Mort de Nahel : les révélations qui changent l’affaire

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Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Pierre de Vilno pour débattre des actualités du jour.
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00:00Europe 1 Soir, 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:05Et c'est donc cette information européen que l'on vous révèle depuis ce matin,
00:09en même temps que dans le JD News, ce nouveau magazine d'informations adossé au JDD,
00:14que vous pouvez dès aujourd'hui trouver dans Kiosk.
00:16L'enquête de William Molinier sur l'affaire Nahel.
00:20Nahel, cet adolescent qui conduisait une voiture rapide et qui a été tué,
00:25qui a trouvé la mort en juin 2023.
00:29Nous sommes avec l'avocat de l'un des policiers,
00:32celui précisément qui a été mis en examen pour meurtre.
00:36Bonsoir Maître Liénard.
00:38Bonsoir.
00:39Merci d'être avec nous.
00:40Un an d'enquête méthodique.
00:42Et voilà que le dossier d'instruction révèle une version totalement à l'opposé
00:47de celle partagée par les parties civiles.
00:49C'est ce qu'a expliqué William tout à l'heure dans le journal.
00:52On est arrivé à un moment clé où, j'ai l'impression,
00:57on attend le réquisitoire définitif du parquet.
01:00C'est bien cela ?
01:01C'est ça.
01:02Les opérations d'instruction sont terminées.
01:04Les magistrats ont travaillé.
01:05Ils ont travaillé rapidement, de manière très efficace,
01:08à charge et à décharge.
01:09Et ils estiment qu'ils ne peuvent pas aller plus loin dans l'appréciation des faits.
01:15Et il appartient maintenant au parquet de se positionner,
01:18donc au procureur de la République, de dire si, selon lui,
01:21il faut renvoyer mon client devant une cour d'assises ou pas.
01:24Et les magistrats pourront, à ce moment-là,
01:27quand ils auront les réquisitions, prendre leur propre décision qui est libre.
01:30Ils peuvent décider de suivre ces réquisitions ou de ne pas les suivre.
01:34Ils peuvent décider en conscience d'envoyer ce policier devant une cour d'assises
01:38ou de dire qu'il n'y a pas lieu à le poursuivre.
01:40Sur les rares photos que l'on peut voir avec cette voiture jaune
01:43qui est conduite par cet adolescent,
01:46j'ai l'impression qu'on ne le dit pas suffisamment,
01:49mais un adolescent qui n'a pas son permis de conduire
01:51n'a pas à se trouver au volant d'une voiture.
01:53Naël Merzouk, qui est donc au volant de cette voiture jaune.
01:57Il y a deux policiers sur la photo.
01:59Il y en a un qui a, j'allais dire, les bras, les mains à l'intérieur de l'habitacle.
02:03Ça, c'est l'autre policier, c'est bien cela.
02:05C'est Julien, qui est défendu par Maître Rago.
02:09Et vous, votre client, c'est celui qui se trouve devant,
02:12avec le coude, j'allais dire, sur l'avant de la voiture,
02:16sur le pare-brise de la voiture, et qui tient une arme.
02:19C'est ça.
02:20Et donc, pour bien comprendre,
02:23c'est lui qui est mis en exemple, puisqu'il y a eu un coup de feu.
02:26C'est ça ?
02:27Et l'expert automobile, dans ce qu'a expliqué tout à l'heure William Molinier,
02:32dit que c'est parce que la voiture a bougé que ce coup de feu a dévié.
02:36C'est bien cela ?
02:37Oui, mon client, il vise les parties basses du corps de M. Merzouk.
02:41Il n'a aucune envie de le tuer.
02:43Mais il dit que si la voiture redémarre, il va falloir tirer sur ce conducteur
02:48pour l'empêcher de redémarrer.
02:50Parce qu'il sait que si la voiture redémarre, un drame va arriver.
02:53Oui, parce qu'il y a la place à Nanterre, où il y a énormément de monde,
02:57et il sait que la voiture va arriver à toute berzingue dessus,
02:59et qu'il peut y avoir des blessés à tout le moins.
03:02Exactement, ça va être un bullying.
03:05Il y a énormément de familles, il y a des étudiants, il y a des poussettes,
03:08il y a des trottinettes.
03:09Si la voiture débouche sur la place Nelson Mandela, qui est à 100 mètres de là,
03:13ça va être un carnage.
03:15Et donc lui a décidé qu'il ne fallait pas que cette voiture reparte.
03:18Et pour cela, il avait décidé que, comme c'était son seul moyen,
03:22il devrait, si la voiture décidait de repartir,
03:26ce qui était inimaginable, puisqu'il était monté dessus,
03:29il devrait appliquer un tir.
03:31Il voulait blesser le conducteur, de manière à ce que le conducteur ressente la douleur
03:35et ne puisse pas appuyer sur la pédale d'accélérateur de cet engin.
03:41Cette affaire a pris beaucoup d'ampleur.
03:44Il y a eu des émeutes ensuite, Maître Liénard.
