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NewsTranscription
00:00Tant que j'aurai la chance de faire cette émission, elle sera là chaque année en septembre autour de la rentrée littéraire
00:05pour nous présenter son nouveau livre. Bonjour Amélie Nothombe.
00:09Bonjour Thomas.
00:10Merci beaucoup d'être là, je vous le disais avant de venir.
00:12Je suis toujours très content quand je vois des invités revenir l'année suivante
00:16parce que je me dis que ça ne devait pas être désagréable la dernière fois.
00:18Mais la dernière fois c'était du délire, il y avait des chanteurs d'oiseaux
00:22puis on avait bu un champagne grandiose, c'était que du bonheur.
00:25Si on n'a rien prévu, j'ai du café moyen à vous proposer maintenant.
00:31Vous publiez votre 33e livre Amélie, est-ce que vous êtes fixé un objectif ou une limite, 50, 100, 1000 ?
00:38Non absolument pas, la seule chose qui restera toujours vraie c'est qu'il y aura beaucoup plus de livres que de livres publiés
00:45puisque je publie le tiers de ce que j'écris et ça reste vrai et ça restera vrai.
00:49Vous en avez énormément.
00:50Je suis en train d'écrire le 110e, je n'en ai somme toute publié que 33, je suis extrêmement raisonnable.
00:55Vous avez de la marge effectivement.
00:57Celui-là nous ramène dans votre pays de cœur, il s'appelle L'Impossible Retour.
01:01Vous dévoilez d'ailleurs un petit peu l'issue de votre livre dans ce titre L'Impossible Retour
01:05parce qu'on sait que vous allez nous parler du Japon et visiblement vous avez du mal à y retourner,
01:09en tout cas à y retourner pour y vivre.
01:11Le drame quand je retourne au Japon c'est que je sais que je n'y retourne pas définitivement
01:17donc à la fois c'est un bonheur fou parce que c'est retrouver mon grand amour,
01:20le pays que j'aime le plus au monde,
01:22mais à la fois c'est savoir que je vais de nouveau repartir
01:26et que ça va renouveler le choc que j'ai vécu à l'âge de 5 ans
01:29quand j'ai quitté le Japon pour la première fois,
01:31choc dont je ne me suis absolument jamais remise.
01:33Et c'est tout ce chemin intérieur que vous nous racontez au cours de ces 10 jours,
01:37passer au Japon en mai 2023 avec l'une de vos amies
01:41qui va elle découvrir le pays pour la première fois.
01:43Ce voyage vous l'avez organisé d'ailleurs en vous disant
01:46j'en ferai peut-être un livre un jour ?
01:48Pas du tout !
01:49Vraiment j'étais déjà tellement stressée à l'idée de devoir guider cette grande amie au Japon,
01:55c'était la première fois que je guidais quelqu'un au Japon,
01:57et en plus quelqu'un d'exigeant,
01:59donc je me disais mon dieu il faut que je sois à la hauteur,
02:01ça me paniquait complètement.
02:03Bon finalement ça s'est pas trop mal passé,
02:06mais au moment même il m'était un peu imaginable,
02:09il était inimaginable de penser que j'allais écrire sur cette expérience.
02:13Et alors le Japon c'est, vous l'avez dit, le pays de votre enfance,
02:16ce livre c'est le récit d'une histoire d'amour impossible,
02:19finalement avec ce pays vous l'aimez,
02:21vous semblez même l'idolâtrer dans certaines pages,
02:25et vous vous sentez complètement incapable d'y retourner pour y vivre,
02:28et on a du mal à le comprendre parce qu'on se dit
02:30quel est le problème finalement d'écrire au Japon,
02:32en plus visiblement vous le faites,
02:33vous nous le racontez dans le livre,
02:34tous les matins vous levez pour écrire quand même.
02:36Le grand problème c'est que quand on vit dans un pays,
02:39il faut pouvoir travailler dans ce pays,
02:40alors évidemment je suis devenue écrivain,
02:42donc ça semble faisable,
02:44mais j'ai, quand j'étais jeune,
02:46j'ai travaillé au Japon comme employée,
02:48et donc j'ai fait la preuve que je n'en étais pas capable,
02:51nous ne sommes pas capables de travailler au rythme des japonais,
02:54et avec une abnégation telle que celle des japonais,
02:57je ne l'ai pas oublié,
02:59et bon, je sais que je suis une japonaise ratée.
