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Entre 1980 et 1987, 8 jeunes gens disparaissent à proximité du camp militaire de Mourmelon. Des disparitions d'abord mises sur le compte de la désertion... finalement, on découvrira que ces jeunes appelés innocents ont été agressé. Et le suspect principal, c'est Pierre Chanal, un gradé de l'armée.

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00:00Je vous invite à une plongée dans l'horreur. Dans ma cave, je conserve les archives de 30 ans d'enquête sur les tueurs en série.
00:13Aujourd'hui, je vais vous parler d'une histoire abominable, celle de l'adjudant Pierre Chanal, le célèbre militaire qui a semé la terreur sur les routes de Champagne dans les années 80.
00:26Entre 1980 et 1987, huit jeunes gens disparaissent à proximité du camp militaire de Mourmelon.
00:36On découvrira que ces jeunes appelés ont été violés et torturés avant d'être sauvagement assassinés.
00:45Et le suspect principal, c'est Pierre Chanal.
00:52De ma longue expérience des tueurs en série, je sais que la route facilite les crimes les plus sordides.
01:00Pour vous le prouver, je vais vous emmener sur les traces d'un camionneur qui a récemment terrorisé l'Amérique, Bruce Mendenhall.
01:10Il a tué six jeunes femmes. Ce sont ces tueurs sur la route que je vous propose de découvrir.
01:28Je m'appelle Stéphane Bourgoin. Depuis 30 ans, je traque les tueurs en série autour du monde.
01:38J'en ai étudié plus de 200. J'ai pu en rencontrer personnellement plus de 70 en prison, en France, mais aussi aux États-Unis et au Japon.
01:52Psychopathe, ange de la mort et même cannibale, certains incarnent pour moi le mal absolu.
02:04Mon obsession, c'est de comprendre la psychologie des serial killers pour mieux les combattre.
02:10Je vous emmène sur les traces de ces tueurs terrifiants.
02:163 août 1988, près de Chalons-sur-Saône. Cela fait plus de deux heures que ce jeune touriste hongrois, du nom de Pallas Falvey, attend qu'un véhicule veuille bien l'emmener vers la Provence.
02:40Enfin, un minibus s'arrête. À son bord, un homme musclé, au visage creux, aux cheveux courts. C'est l'adjudant Chanal.
02:52C'est étrange. Pallas se souvient de l'avoir vu passer deux heures plus tôt. Chanal l'a dévisagé. Il a même fait demi-tour.
03:01Pourtant, le jeune homme monte dans le combi sans se méfier. Il a tort.
03:09Car l'adjudant a une conduite étrange. Il fait mine de se perdre, s'arrête, fouille dans son coffre. Et soudain, il le ligote avec toutes sortes de sangles, de chaînes, de cordelettes placées au cou, au poignet, aux chevilles.
03:28Le jeune touriste va vivre un cauchemar, car l'adjudant le *** pendant près de vingt heures. Presque une journée entière de torture, mais le jeune Hongrois est toujours vivant.
03:42Le lendemain, en milieu d'après-midi, Chanal ordonne au jeune homme de se masturber pendant qu'il le filme, comme pour garder un dernier souvenir de sa victime.
03:53La suite de l'histoire, c'est le commandant Joël Vaillant, à Reims, qui me la raconte.
04:01Bonjour Joël. Bonjour. Vous allez bien ? Oui, merci. Je vous précède.
04:05Au moment des faits, cet officier de gendarmerie enquête sur une série de disparitions et de meurtres autour du camp militaire de Mourmelon.
04:16En cette fin d'après-midi de l'été 1988, une patrouille de gendarmes de chalons sur Saône est intriguée par un minibus garé dans un champ.
04:25Ils sont approchés pour le contrôler. Le conducteur a démarré. Ils l'ont arrêté, l'ont bloqué.
04:31Le chef jeuné a fait le tour du combi et par l'intertise des rideaux, fermée, il a vu une forme humaine sur une couverture.
04:38Il a demandé à ce qu'on ouvre la porte latérale et, sous une couverture, se trouvait un jeune Hongrois qui était enchaîné.
04:47Qui, une fois libéré, va se mettre à genoux au pied du gendarme et qui va dire « he want to kill me », il veut me tuer.
04:55Pallas Falvey est sauvé. Le jeune Hongrois sera la dernière victime de Pierre Chanal, l'auteur d'une des séries meurtrières les plus angoissantes que j'ai connues.
05:06L'affaire des disparus de Mourmelon. Sur le lieu où tout a commencé, huit ans auparavant.
05:15Mourmelon, un immense camp militaire situé près de Reims. 13 000 hectares entièrement dévolus à l'entraînement de générations de soldats.
05:26C'est là que l'adjudant Chanal a été en poste pendant de nombreuses années.
05:32Et c'est là qu'au moins huit jeunes hommes ont disparu dans les années 80.
05:50A Reims, j'ai rendez-vous avec l'avocat des victimes de la plupart des disparus.
05:55Il s'appelle Maître Chemla et il a passé vingt ans de sa vie sur cet énorme dossier.
06:02Tout commence en 1980 avec l'aventure tragique de Patrick Dubois, 19 ans.
06:09Il vient tout juste d'être affecté au quatrième régiment de dragons de Mourmelon.
06:15Patrick Dubois, c'est un jeune appelé du nord de la France.
06:19Une famille très modeste, pas une grande instruction, qui est là depuis un mois.
06:25Il a un petit peu de mal. Il explique à ses parents dans une lettre qu'il a un adjudant qui est difficile.
06:31Enfin, c'est difficile pour lui.
06:33Cet adjudant, c'est Pierre Chanal, qui ne rate aucune occasion pour imposer des brimades aux jeunes soldats qui est sous ses ordres.
06:43Pour fuir cette ambiance de caserne plutôt déprimante, Patrick Dubois décide d'aller au cinéma.
06:50Que se passe-t-il ce jour-là ? Aucun témoin ne l'a vu partir.
06:55Il s'engage probablement sur les immenses artères du camp de Mourmelon et fait de l'autostop.
07:02On n'a plus jamais revu trace de ce jeune homme. Plus personne ne le reverra jamais, ni mort, ni vivant.
