, c'est danser sur les tables
23:12toute la nuit, danser avec des amis,
23:14danser toute la nuit avec des gitans.
23:16Puis elle aime ça, ce soleil tragique.
23:22Elle a une sorte d'affinité élective avec le flamenco.
23:36C'est Madrid, en fait, que j'aimais vraiment.
23:38Là-bas, ça bougeait, il y avait de la vie,
23:41les rues étroites étaient pleines de vieux bars à tapas,
23:44des endroits qui résonnaient au chant des guitares,
23:46des castagnettes, du flamenco.
23:49Si vous connaissiez le circuit,
23:51les nuits étaient sans fin.
23:57Des fêtes qui entraînent Tava dans un tourbillon sans fin,
24:00dans une frénésie sans lendemain qui l'a toujours caractérisée,
24:03elle, l'enfant robuste,
24:05le garçon manqué de la Caroline du Nord.
24:09Vert de jean ou de martini en main,
24:11Tava renoue ainsi avec cet accent populaire
24:13que les studios avaient tant cherché à gommer.
24:17Ivre, elle jure, s'exprime crûment.
24:21Ainsi elle retrouve enfin son enfance,
24:23et finalement se perd trop vite partie.
24:26Comment ne pas comprendre que pour Tava,
24:28les sorties nocturnes deviennent alors des pèlerinages.
24:39La première fois que j'ai rencontré Ava Garner,
24:42c'était dans un bar,
24:44à côté du théâtre Slava.
24:50La porte du bar s'est ouverte d'un coup,
24:53c'était comme un tremblement de terre.
24:57Je me suis approché du propriétaire du bar,
25:00et j'ai bafouillé, c'est...
25:02Oui, oui, c'est elle.
25:06Je lui ai dit bonjour,
25:08je lui ai raconté que j'étudiais le cinéma à Madrid.
25:11Mais elle n'en avait rien à faire,
25:13elle m'a demandé ce que je voulais boire.
25:16Je lui ai dit que j'allais boire un café,
25:19et elle m'a dit que j'allais boire un café.
25:22Je lui ai dit que j'allais boire un café,
25:25et elle m'a demandé ce que je voulais boire.
25:28La même chose que la dame, ai-je dit au serveur.
25:34Et à partir de là,
25:36c'est un souvenir confus, vague,
25:39étant donné les nombreux verres de cognac vides sur la table.
25:52Il buvait vraiment comme un trou, comme un homme.
25:56Il n'y a pas un seul chauffeur de taxi d'un certain âge en Espagne
26:00qui ne l'ait pas ramené complètement ivre.
26:03Il y a quelques années, quand tu prenais un taxi,
26:06il te racontait, j'ai conduit à Wagner,
26:09et j'ai dû la faire descendre parce qu'elle était complètement inconsciente.
26:13J'ai dû la laisser à l'hôtel,
26:16ou j'ai dû la laisser chez elle.
26:19Elle buvait, elle buvait sans aucune limite.
26:24La capitale espagnole devient vite un circuit noctambule
26:27aux multiples distractions plus effervescentes les unes que les autres.
26:31Ava consomme.
26:33Ava consomme et se consume.
26:39Je crois qu'Ava cherchait à perdre la tête
26:42pour ne plus penser à ses problèmes, pour noyer ses peines dans l'alcool.
26:47C'est une femme qui a beaucoup souffert intérieurement.
26:52Elle était torturée par ses relations avec les hommes et avec le cinéma.
26:56Et son relation avec le cinéma.
27:15Personne n'arrive à lui retirer ses derniers verres.
27:18Ses humeurs s'en ressentent, sa relation avec Sinatra en souffre.
27:23Chacun à l'autre bout du monde, le couple se voit peu.
27:26Et lorsqu'ils se croisent, c'est le drame assuré
27:29avec sa querelle de disputes hystériques et de réconciliations sans lendemain.
27:37Frank Sinatra va tout tenter pour la reconquérir.