03:03Et peut-être que vous êtes aussi un petit peu attachée à la France ?
03:06Par ailleurs, j'apprends à découvrir votre beau pays,
03:09et à m'y sentir extrêmement heureuse.
03:11Pardonnez-moi Amélie,
03:12mais quand on est écrivain,
03:13on se crée son propre rythme de travail,
03:15vous n'êtes pas obligée de travailler au rythme des japonais finalement ?
03:19Je ne suis pas obligée de travailler au rythme des japonais,
03:21mais je ne pourrais pas me créer une bulle
03:25totalement indépendante de la sphère japonaise,
03:28ce ne serait pas possible.
03:29Je le répète, quand j'étais jeune,
03:31j'ai travaillé à Tokyo,
03:33je sais ce que c'est que de travailler à un rythme tokyoïde,
03:35je crois que j'aurais honte au Japon
03:37de rester dans ma tour d'ivoire d'écrivain,
03:40alors que je sais comment travaillent les employés japonais.
03:43Et c'est vrai que quand on parcourt ce livre,
03:45ça ne donne qu'une envie,
03:46c'est de partir au Japon,
03:47même partir au Japon avec vous,
03:49mais je ne vais pas vous le demander,
03:50parce que visiblement, vous nous l'avez dit,
03:52ça vous stressait de devoir guider les autres ?
03:54Vous dites que vos souvenirs étaient comme endormis,
03:57vous aviez du mal à vous souvenir vraiment, concrètement,
04:00de où aller, quoi faire,
04:02et même des attractions touristiques très connues.
04:04Parfois, vous ne les aviez pas faites du tout,
04:06un peu comme un parisien qui ne serait jamais allé à la Tour Eiffel.
04:08Alors, ça dépend de quelle ville.
04:09Le Japon de mon enfance,
04:11qui est donc le Kansai, la région de Kyoto,
04:13là, j'ai été une guide mais impeccable.
04:15Je me souvenais de tout.
04:16Mon cerveau de petite enfant japonais fonctionnait parfaitement.
04:20Par contre, à Tokyo,
04:22là où j'ai passé mes années de jeune adulte,
04:24là, c'était vraiment, j'étais nulle.
04:27C'est vrai aussi qu'étant venue à Tokyo pour y vivre,
04:30je n'avais pas visité les trucs de base,
04:32de même que quand on va vivre à Paris,
04:34on ne visite pas la Tour Eiffel.
04:36Mais j'étais complètement à côté de la plaque.
04:38Heureusement que finalement,
04:39j'ai trouvé quelqu'un pour m'aider pour Tokyo.
04:41Je n'en sortais pas.
04:43Par contre, vous avez retrouvé votre Kansai-ben,
04:45le dialecte local, c'est ça ?
04:47C'est ça, le dialecte de mon enfance.
04:49Il est devenu très naturellement.
04:50Ça, c'est une chose que je vis chaque fois que je retourne au Japon.
04:53Chaque fois que je quitte le Japon, j'oublie le japonais.
04:55Chaque fois que je retourne au Japon,
04:57en un temps record,
04:59je sens remonter la marée du japonais de mon enfance,
05:02donc du Japon du Sud.
05:04Imaginez une Japonaise qui aurait vécu,
05:07je ne sais pas moi, en Provence,
05:09son enfance,
05:11et qui oublierait le français,
05:13mais qui reviendrait et qui parlerait avec l'accent du Midi.
05:15C'est ce que je suis.
05:17Donc là, si je vous demande de parler en japonais,
05:19vous en êtes incapable ?
05:21Je peux vous dire deux, trois trucs,
05:22mais je ne peux pas avoir une conversation suivie.
05:24Est-ce que vous pouvez me dire,
05:25on se retrouve dans un instant pour Culture Media.
05:27Non, la prochaine fois, vous me l'envoyez à l'avance.
05:29Ah oui, d'accord, c'est vraiment...