03:46Et puis il y a eu cette phrase du Président de la République,
03:48le jour même, je crois, en déplacement à Marseille,
03:50où il dit que ces faits sont inexcusables.
03:52Comment est-ce que vous appréciez cette parole présidentielle
03:56et aussi, j'allais dire, soudaine et rapide ?
04:01Ce qui est inexcusable, c'est justement cette sortie.
04:05Le Président de la République n'a pas le droit de s'exprimer
04:10alors que la justice était saisie,
04:12alors que la présomption d'innocence existe,
04:14et lancer publiquement que ces faits sont inexcusables,
04:20ça veut dire déjà qu'ils sont fautifs,
04:22puisque c'est une faute qui est inexcusable,
04:24alors même que le policier pense agir dans son bon droit
04:29et il pense agir en protection des autres citoyens.
04:32Donc c'est une grave erreur, d'abord c'est une faute civile,
04:36la violation de la présomption d'innocence, c'est une faute civile,
04:40mais surtout c'est une grave erreur du Président de la République
04:44qui a conduit, à mon sens, à cette enflammée d'émeutes en France,
04:51alors même qu'il aurait dû au moins se taire.
04:55C'est ce que j'allais vous demander,
04:57vous pensez que le Président a participé à l'embrasement médiatique,
05:03et j'allais dire presque culturel dans certains quartiers,
05:06de cet événement ?
05:10Oui, je pense que les termes utilisés étaient très inappropriés,
05:15très dangereux, très mal pesés,
05:18et que ça a une part de responsabilité dans la suite des événements,
05:24ça a une part de responsabilité dans la mise en détention de mon client,
05:27qui est assez inédite,
05:29les policiers qui ouvrent le feu sur des refus d'obtempérer
05:32ne vont pas en prison, fort heureusement,
05:34mais lui s'est retrouvé en détention,
05:37il a été en détention pendant 4 mois et demi,
05:39sa vie a complètement basculé ce jour-là,
05:42on lui a brisé sa vie,
05:44et je pense que la parole présidentielle a été très lourde de conséquences.
05:49Votre client, quand aujourd'hui il revoit son uniforme de policier,
05:53comment est-ce qu'il le regarde ?
05:55Vous savez, c'est très difficile pour lui,
06:00parce que l'uniforme c'est quelque chose qu'il a porté quand il était militaire,
06:03quand il était policier,
06:05pour lui c'est un honneur de porter l'uniforme et les armes,
06:09pour protéger les autres,
06:11et c'est vrai qu'il a l'impression que cet uniforme ne représente plus grand-chose,
06:16parce qu'on l'a tellement piétiné,
06:18on l'a mis en détention,
06:20le président l'a lâché, tout le monde l'a lâché,
06:22il est évidemment très aigri,
06:27il y a eu un avant et un après,
06:32psychiquement il est terriblement atteint.
06:35Même si le réquisitoire du parquet est favorable à votre client,
06:40vous pensez qu'il a envie de passer à autre chose ?
06:43Ah oui, mon client n'a qu'une envie,
06:45c'est qu'on lui dise c'est fini,
06:47c'est fini, tu peux reprendre ta vie,
06:50tu peux faire ce que tu as envie de faire.
06:53Mais il ne sera plus policier ?
06:55Peut-être qu'il le sera encore,
06:57il y croit encore, il a encore la motivation,
07:00il pense que le métier qu'il a choisi,
07:02il ne l'a pas choisi par hasard,
07:04et il pense que c'est le plus beau des métiers du monde,
07:06gardien de la paix.
07:08On ne peut pas faire mieux,
07:10et malgré les contraintes, malgré l'expérience,
07:13je pense qu'il aurait toujours envie de donner de lui.
07:15Maître Liénard, si ce réquisitoire est en faveur de Florian,
07:19de ce policier que vous défendez,
07:21mais aussi de l'autre,
07:22qu'est-ce que ça signifierait pour la justice en France aujourd'hui ?
07:26Ça signifierait beaucoup de courage,
07:28ça signifierait que la justice reconnaisse l'état du droit,
07:33puisque le tir est légitime,
07:35le tir est fait dans le cadre des prévisions de la loi.
07:38Et la loi, ce ne sont pas les magistrats qui la dictent,
07:42c'est le Parlement.
07:44En France, il y a une séparation des pouvoirs,
07:46les représentants du peuple ont décidé
07:48de créer une loi en 2017
07:50qui autorise le tir dans de telles circonstances.
07:53Et je pense que si la justice va dans ce sens,
07:56rend un non-lieu à l'égard de Florian,
07:59c'est une action courageuse,
08:01parce que les pressions sont terribles,
08:03mais c'est aussi un message qui est de dire
08:06que les magistrats ne sont pas au-dessus des lois,
08:09ils appliquent la loi,
08:10et quand la loi est mal faite, il faut la changer,
08:12mais le magistrat lui-même, il est bien obligé de l'appliquer.
08:15Ce serait un message politique également,
08:18de soutien aux policiers ?
08:20Ce serait un message politique de soutien aux policiers,
08:23plus ou moins, vous savez, à mon sens,
08:25malgré ce qu'en disent certains magistrats,
08:27un juge ne doit pas faire de politique.