07:12Dans le nord de la France, les parents de Patrick s'inquiètent. Ils n'ont plus de nouvelles de leur fils.
07:20Ils se rendent aussitôt à Mourmelon.
07:24La famille de Patrick Dubois vient à la caserne pour demander des comptes. Ils ne sont pas reçus.
07:31On leur dit votre fils est des majeurs, ce sont des désertions, on n'a rien à vous dire, mépris absolu.
07:38Et en 83, par la poste, ils reçoivent un petit colis et dans le petit colis, il y a les affaires de leur fils, rien d'autre.
07:45Pour l'armée, il ne s'agit que d'un déserteur. Il n'y a rien à entreprendre pour le retrouver.
07:52Et la police ne sera guère plus efficace.
07:56Les enquêtes qui sont confiées à l'époque au SRPJ de Reims ne vont aboutir qu'à essayer de démontrer que personne n'est disparu.
08:04Donc, travail policier absolument lamentable.
08:09Patrick Dubois, Serge Havet, Manuel Carvalho, Pascal Sergent, 4 disparitions en un an et demi.
08:18Et comme je l'ai souvent constaté chez les tueurs en série, il y a un scénario type.
08:24Un jeune appelé quitte la caserne à pied le vendredi soir pour une permission.
08:30Il fait de l'autostop et puis plus rien. Il se volatilise et l'armée ne bouge toujours pas.
08:41Par contre, les journalistes vont commencer à faire des liens entre les dossiers.
08:53Et on va commencer dans la presse à parler du triangle de Mormelon.
09:01Les disparus de Mormelon, ce n'est pas une trouvaille policière, c'est une invention de journalistes.
09:09Le triangle maudit dont parle la presse s'étend entre Reims, Chalon-en-Champagne et Suypes.
09:17Il est centré sur le camp militaire de Mormelon.
09:22Toujours aucune explication à ces disparitions.
09:26Mais l'affaire va rebondir en octobre 1982.
09:31Un chasseur est intrigué par une odeur abominable qui vient d'un fourré.
09:37Il s'approche et découvre le corps d'un jeune homme, Olivier Donneur, disparu un mois plus tôt de la caserne de Mormelon.
09:47Le chasseur court donner l'alerte, c'est le cinquième disparu de la terrible liste.
09:56Voilà, ça c'est les articles que j'avais conservés sur l'affaire Chanal.
10:02Dans ses archives, le commandant Joël Vaillant conserve aussi les rapports d'enquête et notamment le dossier de l'enquête.
10:11Le commandant Joël Vaillant conserve aussi les rapports d'enquête et notamment le compte rendu d'autopsie de ce cinquième cadavre.
10:21Ce corps, il est sur le dos, en partie putréfié et il n'a aucune pièce d'identité.
10:28Il n'y a pas de trace de sang, il n'y a pas de fracture, il n'y a pas d'utilisation d'armes à feu.
10:31De quoi est-il mort ? Mystère.
10:33Et l'autopsie ne permet pas de déterminer les conditions ni les causes de la mort.
10:38Des investigations sont menées, bien entendu, dans le milieu militaire et l'enquête n'aboutit à rien.
10:45Les gendarmes interrogent les appelés du quatrième régiment de dragons de Mourmelon, car trois des cinq disparus viennent de cette unité.
10:56Et ce que j'apprends est à peine croyable.
11:00Le militaire chargé d'organiser les auditions avec les enquêteurs n'est autre que l'adjudant chef du régiment, Pierre Chanal lui-même.
11:11Et à la fin de chaque audition, Chanal prend à part les jeunes militaires et les questionne.
11:18Il veut savoir ce qu'ils ont raconté aux gendarmes.
11:23Comme beaucoup de tueurs en série que j'ai rencontrés, Pierre Chanal sait parfaitement cacher son jeu.
11:31C'était un homme qui fonctionnait sur un clivage, sur une double personnalité.
11:37Le militaire parfait, l'homme qui rassurait ceux qui sautent en parachute avec lui.
11:42Pas déviant, increvable, fort, enfin vraiment, voilà, le super militaire.
11:49Sa vie, c'était l'armée. Il était très bien noté.
11:53Il était très bien apprécié parce que c'était un excellent sous-officier qui remplissait bien ses missions.
11:58Et je pense qu'effectivement, avoir un Pierre Chanal comme adjudant d'escalon dans une unité, ça devait être très réconfortant pour le capitaine qui commandait la compagnie.
12:08Il avait un tempérament de guerrier parce qu'il ne faut pas oublier qu'il a fait des stages commando et qu'il a terminé major d'un stage commando.
12:16Chanal reçoit même quatre décorations.
12:20Ça, c'était une facette de Chanal. Et puis à côté de ça, vous aviez la face cachée qui était la face sombre de l'individu.
12:27De mes 30 années de trac de tueurs en série, j'ai appris qu'ils possèdent quasiment tous une double personnalité et qu'ils savent parfaitement se camoufler.
12:39Car le militaire exemplaire dissimule un autre Chanal inquiétant et violent.
12:47Un Chanal qui n'hésite pas à menacer ses hommes d'un pistolet mitrailleur pour leur faire reprendre un exercice dans la neige, vêtu d'un simple slip.
12:58En relisant ma documentation, j'apprends qu'en 1976, à l'âge de 30 ans, Chanal a des démêlés avec ses supérieurs.
13:09Il a tiré à balles réelles au-dessus de la tête des jeunes sous ses ordres.
13:14Ça lui vaut d'être rétrogradé et muté au camp de Mourmelon.
13:20Dans la tête du militaire, tout s'effondre.
13:23Dans la tête du militaire, tout s'effondre.
13:27Il se venge sur les appelés, qu'il frappe et humilie.
13:32J'ai souvent constaté chez les tueurs en série ce sentiment de frustration, l'impression de ne pas être reconnu à sa juste valeur.
13:43Et puis, il y a un aspect déterminant chez Chanal, c'est son homosexualité.
13:50Une homosexualité honteuse qui l'enfouit, mais qui ressurgit parfois brutalement.
13:58Il arrive à l'adjudant de surprendre ses hommes sous la douche.
14:03Parfois même, il les photographie nus en cachette.