05:31Ah oui, non, mais vraiment, quand je dis que là, c'est vraiment...
05:33Il faut qu'on fasse cette émission depuis le Japon.
05:35Là, c'est marée basse.
05:36Là, c'est marée basse.
05:38L'impossible retour est disponible aux éditions Alba Michel.
05:41Et alors, dans ce livre, vous parlez aussi du Kensho.
05:44Ça n'a rien à voir avec l'ami de Barbie.
05:46C'est quelque chose que l'on ne peut ressentir qu'au Japon, le Kensho.
05:50Alors, qu'est-ce que c'est ?
05:51Réponse dans un instant, on revient.
05:53Vous écoutez Culture Media sur Europe 1 9h30 11h avec Thomas Hill.
05:57Et votre invité ce matin, Thomas, vous recevez l'écrivaine Amélie Notonga.
06:01Pour l'impossible retour qui vient de paraître chez Alba Michel.
06:05Et alors, dans ce livre, Amélie, vous parlez du Kensho.
06:08Quelque chose que vous ne vivez qu'au Japon.
06:11Et dans votre livre, ça vous est arrivé en marchant dans un jardin de théiers.
06:15L'arbre sur lequel poussent les feuilles de thé.
06:18Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que c'est le Kensho ?
06:20Alors, le but de la philosophie zen et du bouddhisme zen en général,
06:24c'est de connaître l'illumination.
06:25La grande illumination, c'est ce qu'on appelle le Satori.
06:28Bon, si vous rencontrez quelqu'un qui a connu le Satori,
06:31généralement, il vous fait l'effet d'un dingue complet.
06:34C'est quelqu'un qui est resté scotché au plafond et il est passé de l'autre côté.
06:37Nous sommes très rarement appelés à connaître le Satori.
06:41Mais ce qui peut nous arriver à chacun d'entre nous,
06:44n'importe comment et pas uniquement au Japon, c'est le Kensho.
06:48Qu'est-ce que le Kensho ? C'est l'illumination temporaire.
06:51Bon, c'est vrai que ça m'arrive de préférence au Japon.
06:54Pourquoi ? Parce que c'est mieux quand on est en présence de l'extrême beauté,
06:59quand on est hors du temps, quand on est dans des circonstances parfaites.
07:03On connaît tout à coup cet état.
07:05Je veux croire que ça nous est arrivé tous au moins un jour de notre vie,
07:08ne serait-ce que quand on tombe amoureux.
07:10Tout à coup, le temps n'existe plus.
07:12On est dans une espèce d'émerveillement.
07:14On est enfin tout à fait dans le présent.
07:16On n'est pas en train de se dire, après je dois filer à Europe 1 et acheter du champagne.
07:20Tout à coup, on est tout à fait déconnecté.
07:23On est enfin là, complètement.
07:25C'est ça, c'est un moment de déconnexion.
07:27C'est un moment de déconnexion et d'extase.
07:29C'est vrai que j'ai connu l'essentiel de mes Kensho au Japon,
07:32mais rien n'interdit de vivre un Kensho ailleurs qu'au Japon.
07:37Ça va peut-être nous arriver ce matin.
07:38Attention, à tout moment, un Kensho peut tomber.
07:40Dans votre livre, vous comparez certains aspects de la culture japonaise à la culture française.
07:44Il y a quelque chose que vous adorez, par exemple, au Japon, c'est le dimanche.
07:48Le dimanche qui est dévolu au vide.
07:50Et vous dites que les Français devraient apprendre à consacrer leur dimanche au vide.
07:55On ne sait pas faire ça.
07:56On ne sait pas faire ça parce que chez nous, le vide est très mal vu.
07:59Si on peut insulter quelqu'un, on lui dit mais tu n'es qu'un néant, tu n'es qu'un zéro.
08:03Alors qu'aux yeux de la culture japonaise, le vide, c'est le sommet.
08:08Quelqu'un qui atteint le vide, c'est le grand sage.
08:12Celui qui parvient à sortir du système.
08:14Et c'est quoi le vide ? C'est ne rien faire le dimanche ?
08:17C'est quoi le vide exactement ?
