Table ronde - Risques climatiques: comment assurer la pérennité de nos schémas assurantiels ?
Pierre-Charles Pradier, Économiste, doyen honoraire de l’école d’économie de la Sorbonne
Michel Josset, Directeur Assurances et Prévention - Forvia & VP Climat - AMRAE
Philippe Trainar, Directeur de la SCOR Foundation for Science
Pierre-Charles Pradier, Économiste, doyen honoraire de l’école d’économie de la Sorbonne
Michel Josset, Directeur Assurances et Prévention - Forvia & VP Climat - AMRAE
Philippe Trainar, Directeur de la SCOR Foundation for Science
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Merci messieurs en tout cas d'être à mes côtés pour cette table ronde. Vous l'avez
00:09rappelé Nicolas Gauvillot à travers des chiffres, France Assureur a mené une étude
00:13sur l'assurance à l'horizon 2050 en prévoyant d'atteindre 143 milliards d'euros en cumulé
00:22entre 2020 et 2050. Je parle du montant des sinistres. Cette phrase vous l'avez entendue
00:26plus d'une fois, Henri Decaze était président d'AXA en 2015. Un monde à plus de 2 degrés
00:31pourrait encore être assurable, un monde à plus de 4 degrés ne le serait certainement
00:36plus et quand on voit la trajectoire et quand on parle de 4 degrés en France on comprend
00:39bien les enjeux. Alors comment les entreprises peuvent-elles assurer leurs risques liés au
00:43réchauffement climatique, comment renforcer la prévention et aussi l'éducation, ça
00:47c'est important aussi, on va parler de culture justement du risque climatique avec vous,
00:52à tous ces enjeux. Je vais évidemment présenter plus longuement mes intervenants. Michel
00:56Mousset, merci beaucoup d'être avec nous. Vous êtes vice-président climat de l'AMRAE
01:00qui est l'association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise.
01:03Dans un instant vous allez nous expliquer un peu plus ce que ça représente aussi ce
01:07sujet pour les entreprises, même si on en a parlé il y a un instant. A vos côtés
01:11Pierre-Charles Pradié, merci là encore d'être avec nous, économiste, doyen en horaire de
01:15l'école d'économie de la Sorbonne, président du collège de terminologie de l'économie
01:20et des finances. Vous êtes aussi en disponibilité, on sort des JO c'est ça, vous avez participé
01:24à un projet d'entreprise au service de la solidarité et de l'intégrité dans le sport.
01:28C'est pas les JO c'est le foot. C'est le foot oui mais comme on sort des JO on parle
01:32de sport. Je m'occupe de l'opérateur de paiement de la FIFA en fait. Voilà exactement, on peut
01:36le souligner aussi parce qu'on voit à quel point le sport peut être fédérateur aussi.
01:40Et M. Philippe Trenard, merci beaucoup d'être avec nous, professeur titulaire de la chaire
01:44assurance au conservatoire national des arts et métiers et directeur de la fondation SCORE
01:48pour la science, merci beaucoup d'être présent. Alors Michel Josset, je commence par vous
01:52parce que c'est bien de planter aussi le décor et de voir un peu quel impact le changement
01:57climatique a-t-il sur les activités économiques. On peut un peu le pressentir mais c'est quand
02:01même bien de reposer les enjeux. Merci. Alors je m'occupe de l'AMREE effectivement, du sujet
02:06climat. Alors j'ai aussi un vrai métier, je m'occupe des assurances de l'équipe anti-automobile
02:10FORVIA. Voilà ce qui me permet de mesurer à quel point le changement climatique impacte
02:16les activités économiques. Donc ça se manifeste de deux manières, on voit un renforcement,
02:21un accroissement des risques aigus, c'est les inondations, les tempêtes, etc. à la
02:26fois en fréquence et puis en intensité. Et puis on voit de nouveaux risques apparaître,
02:31dix chroniques, les vagues de chaleur, le stress hydrique qui également ont des impacts
02:37économiques. Alors quelques exemples parce que c'est toujours bien d'illustrer à partir
02:41de la vie réelle l'impact du changement climatique. Vous vous rappellerez par exemple
02:48en 2022 la vague de froid au Texas, une espèce de bulle d'air polaire qui descend, moins
02:54de 30 degrés à Houston, les équipements de production électrique qui tombent avec
02:59des impacts au Texas mais également l'arrêt des exportations électriques vers le Mexique
03:06où on a plein d'usines. Nos usines ont été arrêtées pendant quelques semaines ou ralenties
03:10pendant quelques semaines. Vous voyez que le scénario est quand même assez complexe,
03:15le vortex polaire qui s'affaiblit, cette goutte d'air froid qui descend, le gouverneur
03:20du Texas qui coupe le courant vers le Mexique qui peut imaginer ce type de scénario. Donc
03:25il faut vraiment se mettre dans la tête qu'on aura des événements assez imprévisibles
03:32qui vont se manifester ici ou là de manière massive parce que quand vous perdez la production
03:40pendant quelques semaines, vous imaginez ces quelques millions d'euros de perdus. Donc
03:44il y a vraiment un impact financier, économique que l'on mesure d'ores et déjà. Un autre
03:49exemple important, les vagues de chaleur qui sont nouvelles. Quand vous avez 30-35 degrés
03:54dans une usine, alors quand ça dure 2 jours ça va, quand ça dure 3 semaines, les gens
03:58ne viennent plus. Donc vous avez un absentéisme à 10%, 20% parce que les gens se protègent,
04:04c'est tout à fait compréhensible. Et on ne fait pas tourner une usine quand il y a
04:0820% d'absentéisme parmi les salariés. Voilà deux exemples de nature assez diverses qui
04:15montrent finalement la variété des impacts auxquels on sera confronté dans les prochaines
04:19années.
04:19Voilà donc on est parti des impacts et maintenant je vais vous poser la question Philippe Treynard,
04:23est-ce que vous estimez vous que les entreprises, vous avez un micro juste devant vous, sont
04:27plutôt bien assurées ?
