On n'arrête pas l'éco avec Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT

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Au programme ce samedi : un débat de l'Europe aux USA, un détour par Pékin, un zoom sur l'économie des quartiers populaires en France et une question sur la vérification des arrêts de travail. Avec la secrétaire générale de la CGT, quelle revendications des syndicats face au futur gouvernement ?

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00:00L'invité du MAGECO ce samedi 14 septembre, c'est la Secrétaire Générale de la CGT.
00:04Bonjour et bienvenue Sophie Binet.
00:06Bonjour.
00:07Alors on aura un gouvernement la semaine prochaine, c'est ce qu'a dit le Premier ministre Michel Barnier.
00:11La droite veut en être et fait entendre ses revendications.
00:15A gauche, pour le moment, aucune personnalité n'a saisi la main tendue par l'Élysée.
00:20Vous Sophie Binet, qui avez appelé à voter aux législatives pour le NFP, quel est votre regard ?
00:25Est-ce que ne pas participer, c'est la meilleure stratégie ?
00:28Écoutez, ce n'est pas à la CGT de dire s'il faut participer ou pas.
00:32Moi, ce que je peux dire, c'est que nous sommes très inquiets par la situation,
00:36qui nous sommes totalement lunaires d'un point de vue démocratique.
00:38On a un Premier ministre qui est issu d'un parti qui a fait 5% aux élections législatives
00:43et qui, depuis qu'il a été nommé, c'est-à-dire depuis neuf jours,
00:46fait le tour de France des hommes politiques de droite
00:50et n'a pas dit un mot sur les sujets de préoccupation des Françaises et des Français,
00:55n'a pas rencontré les organisations syndicales,
00:57ne s'est pas exprimé sur la question des salaires, des services publics, de l'assurance chômage, des retraites.
01:02C'est la déclaration de politique générale, ça ?
01:04Eh bien, c'est ça, mais il serait temps quand même, parce que là,
01:06on est en décalage complet avec l'état d'esprit des Françaises et des Français.
01:10Et non seulement on a un Premier ministre issu du parti arrivé dernier aux élections,
01:15mais en plus, moi, ces déplacements me laissent à penser que le rassemblement de sa famille politique n'est pas acquis,
01:20puisque pourquoi est-ce qu'il passe neuf jours à faire ça ?
01:22Et donc, du coup, le problème, c'est que par son choix,
01:25Emmanuel Macron met en place le Premier ministre le plus faible de la Ve République,
01:29sur laquelle le Rassemblement National aura un droit de vie et de mort.
01:32Alors, il y a eu des mains tordues, quand même,
01:34et notamment un ancien syndicaliste, Laurent Berger, l'ancien numéro un de la CFDT,
01:39qui a combattu avec force, dans l'intersyndicale, la réforme des retraites.
01:42Il aurait fallu qu'il dise oui, Laurent Berger ?
01:45Écoutez, sa décision lui appartient, mais ce qui est sûr...
01:47En tout cas, il a été contacté avant Michel Barnier.
01:50Non, mais moi, je ne connais pas la nature de ces échanges avec Emmanuel Macron,
01:54mais je pense qu'il a posé des questions sur pour faire quelle politique,
01:59parce que c'est comme ça, la question clé.
02:01Et que dans ces questions, j'imagine qu'il a demandé
02:03s'il pourrait abroger la réforme des retraites,
02:06augmenter les salaires et mettre de l'argent dans les services publics.
02:09Et dès lors qu'Emmanuel Macron a refusé,
02:11puisque c'est pour ça qu'il a refusé un gouvernement nouveau au Front Populaire,
02:14c'est pour le programme, parce qu'il refusait d'avoir un changement de politique économique et sociale.
02:19Et c'est ça qui pose problème aujourd'hui.
02:20Alors, parlons-en, puisque de toute façon, à l'Assemblée Nationale,
02:23personne n'a la majorité absolue, donc il va bien falloir avancer différemment.
02:27C'est une aventure aussi pour les organisations syndicales de regarder comment ça se passe.
02:31Au sujet des retraites, le dossier le plus symbolique,
02:34on ne va pas tout remettre en cause, a dit en effet Michel Barnier.
02:37Il évoque l'amélioration de la loi, notamment pour les personnes les plus fragiles.
02:42Et il dit qu'il veut ouvrir un débat avec les partenaires sociaux.