14:07À certains, il fait des avances sexuelles.
14:11À la caserne, j'apprends qu'il vit replié sur lui-même, sans femme, sans amis, sans amant, dans une petite chambre de 12 mètres carrés, son seul domicile.
14:23Ses week-ends, c'est dans son combi qu'il les passe.
14:28Il l'a aménagé en camping-car et sillonne les routes de la région.
14:33Il y prend souvent de l'eau.
14:35Il était particulier parce qu'un soir de Noël, un de ses collaborateurs lui dit, venez ce soir à la maison, dans la famille, vous êtes tout seul.
14:44Pour Noël.
14:49Non, non, je ne vais pas. Je reste seul.
14:53Et il y a un moment, il y a un moment, il y a un moment, il y a un moment, il y a un moment, il y a un moment, il y a un moment.
15:01Non, non, je ne vais pas. Je reste seul. Il était seul.
15:06Et d'ailleurs, un de ses chefs, il l'avait décrit comme étant un moine-soldat.
15:15Après trois ans d'interruption, les disparitions reprennent.
15:20Cette fois-ci, c'est un civil, Patrice Denis, dont on est sans nouvelles.
15:25Et un an plus tard, c'est au tour d'un appelé, Patrick Gache, de disparaître.
15:34Le commandant Vaillant se jure de retrouver l'assassin coûte que coûte.
15:41On va mener des recherches importantes sur le terrain, dans la région.
15:45On va faire ce qu'on appelle le porte-à-porte dans toutes les communes.
15:48On va faire des comparaisons également sur tous ces jeunes qui ont disparu,
15:52avec les centaines de cas de cadavres au niveau national d'identifiés.
15:56Ensuite, il y a des itinéraires sur lesquels ils disparaissent.
16:00Donc on va mettre en place des véhicules banalisés qui vont patrouiller dans les créneaux horaires, etc.,
16:04pour relever l'identification de toutes les personnes.
16:10400 hommes ratissent la zone, sondent les grottes, les puits, les étangs, peine perdue.
16:19Et tout ça ne donne rien. Ces jeunes, ils se sont complètement volatilisés.
16:24L'enquête est au point mort. Le gendarme décide alors d'avoir recours au profilage.
16:30Je connais bien ce procédé, inventé par les policiers du FBI.
16:35C'est la toute première fois qu'on l'utilise en France.
16:40J'ai rendez-vous avec Jean-Luc Ployer.
16:42C'est l'homme qui a dressé le profil psychologique du tueur que la gendarmerie recherche.
16:48Le portrait qu'il dessine à l'époque est confondant.
16:55Je lui ai dressé quelques critères, notamment quelqu'un de tout puissant,
17:00quelqu'un aussi de frustré, avec une quête narcissique très importante.
17:05En même temps, je lui avais dit quelqu'un qui peut organiser les choses, qui peut être autonome.
17:13Donc moi je lui avais dit qu'il aille voir du côté des militaires,
17:16notamment des sous-officiers, avec effectivement peut-être une propension à l'homosexualité.
17:25Le portrait craché du moine-soldat Pierre Chanal.
17:29Et pourtant, celui-ci n'est pas encore inquiété, car le tueur au combi bruit les pistes.
17:37Août 1987. C'est très loin de Mourmelon, à 130 kilomètres au nord,
17:43que l'affaire va connaître un nouveau rebondissement.
17:54Un agriculteur qui inspecte ces terres est intrigué par des herbes couchées.
18:00Il s'avance et voit de la terre fraîchement retournée.
18:04Il gratte et découvre une main, puis des cheveux.
18:15Les enquêteurs identifient rapidement le corps.
18:19Il s'agit de Trevor O'Keefe, un jeune Irlandais en vacances dans l'est de la France,
18:25qui revenait en stop vers son pays.
18:28Le jeune Trevor a été enterré très loin du triangle de Mourmelon.
18:33Mais qui l'a tué ?
18:39De ma longue expérience des tueurs en série,
18:42je sais que les criminels de la route sont les plus difficiles à arrêter.
18:48Ils savent mettre à profit les gens qu'ils détruisent.
18:53Ils savent mettre à profit les distances pour entraver le travail des enquêteurs.
19:04Le corps de Trevor O'Keefe, la victime, a été retrouvé très loin de là où il a été kidnappé.
19:11Près de Saint-Dizier, les enquêteurs retrouvent son sac à dos.
19:17Ils acquièrent la conviction que l'assassin s'est emparé du jeune homme dans cette zone
19:23et qu'il l'a transporté exprès au nord de son terrain de chasse habituel.
19:36On se dit, notre tueur, il a élargi sa zone d'action et il a élargi les cibles, ses proies.
19:45Mais pour la première fois, le corps du jeune Irlandais livre des indices.
19:53D'abord sur la manière de donner la mort, avec un lien très fin qui sectionne la gorge sans aucune trace de lutte.
20:03On voit un sillon autour du cou. Manifestement, il a été étranglé.
20:07Et à partir de là, on a, nous, la conviction, c'est que notre pervers sexuel, c'était quelqu'un qui maîtrisait les techniques commando.
20:17Les enquêteurs s'intéressent aussi aux traces laissées par la pelle qui a permis d'enterrer le corps.
20:2416 centimètres de large, cela peut correspondre au modèle de pelle pliable qu'on utilise dans l'armée.
20:33La piste du militaire se confirme. Mais pour identifier Chanal, il faudra aux enquêteurs un coup de pouce du destin.
20:41Et un autre drame. Le ***, un an plus tard, du jeune autostoppeur hongrois Palace Falvaise, dont je vous ai parlé au début.
20:52Là encore, le tueur s'est éloigné de son terrain de chasse habituel, car nous sommes à 300 kilomètres au sud de Mourmelon.
21:00C'est par hasard, lors d'un banal contrôle, que les gendarmes arrêtent Chanal. Son combi garé dans un champ a attiré leur attention.
21:11Ce qu'ils vont découvrir à l'intérieur du véhicule, c'est la parfaite panoplie du tueur sadique.
21:20Ce qui est intéressant, c'est que quand on fait une perquisition dans son combi, il a tout son petit matériel.