27:41Mais elle, de son côté,
27:43elle a la sensation que la page de son mariage est tournée.
27:53Une fois de plus, Ava Gardner ne doit sa fidélité qu'à l'alcool,
27:57à cet étilisme mondain qui la libère et la soumet à la foi.
28:02C'est encore un verre à la main à une soirée chez le couple Sikre, au printemps 1953.
28:07Qu'Ava va rencontrer l'homme qui va précipiter sa séparation avec Sinatra,
28:11le playboy ibérique et héros national,
28:14le toréro Luis Miguel Dominguin.
28:23Luis Miguel Dominguin était comme un dieu.
28:27C'était un don Juan, le don Juan espagnol.
28:36C'était quelqu'un qu'on applaudissait quand il marchait dans la rue.
28:41Ava a vécu une passion très forte avec Luis Miguel Dominguin.
28:46Le tout Madrid les réclame.
29:12Les amants sont l'épicentre mondain et glamour.
29:14Entre mondain et glamour de la capitale espagnole, ils deviennent inséparables.
29:21C'est au bras du Torero qu'Ava Gardner pénètre les derniers cercles du pouvoir qui lui résistaient, le sommet de l'État franquiste.
29:32Elle est parvenue à rencontrer beaucoup de gens en relation avec Franco et son gouvernement.
29:37Et je pense qu'Ava Gardner et Franco se sont rencontrés dans un des nombreux événements mondains comme ces chasses si fréquentes dans les années 50 et dont Luis Miguel était un habitué.
29:54Aucune photo officielle ne rapporte une telle rencontre.
29:58Et si un cliché avait existé, les attachés de presse de la MGM n'auraient rien laissé filtrer de cette proximité entre la star et un régime abject.
30:09Un régime qu'elle ne contestait pas, qu'elle ne critiquait pas, cynisme ou simple inconscience.
30:18Elle ne partageait en rien cette idéologie.
30:22Elle préférait l'ignorer, tout ignorer.
30:28Elle était plus heureuse en ignorant tout ce contexte.
30:42Quant à Franco, c'est une histoire qui se répète. Ah ces foutus toréros !
30:47Pendant les fêtes de Noël 1953, il tente une nouvelle expédition de la dernière chance et débarque à Madrid.
30:57Dans la capitale, il ne trouve pas trace de sa femme.
31:01Comme si à chaque pas, elle était prévenue de son imminent arrivé.
31:05C'est bien le cas. Groumes, barmen et journalistes mondains se passent le mot et protègent de fait le couple iconique et illégitime.
31:15Franco finit par abandonner la partie.
31:18Je ne mettrai plus jamais les pieds dans ce foutu pays, déclare-t-il en guise d'au revoir.
31:23La séparation est consommée, même si le divorce ne sera signé que trois ans plus tard, en 1957.
31:36Malgré ce nouvel échec amoureux, à Madrid, Ava semble heureuse, même sous le régime de Franco.
31:42Désormais, elle ne choisit que des tournages en Europe pour ne plus s'éloigner de sa nouvelle résidence.
31:48Janvier 1954, Ava s'envole pour Rome retrouver Humphrey Bogart et le tournage de La Comtesse aux pieds nus, que réalise Joseph Mankiewicz.
31:59Étonnamment tournée en Italie, Ava interprète Maria Vargas, une danseuse espagnole de cabaret, devenue star hollywoodienne.
32:18Ce conte de fées moderne est totalement teinté d'une hispanité plus que vibrante.
32:23La Comtesse aux pieds nus s'offre comme une allégorie de cette nouvelle Ava latine que le monde découvre.
32:30La Comtesse aux pieds nus raconte bien son histoire finalement.
32:33C'est Maria Vargas, cette danseuse de flamenco, qui devient une actrice, et en devenant une actrice, ça la détruit.
32:39Parler de pacte faustien avec les studios finalement, elle vend son âme au diable des studios, elle vend son âme au nabab, et il faut faire avec ça, avec cette noirceur, sa personnalité ne lui appartient plus.