02:45Est-ce qu'il y aura la CGT présente autour de la table ?
02:48Écoutez, on n'a toujours pas rencontré le Premier Ministre,
02:52donc je ne sais rien de plus que ses déclarations de presse.
02:55Moi, ce que je relève d'abord, c'est que pour que le Premier Ministre soit obligé de dire
03:01qu'il faut modifier cette réforme des retraites, c'est le signe quand même du rapport de force.
03:05Et ce rapport de force, il se traduit à l'Assemblée Nationale,
03:07puisqu'aujourd'hui, il y a une majorité de députés qui sont prêts à abroger cette réforme.
03:11C'est la voie qu'il faut prendre, puisque cette réforme, elle est violente, injuste.
03:15Elle a été imposée par la force contre les syndicats, contre le Parlement, contre les Françaises et les Français.
03:20Et donc là, moi, ce que je demande à Michel Barnier, c'est de mettre sa méthode à exécution.
03:24Il nous a dit qu'il voulait rompre avec la verticalité d'Emmanuel Macron, plus de démocratie,
03:28et bien qu'il laisse la main aux parlementaires pour faire ce qu'ils ont à faire,
03:32ou qu'il donne la main aux Françaises et aux Français
03:34pour que tout le monde puisse s'exprimer sur la question de l'abrogation de la réforme des retraites,
03:38parce qu'il faut l'abroger.
03:39C'est important ce que vous dites, Sophie Binet, parce qu'il y a un texte,
03:41il y a une proposition de loi qui a été déposée par le Rassemblement National.
03:45Elle sera examinée le 31 octobre à l'Assemblée.
03:48En effet, ce texte écrit par l'extrême droite peut passer si une partie des députés de gauche la vote.
03:53Est-ce que vous demandez, vous la secrétaire générale de la CGT, aux députés de gauche de voter ce texte ?
03:58Non, parce que c'est de la com', c'est de la posture,
04:01comme à chaque fois que l'extrême droite parle des questions sociales.
04:04Pourquoi ? Parce que pour être véritablement abrogée la réforme des retraites,
04:07elle a besoin d'avoir un vote à l'Assemblée, puis au Sénat.
04:10Or, on sait que l'extrême droite n'a pas de groupe au Sénat,
04:12donc cette proposition de loi n'arrivera jamais au Sénat.
04:15Donc pour nous, le bon véhicule pour abroger la réforme des retraites,
04:18c'est le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale.
04:21La réforme des retraites a été mise en place par un projet de loi de financement de la Sécurité Sociale.
04:25Elle doit être abrogée par le même véhicule.
04:28C'est la raison pour laquelle nous appelons à faire grève et manifester le 1er octobre,
04:31le jour où le budget arrive à l'Assemblée Nationale.
04:34Et la première de nos revendications, c'est l'abrogation de la réforme des retraites.
04:36Alors, je repose ma question.
04:38Mais si Michel Barnier vous propose donc un débat pour améliorer,
04:42est-ce que par exemple si la réforme est suspendue pendant les discussions,
04:45vous seriez autour de la table ? Ça c'est l'idée de la CFDT.
04:48Le point essentiel, c'est de dire que cette réforme ne doit pas s'appliquer
04:52et c'est là-dessus que tous les syndicats sont rassemblés,
04:54puisque nous l'avons dit il y a un an et demi, nous le martelons chaque jour depuis,
04:59cette réforme est mauvaise, il faut la retirer.
05:02Là-dessus, les syndicats sont unis et on se rassemblera toujours pour combattre cette réforme.
05:07Alors vous avez appelé en effet à la grève, vous dites « on est unis, on se rassemble »,
05:10mais bon, votre appel à la grève et aux manifestations le 1er octobre,
05:13il n'y a pas une grande centrale, la CFDT, Force Ouvrière, qui vous suit.
05:17Pour l'instant, l'intersyndicale a perdu du dynamisme.
05:21Écoutez, c'est normal parce qu'on l'avait dit, dans la durée évidemment,
05:25les choses ne restent pas comme dans l'intensité du conflit.
05:27Mais on voit des divergences entre vous face à ce gouvernement Barnier,
05:30on voit des différences de position.
