Issus d’un milieu populaire, certains connaissent une ascension sociale fulgurante. C’est le cas d’Isabelle Barthélemy, fille d’un artisan boulanger auvergnat devenue médecin-urgentiste, dans le public et le privé. À cinquante ans, elle partage son temps entre le Samu de Dreux et une société d’assistance parisienne, entre la détresse omniprésente d’un monde rural en crise et le secours aux touristes en perdition à l’autre bout du monde. Ce film dresse le portrait d’une femme exceptionnelle, une femme authentique, en permanence dans l’urgence.
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PersonnesTranscription
00:00...
00:24...
00:32J'adore cet endroit, cet haie d'arbre.
00:34Il y a une petite église au fond, là-bas, qui est super belle.
00:37C'est la petite... J'adore cette route.
00:40-"Isabelle Barthélémy, 51 ans,
00:43médecin urgentiste au Samud de Dreux, en Eure-et-Loire.
00:46Un tourbillon de vie, une femme en état d'urgence,
00:50Isabelle ne s'arrête jamais."
00:51...
00:54Elle est partie pour 24 heures de garde.
00:56...
01:01Dreux, c'est une ville assez pauvre, il faut le dire,
01:04surtout par rapport à l'endroit où je vis,
01:08à Saint-Germain-en-Laye, où je vis dans un cocon.
01:11Mes enfants vivent dans un cocon, donc je ne...
01:14Je ne manque pas de leur dire qu'ils vivent dans un cocon
01:17et qu'ailleurs, on vit pas comme ça.
01:199h00, pile.
01:21Ah !
01:23D'après mon entourage, je suis un peu une agitée du bocal, c'est vrai.
01:27Mais voilà.
01:29Tu ne vas pas me laisser passer, lui ?
01:31Si.
01:46Je ne sais pas si tu as entendu parler.
01:49Il y avait du mec avec ses obus dans sa maison
01:51qui s'est fait péter un obus de la Deuxième Guerre mondiale
01:55dans les pattes.
01:56Le mec, il a la patte arrachée et un bout du bassin.
01:59Je ne peux pas te laisser ça.
02:01Parce qu'en fait, si tu veux, le type était en train de taper sur l'obus.
02:05...
02:08Allô ?
02:09...
02:10...
02:17Il y a le bip, là, qui...
02:18...
02:20Parce qu'on n'est pas rendus, hein.
02:22...
02:26Elle non plus, elle ne nous a pas entendues.
02:28La médecine d'urgence, ça me va bien,
02:30parce que j'ai plus ou moins un résultat, là, crac,
02:34et puis je dois travailler avec mes mains,
02:37j'ai les mains dans le cambouis, je regarde ma montre,
02:40il y a le timing qui est là.
02:41Certains diront, bah oui,
02:43elle est un peu cow-boy sur les bords, il faut que ça aille vite.
02:46Je suis le médecin, monsieur.
02:48...
02:49Vous avez fait ça quand à 9h, ce matin ?
02:52Vous vouliez en finir ?
02:54Oui ?
02:55Pour quelles raisons ?
02:57...
02:58Vous en avez marre ? Vous êtes tout jeune, là.
03:01Vous avez 60 ans, c'est ça ?
03:03Vous l'avez mis dans quelle direction, le fusil ?
03:05Vous l'avez mis perpendiculaire, comme ça ?
03:09...
03:13Et là, quand je parle, le ventre, je vous fais mal ?
03:15Là, oui, je vous fais mal ?
03:17Je vous mets un pansement, là, sur la plaie, monsieur, d'accord ?
03:21...
03:25Ça passe ou pas ?
03:26Ça passe super bien.
03:27Ça passe nickel.
03:28Attends, je le remplis un peu.
03:30C'est de la morphine.
03:33On a fait de la morphine, c'est peut-être ça qui vous a perturbés ?
03:38Hein ?
03:39Peut-être ?
03:40...
03:51Alors... Attendez deux secondes, les gars.
03:53T'as une dernière tentation ? C'est la même ?
03:56Monsieur, ça va ?
03:57...
03:59Attention pour lever. Envoyez.
04:02...
04:03Halte. Posez.
04:05...
04:06Posez vos verdures.
04:08On est dans la vraie vie partout quand on fait du smur,
04:11parce qu'on va chez les gens, dans leur intimité,
04:13on va chez eux, on va les prendre en charge dans leur pieu.
04:16T'imagines ça, d'aller prendre quelqu'un en charge dans son pieu ?
04:20C'est quand même... Moi, je connais plein de lits sur terre.
04:23T'en connais beaucoup, des lits, toi ?
04:25La balle, elle est passée soit dans l'abdomen,
04:28soit un peu dans les poumons, soit les devants, d'accord ?
04:31Et elle n'est pas ressortie.
04:33De toute façon, on va vous emmener à un endroit où on peut vous opérer.
04:36C'est pas une balle, c'est des plombs.
04:38C'est des plombs ? Donc ça disperse des plombs ?
04:41D'accord. Bon, écoutez, on va voir ça.
04:44De toute façon, vous allez avoir un scanner et tout ça, d'accord ?
04:47C'est des cartes de chasse de mon grand-père.
04:49C'est la carabine de mon grand-père.
04:51On me dit que c'est du 9 mm.
04:52J'ai cru que c'était qu'une balle, le 9 mm.
04:55J'y connais rien, en armes.
04:57C'est quand il est décédé, il m'a délégué ça, la carabine.
05:00...
05:03...
05:09...
05:19Pour sauver cet homme, il faut le transporter en plein Paris,
05:22à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière,
05:24où les plus lourds traumatismes sont pris en charge.
05:26...
05:29On descend au moins un, je crois, pour réveiller.
05:32S'il s'amuse... Tiens, c'est ça, la balle.
05:36Enfin, c'est ce qu'il y avait dans le fusil.
05:38Après, c'est des plonges, parce que c'est dedans, d'accord ?
05:41Merci beaucoup. J'appelle un peu plus tard pour avoir des news.
05:43Merci. Au revoir.
05:47Il se fait du bien, un peu d'air.
05:49...
05:52Le problème, c'est que ce genre de malade,
05:54ça peut quand même te péter à la gueule facilement, on va dire.
05:58J'étais vraiment étonnée qu'il soit stable
06:00pendant toute la prise en charge.
06:02...
06:07Le... C'est le quart de la croix, j'en fais un.
06:09...
06:13Oui, oui, à demain.
06:14Oui, bonjour, madame. Je suis le médecin du SAMU.
06:17Bonjour, madame. Ma fille de 5 ans a avalé une arrête.
06:20Elle a très, très mal.
06:21D'accord. Bon.
06:23Essayez de la calmer un petit peu.
06:25Elle respire sans problème ? C'est elle que j'entends crier ?
06:28Oui, elle respire sans problème.
06:29Bon. Alors, vous pouvez l'emmener aux urgences, votre petite ?
06:32On va l'enlever sans problème.