32:59Sa personnalité ne lui appartient plus, et son succès planétaire la fragilise.
33:05Fragile ou simplement capricieuse, voire insupportable, car Ava Gardner atteint le statut de mythe vivant.
33:15Entre incandescence et perfection, elle en impose.
33:22Clairement, c'est Ava Gardner, c'est sa beauté qui monopolise le regard.
33:26Ça c'est quelque chose de quand même extraordinaire, parce que ça permet d'attirer à la fois le regard du spectateur, et puis aussi de créer une alchimie avec la caméra, qu'évidemment les chefs opérateurs d'Hollywood savaient très bien provoquer et sublimer aussi.
33:57Alors, est-ce que c'est ça, être une grande actrice ? Non, pas au sens où l'était Katharine Hepburn ou Bette Davis, qui savaient porter un film sur leurs épaules, avec maîtrise, avec maestria, ça Ava Gardner ne savait pas le faire.
34:13Mais au bout du compte, elle y arrivait parce qu'elle avait cette présence absolument extraordinaire.
34:19Désormais, Ava et l'Espagne sont indissociables. Tenue de tourner loin d'Hollywood, les studios rentabilisent son image de brune latine incendiaire.
34:30Après avoir interprété la comédienne Maria Vargas, la MGM va stratégiquement lui proposer des rôles où elle brille au soleil espagnol, des films à la trame ibérique.
34:40Les Espagnols m'ont accueillie à bras ouverts, sans poser de questions. Pourtant, je représentais tout ce qu'ils réprouvaient. J'étais une femme, je vivais seule, j'étais divorcée, je n'étais pas catholique et j'étais actrice de cinéma.
35:11Entre tournage et tournage, de palace en appartement du centre-ville, les années passent. Au fil du temps, Ava se sent à Madrid comme chez elle, c'est le cas de le dire.
35:22Pour elle, l'Espagne a été un pays merveilleux, où elle pouvait faire ce qu'elle voulait sans qu'on lui reproche quoi que ce soit. Elle pouvait se mettre debout sur une table de restaurant, baisser sa culotte et, excusez-moi l'expression, faire pipi devant tout le monde. Et personne ne lui disait rien.
35:43Madrid est devenu pour Ava un immense terrain de jeu. Et le duplex qu'elle occupe est l'épicentre de la nuit madrilène. Au grand dam de ses voisins, dont le général Perón, dictateur argentin en exil.
35:59Elle organisait ses fêtes dans un grand vacarme de musique, de flamencos et de rires. Le général Perón appelait la police pour qu'elle vienne l'arrêter. Alors la police arrivait, toquait à la porte et Ava les accueillait, la bouche en cœur, un verre à la main.
36:30La police lui disait, faites moins de bruit, vous gênez le général. Alors elle se mettait à insulter le général. Elle vivait sa vie avec une liberté totale.
36:45Dans cette Espagne si prude, elle pouvait faire comme on lui semble, alors qu'à cette époque là, ce n'était pas le cas des femmes espagnoles.
36:54Faire ce qu'elle voulait peut-être, mais tout en demeurant dans l'œil du cyclone.
37:03La police franquiste n'a jamais cessé de surveiller Ava Gardner. Ses documents et rapports le démontrent. Il dorme depuis dans les archives du ministère de l'intérieur.
37:13Le 20 du présent mois est arrivée l'actrice nord-américaine Ava Gardner. Elle s'est dirigée à l'hôtel Cordoba Palace. Elle a été vue au bar, consommant des boissons, avant de repartir vers Séville.
37:33Le 20 du présent mois, l'actrice a ainsi été suivie sur la route de Séville. Elle se dirigeait vers l'un de ses nombreux week-ends de plaisir. Une villégiature qui a finalement bien mal tourné.
37:43Cette fois, les rapports secrets de police seront inutiles, tant la presse internationale s'en fera l'écho.
