• il y a 2 mois
Depuis la mort de l'adjudant Éric Comyn, tué lors d'un contrôle routier près de Cannes et après les propos de sa femme, qui accuse la France d'avoir tué mon mari par son « laxisme et l'excès de tolérance », la justice est sous le feu des critiques. Yves Charpenel, ancien procureur général et ancien avocat général à la Cour de cassation, est l'invité de RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 29 août 2024.

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Transcription
00:00RTL Soir. Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:0418h44, bienvenue si vous nous rejoignez sur RTL.
00:07C'est l'invité d'RTL Soir pour tout comprendre.
00:11Bonsoir Yves Charpenel.
00:12Bonsoir.
00:13Vous êtes ancien procureur général, merci beaucoup de prendre la parole sur notre antenne.
00:16Nous allons revenir avec vous sur les propos extrêmement émouvants
00:19et en même temps perturbants de l'épouse de l'adjudant Eric Comine.
00:22La France a tué mon mari par son insuffisance, son laxisme et son excès de tolérance.
00:28Quelle a été votre réaction en entendant ces paroles ?
00:31Eh bien, ça m'a rappelé de nombreuses paroles comparables
00:34qui peuvent être dites par des victimes qui sont légitimement bouleversées par ce qui leur arrive.
00:39Maintenant et après, il faut que nous réfléchissions bien sûr pour voir comment répondre à cette douleur.
00:46Celui qui a tué le gendarme Mougin, ce n'est pas la France ni la justice, c'est le chauffard.
00:56Vous voulez dire qu'on ne doit pas s'interroger sur le fait qu'il fut encore dans une vie normale ?
01:03Les toutes dernières informations de notre reporter Maxime Lévy sont incroyables.
01:07Son permis de conduire devait être suspendu dans deux semaines à la suite d'une condamnation il y a un an.
01:12Donc il faut attendre un an pour que les choses deviennent effectives.
01:15Il avait dix condamnations sur son casier judiciaire entre 2005 et 2017.
01:19Six de ces condamnations concernent des infractions routières.
01:22Cette accumulation vous paraît acceptable ?
01:26Non, elle n'est évidemment pas acceptable.
01:28Simplement, c'est quelque chose qui se remarque assez fréquemment.
01:31On n'a pas un taux de récidive supérieur à celui des autres pays.
01:34Simplement, les gens qui récidivent, récidivent souvent.
01:37C'est le cas de ce chauffard-là.
01:39Il faut noter d'ailleurs que sur les dix condamnations, il y en a neuf qui étaient exécutées régulièrement par la justice.
01:44C'est juste.
01:45Si on avait retiré le permis de conduire lors de la dixième affaire, ça ne l'aurait pas empêché de conduire quand même, vous savez.
01:53Donc là, il faut simplement veiller à ce que, d'une part, on vérifie bien qu'il n'y a pas eu de fautes commises.
01:59Est-ce que ces retards sont normaux ou anormaux ?
02:01Et s'ils sont anormaux, est-ce qu'il y a une faute qui peut être recherchée ?
02:04Ça ne redonnera pas la vie malheureusement à notre gendarme,
02:08mais ça permettra en tout cas d'essayer de limiter les risques que ça recommence.
02:12Rassurez-moi, il va y avoir une enquête ?
02:14Pardonnez-moi, à la lumière de ce que vous venez de nous expliquer, il y aura quand même une enquête sur toutes ces questions que vous venez de soulever ?
02:19Ah oui, toujours.
02:20Vous nous le garantissez ?
02:22Ah oui, c'est toujours des enquêtes.
02:24Moi, il m'est arrivé d'en déclencher plusieurs.
02:26Lorsqu'on s'est aperçu par exemple qu'un récidiviste ou quelqu'un qui était en permission de sortie avait commis à nouveau une infraction.
02:33C'est évidemment quelque chose qui est toujours inacceptable.
02:36Mais ça peut s'expliquer, et donc c'est ça qu'il faut regarder.
02:39La justice toujours mène son enquête.
02:42Elle n'aboutit pas toujours à démontrer que quelqu'un a commis une erreur qu'il aurait pu ne pas commettre.
02:47Là, on est face à une sorte de machine judiciaire qui a beaucoup de mal à tourner comme une machine parfaitement rodée.
02:55Donc il faut comprendre que cette situation que vous avez décrite à juste titre,
03:00parce que c'est vrai que c'est émouvant et c'est poignant et c'est choquant,
03:05c'est malgré tout une réalité qui n'est pas unique.
03:08On apprend même ce soir une onzième condamnation le concernant non exécutée.
03:13C'était le 23 septembre 2023.
03:15Le chauffard de 39 ans est interpellé pour conduite en état d'ivresse.
03:19Le parquet de Grasse demande une composition pénale,
03:21c'est-à-dire une audience rapide à alléger dans le bureau du juge si l'auteur reconnaît les faits.
03:26Pardonnez-moi, mais ça vous paraît normal ?
03:28J'ai bien compris que c'est la loi française, on applique notre loi.
03:31Mais vous comprenez que ça puisse choquer ou heurter ceux qui nous écoutent ?