06:34Je n'ai pas de voiture, en fait. Je n'ai pas de voiture, je ne peux pas.
06:36Je n'ai pas de voiture.
06:38Déjà, essayez de vous calmer et surtout de ne pas paniquer,
06:41parce qu'une arrête de poisson, madame, ce n'est pas grave.
06:44Ça ne peut pas perforer quelque chose de grave.
06:45Non, mais même si c'est enfoncé dans l'amidale,
06:48ce n'est pas dangereux.
06:49Après, quand elle va être aux urgences,
06:51l'urgentiste, il va prendre une grande pince
06:53et il va enlever l'arrête, il n'y a aucun problème.
06:55D'accord ? D'accord.
06:56Voilà. Donc, faites redescendre la pression.
07:00D'accord.
07:01D'accord ? Vous avez eu un petit moment de panique, mais voilà.
07:04Maintenant, vous prenez votre temps, vous vous organisez avec vos voisins
07:08et puis vous n'êtes pas loin des urgences.
07:09D'accord ?
07:11Oui.
07:12OK, on fait comme ça ?
07:13OK. Bon, merci beaucoup, madame.
07:14Je vous en prie. Au revoir.
07:20T'es déjà en étoile, c'est bon, moi.
07:24Je ne me prends de rien, ce matin.
07:27Merci.
07:44Bon, t'es même pas avec moi pour la grosse inter qui va arriver, c'est ça ?
07:48Je suis très attachée à l'hôpital public
07:50parce qu'effectivement, on prendra tous les patients.
07:53On ne va pas chercher à savoir s'ils ont une CMU,
07:56une carte en bonne et due forme, etc.
07:58Il y a plein de patients qu'on prend, on ne connaît pas leur identité au départ.
08:02Et puis, moi, je suis quand même très sentimentale
08:04dans ma façon de fonctionner et dans la vie,
08:06donc c'est quand même là où j'ai appris mon métier.
08:08J'aime aussi cette ambiance.
08:17Alors, le soleil se lève.
08:24Quand on prend sa voiture, qu'on monte dans sa voiture,
08:27déjà, on a fini ses 24 heures de gare, on est content de rentrer chez soi
08:30et on trouve que tout est beau.
08:32Voilà, tout est beau. Même Dreux, c'est une belle ville.
08:53Musique douce
08:56...
08:59Merci.
09:00...
09:18Oh, j'ai pas vu !
09:19...
09:26Ca va, alors ? T'es allé courir, aujourd'hui ?
09:28Ouais. Ca va mieux, la gambette ?
09:30Oui.
09:31Ah ouais ? Et alors ? Pas trop de douleur ?
09:34Non, c'est là qu'il fait.
09:35...
09:46Oh, là ! En dessous, voilà.
09:50J'ai pas eu mon bisou, mon petit barbou.
09:52Oui, bah, nous aussi.
09:57Bon, pisse à la dierre, maison.
09:59Maman a pleuré toutes les larmes de son corps, ce matin,
10:01pour éplucher les oignons.
10:04Ca va aller, je pense.
10:11Les morfales, là, tu les connais pas, hein ?
10:13Non.
10:14Si tu leur proposes de la viande...
10:19Une.
10:20Elles sont grosses.
10:21Juju, tu veux une ou deux tranches ?
10:23Une.
10:24Tiens.
10:25Elle veut toujours faire quelque chose, en fait.
10:28Une journée sans faire un truc sportif ou un truc utile
10:31n'est pas une journée réussie, en fait.
10:33Bon, d'accord.
10:34C'est sa personnalité.
10:36Elle a envie de faire des choses.
10:38Elle veut faire trois choses à la fois.
10:40Elle les fait plutôt pas mal.
10:41Elle se fait des notes avec ce qu'elle a à faire, son programme.
10:44Donc, ce sont des patches qui sont plus ou moins grandes.
10:47Même parfois, elles sont pas assez grandes.
10:50Et elle organise les choses.
10:52Et...
10:53Elle avance comme ça.
10:54Elle a besoin de...
10:56De...
10:57Elle veut faire des choses.
10:59Oui, je pense que c'est plus une volonté
11:01qu'un besoin ou une nécessité pour elle.
11:03C'est...
11:05Elle pense qu'une journée, c'est trop court.
11:07Je l'appelle Mme 6 000 volts,
11:09et quand elle part, elle m'en laisse 2 000, c'est pas mal.
11:13Elle donne de l'énergie, en fait.
11:15C'est une gourmande absolue.
11:17C'est-à-dire que pour parvenir à vivre toutes les vies qu'elle veut vivre,
11:21elle doit vivre dans l'urgence.
11:23Elle a choisi un métier d'urgentiste, c'est pas au hasard, probablement.
11:26Et sa vie est une vie de femme...
11:28qui vit dans l'urgence de tout connaître,
11:31ou de connaître le plus possible, pour n'avoir aucun regret.
11:34Je n'ai jamais entendu dire la phrase
11:37que j'ai peur, en fait.
11:38Je n'ai jamais vu avoir peur de quelque chose,
11:42que ce soit une grosse bête ou quoi.
11:45Un jour, on était dans la ville,
11:48et elle était partie courir vers 22h.
11:53Et du coup, il faisait nuit,
11:54et donc elle rentre vers minuit, minuit et demi,
11:57et on lui dit, mais t'étais où ? On était morte de peur, et tout ça.
12:00Mais j'étais en haut d'un arbre, en fait.
12:03Il y avait des sangliers en bas, et du coup, j'attendais qu'ils partent.
12:06Et elle nous a dit ça, comme si elle venait acheter une brique de lait.
12:09Donc elle a peur de rien, c'est incroyable, en fait.
12:13C'est super drôle.
12:15Ouais, je n'ai jamais vu avoir peur, en fait.
12:20Les mères câlins.
12:21Les mères câlinoux.
12:22Elle est un peu...
12:23Mais la fille aussi.
12:24Elle est collante, un peu.
12:34Isabelle intervient aussi à mi-temps pour Fidelia,
12:37une société d'assistance
12:38pour laquelle elle assure les rapatriements sanitaires.
12:41Elle aime ces moments d'évasion.
12:43Des allers-retours dans le monde entier
12:45pour des victimes d'accidents ou de maladies.
12:47Aujourd'hui, direction Cracovie, en Pologne,
12:50pour un rugbyman qui s'est fracturé les vertèbres.
12:54Je t'appelle quand on part de là-bas ?
12:56Oui, pour dire à peu près...
12:57A peu près dans combien de temps on arrive, d'accord ?
13:00Ça marche. A tout à l'heure.
13:01Allez, bon courage. Merci.
13:05Bon, j'ai sorti des haricots verts, tu diras à Alain,
13:08et puis je vous ai sorti de la viande pour midi.
13:10Et puis moi, je rentre ce soir, d'accord ?
13:12Bisous, ma puce. À ce soir.