21:28Il a des goudes michées, il a de la vaseline, il a des courroies et il a des liens.
21:34Et notamment, un lien qui nous intéresse, c'est lequel il avait enchaîné Falvaise, l'Hongrois.
21:40C'est une petite candelette, reliée à chaque gendarmerie par des chaînes.
21:44Et la chaîne, quand on regarde bien les chaînes, c'est pour permettre une meilleure préhension, vous donnez plus de force lorsque vous voulez étrangler quelqu'un.
21:53Une arme qui fait tout de suite penser à celle utilisée pour tuer le jeune touriste irlandais un an plus tôt.
22:02Et surtout, il y a une incroyable collection de slips d'hommes, une quinzaine, tous de tailles différentes.
22:12Et quand les gendarmes perquisitionnent dans la chambre de l'adjudant, ils en trouvent quinze autres.
22:18Certains sont lacérés.
22:20Je connais cette habitude des tueurs de garder des trophées en souvenir de leurs victimes.
22:27Ça leur permet de revivre leurs crimes en attendant le prochain.
22:33Le profil du meurtrier sadique se précise, car les gendarmes saisissent aussi 300 diapositives d'hommes nus.
22:41Rappelez-vous, je vous ai raconté que Chanal aimait bien surprendre les appelés sous la douche.
22:48Il y a aussi des cassettes vidéo.
22:50On y voit dans un ordre chaotique des films *** homosexuels, des scènes de défilés militaires
22:58et des plans où Chanal se filme nu en train de se masturber.
23:04Et puis, il y a aussi cette cassette audio qui m'intrigue au plus haut point.
23:09Sur une des cassettes, on a des chants, etc.
23:12Et puis d'un seul coup, on entend Pierre Chanal qui parle.
23:16Il parle à une sentinelle en lui disant
23:21« Je vais te frapper, je vais te conduire devant le chef de poste et puis tu bandes mon salaud. »
23:28Pourquoi tu ne fais pas les sommations ?
23:31Suis-moi, mets les mains derrière le dos.
23:35Suis-moi, mets les mains derrière le dos.
23:39Tu es prisonnier.
23:41Mains sur la tête, sinon je te frappe.
23:44Oh dis donc, tu dégages une drôle d'odeur.
23:48Il y a combien de temps que tu n'as pas changé ton slip ?
23:51Ah mais tu bandes mon petit.
23:55Et l'enregistrement finit sur un scénario de nature sexuelle
24:00avec des bruits qui évoquent de façon évidente une scène de masturbation.
24:05Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on a un profil criminel évident.
24:10Par contre, on n'a pas de preuve.
24:12Je vais l'interroger sur la cassette.
24:14Il va nier que c'est lui qui parle.
24:17Il dit « ce n'est pas moi qui parle ».
24:20Et je lui dis « écoutez, dans la cassette, c'est lui qui parle.
24:24Il est comme vous, il a des tics, il sniffe de temps en temps.
24:28Et il me dit « c'est pas moi, je ne fais pas ça ».
24:31Comme j'ai prévu l'appareil, je l'emmène dans un bureau à côté
24:34où j'ai un magnétoscope et où j'ai les cassettes
24:37où Pierre Chanal se filmait nu ou en slip.
24:40Et je lui passe la cassette.
24:42Et je lui dis « regardez si Pierre Chanal n'a pas de tics comme dans la cassette.
24:46Il sniffe ».
24:49Et à ce moment-là, il s'est fâché.
24:51Chanal devient comme fou.
24:53Il se frappe la tête contre les murs et l'armoire.
24:56Il se jette à terre et hurle qu'on veut sa mort.
25:00Ce que je pense, c'est qu'il n'accepte pas
25:04que sa face sombre soit dévoilée au grand jour.
25:08Il se mûre alors dans le silence.
25:11Je me demande ce qu'il faut penser de cet enregistrement.
25:15Est-ce le son d'une véritable agression
25:18ou une mise en scène qu'il fait seul dans sa chambre pour s'exciter ?
25:23Ce dont je suis sûr, c'est qu'il a ce fantasme d'agresser un autre militaire.
25:29Et je ne peux pas oublier tous ces hommes
25:32qui étaient sous ses ordres et qui ont disparu.
25:36Je veux savoir ce qui se passe dans sa tête.
25:39Quelles sont ses obsessions ?
25:41Pourquoi tant de perversité ?
25:43Pour cela, je retourne voir Jean-Luc Ployer,
25:46le psychologue qui avait dessiné le portrait du moine soldat.
25:50C'est lui aussi qui l'a expertisé après son arrestation.
25:54Peut-on parler de la vie sexuelle de Pierre Chanal ?
25:59On peut certainement en parler.
26:01D'ailleurs, c'est un noyau très important de sa personnalité.
26:05Mais certainement pas avec lui.
26:07C'est impossible.
26:09Il est totalement verrouillé par rapport à ça.
26:12Sa sexualité est totalement clandestine.
26:15Je considère que son homosexualité n'est absolument pas aboutie.
26:20Il s'exerce, se vit essentiellement sur un mode sadique.
26:26Violent, certainement, par rapport à ses conditions d'enfance.
26:32A la façon dont il a vu sa mère maltraitée sexuellement.
26:36L'enfance, c'est une période clé
26:39à laquelle me ramènent chacune de mes enquêtes.
26:43Celle de Pierre Chanal s'est déroulée près de Saint-Etienne,
26:47dans une famille d'agriculteurs pauvres qui vit d'allocation.
26:51Cet homme, qui a probablement violé et assassiné sauvagement
26:56huit jeunes autostoppeurs, a été un enfant timide et introverti.
27:02Chaque jour, il fait neuf kilomètres à pied pour se rendre à l'école.
27:07Il est intelligent, mais ne dépasse pas le certificat d'étude.
27:12D'où, plus tard, sa frustration.
27:15Et le soir, il doit fuir les coups de son père,
27:19comme ses seize frères et soeurs.
27:22Une fratrie dix-sept enfants, ça veut dire sur une vingtaine d'années.
27:27La maman de M. Chanal était enceinte, accouchée,
27:31retour de couche, de nouveau enceinte.
27:34La maman était considérée comme quelqu'un qui feutait des enfants.