04:28Ecoutez, peut-être pour répondre à cette question, je voudrais quand même faire deux
04:33précisions. Tout d'abord, le risque que l'on définit ici est un risque délicat à
04:39cerner. Premier élément de délicatesse, c'est que le changement climatique, le changement
04:44du climat va dans tous les sens. Il n'est pas simplement lié au réchauffement climatique.
04:49Donc il est très difficile de dire dans un pays, dans une région, ceci est imputable
04:53le climat et puis ceci est imputable à des tendances, le climat, comme vous le savez,
04:58a changé au cours du temps. Et ceci est très important parce que ça rend délicat la réponse
05:03un petit peu à votre question parce que sans réchauffement climatique on aurait peut-être
05:07eu besoin de faire des choses en France qui ne sont pas claires. Deuxièmement, il est
05:12aussi délicat et je crois que c'est important pour les entreprises parce qu'il y a le risque
05:16immédiatement qui nous vient à l'esprit, catastrophe naturelle. Et puis après ça,
05:19j'ai intégré un autre risque par derrière, ça s'appelle la réglementation. On a parlé
05:26de la réglementation européenne qui impose des obligations. Ça veut dire qu'une entreprise
05:32demain, parce qu'elle contribue au réchauffement climatique, peut se trouver pénalisée.
05:37Peut-elle s'assurer contre ce risque juridique ? Alors vous voyez, bien que contre le premier
05:43au fond, traditionnellement, on sait à peu près faire, contre le second, on sait moyennement
05:49faire, d'autant plus que normalement le contrat d'assurance ne vous assure jamais contre l'illégalité.
05:55Donc vous voyez qu'on est dans un domaine là qui va être beaucoup plus difficile.
05:58Donc une première réponse, contre une évolution du système juridique et des obligations et
06:04des droits qui vous sont imposés, pas sûr que l'assurance ait offert jusqu'à présent
06:10beaucoup de couverture et pas sûr qu'elle ait beaucoup de moyens de le faire pour l'avenir,
06:15contre les catastrophes naturelles. En revanche, naturellement, il y a là beaucoup plus de
06:19possibilités. Ce qu'on peut dire en résumé pour les entreprises, c'est qu'elles sont
06:24pas mal couvertes quand on compare par rapport aux individus. Parce que vous savez qu'il
06:30y a une obligation d'assurance pour les individus liée à la MRH, à la multirisque habitation.
06:35Si vous n'avez pas de multirisque habitation, si vous ne la prenez pas, vous n'avez aucune
06:39obligation. Inversement, l'entreprise ont bien qu'il y a un calcul économique et que
06:44normalement dans ce calcul économique, elle doit prendre le risque et le risque climatique
06:49fortement en compte. Mais là encore, on voit bien que les questions deviennent beaucoup
06:57plus complexes parce que à quel type de risque va être confrontée l'entreprise ? Elle est
07:03confrontée, bien évidemment, à une tempête qui emporte le toit d'un de ses établissements,
07:07etc. Bon, ça c'est classique. Mais maintenant, nous avons autre chose, c'est que comme le
07:12risque augmente, il va falloir augmenter les tarifs. A priori, le risque extrême augmente
07:18et la moyenne des coûts augmente. Qui dit augmenter les tarifs, dit réaction de l'assuré.
07:25Je peux ne pas m'assurer, je peux faire de la prévention, on reviendra dessus, je crois
07:30que c'est important. Deuxièmement, peut-être par rapport à ce qu'Aïdi dit avant, je dois,
07:35je dois, c'est impératif, discriminer parce que l'assureur ne peut mutualiser que le risque
07:42inconnu, pas le risque parfaitement connu. Si vous installez votre entreprise au bord
07:47d'une jolie petite rivière qui déborde régulièrement et avec EDF par derrière qui lâche des eaux
07:52de son barrage, je suis désolé, faire de la mutualisation ce n'est pas bien, parce
07:57que tout simplement, c'est le rôle de l'assureur de discriminer pour vous inciter à changer
08:03votre comportement, pour vous inciter à ne pas asphatiser, pour vous inciter à ne pas
08:09construire en zone inondable. En France, on a l'habitude de construire en zone inondable.
08:13Il va bien falloir mettre fin à cette pratique et seule la discrimination nous permettra de
08:17le faire. D'où se pose immédiatement la question de l'assurabilité dès lors qu'on
08:22fait de la discrimination. Dernier point, qui dit assurances des entreprises dit aussi
08:29des assureurs et certains assureurs peuvent se retirer du marché. Ils ne se retirent
08:33pas du marché parce que le risque est inassurable, ils se retirent dès que vous êtes prêt
08:37à payer le prix, il n'y a pas de risque inassurable. Ce qui se passe, c'est simplement
08:42si tout d'un coup, votre portefeuille d'assureur est trop présent sur un risque et qu'il y
08:49a mauvaise diversification de votre portefeuille, quelle va être votre réaction face à un
08:54risque qui s'accroît alors que les autres risques restent sales ? Vous allez dire à
08:58certaines personnes, écoutez je ne vous assure plus parce que mon portefeuille ne me permet
09:02plus. En revanche, implicitement, ça veut dire aller chez votre voisin, c'est ce qu'on
09:06a observé par exemple en Floride.
09:08Alors c'est ce qu'on va voir et c'est très bien, vous avez posé tous les enjeux pour
09:11continuer à débattre finalement de la question de ce schéma assurantiel actuel. Pierre-Charles
09:16Pradier, on en parlait et on va en évoquer la question de la tarification aussi. Est-ce
09:21que des événements récents comme la hausse de la surprime 4 Nats peut finalement laisser
09:26croire que vous assurez qu'il n'y aura pas trop de problèmes et qu'on peut s'en sortir
09:29si je puis dire ?