13:16Bon, ça s'est fait. Alors...
13:19Toujours gérer les enfants, même à l'autre bout du monde.
13:24Allô, maman ?
13:26Qu'est-ce que t'as fait de ça ou ça ?
13:28J'ai perdu mon...
13:30J'ai perdu mon livre. Il me faut des sous.
13:33Voilà. Classique.
13:35Classique, classique.
13:36Et puis, bien sûr, il leur faut des trucs que...
13:39À quelques milliers de kilomètres, je peux pas leur donner.
13:42Moi, je peux.
13:43Je peux.
13:57Alors...
13:59Qu'est-ce qu'on peut faire, maintenant ?
14:01On met d'abord les...
14:02J'ai réussi en posant pieds, comme ça.
14:04Ouais.
14:07Heureusement, vous êtes sportif, donc ça aide.
14:12Attendez juste un instant.
14:14Ça va ?
14:16On a fait le plus gros.
14:18Après, vous êtes tout le temps allongé.
14:20D'accord ?
14:23À l'aéroport, on va...
14:25D'accord ?
14:27Juste comme ça, pour la route.
14:31Je peux le faire.
14:33Ne vous en faites pas.
14:35Il ne m'écoute pas.
14:37Il ne m'écoute pas.
14:42Je peux finir. Ne vous en faites pas.
14:44Vous pouvez y aller.
15:12J'ai passé le concours de l'UER EPS,
15:15d'éducation physique et sportive, à l'époque.
15:17Et puis, je n'ai pas pu aller à l'UREPS.
15:20Et j'ai un ami qui passait par là,
15:23qui allait s'inscrire en médecine,
15:24qui, lui, voulait être ophtalmo.
15:25Et puis, mon copain me dit,
15:27tu feras de l'anatomie, de la physio,
15:29ça t'avancera pour l'année prochaine.
15:31Je dis, pourquoi pas ?
15:33De toute façon, j'étais relativement désabusée
15:34de ne pas pouvoir faire prof d'éducation physique
15:36parce que j'avais ça en tête depuis toujours.
15:38J'étais vraiment dans mon trip
15:40à faire du sport 20 heures par semaine.
15:42Et finalement, ça m'a bien plu.
15:45Je me suis prise un peu au jeu
15:47et au challenge du concours.
15:50Je ne sais pas.
15:52Et finalement, franchement, je ne regrette rien
15:56parce que je crois qu'aujourd'hui,
15:57je serai prof de gym hyper aigri
16:00dans les collèges ou les lycées
16:01à faire chier mes élèves.
16:02Parce que, voilà.
16:05Donc, ça ne le ferait pas.
16:07Je crois que je suis mieux à ma place ici.
16:11Musique douce
16:16Isabelle a grandi en Auvergne, à Tiers,
16:19une ville de 13 000 habitants.
16:22Dans les années 50,
16:24cette cité ouvrière produisait des couteaux
16:26pour toute la planète.
16:28Elle connaissait alors son âge d'or.
16:30Puis la Chine est devenue l'atelier du monde,
16:32les usines ont fermé
16:34et la ville s'est éteinte peu à peu.
16:36Tiers, si j'ai aimé cette ville.
16:39Comment dire ?
16:43Non.
16:45Isabelle n'aurait jamais imaginé
16:47sa vie à Tiers.
16:49Il fallait qu'elle puisse profiter de la vie,
16:51c'est-à-dire du théâtre,
16:54de pas mal de choses.
16:56Il fallait qu'elle s'éclaire un peu.
17:03Et pourtant, j'ai passé des bons moments, malgré tout.
17:05En toute liberté,
17:07avec des parents qui travaillaient beaucoup,
17:09qui étaient commerçants,
17:11qui fermaient la boutique à 8h30 ou 9h du soir.
17:15Et moi, j'ai usé les trottoirs à Tiers,
17:17parce que j'y ai fait du patin à roulettes,
17:19du vélo, du foot,
17:21aux éclaireurs, d'aller en camp,
17:23le thé.
17:25J'ai le souvenir d'une enfance assez géniale.
17:27Parce que tous mes petits copains,
17:29qu'on appelait à 18h30,
17:31« Allez, François, Julien, au bain ! »
17:33Moi, le bain, c'était beaucoup plus tard,
17:35si on avait le temps.
17:39Elle était formidable, cette gamine.
17:41C'est vrai qu'elle bougeait tout le temps.
17:45Elle voulait toujours faire quelque chose.
17:47Je ne sais pas quel âge elle avait.
17:49On avait une porte entre le magasin
17:51et l'arrière-boutique.
17:55Il y avait beaucoup de monde au magasin.
17:57Je ne voulais pas qu'elle ouvre la porte,
17:59parce qu'elle voulait voir sa mère
18:01en train de vendre.
18:03Je lui dis, Isabelle,
18:05il faut fermer la porte.
18:07Elle m'a donné une petite tape
18:09sur la main haute.
18:11Je lui ai donné une petite tape sur la cuisse.
18:15Elle a recommencé 17 fois.
18:17Je frappais sa cuisse
18:19toujours un petit peu plus fort,
18:21pour qu'elle comprenne bien
18:23qu'il ne fallait pas le faire.
18:25Mais elle était entêtée comme ça.
18:27C'est son caractère.
18:29Elle sait ce qu'elle veut.
18:53Isabelle, quand elle était petite,
18:55c'était une petite merdeuse.
18:57Et très chipie.
18:59C'était un petit peu
19:01la chouchou de son papa.
19:03Elle était très proche de papa.
19:05Ça m'a valu quelques ennuis,
19:07parce que de temps en temps,
19:09j'ai pris des petites corrections
19:11à cause d'elle.
19:13On se disputait beaucoup.
19:15Et puis, en fin de compte,
19:17c'était des petites disputes sympas.
19:19Ça reste ma petite sœur.
19:21C'est arrivé qu'on parte ensemble
19:23faire du vélo,
19:25mais au niveau sportif.
19:27Je me rappelle d'une fois
19:29où elle a pris une très belle gamelle.
19:31J'ai eu très peur.
19:33Surtout peur de me faire disputer.
19:35Et surtout peur pour elle,
19:37qu'elle se fasse très mal.
19:39Elle est rentrée,
19:41toute arrachée,
19:43la cuisse en sang.
19:45Elle n'a pas bronché
19:47jusqu'à la maison,
19:49alors qu'on était à une vingtaine
19:51de kilomètres de la maison.
19:53Un vrai garçon.
20:05Fidelia est partenaire
20:07de la Fédération française du rugby.
20:09Sur le bord du terrain,
20:11le Dr Barthélémy a pour mission
20:13d'intervenir uniquement
20:15si le joueur ne peut plus se relever.
20:19C'est ce qu'il a fait.
20:23Je suis toujours admirative
20:25des grands sportifs,
20:27parce qu'en fait,
20:29ce sont tous des gens qui ont l'amiable,
20:31qui ont de la volonté,
20:33qui s'entraînent beaucoup.