08:18Ça peut être ne rien faire mais c'est surtout se connecter avec une espèce d'au-delà de la sérénité.
08:25Avec tout à coup le sentiment que tout ce que vous faites le restant de la semaine pourrait très bien ne pas exister.
08:31Vous faites ça pour gagner de votre vie mais vous n'êtes pas dupe.
08:34Vous savez bien que l'essentiel est ailleurs.
08:36Et donc si le dimanche est dévolu au rien, c'est une hygiène mentale.
08:40C'est pour vous rappeler que ce que vous faites le restant de la semaine, vous savez que ce n'est rien.
08:45C'est la première fois que vous retournez au Japon depuis la mort de votre père qui était diplomate
08:51et qui avait un rapport extrêmement fort avec le Japon.
08:54Il est devenu le premier non-japonais au monde à chanter professionnellement le No.
08:59Le No qui est l'opéra médiéval aristocratique japonais.
09:02Vous savez l'imiter d'ailleurs ?
09:04Vous me demandez là de me faire...
09:07J'aimerais bien savoir à quoi ça ressemble le No.
09:09Alors ce que je vais vous imiter c'est très biaisé.
09:12J'imite mon père chantant le No.
09:14Et par ailleurs je ne suis pas mon père, ce n'est jamais que moi.
09:17Mais enfin vous l'avez demandé donc vous allez la voir.
09:39...
09:49Ça continue comme ça pendant 4 heures.
09:51Donc je vous épargne...
09:52Ah là j'ai eu un kencho là.
09:53J'ai eu une élimination.
09:55Qu'est-ce que ça raconte ce chant ?
09:57Qu'est-ce que ça dit ?
09:58Ah non mais là je faisais juste un bête jeu de mots.
10:01Mais l'action...
10:03Ce n'est pas un vrai No que je vous faisais là mais une imitation.
10:07L'action que racontent les spectacles de No qui durent en général 4 heures
10:12sont des actions extrêmement limitées.
10:15Par exemple il y a un No de nouvel an qui s'appelle Okina
10:21dont l'action se limite exactement à ceci.
10:23C'est le roi change de masque.
10:25Pas de masque au pluriel, du masque au singulier.
10:27Ça signifie qu'au début des 4 heures il a un masque
10:30et qu'à la fin des 4 heures il a un autre masque.
10:32Avec une lenteur extraordinaire il passe les 4 heures à changer de masque
10:36et voilà l'action.
10:38Ah oui d'accord, c'est fascinant.
10:40C'est très ennuyeux.
10:42C'est très beau.
10:44Ne vous fiez pas à la pénible imitation à laquelle vous avez assisté.
10:47C'est très beau mais là il faut accepter de sortir de notre conception du temps.
10:53Vous savez même les japonais quand ils assistent à un spectacle de No
10:58il est très régulier qu'ils s'endorment.
11:00S'endormir fait partie de la contemplation d'un spectacle de No.
11:03A votre retour en France, Amélie Notombe,
11:05vous avez l'impression que quitter à nouveau le Japon
11:08c'était comme dire au revoir à votre père une seconde fois.
11:11C'est ce que vous nous racontez dans ce livre.
11:13Oui, de façon particulièrement déchirante
11:15parce que mon père est mort depuis 4 ans.
11:17Vous me direz, elle a pu s'habituer quand même.
11:20Là l'an passé ça ne faisait que 3 ans.
11:22Comment expliquer ?
11:24Certains voyages font plus se rendre compte de la mort de quelqu'un.
11:29Mon père avait suprêmement réussi sa vie japonaise.
11:34Déjà par cette double casquette de diplomate belge le jour
11:40et de chanteur de No la nuit.
11:42Mais aussi parce que tout ce que moi je ne réussissais pas à faire au Japon,
11:46lui le maîtrisait parfaitement.
11:48Moi j'ai passé ma jeunesse à répéter à qui voulait l'entendre
11:52que j'étais japonaise jusqu'au moment où, mise au pied du mur,
11:55j'ai prouvé que je ne l'étais pas.
11:57Lui avait parfaitement réussi à convaincre les japonais qu'il était un japonais.