05:31C'est normal, on a des organisations syndicales différentes,
05:34donc le jour où il n'y aura plus de différence entre la CGT et la CFDT,
05:37on sera dans un autre contexte syndical, et je pense qu'en France, ça n'arrivera pas.
05:42Donc ça, c'est sans étonnement.
05:44Par contre, moi, ce que je note, c'est que dans l'histoire syndicale
05:48depuis la Deuxième Guerre mondiale,
05:49jamais une intersyndicale n'a duré aussi longtemps.
05:52Puisque ça fait plus de deux ans que nous nous voyons régulièrement,
05:56que nous continuons à avoir des initiatives.
05:57Donc effectivement, à ce stade, le 1er octobre, tout le monde n'y est pas.
06:01Moi, j'espère que ça va s'élargir, mais on continue à avoir des initiatives ensemble.
06:06Le 1er mai, tout le monde n'y était pas,
06:08et le lendemain, on avait fait une grande initiative contre la réforme de l'assurance-chômage.
06:11L'essentiel, c'est qu'on est unis sur le fond,
06:14à savoir la nécessité d'abroger la réforme des retraites,
06:16d'augmenter les salaires et de mettre de l'argent dans les services publics.
06:19– Alors, le budget, les services publics,
06:21le déficit d'érable, Bruno Le Maire s'était en place à Bercy,
06:24il a fait ses adieux en appelant le nouveau gouvernement à ne pas revenir en arrière,
06:28à couper dans les dépenses publiques.
06:31Michel Barnier, lui, il a dit « je ne m'interdis pas une plus grande justice fiscale ».
06:35Ça vous rassure, Sophie Binet ?
06:36– C'est juste indispensable.
06:38Le bilan de Bruno Le Maire est scandaleux,
06:42je pense que ça restera le pire ministre de l'économie du pays.
06:45Bruno Le Maire et Emmanuel Macron ont braqué la caisse.
06:48En 7 ans, il y a eu 76 milliards de baisse d'impôts,
06:52essentiellement pour les plus grandes entreprises et pour les plus riches,
06:55et en contrepartie, l'austérité pour les salariés et pour les services publics.
06:58C'est avec ça qu'il faut rompre.
07:00Moi, j'entends dire qu'il faudrait trouver 20 milliards pour boucler le budget 2025,
07:04mais 20 milliards, on a plein de propositions à faire.
07:06Il y a quasiment 200 milliards d'aides fiscales aux entreprises chaque année,
07:10d'aides fiscales et sociales, sans contrepartie ni condition.
07:12On pourrait commencer à regarder là-dedans.
07:14Par exemple, regardons sur l'apprentissage qui nous compte,
07:16si je reprends les termes d'Emmanuel Macron,
07:19l'apprentissage nous coûte un pognon de dingue.
07:21– Il ne l'avait pas dit au sujet de l'apprentissage, vous le reprenez donc ?
07:23– C'est ça, au sujet des aides sociales,
07:25parce que visiblement, en fait, c'est à géométrie variable ce genre de discours,
07:28mais c'est quand même 20 milliards d'euros chaque année pour l'apprentissage,
07:31une somme qui a été multipliée par trois très récemment,
07:35et qui a un impact à peu près nul.
07:38– Vous croyez qu'avec Michel Barnier à Matignon,
07:40la politique pro-business, elle va se terminer ?
07:44– Eh bien, écoutez, il le faut.
07:48Après, encore une fois, le problème,
07:50c'est qu'il ne nous a pas dit grand-chose pour l'instant, ce Premier ministre.
07:52Donc, nous attendons qu'il s'adresse aux salariés,
07:55aux Françaises et aux Français pour nous dire ce qu'il veut faire.
07:58Pour l'instant, on n'y voit rien.
08:00– Alors, parlons aussi des salaires, cet après-midi, Sophie Binet,
08:03vous allez vous rendre à la fête de l'Huma,
08:05pour un débat que vous avez souhaité, me dit-on,
08:07avec le président du Medef, Patrick Martin.
08:09C'est vous qui l'avez quasi invité ?
08:11– Invité, oui, bien sûr.
08:13Pourquoi ? Parce que la CGT aime le débat contradictoire.
08:16Et c'est important de confronter avec le patronat.
08:19Et moi, ce que je vais dire à Patrick Martin,
08:22c'est que ce n'est pas possible que la seule vision du patronat français pour le pays,
08:25ce soit d'accroître les profits des entreprises.