20:35Moi-même, j'ai fait beaucoup de courses à pied,
20:37j'ai fait des marathons,
20:39et j'aime cette ambiance de sportif,
20:41d'entraide,
20:43de gens qui sont tous là
20:45pour une bonne cause,
20:47pour faire des prouesses,
20:49des challenges, etc.
20:55C'est génial de baigner
20:57dans des ambiances très différentes.
20:59Ce qu'on fait là, ce soir,
21:01c'est très différent du Samu,
21:03ou des rapatriements,
21:05ou des urgences.
21:07On baigne dans différents mondes,
21:09on passe d'un monde à l'autre,
21:11et ça aussi, c'est passionnant.
21:14Un jour, elle nous a dit
21:16« je passe le concours pour être
21:18médecin de la sécurité sociale ».
21:20Tous les amis
21:22ont été hyper surpris,
21:24parce qu'on n'imagine pas Isabelle
21:26assise derrière un bureau
21:28à s'occuper des dossiers.
21:32En 1995,
21:34c'est Isabelle qui a eu besoin du Samu.
21:36Un grave accident de moto.
21:39Elle souffre de multiples fractures
21:41aux côtes, aux bassins et aux pieds.
21:43Elle est immobilisée pendant près de 10 mois,
21:45interrompue dans son élan de vie.
21:53J'avais l'angoisse de retourner en garde,
21:55de ne pas assumer mon boulot.
21:57J'avais l'impression d'avoir oublié
21:59plein de choses,
22:01de ne plus savoir prendre en charge.
22:03J'avais beaucoup de stress,
22:05comme si j'étais jeune interne.
22:08J'ai retrouvé une ambiance de travail
22:10qui ne me correspondait plus.
22:12J'avais dû décompresser
22:14pendant mes 10 mois.
22:16Malgré tout, j'étais loin
22:18de ce milieu des urgences
22:20qui est extrêmement stressant,
22:22extrêmement dur.
22:24C'est un milieu qui me paraissait
22:26soudain hostile.
22:28Elle a passé le concours.
22:30Comme c'est une bête à concours,
22:32elle l'a eu.
22:34Elle a réussi parmi les premiers.
22:36C'était l'endroit
22:38où elle allait être.
22:40Elle a fait.
22:42Tout d'un coup,
22:44vie normale,
22:469h, 17h,
22:48plus de week-end,
22:50plus de garde de nuit,
22:52en tailleur tous les matins,
22:54bien sapée,
22:56contente comme tout.
22:58J'avais fait un gros boulot
23:00pour traquer certains médecins
23:02entre guillemets véreux
23:04qui abusent de cotation.
23:06Heureusement, il y en a très peu.
23:08C'est très marginal.
23:10Je me disais qu'il faut les coincer
23:12parce qu'on a un sentiment
23:14de dire qu'on fait un peu de justice.
23:18Avec toutes ces palabres juridiques,
23:24on est dans un carcan administratif
23:26qui nous empêche
23:28de travailler vraiment,
23:30d'être efficace.
23:32Ça commençait à m'agacer.
23:34Dans le même temps,
23:36je voyais mes collègues hospitaliers
23:38et j'avais envie
23:40de m'occuper des patients.
23:42Messieurs, dames,
23:44bonjour.
23:46Je suis le médecin du SAMU.
23:48Qu'est-ce qui se passe ?
23:50Vous avez mal comment ?
23:52Ça pique, ça brûle, ça serre ?
23:54Ça tire ?
23:56Est-ce que vous buvez un peu d'alcool ?
23:58Vous en avez bu aujourd'hui ?
24:00Vous avez bu quoi ?
24:02Pastis.
24:04Combien ? Deux, trois ?
24:06Trois, quatre.
24:08Et en principe, dans la journée,
24:10vous buvez quoi ?
24:12Quatre pastis le midi, quatre le soir ?
24:14Un peu plus le soir ?
24:16Un peu plus le soir quand vous êtes tous ensemble.
24:18Mais quand même tous les jours ?
24:24Il n'a pas une tête
24:26trop pathologique, l'électro,
24:28on élimine un peu l'infarctus,
24:30tout ça, donc bon.
24:32J'ai tous les défauts.
24:34Les défauts, non.
24:36Quelques petites pathologies, on va dire.
24:38C'est un peu...
24:40Le premier diabétique dans la famille,
24:42à part mes parents,
24:44ma mère est tombée aveugle, mon père a pété une jambe.
24:46Ils sont tous diabétiques dans votre famille ?
24:48Non, à part les autres,
24:50ils n'arrivent que maintenant.
24:52Ah, d'accord.
24:54C'est bien, ça vous fait rire.
24:56Vous avez moins mal, là, non ?
24:58Ça sert quand même.
25:00Moi, je rigole toujours.
25:02Vous rigolez toujours, c'est super, ça.
25:04Je vais vous ausculter correctement
25:06et si vous parlez, je prends tout dans les oreilles.
25:08Ça serait dommage.
25:10Surtout que vous avez des belles oreilles.
25:12Ça va bien.
25:14J'ai cru qu'il allait me dire
25:16vous avez de beaux yeux, mais c'est dommage
25:18que les oreilles les cachent.
25:20On est partis pour rigoler.
25:22Bon, allez.
25:24Je vais vous servir.
25:26Allez, je vais goûter.
25:30Au niveau de l'odeur,
25:32ça me fait un petit bref, là.
25:34Il pue les pieds, là.
25:36On enlève les chaussures.
25:38Je pense qu'on va aller aux urgences.
25:46Mais c'est quand même, malgré tout,
25:48typiquement le patient dont il faut se méfier
25:50parce que diabétique, de toute façon,
25:52avec le SMUR,
25:54je vis la vraie vie
25:56de beaucoup, beaucoup de Français.
25:58C'est-à-dire que je vois plein de gens
26:00qui sont au chômage,
26:02je vais chez des vieux qui ont une toute petite retraite
26:04qui n'ont même pas de chauffage chez eux
26:06ou des fois, tu les prends en charge,
26:08ils ont 34 de température parce qu'en plein hiver,
26:10ils n'ont pas les moyens de faire du chauffage
26:12et tu les trouves, ils sont glacés
26:14et tu n'en reviens pas qu'ils n'aient pas les moyens
26:16d'avoir du chauffage.
26:18Effectivement, ça, c'est la vraie vie.
26:22Dreux est une ville
26:24qui a, dans le passé,
26:26beaucoup investi sur l'industrie lourde.
26:28Dreux était une capitale
26:30de l'industrie automobile
26:32sur les quais de Marseille,
26:34il y avait des panneaux à l'époque
26:36« Vous cherchez du travail ? Montez à Dreux ».
26:38Ils sont venus, ils ont construit des Renault
26:40et maintenant, il n'y a plus de Renault à construire à Dreux
26:42et donc ils sont là.