37:49Hacienda El Rocio, à quelques kilomètres de Séville. Dans ces années encore heureuses, Ava savoure l'Espagne et ses clichés de carte postale. Nous sommes chez Angel Peralta, le plus célèbre torero à cheval de l'époque. C'est leur ami commun Ernest Hemingway qui les a présentés. Peralta, le troisième torero qui croise la route d'Ava.
38:20Entre mondanités, vers de vins et bavardages, une journée agréable. Ava monte à son tour à cheval.
38:30Puis la chute. Un coup lourd et un hématome profond qui marque cette joue qui enfle.
38:37Ava comprend brutalement. Elle restera marquée à vie. Voilà le plus bel animal du monde, défiguré.
38:45Pour ceux qui l'entourent à Hacienda, il ne s'agit que d'un incident sans lendemain. Pas pour Ava, qui hystérise l'incident et crie au complot lorsque les photos sortent dans la presse.
38:58Ce qui ne devait être qu'une banale chute va prendre une tournure disproportionnée, comme si symboliquement elle portait les signes annonciateurs d'une chute vitale et professionnelle qui, elle, va s'avérer bien plus réelle.
39:11C'est là que sa chute commence, sa chute même aussi en tant qu'actrice.
39:15La visite officielle en 1959 du président américain Eisenhower, la première d'un dignitaire démocratique depuis la guerre civile, va marquer une nouvelle étape dans l'acceptation de l'Espagne franquiste au concert des nations.
39:40Cette main tendue à un prix, Franco laisse installer des bases américaines sur le territoire. Nous sommes en pleine réale politique et le cinéma fait de nouveaux partis des négociations.
39:52La Maison Blanche va se servir d'Hollywood pour en quelque sorte blanchir ses fonds.
39:56A l'époque, les profits des investissements étrangers ne pouvaient pas quitter l'Espagne. Les dividendes étaient bloqués.
40:14Ainsi va négocier l'Espagne.
40:17Ainsi va naître le projet du Hollywood franquiste qui va tenter de concurrencer la Cinecittà italienne en construisant de gigantesques studios en périphérie de Madrid.
40:35Compte tenu de la faiblesse de l'économie et de l'inflation galopante, le contrôle d'échanges bloque les bénéfices générés en Espagne par les multinationales américaines comme Ford ou Coca-Cola.
40:48L'idée astucieuse que développe l'administration américaine est donc de produire des films sur le territoire espagnol à l'aide de ces fonds bloqués.
40:57Une fois terminé, le film est rapatrié aux Etats-Unis où il est commercialisé et génère cette fois des bénéfices sur le territoire national.
41:05C'est donc ici, dans la périphérie de Madrid, que vient d'être lancé le tournage des 55 jours de Pékin, que la plus espagnole des stars hollywoodiennes ne pouvait rater.
41:25Les 55 jours de Pékin, c'est une sorte de western chinois réalisé par Nicolas Ray, aux côtés d'Ava, Charlton Heston.
41:40Jesús Garcia de Duenas faisait alors ses débuts comme critique cinéma. Il fut invité par la production sur le plateau de tournage.
42:02Une multitude de chinois. Des centaines et des centaines. Des chinois, enfin, plutôt des habitants des villages des alentours de Madrid. On leur avait mis une calotte et des tresses, et les voilà devenus chinois.
42:19Alors Ava Gerner est apparue, merveilleusement habillée, et portant ce fameux chapeau de chez Alexandre de Paris. Le même qu'elle portait à l'image. Et elle est passée devant nous, comme ça, simplement, saluant les uns et les autres.
42:50Dans cette petite société américano-franquiste, entre glamour hollywoodien et stratégie économique internationale, Ava Gerner assiste à cette mue ibérique. Elle aussi a changé.
43:05Arrivée en Espagne à l'orée de sa trentaine glorieuse, la voilà qui s'approche d'une quarantaine bien plus laborieuse. La fiesta a un prix, il se paye en réveil brumeux.