08:28Ce n'est pas possible.
08:29Donc, on va commencer par parler salaire, par exemple.
08:32Je vais lui dire que depuis 2020,
08:36les salaires ont considérablement baissé par rapport à l'inflation.
08:39Que nous avons perdu, pour un salarié qui est au salaire médian,
08:42on a perdu 143 euros par mois de pouvoir d'achat,
08:47soit 1 700 euros par an de pouvoir d'achat.
08:50On est revenu à la situation de pouvoir d'achat de 2012.
08:53Donc, on est dans une décroissance totale.
08:54Pour quelqu'un qui combat la décroissance, Patrick Martin,
08:56je vais lui dire qu'en matière de salaire, là, c'est la catastrophe.
08:59Alors, lui, il va vous répondre, parce qu'il l'a répondu déjà,
09:01que les effets d'une augmentation du SMIC, par exemple, seraient ravageurs.
09:05Il n'a pas l'air très ouvert à une augmentation de salaire.
09:08On risque le dialogue de sourds, là, quand même.
09:10Écoutez, on va entendre ses arguments et je donnerai les miens.
09:14Ce qui est sûr, c'est que si les salaires avaient suivi les dividendes,
09:17on ne serait pas dans cette situation.
09:18Pour les coups, les dividendes explosent.
09:20Avec plus de 100 milliards distribués aux entreprises du CAC 40 en 2023,
09:24c'est un record.
09:25C'est là-dessus qu'il faut taper.
09:26Donc, encore un message pour les parlementaires dans le débat sur le budget.
09:30Là, il y a du gras.
09:31Donc, vous pouvez taxer les dividendes et les rachats d'actions.
09:33Alors, pour augmenter les salaires, il y a d'autres pistes.
09:35En tout cas, il y en a une qui a laissé le gouvernement Attal
09:38sur le bureau de Michel Barnier.
09:39Ça consisterait à nous refondre des allègements de cotisations
09:43pour que les augmentations de salaire coûtent moins cher aux entreprises.
09:47Il y a assez de rapports Bosio-Wassner.
09:50Et donc, si c'est moins douloureux pour les entreprises,
09:53elles feront plus d'augmentation de salaire.
09:54C'est ça, la logique.
09:55Est-ce que c'est une bonne piste, à votre avis, Sophie Billon ?
09:57La bonne piste, c'est de parler des exonérations de cotisations sociales.
10:00Et ce qui est sûr, c'est qu'il faut en sortir.
10:03Ça nous coûte extrêmement cher, quasiment 70-80 milliards d'euros par an.
10:08Ça n'a jamais été aussi élevé.
10:10On a des entreprises qui sont aujourd'hui sous perfusion des aides publiques.
10:13Donc, ce que je vais dire à Patrick Martin cet après-midi,
10:16c'est que l'addiction, ça se soigne.
10:18Il faut en sortir.
10:19Donc, nous, on est prêts à l'aider, de sortir de cette drogue aux aides publiques.
10:23On a des entreprises qui sont aujourd'hui sous perfusion.
10:26Ça n'est pas possible.
10:27Et aujourd'hui, ces aides publiques, elles sont néfastes
10:30puisqu'elles ne permettent pas de défendre notre industrie
10:33qui n'a jamais été aussi affaiblie qu'aujourd'hui.
10:35Notre balance commerciale est dans une situation catastrophique.
10:38Et du coup, vous voulez leur enlever les aides au moment où ça ne va pas ?
10:41Eh bien, ce que nous voulons, c'est réorienter les aides
10:44pour que ça soutienne vraiment l'économie, notamment les petites entreprises,
10:48les secteurs exposés à la concurrence, que ça soutienne vraiment la recherche.
10:52Par exemple, le Crédit Impôt Recherche, 7 milliards par an.
10:54On sait que Sanofi, c'est le champion du Crédit Impôt Recherche.
10:571 milliard en 10 ans, le nombre d'emplois de chercheurs divisé par deux
11:00pendant la même période.
11:01Donc, on a un vrai problème d'efficacité des aides publiques
11:03qui sont captées par les plus grands groupes.
11:05Bon, ça va être un débat intéressant à la fête de l'Humain.
11:07Entre Patrick Martin et Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT.
11:12Merci d'avoir accepté l'invitation d'On n'arrête pas l'écho.

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