09:30Merci, en fait le problème ici c'est que je ne lis pas dans le mar de café et personne
09:34ne le fait. Vous avez cité l'étude de France Assureur de 2021 qui disait qu'en fait on
09:41considère que dans les 30 prochaines années le risque de catastrophe naturelle va être
09:44deux fois ou trois fois plus coûteux selon la catégorie de risque. Il faut quand même
09:51expliquer la méthodologie de cette étude pour dire que pour l'instant on doit être
09:55très prudent sur ce genre de prévision à très long terme. La méthode de cette étude
09:59c'est simplement de faire des corrélations linéaires entre les facteurs de risque, des
10:04facteurs de risque qui sont mesurés avec des quantités que vous connaissez très bien
10:08qui sont des quantités météorologiques, la quantité de pluie, la température et
10:11en fait on régresse sur ces facteurs de risque qui sont des données météo le montant des
10:17sinistres annuels et puis ensuite on regarde dans les prévisions du GIEC à 2050 comment
10:22ces facteurs de risque augmentent et on fait tout simplement une extrapolation linéaire.
10:27Concrètement si quand il fait 35 degrés l'été il y a tant de dommages en gonflement
10:34des argiles, s'il fait 38 degrés l'été il va y avoir 10% de dégâts en plus. C'est
10:39évidemment très imparfait comme mesure et l'étude est parfaitement claire sur ces
10:42hypothèses. Mais concrètement aujourd'hui on ne sait pas dire ce que sera la sinistralité
10:47en 2050. Comme l'a expliqué Michel. Donc comme on ne sait pas dire c'est compliqué
10:51aussi par rapport aux assurances et aux assureurs. Pourquoi alors qu'on ne sait pas dire quelle
10:59sera la sinistralité en 2050 on est certain que ça va augmenter ? Et c'est tout à l'heure
11:05Nicolas Gauvillot a ironisé sur le climato-scepticisme. C'est vrai que dans ce contexte il y aurait
11:09une espèce de climato-scepticisme de second ordre qui consisterait à dire bon ok il se
11:13passe des trucs avec le climat mais au bout du compte vous savez pas si vraiment la sinistralité
11:17augmente ou pas. On observe des phénomènes mais comme le dit Philippe on n'arrive pas
11:22à débrouiller là-dedans ce qu'est la tendance, ce qu'est les variations autour de la tendance,
11:26ce qu'est les signes de la fin des temps. Si quand même parce qu'on est au-delà de
11:32l'épaisseur du trait. Ce qu'on voit très clairement c'est que dans les 10 dernières
11:36années en fait la sinistralité a été plus forte même que ce qu'on envisage pour 2050.
11:42Ce qu'on voit c'est qu'aujourd'hui tous les scénarios sont en dehors des intervalles
11:48de confiance qu'on avait il y a 15 ans quand on prévoyait. Donc de fait il est à peu
11:52près manifeste qu'on a une tendance à l'augmentation d'une part et dans les risques environnementaux
12:01eux-mêmes et dans la concentration des activités de l'autre part.
12:04Je parle de cette surprime aussi.
12:06Donc on ne sait pas de combien ça va augmenter mais ça va augmenter et donc de fait la surprime
12:12qui a été votée l'an dernier et qui va s'appliquer au 1er janvier c'est plus un
12:16rattrapage qu'une prévision. C'est-à-dire que concrètement la sinistralité a dérivé
12:21considérablement depuis 2015. Il s'agit de refaire le gras de la caisse centrale de
12:28réassurance qui est partie prenante à 50% dans l'indemnisation des sinistres catastrophes
12:33naturels. Il s'agit simplement d'éviter que le régime actuel ne fonctionne plus mais
12:38ce n'est pas du tout une garantie pour l'avenir. Donc un, on a manifestement une tendance à
12:42l'augmentation même si on ne peut pas dire aujourd'hui de combien ça va augmenter et
12:47deux, ce qu'on a vu c'est un rattrapage du terrain perdu. Ce n'est pas une garantie
12:51pour l'avenir.
12:52Alors je vais faire réagir Michel Jossé. Peut-être un mot encore. Pierre-Charles Pradié
12:56il ne faut pas oublier qu'il y a petites et grandes entreprises aussi. Ce ne sont pas
12:59les mêmes cas et les mêmes pour chacun.
13:02Oui alors de ce point de vue là, quand Philippe a dit que les entreprises sont plutôt bien
13:05assurées, à partir de 20 salariés ça ne fait aucun doute. Le truc en France c'est
13:10qu'on a 4 millions de micro-entreprises, d'entreprises de moins de 10 salariés et
13:14sans parler des indépendants, des auto-entrepreneurs etc. Ceux-là, leur assurance repose surtout
13:20sur leur assurance de particulier. C'est-à-dire que concrètement le chauffeur Uber c'est son
13:24assurance automobile qui va l'assurer contre le sinistre climatique. Il n'est pas assuré
13:29en tant qu'il n'a pas d'assurance d'entreprise.
13:31Donc ça c'est aussi une particularité dont il faut tenir compte. En plus on parlait
13:35de 18 millions de français exposés aux inondations. Il peut y avoir évidemment d'échelle d'entreprise,
13:41de petites structures dans ce cas là. Alors Michel Jossé on a commencé, vous allez pouvoir
13:45réagir à tout ce qui a été dit, à commencer à parler de ces enjeux, cette question de
13:49la tarification du risque. Est-ce qu'on ne risque pas justement un problème de sous-assurance?