03:35Bien sûr, parce qu'il faut dire aussi que quand le parquet de Grasse propose cette mesure,
03:39qui est plutôt bienveillante, c'est parce qu'ils pensent que la prison ne va pas suffire.
03:43C'est surtout avant que ce chauffard finisse par tuer quelqu'un, et pas n'importe qui.
03:48On estime aujourd'hui que dans notre pays,
03:50il y aurait entre 90 000 et 100 000 peines en attente d'exécution.
03:53Ça vous semble être une évaluation de bonne alloi ?
03:56Je pense que ça ne doit pas être loin de la vérité.
03:59Vous savez, chaque année, inlassablement,
04:01la justice pénale française va condamner près de 2 millions de personnes.
04:05Et donc, avec des niveaux de peine qui varient.
04:08Bien sûr, il y a beaucoup de peines d'amende, il y a des peines alternatives, etc.
04:12Et donc, c'est vrai que ce qui manque, c'est le suivi.
04:15Vous savez, faire des lois, on en fait beaucoup.
04:17Les appliquer, on en applique beaucoup.
04:19Mais les appliquer complètement, c'est plus difficile.
04:21Ça demande une politique.
04:23Généralement, les ministres de la justice, quels qu'ils soient,
04:26s'efforcent de rendre effectifs les décisions des juges.
04:29Mais, objectivement, la France n'est pas très bien classée en Europe sur le...
04:33Pardonnez-moi l'expression, mais les services après-vente judiciaire.
04:36Je reviens sur les propos de la veuve de l'adjudant Éric Comines.
04:40Laxisme et excès de tolérance,
04:43est-ce que c'est la marque de la justice que vous avez servi ?
04:46Puisque ce serait finalement ce qu'elle reproche à notre système judiciaire aujourd'hui.
04:50C'est vrai que c'est tout le temps ce type de propos qu'on entend,
04:54souvent dans des récupérations politiques.
04:56La réalité, je crois, objectivement, est tout autre.
04:59Puisque la justice est plutôt jugée sévère quand on est concerné,
05:02et laxiste quand c'est quelqu'un qu'on ne connaît pas.
05:05Globalement, le niveau des peines prononcées a tendance à augmenter.
05:09Ça veut dire qu'il n'est pas extrêmement élevé,
05:12mais quand même, on a un arsenal pénal
05:14qui doit tenir compte d'un principe fondamental de notre droit,
05:17c'est la personnalisation de la peine.
05:19Alors, on voit bien qu'on a raté quelque chose dans l'épisode de notre chauffard,
05:23parce qu'on n'a peut-être pas mesuré la totale dangerosité de cette personne.
05:27Mais la plupart du temps, on regarde comment adapter la réponse pénale,
05:31qui peut être extrêmement variée,
05:33qui peut aller d'un avertissement jusqu'à une peine de prison très longue.
05:36On connaît les chiffres des sanctions pénales
05:38prises contre des chauffards récidivistes ?
05:40On a un ordre d'idée ?
05:42L'ordre d'idée, c'est que c'est systématiquement de la peine de prison.
05:45Puisque là, la dangerosité a été établie.
05:49Dès lors que la personne ne suit pas de traitement particulier,
05:53quand il y en a,
05:54et qu'il y a nécessité d'indemniser les victimes qu'il a pu commettre ou causer,
05:59on va vers les peines de prison ferme,
06:02ce qui contribue logiquement à continuer à remplir les prisons,
06:06mais on ne peut pas rester sans réaction.
06:08Par rapport à ce qui est quand même l'infraction routière,
06:11c'est celle qu'il a plus souvent jugée par les tribunaux français.
06:14L'infraction routière est ce qui est le plus jugé par les tribunaux français ?
06:19Absolument.
06:20En gros, il y a plus de 10 000 infractions dans notre code pénal,
06:24ce qui est considérable.
06:25Et la majorité, en tout cas l'infraction la plus souvent réprimée,
06:30c'est celle relative à la violence routière.
06:32Le chef Yannick Allénaud, qui a perdu son fils dans des circonstances similaires,
06:36et il était notre invité hier,
06:37plaide pour la création d'un délit d'homicide routier.
06:41Qu'en pensez-vous ?
06:43C'est vrai qu'on a déjà un code pénal de la route.
06:45D'un autre côté, je fais référence à ce qu'on a connu pour l'inceste,
06:49qui pouvait être puni également sans qu'on ait une infraction spécifique.
06:52Je pense que l'infraction de criminalité routière
06:55peut présenter un intérêt en mettant un coup de projecteur
06:58sur l'importance qu'il y a à développer des vraies politiques
07:01de prévention et de répression.
07:02En mettant cet accent sur le fait que c'est un cas particulier,
07:06on l'a fait pour les violences conjugales également,
07:08qui existaient et qui étaient réprimées par des droits communs.
07:12Aujourd'hui, on a une infraction spécifique
07:14qui permet de montrer l'importance de ces choses-là.
07:17Merci beaucoup Yves Charpenel, ancien procureur général,
07:19de nous avoir éclairé et d'avoir pris la parole en direct dans cette édition.
07:24Dans un instant, on retrouve Marc-Antoine Lebret pour le Breaking News.

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