26:44Donc une grosse population immigrée,
26:46il y a, je crois, 56 ou 67 nationalités à Dreux.
26:48On a un taux de chômage important.
26:50Donc une misère sociale importante.
26:52Et tous ces gens-là,
26:54ils sont clients de nos services
26:56hôpital, urgences, SAMU.
26:58Bonjour madame, je suis le médecin du SAMU.
27:00Vous avez été opérée sous anesthésie locale ce matin ?
27:02Oui.
27:04Et qu'est-ce qui se passe là ?
27:06Vous n'êtes pas bien ?
27:08Vous avez mal ? Qu'est-ce qu'il y a ?
27:10Après tout ce qu'il y a, c'est que j'ai eu une faiblesse.
27:12Oui.
27:14Et j'ai beaucoup envie de vomir.
27:16Vous avez beaucoup envie de vomir.
27:18Et vous n'avez aucun lieu où aller
27:20pour vous reposer cet après-midi ?
27:22Non.
27:24Vous n'avez pas d'habitation ?
27:26Non.
27:28Depuis quand vous êtes dans la rue ?
27:30Deux ans.
27:32Deux ans ?
27:34J'ai dû quitter le père de ma fille en urgence
27:36et je me suis retrouvée comme ça.
27:38Vous avez quitté le père de votre fille, pourquoi ?
27:40Parce qu'il nous battait.
27:42D'accord.
27:44Et votre fille, elle est où ?
27:46Elle est en garde chez mes parents.
27:48Et vous ne pouvez pas aller chez vos parents, vous ?
27:50Non, je ne m'entends plus du tout
27:52avec ma mère, donc je ne peux pas.
27:54Mais dans ces cas-là,
27:56vos parents vous laissent dans la rue ?
27:58Oui.
28:00Et vous ne voyez plus votre fille ?
28:02Je la vois qu'en lieu
28:04médiatisé, c'est tout.
28:06D'accord.
28:08Je vous envoie une ambulance, madame, d'accord ?
28:10D'accord.
28:12Et Karine, la dame SDF,
28:14tu m'envoies une ambu sur place
28:16pour la ramener à l'hôpital et il faudrait qu'on appelle
28:18les urgences de Chartres pour leur dire qu'il la garde
28:20au moins l'après-midi pour qu'elle se remette de son truc.
28:22C'est souvent en régulation qu'il y a le plus de procès
28:24parce qu'en fait, c'est vachement difficile
28:26d'évaluer par téléphone la gravité.
28:28D'autant que
28:30il y a des gens qui
28:32minimisent
28:34leurs mots, M-A-U-X,
28:36qui minimisent
28:38dans le langage aussi,
28:40et puis il y a des gens qui en rajoutent
28:42des caisses et qui déclencheraient
28:44trois s'murs alors que
28:46ils n'ont pas grand-chose.
28:48Donc il faut faire la part des choses par téléphone,
28:50il faut poser les bonnes questions, il faut avoir aussi la patience
28:52de poser les bonnes questions puisque
28:54moi, je ne m'avoue pas très, très patiente.
28:56J'ai des collègues qui se le sentent bien
28:58plus que moi.
29:00Je ne peux plus
29:02prendre la jambe.
29:04Les deux.
29:06Vous pouvez plus quoi ? Je n'ai pas compris.
29:08Les deux jambes, oui.
29:10Ça fait quoi, les deux jambes ?
29:12Ça fait...
29:14Ça fait les deux jambes, ça fait...
29:16Ça me fait...
29:18Oui.
29:20Ah oui ?
29:22Si vous voulez, il ne peut pas mettre sa jambe vraiment bien droite.
29:24Donc ça le tient un peu dans les jambes et dans le dos.
29:26D'accord. Parce que ce n'est pas ce qu'il m'explique
29:28mais il me dit qu'il ne peut plus plier les jambes.
29:30Si vous voulez, il ne peut pas, peut-être pas vraiment
29:32la plier, mais il ne peut pas...
29:34Vous savez, il ne peut pas l'allonger, sa jambe.
29:36Il ne peut pas l'allonger.
29:38Lui, il me dit qu'il ne peut pas plier. Vous, vous me dites qu'il ne peut pas l'allonger.
29:40Je suis perdue, là.
29:42Je vais me faire voir qu'il ne peut pas l'allonger.
29:44Vas-y, allonge la jambe.
29:46Si vous voulez, il l'allonge, mais pas comme il faudrait.
29:48Bon.
29:50Vous ne pouvez pas l'emmener aux urgences, vous ?
29:52Vous savez, mais je n'ai pas de voiture.
29:54Bon, alors je vais vous envoyer une ambulance.
29:56D'accord, ce serait gentil.
29:58Excusez-moi, mais je n'ai pas de voiture, je n'ai pas de permis.
30:00Je suis toute seule.
30:02Par contre, il faudrait peut-être qu'il ait un médecin-traitance, monsieur.
30:04Ça serait peut-être plus simple.
30:06Parce qu'aller à l'hôpital
30:08tous les quatre matins quand on a un pet de travers,
30:10ça ne va pas le faire. Il faudrait qu'il ait un médecin-traitance.
30:12Vous voyez ce que je veux dire ?
30:14Ils avaient les honneurs de leçon
30:16de temps en temps, oui.
30:18Parce que, responsables,
30:20nous gérons
30:22des moyens qui coûtent très cher.
30:24Le fait d'avoir une permanence téléphonique
30:26avec 20 permanencières,
30:28le fait de disposer d'un hélicoptère,
30:30le fait d'avoir
30:32des locaux,
30:34etc.,
30:36ça coûte beaucoup d'argent.
30:38Et de temps en temps, on peut se demander
30:40si les gens qui nous appellent,
30:42qui font appel à nos services,
30:44se rendent compte
30:46des moyens
30:48qui sont mis à leur disposition
30:50de temps en temps
30:52à bonne raison,
30:54de façon tout à fait excessive.
30:58Vous pouvez l'emmener aux urgences ou pas ?
31:00J'ai un peu embêté, tout seul,
31:02s'il y a un problème,
31:04il m'arrête quelque chose.
31:06Et qu'est-ce que vous voulez qu'il vous arrive ?
31:08Au pire, il vomit. Vous prenez un sac en plastique
31:10avec vous ? Vous êtes loin des urgences, là ?
31:12Vous êtes où ?
31:14Je suis sur char.
31:16C'est mieux.
31:18Si ce monsieur est capable d'aller dans une voiture
31:20et que vous pouvez l'emmener, vous n'êtes pas loin.
31:22Ça m'arrange, monsieur, parce que des moyens de secours allongés,
31:24j'en ai besoin partout.
31:26Bon, c'est enregistré.
31:28Vous m'avez conseillé de l'emmener.
31:30Mais ce n'est pas la question
31:32que ce soit enregistré, monsieur.
31:34Si vraiment j'avais voulu l'emmener,
31:36je ne vous aurais pas appelé.