43:17Ava Gerner va souffrir très très vite de son alcoolisme. Plus elle va avancer et plus elle ne va vouloir tourner qu'avec des chefs opérateurs qui sont vraiment des chefs opérateurs de confiance, qui savent qu'il faut cacher un peu les stigmates de son alcoolisme.
43:36Usée par tant d'alcool, sa légèreté s'émousse.
43:40Trop d'humiliation a cumulé depuis ses débuts et toujours ses démons du passé qui la poursuivent.
43:49Je pense qu'Ava Gerner avait un complexe de ses origines provinciales et en devenant une actrice, ça l'a détruit.
43:57D'abord on lui a gommé son accent natal, puis on lui a appris à marcher, elle qui aimait être pieds nus.
44:06On lui a ensuite appris à se tenir comme une dame en société, elle qui était un garçon manqué.
44:12C'est pour ça qu'elle disait toujours ils ont fait de moi un être que je ne reconnais pas.
44:18Ils ont enlevé la part de moi même que j'aimais le plus, ils m'ont transformée.
44:27Comment se détester à ce point quand la planète vous admire ?
44:36Comment avoir une image si déformée de soi-même ?
44:40Pour Ava, c'est plus de l'ordre du trouble que de l'humeur.
44:47Depuis sa chute à cheval chez Angel Peralta, il n'y a pas eu d'humeur.
44:52Depuis sa chute à cheval chez Angel Peralta, Ava est obsédée par cette bosse.
44:58Cette bosse qui au milieu de la joue la défigure.
45:01Désormais elle court les chirurgiens, s'isole, camoufle son visage sous des foulards.
45:06Plus grave, elle retarde les tournages.
45:12Fatiguée par ses excentricités, la MGM ne va pas renouveler son contrat.
45:16Pour le métier, c'est un choc. Pour Ava, une libération.
45:20Pour la première fois de sa carrière, la voilà devenue une artiste indépendante
45:24qui peut accepter les films comme bon lui semble.
45:27Indépendante.
45:30C'est grâce à ce statut de star indépendante qu'elle peut tourner en 1964
45:34La Nuit de l'Iguane, l'adaptation de John Huston du roman de Tennessee Williams.
45:40Un film intense sur un prêtre défroqué et alcoolique succombant à sa mort.
45:44Un film intense sur un prêtre défroqué et alcoolique succombant aux pires tentations amoureuses et sexuelles.
45:49C'est la rencontre entre Ava Gardner et Richard Burton.
45:56En pleine époque de la couleur triomphante, Ava Gardner éclaire ici une oeuvre en noir et blanc, sombre,
46:01qui s'accorde avec cette noirceur de caractère qui désormais ne la quitte plus.
46:06Je quitte l'Espagne.
46:08Mais c'est l'unique endroit au monde où je me suis sentie en peur.
46:12L'unique endroit au monde où j'ai pu éprouver un semblant de bonheur.
46:16Je dois maintenant continuer à vivre.
46:19Aller de l'avant, affronter la lumière.
46:22Mais la lumière d'Espagne est trop forte pour les yeux fatigués de la comtesse aux pieds nus.
46:28Ses yeux en ont trop vu, et Ava a trop bu.
46:31Fatiguée, acariâtre, exaspérée, elle prend les siens de cour et annonce son départ de l'Espagne.
46:38On parle de dette fiscale, d'ingratitude de l'Etat franquiste à l'égard d'une star internationale désormais devenue un acteur.
46:44C'est l'Espagne.
46:46C'est l'Espagne.
46:48C'est l'Espagne.
46:50C'est l'Espagne.
46:52C'est l'Espagne.
46:54C'est l'Espagne.
46:55Une star internationale désormais devenue gênante.
47:01Ava Gardner s'est tenté à ne pas payer les impôts espagnols et dire qu'elle préférait quitter l'Espagne.
47:07Et partir pour Londres.
47:10Et ce fut le cas.
47:12Elle est partie habiter à Londres.
47:14Et c'est ce qu'elle a fait, elle est allée à Londres.