13:53On est en plein dedans, on est confronté à cette pénurie d'assurance depuis quelques
13:58années. Alors regardons comment finalement ce risque d'inassurabilité se manifeste pour
14:04les entreprises. On a fait face à un retournement du marché de l'assurance d'entreprise depuis
14:102019 suite à des baisses de tarifs très longues, il y a eu un retournement de cycle
14:18dont l'effet a été dû multiplier par le risque climatique. Alors sur la manière
14:24dont l'entreprise se garantit, comment ça se manifeste, l'assureur ne vous dit pas
14:29du jour au lendemain, je cesse de t'assurer, mais ça passe par des augmentations de franchise,
14:33c'est à dire que la part du sinistre qui reste à la charge de l'entreprise est plus
14:36importante. Des baisses de capacité dans les pays où les zones les plus exposées,
14:41l'assureur va dire que le montant maximum que je vais délivrer pour une garantie d'inondation
14:49dans des zones exposées ça va être 30 millions d'euros, 40 millions d'euros et si vous avez
14:54dans cette zone des actifs à 200 millions, ça veut dire que si le sinistre maximum se
14:58manifeste vous aurez un découvert très très important. Une hausse des tarifs, la hausse
15:03de prime, la hausse des taux. Et puis n'oublions pas qu'il y a dans toutes les manifestations
15:09du changement climatique de nombreux événements qui ne sont pas assurés. On parlait par exemple
15:13j'ai cité le cas des vagues de chaleur, le principe de l'assurance c'est une assurance
15:18de dommages et pertes d'exploitation. Vous avez une vague de chaleur, les gens ne viennent
15:21pas travailler, il n'y a pas de dommages, les équipements ne sont pas directement affectés
15:27donc vous avez une perte d'exploitation mais qui n'est pas assurée. Autre exemple on avait
15:31vécu il y a quelques années en Chine centrale une sécheresse terrible, donc pas d'eau dans
15:36les barrages, pas d'électricité, courant coupé, à nouveau là il n'y a pas de dommages
15:42et pourtant il y a des pertes d'exploitation très significatives. Donc on voit finalement
15:46que le risque augmente, l'assurance diminue et une part importante de l'impact financier
15:52des changements climatiques n'est pas assurée aujourd'hui parce qu'elle ne relève pas du
15:57principe de l'assurance actuelle qui est un principe d'assurance de dommages et pertes
16:01d'exploitation. Alors on parle de ce constat et tout à l'heure on va voir un petit peu
16:04comment on peut aussi s'organiser pour justement quand même permettre de pérenniser et c'est
16:09la question de la table ronde de ce système. Je vous fais réagir aussi Philippe Trenard
16:13à cette question de tarification du risque. Écoutez, quand on parle d'inassurabilité
16:19je réagis tout de suite, je ne sais pas très bien de quoi il s'agit. Alors il peut y avoir
16:23une inassurabilité comme je le disais au niveau d'un insureur qui a reteint ses limites
16:29parce qu'il n'a pas plus de capital, qu'il n'est pas capable d'enlever plus et donc il
16:32ne peut pas prendre plus de risques par définition. Mais je vous rassure le concurrent est là
16:37en embuscade et prendra le risque. Donc déjà c'est la première limitation. La deuxième
16:43limitation pour moi c'est l'inassurabilité et je reviens sur les propos d'Henri Decaze
16:46qui avait dit à l'époque qu'à partir d'un certain nombre de degrés le risque devenait
16:52inassurable. Pour moi un risque inassurable par définition c'est ce qu'on appelle un
16:56risque systémique. C'est-à-dire quand il touche tout le monde ou trop de monde. Le
17:00principe de l'assurance est toujours le même, c'est qu'un grand nombre de personnes payent
17:06pour la mauvaise fortune d'un petit nombre de personnes. Maintenant si le risque affecte
17:12à peu près tout le monde, effectivement l'assurance ne fonctionne pas quand il s'agit
17:15qu'un petit nombre de personnes payent pour un grand nombre de personnes. Ce n'est plus
17:19la peine de passer par l'assurance, des phénomènes de la redistribution ou la prise en charge
17:25par les intéressés de leurs risques est bien plus efficace. Donc limitons un tout petit
17:31peu ce propos d'inassurabilité, on va avoir des petites poches d'inassurabilité bien
17:35évidemment qui sont dues à des ajustements du marché qui prennent du temps. Mais sinon
17:40la vraie question, je ne dirais pas que ce n'est pas l'inassurabilité, c'est la sous-assurance.
17:46C'est-à-dire que des personnes vont décider de moins s'assurer. Et elles vont décider
17:51peut-être aussi de moins s'assurer en considération d'un autre phénomène dont nous n'avons pas
17:54parlé. On parle de la montée du risque climatique mais il n'y a pas que le risque climatique.
17:59Qu'est-ce qu'il y a ? Il y a le risque pandémique qui est en train de monter, il y a le risque
18:03géopolitique qui est en train de monter et bien évidemment si on vous dit de vous protéger
18:07contre tous ces risques, quelque part il peut y avoir un problème, voire une limitation
18:13de votre fortune et une obligation de faire des arbitrages.
18:17Cela fait quand même beaucoup de problématiques face auxquelles il faut s'organiser. On va
18:23rester optimiste. Juste Michel Josset, est-ce que vous voulez réagir justement à cette
18:26notion d'inassurabilité, on va y arriver, de sous-assurance, est-ce que vous voulez réagir
18:30vers cela ?
18:31D'accord, l'inassurabilité elle est progressive, c'est-à-dire qu'elle n'est pas blanc noir
18:35mais elle se manifeste par une pénurie finalement d'accès à l'assurance et peut-être malgré
18:39tout dans certaines zones très exposées pour le coup un aléa qui n'existe plus, vous l'avez
18:45dit finalement l'assureur intervient dans le cadre d'une utilisation et quand vous êtes
18:50inondé tous les deux ans c'est sûr qu'il n'y a plus d'aléa donc il n'y a plus d'assurance.
18:53Donc il faut s'habituer à certaines zones où il y aura vraiment une pénurie d'assurance
18:59qui s'installe, c'est déjà ce qu'on constate, vous l'avez dit, quelqu'un l'a dit aux Etats-Unis
19:03donc cette manifestation de l'inassurabilité va arriver en France dans certaines zones,
19:10le trait de côte sans doute, du fait de l'augmentation du niveau de la mer, peut-être certains secteurs
19:15agricoles par exemple très exposés.
19:17Certains disent dans les dom-toms déjà ?
19:18Tout à fait, avec des problématiques effectivement d'événements aigus récurrents.
19:24Alors bon, c'est vrai qu'on a dressé un tableau un petit peu noir de ce qui nous arrive,
19:29des risques qui montent, les assureurs tontent casac, comment on s'en sort, comme souvent
19:37finalement la solution elle est à l'intérieur des entreprises.