31:38Mais ce n'est pas une question de vouloir, monsieur.
31:40C'est une question d'être logique.
31:42Vous ne voulez pas nous aider ?
31:44Ne nous aidez pas.
31:46Vous m'appelez au secours juste pour un monsieur
31:48qui vomit de temps à autre.
31:50Depuis ce matin à 8h, je ne sais pas,
31:52ça vous serait arrivé.
31:54Attendez, heureusement que je ne transporte pas en ambulance
31:56tous les gens qui vomissent, parce qu'il y en a
31:58des milliers qui vomissent tous les jours.
32:02Monsieur, je suis en train de vous expliquer
32:04que j'ai besoin des moyens de secours
32:06allongés pour des gens qui en ont
32:08vraiment besoin.
32:10D'accord ?
32:12Monsieur, est-ce que vous écoutez
32:14ce que je vous dis ?
32:18Non.
32:20Merci beaucoup, super.
32:22Merci.
32:30Le sport,
32:32c'est un peu,
32:34tu sais, tu as envie
32:36de mordre,
32:38de mordre, voilà.
32:40Donc, tu mords dans l'effort
32:42et ça va mieux après.
32:44Ça ne résout pas le problème, mais
32:46voilà.
32:48Il y a plein d'interventions
32:50qui sont tellement...
32:52Il y a plein d'injustices.
32:54Une jeune femme
32:56d'origine russe,
32:58elle était jeune, elle avait 40,
33:0040 ans, un truc comme ça.
33:02Et elle s'est bouffée
33:04des médocs pour se supprimer.
33:06Sauf que c'est les deux enfants qui étaient là,
33:08qui nous ont appelés.
33:10Et là, il a fallu leur annoncer
33:12aux enfants qu'on n'avait rien pu faire pour leur maman.
33:14Ça, c'était dur.
33:16Les enfants qui me posaient plein de questions
33:18et le petit garçon qui disait à sa grande sœur,
33:20tu vois, je t'avais dit qu'elle était bizarre, maman,
33:22qu'on aurait dû appeler avant.
33:24Bon, voilà, c'est une vieille intervention,
33:26j'étais aussi amie de Versailles,
33:28il y a des années.
33:30Mais ces deux mômes,
33:32je les ai encore en tête.
33:34Parce que, forcément,
33:36j'ai des enfants, donc
33:38il y a un espace de transfert
33:40qui se fait automatiquement.
33:48...
34:08Avec le SAMU,
34:10beaucoup d'interventions restent gravées en mémoire.
34:12Les plus tragiques,
34:14mais aussi les plus improbables.
34:16Une dame, son mari est dans une mare de sang,
34:18on ne comprend pas trop ce qu'il se passe.
34:20Alors, je dis au permanencier, envoyez un prompt-secours,
34:22envoyez les pompiers, puis il me passe un bilan rapidement
34:24pour savoir si on envoie un SMUR ou pas.
34:26Les pompiers me rappellent
34:28pour me donner le bilan en me disant,
34:30oui, oui, le monsieur est dans une mare de sang,
34:32mais c'est un peu particulier
34:34parce qu'en fait,
34:36il saigne au niveau du zizi.
34:38Je dis, ah bon, mais qu'est-ce qu'il se passe exactement ?
34:40Il s'était fait manger
34:42le zizi par sa chienne.
34:44Donc, effectivement,
34:46elle avait croqué le morceau.
34:48Ils m'ont bien spécifié d'ailleurs au téléphone
34:50qu'ils n'avaient même pas retrouvé le morceau.
34:52Donc, il a fallu lui baisser son caleçon
34:54et il y a des croquettes de chien
34:56qui sont tombées du caleçon.
34:58Et bien sûr,
35:00il a dit, ben oui,
35:02j'ai l'habitude de mettre des croquettes dans mon slip
35:04pour que ma chienne, voilà,
35:06vienne les manger, me fasse des petites gâteries
35:08et les gâteries ont mal tourné ce jour-là.
35:10C'est un métier
35:12usant, c'est un métier
35:14lourd où vous rentrez chez vous
35:16avec dans la tête
35:18beaucoup de
35:20misère humaine et de souvenirs pénibles
35:22et c'est sa façon à elle
35:26de se laver un peu
35:28de tout ça, c'est-à-dire que c'est pas qu'elle l'écrase
35:30ou elle l'étouffe, mais elle a besoin par ailleurs.
35:32Elle a ça qui est une réalité
35:34de sa vie, mais elle a besoin par ailleurs
35:36d'avoir des
35:38éléments qui
35:40qui l'extraient, qui la sortent
35:42et qui la fassent rêver un peu.
35:58Elisa, c'est une consommatrice aussi.
36:00Elle a besoin de faire plein plein de choses, donc
36:02elle adore le spectacle,
36:04c'est vraiment une passion pour elle
36:06et elle est capable d'en voir énormément
36:08et d'en faire trop,
36:10à mon sens. Trois théâtres
36:12le même week-end, pour moi, c'est trop.
36:14En fait, cette opéra,
36:16Rameau l'a écrite
36:18pour se moquer
36:20aussi de
36:22du fils
36:24de Louis XV et de la reine d'Espagne.
36:38C'est quand même un lieu mythique.
36:40Il n'y a pas un endroit au monde
36:42qui soit aussi beau que celui-là,
36:44avec le plafond de Chagall, etc.
36:46C'est formidable.
36:48C'est vraiment
36:50c'est un moment d'exception
36:52d'être ici,
36:54d'être ici,
36:56d'être ici,
36:58d'être ici,
37:00d'être ici,
37:02d'être ici,
37:04d'être ici,
37:06c'est un moment d'exception
37:08d'être dans un si beau bâtiment.
37:12Il ne faut jamais rien rater avec Isabelle.
37:14Elle a un appétit phénoménal
37:16de comprendre, d'apprendre,
37:18de découvrir
37:20des univers. Quand on est allé
37:22visiter le palais
37:24que possède la famille Rostropovich
37:26à Saint-Pétersbourg,
37:28qui est un magnifique endroit
37:30qui n'est pas ouvert au public,
37:32mais comme je connais bien cette famille,
37:34j'ai eu la chance de pouvoir
37:36y emmener Isabelle et Alain.
37:38Tu m'aurais vu dans la maison
37:40de Rostropovich.
37:42J'étais...
37:44J'avais les larmes aux yeux, j'avais la gorge coincée jusque-là.
37:46J'étais...
37:48Je ne sais pas, j'étais...
37:50Tu vois, rien que d'en parler, j'en ai les larmes aux yeux
37:52parce qu'en fait, j'ai été super émue
37:54d'avoir vu sa chambre,
37:56sa petite table de nuit, son réveil,
37:58et puis alors d'avoir vu
38:00toutes ces partitions
38:02« Stabile au bossé » annotées par lui.
38:04Le travail, mais monstrueux
38:06que ça lui a demandé toute sa vie
38:08pour travailler sur ses partitions
38:10en tant que chef d'orchestre, en tant que violoncelliste.