27:38Mais aucune affectivité. C'est la façon dont il l'aperçut.
27:42L'auteur de cette fratrie, c'est son père,
27:45qui percevait comme quelqu'un de violent, d'alcoolique,
27:49qui rentre à la maison le soir,
27:51et il supposait qu'il y avait des relations sexuelles dans la chambre.
27:55Le jeune Chanal est le témoin de la sexualité de ses parents,
27:59qui l'entend gémir à travers la porte.
28:02Et puis, un père sadique.
28:04Un père sadique.
28:06M. Chanal m'a raconté qu'il dormait de temps en temps
28:10dans l'escalier comme un chien.
28:12Quand on parle avec M. Chanal de ses premières expériences affectives,
28:16il n'y en a pas.
28:17Il a totalement évacué sa famille, de nombreuses années,
28:20puisque, en fait, très vite, il dit que sa famille, c'est l'armée.
28:27En 1976, Chanal a 30 ans quand son père meurt.
28:31Il ne vient pas à son enterrement et cesse tout contact avec sa famille.
28:36C'est aussi l'année où il se fait rétrograder
28:40et muter au camp militaire de Mourmelon,
28:43seul face à ses obsessions.
28:45Je pense que c'est à ce moment-là que Chanal succombe à son côté obscur.
28:51Il reste que Chanal refuse toujours de parler,
28:54même si l'étau se resserre.
28:56Il était présent sur les lieux de chaque disparition.
29:00Et les objets trouvés dans le minibus sont compromettants,
29:04mais pas de preuves certaines.
29:09C'est une bérésilie judiciaire.
29:11Cette affaire, c'est un assemblage de petites incompétences.
29:16L'expert qui sait pas bien faire, le juge qui ne s'intéresse pas,
29:21le policier qui décide du résultat de l'enquête avant de la commencer.
29:25Et cet empilement d'erreurs, ça se termine par un fiasco pour la justice.
29:34Maître Chemla me donne en exemple l'analyse des slips.
29:38Ils comportent une tâche de sperme que la juge fait expertiser.
29:43Mais elle commet une erreur en demandant à la place d'une analyse ADN
29:48une étude des groupes sanguins.
29:50Et quand, 2 ans plus tard, on décide de faire la bonne expertise, c'est la catastrophe.
29:57Malheureusement, quand on rapporte le slip qui était taché,
30:01à la place de la tâche, il y a un trou.
30:03C'est-à-dire que pour faire l'expertise du sperme,
30:06on a découpé la tâche et elle a disparu.
30:10Donc le jour où on fait l'expertise qui sert à quelque chose,
30:12il n'y a plus d'expertise possible puisqu'on a fait une expertise destructrice.
30:17L'instruction piétine.
30:19Chanal fait 7 ans de prison pour le *** du jeune Hongrois.
30:23Mais en 1995, il est libéré.
30:27Et le voilà dans la nature, sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui.
30:32C'est finalement l'analyse ADN des cheveux retrouvés dans le combi qui sera déterminante.
30:39Après bien des péripéties, d'expertise et de contre-expertise,
30:45on identifie l'ADN des 3 dernières victimes.
30:49Patrice Denis, Patrick Gache et Trévor O'Keefe.
30:54Octobre 2003, Chanal va enfin comparaître devant la cour d'assises de Reims.
31:01Après 15 années d'instruction.
31:04Et 23 ans après la première disparition.
31:08Je sais combien ce moment est important pour les familles des disparus.
31:13Torturées par l'absence, elles vont enfin savoir ce qui est arrivé à leurs proches.
31:19Mais Chanal a prévenu.
31:21Si on me juge, je me suis ***.
31:24En grève de la faim, ils refusent de comparaître.
31:31En réalité, Pierre Chanal avait décidé de conserver la maîtrise des choses.
31:36Qu'est-ce qu'il a fait ?
31:38Après la ronde, il se place des garrots sur les mollets et sur les bras.
31:43Les garrots, il les fait avec l'élastique de son jogging.
31:47Il a avec lui deux lames de rasoir.
31:49Il en prend une.
31:51Il se coupe à deux reprises une artère sur une toute petite plaie.
31:56Et il va mourir sur son lit, sous les yeux de trois policiers.
32:01Qui sont de l'autre côté de la porte vitrée.
32:04Et qui, dans la pénombre, ne se rendent compte de ce qu'il se passe qu'au moment où il est en train d'agoniser.
32:16Comment interprétez-vous le *** de Pierre Chanal ?
32:19Est-ce l'ultime manière de montrer que Pierre Chanal reste tout puissant et qu'il décide de sa vie et de sa mort ?
32:27C'est évident.
32:28Moi, il me l'a dit.
32:29Il m'a dit, on m'a mis en prison.
32:31On me surveille 24 heures sur 24.
32:33Ça ne me dérange pas.
32:35Je me suiciderai quand même.
32:36C'est ce qu'il a fait.
32:37La toute puissance, c'est ça.
32:39Et puis, la justice des hommes ne l'intéresse pas.
32:42C'est la raison pour laquelle, moi, je parle psychiquement, en tous les cas, d'un suicide d'orgueil.
32:47J'ai encore en tête, là, lorsqu'il avait été filmé lors de son premier procès.
32:55Lorsqu'il arrive dans le box des accusés à Châlons-sur-Saône.
32:58Il a un visage extrêmement... Il a beaucoup de tics nerveux.
33:02Franchement, il ne supporte pas.
33:04Monsieur Chanel ne supporte pas sa propre image.
33:07Lorsque ce n'est pas lui qui la décrypte, si vous voulez.
33:10Donc, ça, on est dans le pervers narcissique absolu.
33:13Lorsque ce n'est pas lui qui décide de sa vie et de sa mort, c'est insupportable.
33:17Donc, il va décider de sa vie et de sa mort.
33:23C'était un homme qui fonctionnait sur un clivage, sur une double personnalité.
33:28Il y en a un qui a tué l'autre.
33:30Il ne fallait pas que la face cachée puisse apparaître au grand jour.
33:36Pour enfouir à jamais sa part d'ombre,
33:39Chanel s'est ****** la veille de la diffusion au tribunal de la cassette audio
33:46où il fantasmait sur un appelé.