19:40Alors on va y arriver justement, parce que je vais peut-être faire le dernier tour de
19:43table pour terminer sur cet état des lieux et poser la question justement de l'avenir
19:47et puis de cette assurabilité, vous allez pouvoir nous en parler.
19:49Alors Pierre-Charles Prania, un commentaire supplémentaire sur cette question de tarification
19:54de sous-assurance ?
19:55Alors je voudrais juste revenir sur les exemples que nous a donné Michel qui étaient précieux
19:59parce qu'en fait ils n'étaient pas en France et c'est significatif, c'est-à-dire qu'on
20:04pourrait penser que pour l'instant chez nous tout va bien, alors sauf effectivement dans
20:08les dom-toms où on a une sinistralité particulière qui est liée aux tempêtes tropicales qui
20:12sont sous le régime des garanties catenates et qui coûtent un peu cher et de plus en
20:17plus cher.
20:18Mais le fait que vos exemples ne soient pas en France, ça pourrait nous donner une espèce
20:22de sentiment de satisfaction en disant ben voilà nous on a un dispositif qui est bien
20:25conçu.
20:26Et de fait ce qu'on voit c'est que la manière dont on a conçu la garantie catastrophe naturelle
20:30ça nous met à l'abri d'un certain nombre de choses, par exemple ce qui s'est passé
20:33en Allemagne en 2019 et en 2022 quand il y a eu des inondations, le taux d'assurance
20:40des ménages allemands contre les inondations c'est 30% et donc de fait des inondations
20:45c'est un problème.
20:46Alors je sais que ce n'est pas de l'assurance d'entreprise mais c'est juste pour indiquer
20:48qu'on a un dispositif qu'on a bien calibré parce que tout le monde s'assure, même ceux
20:52qui ne sont pas obligés de s'assurer puisque ceux qui sont obligés de s'assurer c'est
20:55les locataires et les propriétaires dans des copropriétés.
20:58Or ce qu'on voit c'est qu'on a un taux d'assurance élevé donc on n'a pas de problème de défaut
21:02d'assurance.
21:03Dans le cas des entreprises ça se voit un peu moins et comme dit Philippe le problème
21:07ce n'est pas le défaut d'assurance c'est la sous-assurance parce que quand les coûts
21:10augmentent ce qu'on fait c'est qu'on accepte des franchises plus élevées etc.
21:13Donc on pourrait avoir le sentiment qu'en France on s'est garanti contre tout, alors
21:18ce qu'on voit c'est que sur les bords ça commence peut-être à tirer un peu et du
21:24coup on n'arrive pas à faire le diagnostic parce qu'on ne voit pas arriver pour l'instant
21:29le moment où la chair va apparaître sous le vêtement et donc cette difficulté de prévoir
21:38elle fait que c'est bien d'anticiper.
21:40C'est bien d'anticiper c'est-à-dire que le sujet qu'on a c'est celui de se prémunir
21:44contre le prochain problème de sorte qu'on va régler une crise qui n'aura pas lieu.
21:50C'est ce qu'on peut espérer, c'est-à-dire que la façon habituelle de fonctionner dans
21:56la politique c'est qu'on attend que la crise ait lieu pour trouver une solution, là ce
21:59serait super qu'on arrive à décider avant la crise.
22:02Exactement donc finalement c'est aussi ce qui ressort et vous en avez parlé Nicolas
22:06Gauvillot de cette fameuse mission et ce rapport de Thierry Langrenet qui a été fait l'année
22:11dernière qui montrait en avant la nécessité d'une cartographie, de mécanismes incitatifs
22:16vous en avez parlé puis aussi surtout de prévention donc là je vous repasse la parole
22:20justement Michel Josset puis Philippe Treynard pour en réagir pour on va dire un dernier
22:24tour de table pour maintenant mieux comprendre comment on peut se projeter et comment on
22:28peut faire pour assurer la pérennité, on a un système qui depuis 40 ans fonctionne
22:32on va dire quand même plutôt pas mal et on peut s'en satisfaire mais on voit aussi ses
22:36limites.
22:37Alors la clé est très opérationnelle donc on est face à ce risque de sous-assurance
22:43qu'on a évoqué, il y a un autre risque qu'il ne faut pas oublier c'est le risque de perdre
22:46l'investisseur puisque finalement l'investisseur aujourd'hui regarde comment une entreprise
22:51est exposée aux risques climatiques, il va juger finalement de la manière dont elle
22:54se protège, dont elle s'adapte et si l'investisseur considère que le travail n'est pas fait il
23:01risque de retenir son investissement tout simplement parce qu'il a peur de mettre de
23:06l'argent dans des actifs échoués qui ne vaudront rien parce qu'ils ne sont pas adaptables
23:11et assurables. Donc c'est des dangers mortels le fait de ne pas être assuré ou le fait
23:16de perdre son investissement, là on parle vraiment des choses qui remettent en cause
23:20la pérennité même de l'entreprise. Donc comment on s'en sort ? La clé elle est à
23:24l'intérieur de l'entreprise, il faut s'adapter, on a cette montée des périls et il faut réussir
23:32à la maille de chacun des sites, de comprendre ce qui se passe, comment va se manifester
23:38le changement climatique et avoir des actions organisationnelles ou techniques d'adaptation.