38:12J'ai été vraiment très émue.
38:14Pour moi, ça représente
38:16une vie incroyable.
38:18Oui, oui, elle a une boulimie
38:20de croquer la vie.
38:24Un jour, elle m'a dit...
38:26Tu vois, quand je sors
38:28du SAMU, je me dis que
38:30là, aujourd'hui,
38:32j'ai fait plusieurs sorties où
38:34j'ai eu des gens
38:36que je n'ai pas pu sauver.
38:38Ça pourrait être moi un jour.
38:40Donc la vie,
38:42elle est très courte. Les gens sortent
38:44de chez eux et ne reviennent pas.
38:46Donc il faut vivre.
38:48Il faut profiter de la vie.
38:50Je suis très curieuse et je grappille
38:52effectivement dans plein de domaines.
38:54Et je ne fais peut-être que grappiller des miettes,
38:56mais tant pis, c'est des miettes
38:58qui me font plaisir, c'est déjà pas mal.
39:08Dans ma petite vie à
39:10Thiers City, il n'y avait pas d'opéra.
39:12Mes parents ne m'ont jamais emmenée à l'opéra
39:14parce qu'ils ne connaissaient pas non plus.
39:16Oui, effectivement,
39:18si je prenais un peu de recul
39:20et que je me remémore un petit peu
39:22mon enfance, je n'aurais jamais
39:24imaginé vivre ça.
39:29On a débuté vraiment
39:31avec rien du tout.
39:33Mon mari était d'une famille de sept enfants.
39:35Moi, mes parents étaient des gens
39:37très modestes.
39:39J'ai travaillé chez un dentiste
39:41qui, lui, nous a aidés
39:43à s'installer.
39:45On avait rafraîchi le magasin,
39:47donc quand j'ai eu payé le déménagement,
39:49tout ça, il nous restait 30 francs.
39:51Il a fallu que mon épouse aille faire la monnaie
39:53des 30 francs à l'économie en face
39:55pour vendre nos affaires.
39:58Les parents d'Isabelle se sont installés
40:00en 1965 à Thiers.
40:02Pendant 35 ans, sans relâche,
40:04jusqu'à la retraite,
40:06dans le cadre étroit d'un petit commerce
40:08de quartier, ils ont produit et vendu
40:10des pâtisseries pour les salariés
40:12de l'industrie coutelière.
40:14Je vais passer derrière la banque.
40:16J'espère que je n'aurai pas
40:18une amende.
40:21Voilà, ça, c'est mon domaine.
40:23C'était mon domaine.
40:25Je me trouvais très bien ici.
40:27Mais Isabelle était là,
40:29souvent,
40:31à rendre la monnaie
40:33quand les clients rentraient.
40:35Je me disais, j'y vais, j'y vais.
40:37Mais au début, on avait juste
40:39une chambre là-haut, c'est tout,
40:41et une petite chambre pour les enfants
40:43qu'ils donnaient dans la nôtre.
40:45Voilà.
40:47On a débuté comme ça.
40:49Et on achetait
40:51et on achetait
40:53il n'y avait pas de chauffage, bien sûr.
40:55Et nous avons acheté
40:57un poêleau mazout
40:59au début où ça se faisait.
41:03On avait
41:05mis une douche
41:07et alors là, il n'y avait pas
41:09la plonge automatique
41:11et alors on avait une grande table
41:13et alors j'avais mis un petit tabouret
41:15pour qu'on puisse monter dans la plonge
41:17pour se doucher.
41:19C'était quand même une douche
41:21très fonctionnelle quand même.
41:27Il n'était pas cadeau l'argent de poche
41:29à la maison.
41:31Il fallait travailler pour ça.
41:33Alors on aidait papa, maman,
41:35Isabelle aidait maman au magasin,
41:37moi j'aidais papa derrière et puis
41:39on avait les livraisons, on livrait les croissants
41:41le dimanche matin, on se levait de très bonne heure,
41:43on livrait les croissants, on livrait les brioches
41:45en patin à roulettes ou en vélo.
41:47Moi j'ai commencé, Isabelle a pris
41:49la suite derrière et puis
41:51aujourd'hui merci aux clients de
41:53papa et maman qui nous donnaient les pourboires
41:55et c'est pour ça qu'on avait de l'argent de poche.
41:57Je me dis qu'effectivement
41:59l'enfance que j'ai eue m'a beaucoup aidée
42:01parce que j'ai toujours
42:03travaillé beaucoup.
42:05J'ai toujours vu mes parents
42:07travailler beaucoup, mon père c'est une force de la nature
42:09il ne s'est jamais posé la question, il s'est élevé
42:11toute sa vie à 3, 4, 5
42:13heures du matin
42:15et je ne l'ai jamais vu se lamenter
42:17se dire demain il faut que je me lève
42:19à 4 heures ou à 3 heures.
42:21Je m'efforçais d'être souvent avec eux
42:23on allait à tous les galas gymnastiques où elle était
42:25mais
42:27il m'a manqué beaucoup de choses quand même
42:29il m'a manqué d'être
42:31beaucoup plus près d'eux.
42:33Mais enfin dans ma tête
42:35j'étais quand même près d'eux si vous voulez.
42:45...
43:01Je reviens pas.
43:03Tu auras faim.
43:05C'est super.
43:07Je suis contente de te voir.
43:09Moi aussi.
43:11C'est super, vous avez pas changé.
43:13Ah si.
43:15Je suis émue de venir là.
43:17C'est super.
43:19Vous avez pas changé.
43:21Je reviens pas.
43:23Tu crois que j'ai pas changé ?
43:25Non, toujours le même.
43:27Toi t'es embellie.
43:29J'ai embellie ?
43:31Oui, t'es une belle femme.
43:33Merci, c'est gentil.
43:35J'en reviens pas.
43:37Quand j'avais fait ma leçon
43:39Isabelle
43:41la savait.
43:43Elle avait pas besoin de revenir derrière pour
43:45elle écoutait
43:47elle enregistrait tout.
43:49C'était formidable.
43:51Et on le voyait sa façon de se tenir
43:53de lever le doigt
43:55son visage s'épanouissait.
43:59C'est une bonne élève de l'école de la République.
44:01Elle a tout pris, elle a pris tout ce qu'elle pouvait prendre
44:03toujours dans son appétit
44:05tout ce qu'on pouvait lui offrir.
44:07Elle est un exemple vivant d'une vraie réussite.
44:09Quand elle veut quelque chose
44:11elle se donne les moyens pour y arriver
44:13elle a voulu la sécu, elle l'a eu
44:15elle a voulu revenir au SAMU
44:17elle y est retournée
44:19parce qu'elle s'est donné les moyens.
44:21Elle a travaillé, s'il faut travailler jour et nuit
44:23elle travaille jour et nuit, s'il faut faire des nuits blanches
44:25elle fera des nuits blanches.