33:49Une fois de plus, il est resté maître du jeu.
33:53Pour la justice, Pierre Chanel est à jamais présumé innocent.
34:01Dans ma carrière, un autre tueur sur la route m'a particulièrement marqué.
34:07Il s'agit d'un camionneur, Bruce Mendenhall.
34:12Pendant des années, ce routier a sillonné les États-Unis,
34:17embarquant au bord des autoroutes ****** et autostoppeuses
34:22pour les violer et les assassiner sauvagement.
34:26Je vous emmène aux États-Unis, sur les traces de ce tueur itinérant
34:32qui a fait des dizaines de victimes à travers tout le pays au début des années 2000.
34:40Nashville, Tennessee, la ville du rock'n'roll,
34:45mais aussi le théâtre d'un crime atroce.
34:4926 juin 2007.
34:52Sur cette autoroute, à quelques kilomètres du centre-ville,
34:57Bruce Mendenhall, 56 ans, se rend au volant de son camion jaune
35:03sur cette aire de repos située dans un quartier malfamé.
35:07Je décide de m'y rendre.
35:09C'est là que l'impensable a eu lieu il y a trois ans.
35:15Sur ces vastes parkings, où les camionneurs américains s'arrêtent pour la nuit,
35:20souvent dangereux, on y trouve sans difficulté
35:24alcool, drogue et ******.
35:29Les images de cette nuit d'horreur me reviennent peu à peu.
35:34Ce soir-là, Bruce Mendenhall s'est garé parmi ces camions.
35:39Il écume les allées sombres de ce parking pour trouver une fille à son goût.
35:44Son regard s'arrête sur Sarah Hulbert, 25 ans.
35:52Il lui propose une passe.
35:54La ****** monte dans son camion sans savoir qu'elle n'en ressortira jamais.
36:00À l'intérieur, Bruce Mendenhall la menotte, la frappe et la ******.
36:06Sarah se défend comme elle peut.
36:08Au moment où elle tente de s'échapper, il lui tire une balle dans la tête.
36:13Elle meurt sur le coup.
36:15Mais Mendenhall ne s'arrête pas là.
36:17Il compte bien garder un trophée de sa victime
36:20et découpe au couteau le tatouage en forme de lèvre qu'elle porte au bas du dos.
36:26Puis, tranquillement, le routier remonte dans son camion et continue sa route.
36:33Vers une heure du matin, on retrouve le corps nu et mutilé de Sarah sur un tas d'ordures.
36:40Par la suite, cinq autres femmes seront tuées dans les mêmes conditions.
36:46Mais qui est ce monstre capable de martyriser une ******,
36:51de la tuer de sang-froid et de reprendre la route comme si de rien n'était ?
36:57Je décide d'en savoir plus sur la prostituée assassinée par Bruce Mendenhall.
37:03Car d'expérience, je sais qu'on apprend beaucoup sur un tueur en série
37:08à travers le profil de ses victimes.
37:11Qui est cette jeune femme ?
37:13Comment s'est-elle retrouvée prise au piège dans le camion du tueur ?
37:18Loin des gratte-ciels du centre-ville, je me rends dans l'une des banlieues les plus pauvres de Nashville.
37:25C'est cette modeste maison que Sarah partageait avec ses proches.
37:39Sa tante et sa grand-mère ont accepté d'ouvrir pour moi l'album de famille.
37:46Oh, c'est Sarah ?
37:49Oui, c'est Sarah, avec ses deux enfants, juste avant sa mort.
37:56Elle avait l'air tellement heureuse avec ses deux bébés, c'est tout ce que je peux dire.
38:02C'est une photo de rêve, c'est une image du paradis avec ses deux bébés.
38:10Car avant de se ******, Sarah était une maman épanouie.
38:18Elle s'est ****** pour la drogue, pour payer sa drogue.
38:22C'est comme ça qu'elle s'est retrouvée sur ce parking, au mauvais endroit, au mauvais moment.
38:27La famille me confie aussi un élément clé.
38:30En raison de ses activités, Sarah disparaissait pendant des jours, voire des semaines,
38:36sans donner de nouvelles et sans que sa famille ne s'en inquiète.
38:40Bruce Mendenhall a donc choisi une proie facile.
38:44Une jeune ****** désorientée et droguée, coupée du monde.
38:50À Paris, j'ai rencontré un criminologue, juste avant mon départ.
38:55Bonjour Jean-Pierre.
38:56Bonjour Stéphane, ça va ?
38:57Oui, très bien.
38:58Bon, venez, on a plein de choses à voir.
39:03Jean-Pierre Bouchard est un spécialiste des tueurs en série.
39:07Il a une théorie sur le choix systématique des ****** par les tueurs de la route.
39:14Les victimes potentielles les plus faciles sont les ******,
39:17parce qu'elles vont monter, je dirais, naturellement dans le camion,
39:20donc elles sont facilement captables, avec une promesse d'argent.
39:24Ça va être aussi pour lui, quelquefois, des autosaupeuses,
39:27donc là aussi, elles veulent monter, être prises pour se déplacer, donc c'est facile.
39:32Mais Jean-Pierre Bouchard va m'apprendre bien plus.
39:36Aux Etats-Unis, Bruce Mendenhall est loin d'être un cas isolé.
39:41Beaucoup de tueurs en série auraient sciemment choisi le métier de routier.
39:48La caractéristique de la route et des routiers présente des facilités énormes, évidemment,
39:54pour être en face d'une vise du crime.
39:56Parce que d'une part, ce sont des gens qui vont avoir une vie indépendante de leur famille,
39:59donc ils ne seront pas sous la surveillance des proches,
40:01qui vont se déplacer, certains beaucoup se déplacer,
40:04sillonner des états extrêmement différents, qui n'ont pas forcément les mêmes systèmes de police,
40:10ce qui fait qu'ils pouvaient tuer à un endroit, déposer le corps à un autre, par exemple, etc.,
40:15sans qu'il y ait forcément de recoupement de l'information.
40:18Un métier solitaire et mobile, la planque idéale pour un tueur en série.
40:23Bruce Mendenhall va largement en profiter.