23:45C'est compliqué quand vous avez un site, 10 sites, 100 sites, 300 sites répartis dans
23:50le monde, chacun exposé à des périls très différents, on voit qu'on a un problème
23:54de volume. Quelle méthode appliquer ? Ma foi dans le domaine de l'assurance et des risques,
24:01la manière dont on gère le risque d'incendie c'est des choses qu'on fait depuis un siècle,
24:04il ne faut pas réinventer des méthodes différentes, le schéma est toujours le même, c'est d'abord
24:12la culturation, qu'est-ce que c'est que le risque, ensuite c'est l'analyse du risque,
24:16la quantification. On dit qu'il faut cultiver la culture du risque. Exactement, l'exemple
24:20on a, on travaille chez nous sur de l'adaptation et puis je me souviens de deux ateliers qu'on
24:26avait fait avec des collègues indiens et chinois dans des usines évidemment exposées
24:32au changement climatique et donc on les engagait à réfléchir sur le risque, sur l'adaptation,
24:38la réponse était nous on n'est pas exposés au changement climatique. Alors que quand
24:43on regarde les cartographies de risque basées sur le risque du GEC, c'est sûr que c'est
24:48deux pays qui vont être extrêmement exposés. Donc on voit qu'on a un gap culturel et essayer
24:52de semer une trajectoire d'adaptation quand on n'a pas fait ce travail de labourage, d'explication,
25:01ça ne fonctionne pas. Donc il y a des outils pour ça, la fresque du climat, il y a des
25:06choses qui marchent très bien et c'est absolument nécessaire de déjà sensibiliser les gens
25:10avec lesquels on va travailler parce que sinon l'initiative reste vaine. Après, quelle est
25:18la technique finalement à déployer à l'échelle d'un site industriel pour s'adapter ? Un
25:22fois j'ai de la donnée parce qu'il faut savoir ce qui va se passer au niveau de ce site. Aujourd'hui
25:27les cartes de risque des assureurs sont obsolètes puisqu'elles sont basées sur des sinistralités
25:31passées. Il faut regarder ce qui va arriver. Donc c'est des scénarios du GEC qu'il y
25:37a déjà sur le marché via les assureurs, les réassureurs, des cartes de risque qui
25:42existent au niveau France et au niveau mondial. Donc comprendre à la maille d'un site ce
25:47qui va se passer c'est indispensable. Ensuite il faut établir des scénarios. Une vague
25:52de chaleur, combien ça coûte ? Ça ne détruit pas d'équipement mais vous avez quelques
25:56semaines de perte d'exploitation. Est-ce que ça vaut à l'échelle d'un site 100 000 euros,
26:02200 000 euros, 1 million, 2 millions ? C'est complexe parce que les périls sont multiples
26:07donc il faut comprendre à l'échelle d'un site exposé combien ça va coûter et pourquoi
26:11c'est important de quantifier. Déjà on va pouvoir partager avec les gens qui décident,
26:18avec un comex, le niveau de risque et on va pouvoir hiérarchiser, dire on va d'abord
26:23adresser les risques les plus importants, ceux qui ont un impact financier potentiel
26:26le plus important et puis ensuite ceux qui ont un potentiel moins important, on s'en
26:33préoccupera plus tard. Et il faut mettre en fonction de ces scénarios, les scénarios
26:38les plus dangereux, des actions d'adaptation qui peuvent être de nature organisationnelle
26:42ou technique, se protéger contre l'inondation, rafraîchir les bâtiments, de manière à
26:47abaisser finalement la quantification de ces scénarios. Alors c'est long, c'est-à-dire
26:51qu'on est parti pour 10 ans, 20 ans d'efforts, ce ne sont pas des choses qui vont être réglées
26:55dans la journée mais finalement on a quand même des raisons d'espérer, on a des données,
27:01elles existent déjà, on a une méthode que je viens d'indiquer et puis on a une volonté
27:06des parties de parvenir à ça, une vraie prise de conscience de tous les managements
27:09que c'est vraiment un sujet important. Donc on a finalement toutes les pièces de puzzle
27:13et bien maintenant il faut l'énergie pour mettre ça en format.
27:17Une réaction donc Philippe Trénard à ce qui a été présenté par Michel Jossé,
27:21finalement on a compris que la prévention c'est la clé.
27:24Non, il est clair que la prévention est la clé et c'est je crois un petit peu là
27:29la faiblesse du rapport Langrenet qui ne va pas assez loin dans ce domaine. Et c'est
27:35toute la problématique d'un mécanisme de réassurance publique qui va mêler en même
27:41temps redistribution et assurance parce que les deux principes qui président à la redistribution
27:47d'un côté et à l'assurance de l'autre sont opposés. Quand je redistribue je suis
27:51solidaire, je suis solidaire de Pierre-Charles et de Michel quoi qu'ils aient fait. Et d'ailleurs
27:57s'ils n'ont pas payé c'est justement le moment de payer dans le cadre de la redistribution,
28:03si vous n'avez pas de ressources, si vous n'êtes pas couvert, on vous paye, c'est
28:07le principe de la redistribution. Le principe de l'assurance c'est qu'au contraire vous
28:11avez payé et vous avez fait de la prévention auparavant. Donc l'un des problèmes si vous
28:15voulez de notre système actuel c'est qu'il incite insuffisamment à faire de la prévention
28:21et ce que propose le rapport Langrenet c'est de lui injecter un peu plus pour qu'on fasse
28:26un peu plus de prévention. Le vrai problème c'est qu'il ne faut pas faire un peu plus
28:30de prévention, il faut faire de la prévention massivement plus. Alors premier point. Deuxième
28:37point, il faut bien voir, alors c'est peut-être heureusement, le changement climatique, il
28:41n'y a pas que les inondations liées éventuellement d'ailleurs à des flash floods, à ce que
28:47vous voulez, vous avez aussi le vent et vous avez aussi les incendies, n'est-ce pas ? Alors
28:53là qui relèvent de systèmes différents, surtout le vent. Et le plus dangereux de
28:57facto pour l'assureur c'est le vent. Parce que le vent c'est très simple, c'est une
29:04façade de 500 kilomètres qui se déplace à 1000 kilomètres voire 2000 kilomètres
29:09en profondeur. Vous pouvez avoir des tempêtes, n'est-ce pas, de 81, de 99 avaient atteint
29:14presque aux portes de Moscou. Ça veut dire que vous faites s'envoler les toits un peu
29:18partout. On est presque à la limite d'un risque systémique. Tout le monde est touché.
29:23Donc là on a de vrais sujets, n'est-ce pas ? Et c'est là que bien évidemment la prévention
29:29va se voir se développer mais ça c'est toute la pratique que vont devoir imposer les
29:33réassureurs indépendamment de toutes les conclusions du rapport Lagrenay.