44:27Donc elle aurait voulu que tous ses enfants soient comme ça.
44:29Ils ne le sont pas tous
44:31il y en a qui se cherchent
44:33mais ils y arriveront, je suis sûre.
44:39Des fois, j'ai envie de m'énerver
44:41quand elle me pousse à bout
44:43quand je travaille
44:45quand elle me dit
44:47en fait, elle n'est pas capable
44:49quand je lui demande de me faire reciter une leçon
44:51elle n'est pas capable de me faire reciter
44:53juste ce qu'il y a écrit sur la feuille.
44:55Elle veut toujours
44:57va chercher sur internet s'il y a autre chose
44:59elle veut toujours plus, plus, plus
45:01et du coup, des fois,
45:03j'ai envie de me faire reciter
45:05parce que j'ai envie de me faire reciter
45:07plus, plus, plus
45:09et du coup, des fois, ça m'énerve vraiment
45:11elle n'est pas capable de faire
45:13ce qu'il faut
45:15et elle veut toujours plus
45:17Elle ne les pousse pas
45:19elle les bouscule, c'est même pire que ça
45:21mais ça, c'est le caractère de mon père
45:23qui ressort, c'est exactement ça
45:25il faut y aller
45:27il faut foncer
45:29La réussite de la vie de mes enfants
45:31ça serait plutôt qu'ils aient un job
45:33où ils sont heureux
45:35où ils sont heureux d'y aller le matin
45:37parce qu'on peut être vraiment heureux dans son travail
45:39et ça, c'est super important
45:41ça, ça serait vraiment une vraie réussite pour moi
45:43et la réussite de la vie, c'est avant tout
45:45de choper du bonheur
45:47eux, ils diraient de pécho
45:49ils pêchent
45:51c'est d'attraper tous les moments de bonheur
45:53toutes les bulles de bonheur qu'ils peuvent attraper
46:01On va en quelle réa ?
46:03Babinski
46:05ça marche, je connais
46:07Isabelle est de nouveau dirigée
46:09vers l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière
46:11malgré le mauvais temps
46:13je l'ai bien compris
46:15ça ne sera malheureusement pas possible
46:17pour des raisons météo
46:19ça se couvre
46:21en gros Eric, dis-moi combien de temps on a pour poser le malade
46:2315 minutes, pas plus
46:25essayez quand même de faire vite
46:27on va essayer mais bon après
46:29on ne charge pas un sac de pommes de terre
46:31il est vachement instable
46:35on ne peut pas le larguer comme ça
46:37suite à un accident de la route
46:39le pronostic vital de la victime
46:41est engagé
46:43bonjour
46:45c'est Smurdodreux
46:47vous n'êtes pas attendu en Réam ?
46:49on est attendu en Réam au Rochir
46:51c'est pas ici
46:53on a dit
46:55Papillon-Babinski
46:57vous êtes à Gaston-Cordier
46:59on a un problème de météo
47:01ça s'est gâté d'un coup
47:03il faut absolument repartir d'ici un quart d'heure maximum
47:07et l'oxygène
47:09on en a assez ?
47:13La Pitié-Salpêtrière est l'un des plus grands
47:15hôpitaux d'Europe
47:17avec 80 bâtiments répartis sur 35 hectares
47:19alors pour réparer l'erreur
47:21d'orientation et atterrir dans le bon service
47:23il faut une ambulance
47:25il faut prendre la vie avec philosophie
47:27il faut qu'ils soient là
47:31alors là c'est trop galère
47:33quand on vient dans les gros hôpitaux
47:35de toute façon à chaque fois
47:37tout le monde se renvoie la balle
47:39il faut changer de brincard
47:41attention il y a des choses
47:43très très dures
47:45c'est pour ça que
47:47il faut lever
47:49il faut lever absolument
47:51la civière
47:53enlevez le brincard
47:57donc nous attendons
48:03au revoir et merci
48:09c'est un beau bébé
48:17on est toujours au niveau des constantes
48:19et puis là-bas le scott
48:21rapidement s'il vous plaît les gars
48:23on est hyper pressés
48:27le respi c'est tout bon
48:29oui c'est tout bon
48:31quand j'ai rien en visu
48:33je suis là
48:35vas-y vas-y
48:37on est vraiment à l'abri
48:43bonjour
48:47on va où après
48:49t'es sûre que c'est là
48:51mais non c'est en rien
48:53parce qu'il y a un tube éventilé
48:55de notre patient
48:57j'étais sûre qu'ils allaient se tromper
49:03c'est gentil de nous faire le code
49:05la tension elle se dégrade
49:07combien
49:0970
49:11il y a un camion qui a percuté son camion
49:13qui lui-même l'a percuté
49:15il s'est retrouvé dans une plaque
49:17il a été pris en charge à 4h30 du matin
49:19en primaire par une équipe de chez nous
49:21il était en glace d'eau
49:23il a eu des blessures
49:25il a eu des blessures
49:27il a eu des blessures
49:29il a eu des blessures
49:31il a eu des blessures
49:33il a eu des blessures
49:35il a eu des blessures
49:37il a eu des blessures
49:39il a eu des blessures
50:03c'est la première fois que je cours ici
50:05on a réussi à te faire courir
50:09qu'on a fini notre intervention et qu'on rentre,
50:11il y a des fois, ça ne cause pas beaucoup dans le poste,
50:15parce que tout le monde est bien serré,
50:19on n'a pas trop envie de parler,
50:21et puis quand on arrive à la base,
50:24on a des questions des collègues,
50:27et on est un peu content de raconter,
50:30de vider un peu notre sac, parce qu'on en a besoin.
50:33Je pense qu'on en a tous besoin à un moment ou à un autre.
50:35De temps en temps, ils jouent à s'envoyer
50:37des gants de chirurgie plein dos à la figure,
50:40parce qu'on a besoin de décomprimer tellement on est au contact
50:45du plus dur de la vie des gens.
50:47Et ça, c'est notre métier,
50:51c'est la grandeur de notre métier, c'est aussi la limite de notre métier,
50:55et il ne faut pas nous en vouloir quand, au-dessus d'un mort, on rit.
51:05Je t'ai fait être assurée !
51:09En écho, c'était bien.
51:10En écho ?
51:11Bravo, Nico !
51:13Je t'ai rit, t'es toujours là.
51:14Bonne chance.
51:16Merci beaucoup, bonne soirée, bon courage.
51:18Allez, on en part.
51:22Moi, j'aime ma vie, parce que je la trouve assez fournie, passionnante.
51:26C'est une vie qui me convient, je ne m'ennuierai jamais.
51:29Mais comment veux-tu qu'on s'ennuie sur cette planète ?
51:31C'est absolument pas possible.
51:33C'est absolument pas possible.
52:06...
52:18Ah, ça, c'est de la vraie liberté.
52:20Alors, ça, c'est...
52:22Fabuleux !
52:35Merci d'avoir regardé cette vidéo !