40:27Au volant de son camion jaune, le routier sillonne les États-Unis
40:32pour livrer des meubles ou des sacs de ciment.
40:35Mais la nuit venue, le chauffeur devient chasseur.
40:406 juin 2007, Mendenhall est épuisé par un long trajet
40:45quand il arrive sur l'aire d'autoroute de Lebanon, dans le Tennessee.
40:54Il repère une ***, Samantha Winters, 48 ans.
41:04Dans son camion, il lui met un sac en plastique sur la tête et la ***.
41:10Puis il lui tire une balle dans le crâne et abandonne son corps nu sur un tas d'ordures.
41:16Un mode opératoire identique et répétitif.
41:22Je reconnais là un trait caractéristique des tueurs en série.
41:27D'autant que le scénario va se reproduire encore et encore.
41:31Au moins trois fois en à peine un mois.
41:34Le 1er juillet 2007, c'est au tour de Lucille Carter dans l'Alabama.
41:40La scène de crime est identique.
41:42Un sac en plastique, une balle dans la tête, le corps balancé sur un tas d'ordures.
41:48A l'époque, ces meurtres créent un vent de panique aux Etats-Unis.
41:52D'autant que la police n'a aucun suspect.
41:55A Nashville, tous les chauffeurs de taxi s'en souviennent.
42:09Il n'y avait plus aucune *** dans les rues.
42:12Vous savez, la télé parlait des meurtres.
42:15Alors elles ne voulaient plus sortir.
42:18Elles se cachaient, elles étaient terrifiées.
42:22D'habitude, on les voit tout le temps dans la rue.
42:28Le tueur au camion jaune traumatise l'Amérique.
42:32Mais aux yeux de sa famille, le routier est un homme sans histoire.
42:36Mendenhall est marié, père de deux filles.
42:39Il a même failli devenir maire d'Albion, la commune de l'Illinois où il vit.
42:46Si insoupçonnable que sa fille aînée, Brina, n'a jamais voulu croire à sa culpabilité.
42:53Comment a-t-il pu donner le change à ce point ?
42:56Je me souviens alors des explications de Jean-Pierre Bouchard.
43:01Les tueurs en série ont souvent ce double visage.
43:05Pour les séries langues, c'est quasiment obligatoire.
43:09Leur famille et leurs proches ne soupçonnent pas
43:12que leur père puisse être quelqu'un d'aussi extrême.
43:16C'est pourquoi sa fille n'a vu qu'une partie du personnage.
43:20Le père de famille, qui est sûrement un père relativement normal
43:24quand il descend de son camion pour aller dans sa maison familiale.
43:28Elle ne connaît pas l'autre personnage comme la plupart des gens.
43:32C'est aussi le cas des futures victimes.
43:35Elles font confiance en la personne parce qu'il ne paraît pas dangereux.
43:39Toujours en fuite, invisible au volant de son camion,
43:43il se fond dans la masse des milliers de véhicules
43:46s'arrêtant sur les parkings d'autoroutes.
43:49Mais Nenol ne craint rien. Il se sent à l'abri de la police.
43:55Un homme, pourtant, va réussir à remarquer
43:58les allées venues suspectes du camion jaune.
44:10Cet homme, c'est Pat Postiglione, sergent à la police de Nashville.
44:15J'ai le privilège de voir avec lui des images exceptionnelles,
44:19celles qu'ils l'ont mise sur la piste du tueur.
44:25On a regardé toutes les vidéos de télésurveillance de l'aire d'autoroute,
44:30mais aussi celles des caméras de sécurité situées à l'extérieur du parking.
44:34C'est comme ça qu'on est parvenu à isoler un véhicule, un camion jaune.
44:39On a remarqué que ce camion avait fait des allées venues étranges,
44:43exactement dans la tranche horaire où Sarah a été assassinée.
44:47Voilà comment on a pu identifier un suspect potentiel.
44:50Mais sur ces parkings, des milliers de camions vont et viennent 24 heures sur 24.
44:54C'est très dur de suivre leurs traces.
44:59Coup de chance incroyable, le 12 juillet 2007,
45:03deux semaines seulement après le meurtre de Sarah à Nashville,
45:07le sergent croise la route du camion jaune,
45:10alors recherché par toutes les polices des Etats-Unis.
45:15Sûr de sa toute-puissance, le routier a été assez inconscient
45:20pour revenir sur les lieux du crime.
45:23Pat Postiglione le prend en filature et l'interpelle.
45:29Il m'a ouvert la porte, sa chemise était ouverte et il était pieds nus
45:33pour me faire croire que je l'avais réveillé.
45:36De toute évidence, il n'avait pas remarqué que je l'avais suivi jusqu'au parking.
45:41J'ai remarqué tout de suite des taches de sang sur la portière,
45:44mais aussi sur ses ongles.
45:51Il a accepté de répondre à mes questions et de faire un test ADN.
45:54Il a aussi accepté que je fouille son camion.
45:57A l'arrière dans la cabine, je me suis assis sur son lit,
46:00j'ai regardé tout autour de moi et j'ai remarqué la présence de sacs
46:03derrière le siège conducteur.
46:06Je les ai ouverts et à l'intérieur, il y avait plein d'objets couverts de sang.
46:12Apparemment du sang frais.
46:15Alors j'ai demandé à Mendenhall pourquoi il y avait du sang
46:18dans son camion et dans les sacs.
46:21Il m'a répondu qu'il s'était coupé la jambe.
46:24Mais quand je lui ai ordonné de me montrer sa coupure,
46:27il a soulevé son pantalon et évidemment, il n'y avait rien.
46:31Des sacs couverts de sang, mais pas seulement.
46:34Ce que Pat et son coéquipier vont trouver dans le camion jaune est terrifiant.
46:39Le sergent m'a autorisé à consulter les scellés,
46:42conservés dans les archives du commissariat de Nashville.
46:47Bonjour, j'aimerais voir les scellés de l'affaire Mendenhall.
46:54Dans ce carton, tous les éléments trouvés dans le camion de Bruce Mendenhall.
47:00Un véritable musée de la torture.
47:03Les menottes avec lesquelles il a attaché ses victimes.
47:06La batte de baseball dont il s'est servi pour les frapper.