47:24Londres où la lumière est certainement moins vive.
47:28Ava s'installe en 1967 et entame un nouveau départ aux antipodes de sa vie à Madrid.
47:35Elle doit à présent affronter ce tournant de carrière qui torture toutes les comédiennes à l'approche de la cinquantaine.
47:43Ça devient une caricature de star hollywoodienne.
47:47C'est une de ces vieilles dames très tristes avec des tout petits chiens.
47:50Elle boit beaucoup, elle est un peu agressive, un peu acariâtre.
47:54Elle embauche beaucoup de personnel comme si elle embauchait des amis finalement.
48:02Elle qui n'a jamais beaucoup parlé, écrit ou disserté auprès des médias se mûre davantage encore dans un silence spectral.
48:09Peut-être ou à cause de cela, professionnellement c'est une totale dégringolade.
48:17La grande Ava, celle qui marquait de son empreinte Hollywood Boulevard, va d'impasse en impasse.
48:23De téléfilms pathétiques en série B de films catastrophes.
48:29Elle s'en fiche, elle prend un peu tout ce qui vient, elle lit à peine le scénario, ça l'embête.
48:34Et puis quand elle a vraiment besoin d'argent, elle y tourne.
48:37Mais ça ne la réjouit pas.
48:39Si elle pouvait ne plus tourner du tout, ce serait mieux.
48:42Clin d'œil du destin, le dernier tournage d'Ava se déroule en Espagne, à Rem.
48:47En 1986, œuvre crépusculaire aux côtés d'Omar Sharif.
48:52Et malgré la faiblesse de cette production télévisuelle, la diva n'a pas perdu de sa superbe et se maintient égale à sa légende.
49:00Elle avait une présence très féline.
49:03Elle ressemblait à une panthère.
49:06Elle avait les mouvements et le regard d'une panthère.
49:12Sylvia Marceau est une jeune actrice espagnole que la production a tenue à embaucher aux côtés de ces monstres sacrés.
49:21Lors d'une pause pendant le tournage, elle était devant sa caravane.
49:25Elle fumait.
49:26Je me suis approchée.
49:28Comme je débutais ma carrière de comédienne, je lui ai demandé un conseil.
49:35Elle m'a répondu « Sois patiente petite, dans ce métier, rien n'est jamais gagné ».
49:47Pour Ava, un simple retour en arrière permettrait d'affirmer que pour elle, tout semblait pourtant perdu d'avance.
49:53Perdu d'avance pour cette adolescente qui a grandi avec le souvenir d'un père trop vite parti.
49:59Perdu d'avance pour cet enfant de la campagne à qui l'on a forcé à bien parler, porter chaussures et beaux habits.
50:06Perdu d'avance pour cette starlet pleine de vie qui deviendra la beauté la plus désirable de l'après-guerre.
50:12Perdu d'avance pour cet enfant qu'elle n'aura jamais eu.
50:16Sans compter ses beuveries qui ne sont en rien des parties de plaisir.
50:19Sans compter ses beuveries qui ne sont en rien des parties de plaisir.
50:23Ses faux amis et amants de passage quand le quotidien n'est plus qu'une longue nuit.
50:29Alors il reste les films, les photos souvenirs et quelques phrases coup de poing.
50:37La femme qui vit en moi, en Ava Gardner, a été maltraitée et déçue.
50:43La vie ne m'a pas épargnée.
50:44Certes, elle m'a apporté reconnaissance, richesse et tout ce que j'aurais pu souhaiter.
50:50Mais pour le reste, elle m'a tout refusé.
51:07Ava est morte seule à Londres en 1990 sans jamais retourner à Tossa des Mars.
51:12Où elle aurait certainement reposé en paix.
51:16A Tossa des Mars, Terre de Pandora, premier film ibérique et prémonitoire.
51:21Il aurait simplement fallu inverser les rôles.
51:24Qu'un homme meurt d'amour pour elle, pour la délivrer, elle, Ava Gardner.
51:43AVA GARDNER
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