29:37Donc il faut dire que c'est travailler en écosystème avec les assureurs et les réassureurs
29:41aussi sur ce sujet-là.
29:42Absolument. Et surtout avec les réassureurs parce que comme je le disais au départ, le
29:46changement climatique n'est pas un phénomène local d'abord, c'est un phénomène mondial.
29:51C'est au niveau mondial que vous voyez tous les signaux clairs du changement climatique.
29:57Quant au niveau local, vous avez beaucoup d'interrogations et d'incertitudes.
30:01Votre réaction aussi Pierre-Charles Pradier à cette question de comment on peut se projeter
30:05la prévention, je crois que c'est clair pour tout le monde.
30:09En attendant Michel, je fais un rêve. C'est que l'exemple qu'il a donné, c'est la pratique
30:15quotidienne du gestionnaire de risque, c'est-à-dire construire la connaissance du phénomène,
30:23décrire les scénarios et envisager des actions de remédiation au risque. Quand on connaît
30:28le métier de gestionnaire de risque, on sait que c'est ça. En revanche, quand on ne le
30:32connaît pas, on a l'impression que ce qu'on ne voit pas c'est la base profondément scientifique,
30:43à la fois parce qu'il faut connaître le phénomène, mais aussi parce que le raisonnement
30:46à partir d'hypothèses, dans l'hypothèse où, scénario 1, dans l'hypothèse où, scénario
30:522, et on fait des scénarios contingents à des hypothèses, et ça c'est la science empirique
30:56comme elle s'est développée depuis le XVIIe siècle. Et en fait ce que je trouve étonnant
31:00c'est qu'on n'enseigne absolument pas ça. Si on veut développer une culture du risque,
31:04ce serait peut-être pas mal qu'à un moment donné, dans l'enseignement scolaire, on présente
31:14aux enfants des écoles ce type de problématique. Qu'est-ce qu'on fait face aux risques climatiques
31:21et aux manifestations des risques ? Ne serait-ce que pour apprendre à avoir confiance face
31:26à un risque, avoir confiance dans la remédiation qu'on est capable de construire et sur laquelle
31:32on est capable de se mettre d'accord collectivement, sachant qu'elle a un coût, donc ce coût
31:36il est tel qu'on peut évidemment pas remédier à tous les risques. Bref, il y a un vrai
31:42enjeu de formation de la jeunesse, et si on veut développer une culture du risque, ça
31:47peut être qu'à l'école. Je voudrais faire une toute petite parenthèse qui est que,
31:53en fait, ce qui a vraiment changé dans la réforme du lycée, c'est qu'on a créé un
31:56enseignement scientifique d'une part et un enseignement de mathématiques complémentaires
32:01qui est normalement des mathématiques orientées vers les questions de sciences sociales et
32:06en fait, il n'y a aucune place à cette culture du risque, alors même que c'est l'exemple
32:11même d'application des sciences qui pourrait intéresser y compris et surtout des non-scientifiques.
32:16Mais visiblement, les profs ont un peu du mal à s'en saisir, probablement parce qu'ils
32:20n'ont pas été formés pour, mais je pense qu'il y a un vrai enjeu de diffusion de la
32:25pratique des gestionnaires de risque dans le grand public.
32:27Je sais que Philippe Trénard est prêt à réagir, comme vous le voyez, je me tourne
32:31parce qu'en fait le timer est derrière moi, donc c'est vrai qu'à regarder ce n'est pas
32:34facile, mais voyez, il vous reste un petit peu de temps pour un tour de table et conclure
32:37cette table ronde si vous avez encore des choses à ajouter parce que je pense qu'on
32:41pourrait en parler plus de 40 minutes.
32:42Très brièvement, je voudrais rajouter que Pierre-Charles a pointé du doigt une question
32:46fondamentale.
32:47En fait, pour une grande partie, nous ne savons pas ce qu'est le risque climatique, c'est
32:52à dire, et comme on l'a dit d'ailleurs auparavant, nous sommes surpris, certains des risques qui
32:59sont réalisés sont au-delà de ce qu'on imaginait il y a une dizaine d'années, quelque part
33:04nous ne savons pas.
33:05Je prends juste un exemple, les tempêtes non-tropicales, pendant très longtemps on
33:08a pensé que les tempêtes non-tropicales seraient purement stables, puis tout d'un
33:11coup, on voit que les tempêtes non-tropicales se développent, donc les gens ont dit, tempête
33:15non-tropicale extrême, ça va devenir une tempête tropicale, c'est-à-dire un cyclone,
33:20et puis tout d'un coup on s'aperçoit que ce n'est pas ça qui se passe, c'est les tempêtes
33:24de taille moyenne qui se multiplient, donc vous voyez, en fait, je crois qu'il est très
33:29important dans le risque, dans la science du risque, c'est que pour une part, le risque
33:35prend des formes insoupçonnables, donc ça demande, si vous voulez, les politiques de
33:40prévention doivent être particulièrement intelligentes et notamment prévoir un tout
33:46petit peu ce qui ne rentre pas dans le radar screen aujourd'hui.
33:50Un sacré défi à relever, vous avez quelque chose à ajouter Michel Jossé ?
33:54Oui, alors c'est vrai que la méconnaissance ou la connaissance insuffisante ne peut pas
33:58être une excuse pour ne rien faire, il faut de toute façon se mettre dans l'action, on
34:02n'a pas le choix.
34:03Un dernier mot pour conclure, moi je crois beaucoup au partenariat assuré-assureur, donc
34:09on a quelque part décrit aussi un assureur qui se retire, qui limite ses garanties, quelque
34:15part on ne peut pas lui jeter la pierre parce qu'il protège ses résultats, ce qu'on peut
34:20comprendre.