47:10Mais aussi une impressionnante collection de couteaux.
47:14C'est avec celui-ci qu'il a découpé le tatouage de Sarah Hulbert.
47:23Il avait vraiment tous les outils, un véritable kit du crime.
47:28Dans le camion, le policier trouve aussi un fusil 22 long-rifle et ses balles.
47:34Les mêmes que celles retrouvées dans la tête de ses victimes.
47:38Et une paire de chaussures appartenant au routier.
47:43Et bien sûr, elles correspondaient aux empreintes de Pat, laissées sur la scène de crime.
47:48Avec autant d'indices laissés derrière lui,
47:51je pressens que Mendenhall fait partie de la catégorie des tueurs psychopathes.
47:57Après avoir tué de nombreuses fois, il se sent invulnérable.
48:01Et il commence à ne plus prendre les mêmes précautions qu'au départ.
48:05Pour confirmer mon intuition, j'ai rendez-vous au tribunal avec le procureur de Nashville.
48:18Il s'appelle Tom Sherman, c'est lui qui est chargé des poursuites contre Mendenhall.
48:28Ce qui est bizarre, c'est qu'il a laissé de nombreux indices derrière lui.
48:33Il était vraiment brouillon à ce point ?
48:40En effet, il vivait dans son camion et c'est à croire qu'il s'imaginait que jamais on ne le suspecterait de quoi que ce soit.
48:46C'était quelqu'un de très sale, son camion était immonde.
48:49Il y avait même du sang sur la nourriture et partout dans son camion.
48:52Même sur le matelas où il dormait et tuait probablement ses victimes.
48:57Je ne sais pas si ça fait partie de sa psychose, mais en tout cas, ce n'est sûrement pas un tueur organisé.
49:06Mendenhall est si peu scrupuleux que les traces de sang et d'ADN trouvées dans son camion le relient très rapidement à d'autres victimes.
49:16Il sillonne les Etats-Unis.
49:19Karma Porpora est tué à Indianapolis le 11 juillet 2007, puis Lucille à Birmingham.
49:28Sarah à Nashville.
49:32Samantha à Lebanon.
49:35Sherry à Lake Station.
49:39Et Deborah à Atlanta.
49:42Mais le tueur va nier en bloc.
49:45Grâce au sergent Postiglione, j'ai eu accès à un document unique.
49:50La vidéo de l'interrogatoire de Mendenhall.
49:54A droite, on y voit le routier. A gauche, en face de lui, le sergent Postiglione et son coéquipier.
50:03Malgré les preuves accablantes qui le relient au meurtre de Sarah, le tueur va leur livrer une version totalement inédite.
50:11Deux chauffeurs routiers auraient tué la jeune femme dans son camion et l'auraient contraint à se débarrasser du corps.
50:26J'étais sur le parking pour me chercher à manger. En revenant à mon camion, il y avait un corps à l'arrière.
50:32Alors je leur ai dit, les gars, mais qu'est-ce que vous avez fait ? Ils m'ont répondu, c'est ton problème maintenant, pas le nôtre.
50:41Et qu'avez-vous fait ?
50:43Eh bien, j'ai nettoyé leur bêtise. Elle était nue, il y avait des vêtements et du sang partout. Elle avait un sac sur la tête.
50:53Le serial killer est persuadé qu'il va s'en sortir en accusant à sa place deux autres routiers.
51:00Car il a échafaudé un plan incroyable pour déjouer les enquêteurs.
51:072009. Alors qu'il attend son procès en prison, on le voit sur ces images négocier avec un co-détenu qui va bientôt être libéré.
51:18Mais ce que Mendenhall ne sait pas, c'est que son compagnon de cellules l'a dénoncé à la police.
51:28Il a proposé de l'argent à certains de ses co-détenus, 15 000 dollars.
51:34Il voulait qu'il tue pour lui les policiers qui enquêtaient sur l'affaire, c'est-à-dire moi et mon coéquipier.
51:41Mais aussi tous les témoins de l'affaire, en l'occurrence les camionneurs qu'il avait accusés à sa place.
51:49Alors au final, en plus de la condamnation à 51 ans de prison pour le meurtre de Sarah, il a aussi écopé de 30 ans de plus pour tentative de complot.
51:59Il n'est pas prêt de quitter sa cellule.
52:02Je connais bien ce sentiment de toute puissance chez les tueurs en série.
52:06Même en prison et accablés par l'épreuve, ils pensent toujours qu'ils vont être les plus forts, qu'ils vont réussir.
52:15Ils pensent toujours qu'ils vont être les plus forts, qu'ils vont réussir à tromper la justice.
52:21C'est dans cet état d'esprit que Mendenhall a abordé son procès en janvier 2010.
52:27La grand-mère de Sarah, la ******, tuée par Mendenhall, se souvient de l'arrogance du tueur en série.
52:35À un moment, j'ai levé les yeux par hasard et il m'a fixé et il s'est mis à rire.
52:42Vraiment en colère.
52:44Mais j'ai tout fait pour lui cacher.
52:47Alors j'ai tourné la tête.
52:50Il a continué à me regarder fixement et il s'est mis à rire.
52:54Je ne comprends pas qu'on puisse être aussi cruel.
53:00Ni remords, ni compassion.
53:03Je reconnais bien là un trait commun à tous les serial killers que j'ai étudiés.
53:10À l'issue du procès, Bruce Mendenhall a été condamné à la prison à vie pour le meurtre de Sarah,
53:18avec une peine de sûreté de 51 ans.
53:22Mais il risque la peine de mort pour d'autres meurtres commis dans d'autres états.
53:27Et l'affaire est loin d'être classée.
53:30Entre-temps, les enquêteurs l'ont relié à une dizaine de crimes supplémentaires
53:37commis sur les routes de l'Est des États-Unis.
53:46Pour Bruce Mendenhall, comme pour Pierre Chanal, on ne connaîtra sans doute jamais le nombre exact de leurs victimes.
53:54Car ces tueurs sur la route ont su brouiller les pistes au cours de leur épopée sanglante.
54:01Une chose est sûre, je resterai longtemps marqué par l'image glaçante de ces tueurs solitaires
54:09qui, au hasard de la route, ont semé la mort et la terreur.

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