08:29Un juge, il applique la loi,
08:32et c'est dangereux,
08:35s'il commence à faire de la politique, c'est très très dangereux.
08:38Donc je pense qu'il ne faut pas vouloir donner un message politique,
08:43il faut vouloir donner un message de droit,
08:45il faut vouloir donner un message de rigueur juridique,
08:48de dire, moi je suis contraint par les textes,
08:51et ce texte, qui autorise le policier à tirer dans ce cadre,
08:54est légitime, il n'a pas fait l'objet d'abrogation,
08:58il est en cours d'application,
09:00et donc je me dois de l'appliquer.
09:02En tout cas, ça sera peut-être un signal à beaucoup de gens
09:05pour leur dire qu'on ne peut pas faire n'importe quoi en France,
09:08et ensuite monter des faits en épingle.
09:11Merci beaucoup Laurent-Franck Liénard d'avoir été avec nous ce soir sur Europe 1.
09:19Tandis que Nathan Devers est plongé dans l'enquête qu'a menée William Molinier,
09:24il a pu avoir le dossier d'instruction,
09:28ce qui n'est pas rien quand même entre les mains,
09:30plusieurs centaines de pages,
09:33et effectivement le travail des magistrats a été magistral,
09:36magistral c'est le cas de le dire,
09:37le travail des magistrats a été colossal
09:39pour aller jusqu'à engager un expert en automobile,
09:44et c'est peut-être là la chose clé,
09:48c'est que Nahel a dû redémarrer la voiture,
09:51réenclencher la vitesse, tout ça prend du temps,
09:53il y a eu un échange long avec les policiers avant que le drame n'arrive.
09:59Jean-Michel Salvatore, vous qui avez l'habitude de la communication publique,
10:04on se souvient de ce qui s'est passé en juin 2023,
10:08le drame, puis ensuite cette parole présidentielle,
10:11le jour même, cette mort est inacceptable,
10:14ces actes sont inacceptables, inexcusables,
10:16et ensuite des jours et des heures de violences et des meutes,
10:21et voilà que l'histoire finalement n'est pas celle qu'on croyait.
10:24Oui parce que dans cette affaire,
10:26il y a tous les excès de la société politico-médiatique qu'on vit aujourd'hui,
10:33il y a d'abord des images trompeuses,
10:35qu'on essaye d'instrumentaliser pour plaider sa cause,
10:40il y a des politiques qui parlent sans réfléchir,
10:43à commencer par le Président de la République,
10:45ce qui est quand même un petit problème,
10:47il y a aussi cette culture de l'excuse,
10:50qu'on tire tellement et tellement,
10:53que finalement on finit par justifier n'importe quoi,
10:55alors qu'on est face à un refus d'obtempérer,
10:59et face à un gamin qui avait quand même un casier judiciaire assez bien fourni,
11:03et puis dernière chose,
11:05il y a une instrumentalisation politique absolument incroyable,
11:09c'est à partir de là que la gauche,
11:12et surtout l'extrême gauche,
11:13se sont emparés de ce thème de la police qui tue,
11:16et on voit le résultat,
11:17et une fois qu'on fait une enquête,
11:19on se rend compte que ce n'est pas aussi simple que ça,
11:22et que c'est même beaucoup plus nuancé.
11:25Nathan Devers, la police tue, c'est devenu un dogme ?
11:28Oui, c'est devenu un dogme,
11:29c'est un dogme qui est absolument absurde,
11:32pour une raison très simple,
11:33c'est qu'il entretient une confusion volontaire,
11:37entre la critique qu'on peut avoir d'une institution,
11:39en l'occurrence la police,
11:40et il me semble qu'en République,
11:42il est tout à fait sain de critiquer les institutions,
11:45on peut critiquer l'hôpital public,
11:46on peut critiquer l'éducation nationale,
11:48on peut critiquer la police,
11:49quand on critique une institution,
11:51ça suppose d'avoir une réflexion critique sur son organisation,
11:54sur sa doctrine, sur son fonctionnement,
11:56ça ne revient pas à insulter les gens qui travaillent pour elle,
11:58et évidemment quand on dit la police tue,
12:00il y a la version américaine qui est encore plus claire,
12:02qui est all cops are,
12:03on ne va pas le dire en anglais mais en français,
12:05mais tous les policiers sont,
12:06et le terme est insultant,
12:07il s'agit évidemment de déguiser en critique institutionnelle,
12:12ce qui est une insulte à dominem,
12:13contre des gens qui mènent ce métier,
12:15alors sur l'affaire Nahel,
12:16moi j'ai l'impression quand même,
12:18et c'est le point commun avec George Floyd,
12:20on est dans une société où parfois une image,
12:23une vidéo en l'occurrence,
12:25déclenche comme ça une fièvre,
12:27et c'est ce qui s'est passé,
12:29en créant de l'indignation,
12:30et avec parfois aussi de la précipitation,
12:32et parfois un peu de populisme pénal.

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