34:21Malgré tout, on a énormément de choses à faire en commun entre assuré-assureur, ils
34:25ont des données, des moyens, des scientifiques, ce que nous n'avons pas, on ne va pas embaucher
34:31des climatologues, un industriel ne va pas embaucher des climatologues, ils ont cette
34:35méthode qu'on a décrite d'analyse de risque, ils la connaissent, ils la pratiquent sur
34:39d'autres risques, ils ont des armées d'ingénieurs qui font aujourd'hui beaucoup de prévention
34:43sur l'incendie, il faut absolument qu'ils convertissent finalement toute cette masse
34:48d'ingénieurs et qu'ils les forment à l'analyse du risque du climat, et puis ils ont le moyen
34:55d'introduire de l'incitativité dans leur tarification.
34:58Aujourd'hui sur le risque climatique il n'y a pas d'incitativité, sur le risque d'incendie
35:03vous protégez une usine, le taux va baisser, ce qui est normal, quelque part vous abaissez
35:08le risque, vous avez fait un effort, l'assureur vous récompense. Aujourd'hui en climat, même
35:11si vous avez des actions d'adaptation, finalement votre tarif va rester le même, c'est un peu
35:17le reproche qu'on fait également, enfin que l'on aimerait faire à l'approche du Laport-Langrenais,
35:24finalement aujourd'hui on fait face à une hausse de la surprime mais qui est générale
35:28et puis vous avez des actions, vous payez finalement pour ceux qui n'en font pas, ça, ça ne marche
35:32pas en matière d'assurance. Il faut absolument qu'il y ait un élément incitatif, il faut
35:37absolument que les assureurs, dans cette démarche de prévention qu'on a comprise, réussissent
35:42à récompenser finalement ceux qui parmi leurs assurés ont une démarche d'adaptation
35:46patiente, progressive, parce que tout ne sera pas en un jour et aujourd'hui on constate
35:52que ce n'est pas le cas. Donc voilà, beaucoup reste à faire avec les assureurs mais on
35:56a quand même des raisons, beaucoup de raisons d'espérer.
36:00Pierre-Charles Pranier
36:02C'est vraiment à moi de conclure, moi je trouve que la conclusion de Michel est très bien.
36:06Si vous avez encore quelque chose à ajouter au sujet, vous pouvez, il reste 3 minutes 45, donc allez-y, monsieur le traînard, allez-y.
36:14Rajouter, pour rebondir sur ce que vient de dire Michel, je crois qu'il faut faire attention,
36:20l'un des petits problèmes et l'un des grands défis du système actuel en France, c'est
36:26qu'il est réglementaire, il est publiqué, il met 10 ans pour changer. Comme le changement
36:30climatique va nous surprendre, il suppose des capacités d'ajustement des contrats
36:35par justement collaboration entre assureurs et assurés extrêmement rapide. On est plutôt
36:41dans des horizons d'un an, deux ans, trois ans que dans des horizons de dix ans. Le rapport
36:46Langrenay, il a fallu négocier qu'il y ait un lobbying, qu'on veuille bien se déplacer,
36:52parce qu'il y a des enjeux tellement forts, il n'y a pas que les assureurs et les assurés
36:55qui sont autour de la table, il y a les collectivités locales, il y a le Sénat, c'est une doctrine
37:00du Sénat, c'est un peu une vache sacrée pour le Sénat, etc. Et donc on voit bien
37:05que cette chose-là évolue lentement face à un risque qui, lui, évolue très rapidement
37:12et pas nécessairement dans la direction attendue.
37:14Allez, vous avez trouvé quelque chose à nous dire, Pierre Champragnet ? Ou vous avez fait le tour ?
37:20Ce n'est pas que je n'ai rien à dire, c'est simplement que je pense que l'insistance
37:25sur le caractère incitatif, c'est très important. Je vais faire un détour. Par exemple,
37:33quand on a mis en place l'APL en 1979, en se disant qu'on allait faciliter l'accès
37:38à la location, en fait, on est entré dans un truc qui s'est avéré une connerie complète,
37:42parce que ça ne produit pas de logement et ça fait augmenter les loyers. Et cinq ans
37:47après, on n'arrive pas à en sortir. Donc la question aujourd'hui, c'est de ne pas faire
37:50de mauvais choix. Pour l'instant, le problème qu'on a, c'est qu'on a un système qui indemnise,
37:55mais qui, parce qu'il ne favorise pas la prévention, ne va pas nous faire aller dans la bonne direction.
38:01Comme disait Philippe, on a un problème de redistribution versus efficacité économique
38:08et on a choisi la redistribution, c'est-à-dire on a choisi d'indemniser tout le monde,
38:12mais ça se fait au détriment de l'efficacité économique, à un moment où avoir des incitations,
38:16c'est-à-dire concrètement aller vers faire payer le risque, c'est nécessaire pour pouvoir
38:20se prémunir. On a un Premier ministre qui est un type formidable, parce que figurez-vous
38:27qu'au moment où, justement, on ne pensait qu'à indemniser, lui, il a mis en place un
38:32fonds pour aider à la prévention des catastrophes naturelles. Cela dit, je ne sais pas si les
38:38entreprises ont des moyens suffisants pour mobiliser le fonds Barnier, parce que le problème
38:45c'est que pour pouvoir mobiliser le fonds Barnier sur un projet individuel, le projet
38:49d'une personne physique ou morale, il faut mettre en avant des risques pour la vie humaine.
38:54Or, je pense que ce n'est pas le cas des entreprises.
38:57Le premier risque, c'est l'économie.
38:59Je me demande si, en plus des incitations dans les prix, il ne faudrait pas pouvoir
39:04mobiliser le fonds Barnier pour des projets d'entreprise, c'est-à-dire à des fins
39:07de performance économique et d'efficacité économique.
39:10On pourrait repartir sur le débat. En tout cas, on peut passer le message au Premier
39:13ministre. Justement, Michel Barnier, peut-être pour faire évoluer, on l'a entendu, la réglementation
39:18et toujours plus de prévention. On aurait pu en parler pendant très longtemps, mais
39:21je pense déjà qu'on a fait un bon tour de table pour poser les enjeux de ce schéma
39:25assurantiel. Merci en tout cas à tous les trois de votre intervention. On peut vous
39:28applaudir.