Les dessous de la formation d'un gouvernement : le casse-tête du casting, les luttes d'influences, l'art de composer. Regardez Franck Louvrier, maire LR de la Baule, vice-président à la région des Pays de la Loire chargé du tourisme, ancien conseiller en communication de Nicolas Sarkozy.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 20 septembre 2024.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 20 septembre 2024.
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00:00RTL Matin
00:03Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est pratiquement 8h17 l'interview d'Amandine Bégaud, alors que le mécano toujours fragile du gouvernement se met en place.
00:11Vous avez eu envie Amandine ce matin d'interroger quelqu'un qui a vécu tout cela de l'intérieur,
00:15notamment quand il conseillait Nicolas Sarkozy à l'Elysée.
00:18C'est Franck Louvrier, désormais maire LR de La Baule. Bonjour et bienvenue.
00:22Bonjour Franck Louvrier.
00:23Bonjour.
00:24Et merci d'être en direct avec nous depuis votre mairie de La Baule.
00:27Si vous le voulez bien, on va essayer de jouer les petites souris avec vous ce matin.
00:31Les formations de gouvernement, Thomas le disait, vous en avez vécu de l'intérieur, en coulisses.
00:35Comment est-ce que ça se passe ?
00:36Est-ce que par exemple, quand Michel Barnier va à l'Elysée hier soir, il arrive avec sa petite feuille et la liste des noms comme ça dessus ?
00:43D'abord, il y a une règle d'or, c'est la Constitution.
00:46Et la Constitution précise très clairement que c'est le président qui nomme sur proposition du Premier ministre,
00:52quelle que soit la situation politique.
00:54Et donc, il est normal qu'à un moment donné, il y ait une discussion entre le chef de l'État et le Premier ministre sur la composition gouvernementale.
01:01Il y a beaucoup de candidatures.
01:02Vous savez, il y a toujours plus de ministrables que de ministres en France.
01:05Et donc, de ce fait-là, il est clair que la discussion a lieu à la fois sur des critères qui sont les critères de parité,
01:12les critères géographiques et puis politiques, bien évidemment, puis des élus d'expérience.
01:16Parce que c'est important d'avoir des gens aussi qui sont implantés sur un territoire.
01:21Mais il arrive avec sa petite feuille et la liste, c'est vraiment comme ça ?
01:25Oui, clairement, bien sûr, parce que c'est un échange.
01:28D'abord, le président de la République ne connaît pas toutes les propositions et toutes les personnes que propose le Premier ministre.
01:33Et ça, c'est une réalité.
01:34Je pense que le temps aussi est important entre ce dont on a parlé hier soir et ce qui va se passer dans les heures à venir.
01:41Parce qu'il faut vérifier après s'il y a un accord sur les noms avec la haute autorité sur la transparence de la vie politique.
01:48Donc, tout ça fait que c'est très long.
01:50Ça demande du temps et puis vous avez des pressions de parer d'autres.
01:54Jusqu'au dernier moment, vous pouvez raturer votre feuille.
01:56Moi, j'ai connu un secrétaire général de l'Élysée qui était Claude Guéant,
02:00qui lorsqu'il est arrivé sur le perron pour annoncer un dégouvernement,
02:03franchement, son papier était illisible.
02:05Il avait raturé, paré les portefeuilles, coupé en deux certains portefeuilles pour les donner à d'autres, etc.
02:11Donc, ça veut dire qu'il y avait des gens qui devaient être ministres
02:14et que quand Claude Guéant a lu la liste du gouvernement, il n'y était plus ?
02:18C'est clair.
02:19Et puis, il y en avait certains qui devaient avoir certains portefeuilles
02:21et qui, en fin de compte, se sont retrouvés avec d'autres.
02:23Parce que c'est un équilibre qui est très complexe
02:25et jusqu'au dernier moment, on peut y mettre une correction, un ajustement.
02:29Justement, Franck Louvrier, qui prévient qui ?
02:32Est-ce que d'ailleurs tous les ministres sont prévenus qu'ils vont être nommés ?
02:36Alors là, il y a un peu un jeu d'influence qui se déroule
02:39parce qu'en l'occurrence, je pense, dans la situation du moment,
02:42les partis politiques veulent montrer qu'ils poussent certains.
02:45On les appelle avant en leur disant, tu sais, je t'ai mis sur une liste.
02:48Ce n'est pas pour ça que tu vas être désigné par le président.
02:51Et puis, il y en a certains qui sont appelés directement par le président de la République
02:55ou par le Premier ministre, notamment quand ce sont des ministères d'importance,
02:59de première importance, de plein exercice, comme on dit aujourd'hui,
03:02c'est-à-dire l'économie, l'intérieur, etc.
03:04Vous avez assisté, vous, à ces têtes à tête ?
03:07D'ailleurs, ce sont des têtes à tête ?
03:09C'est-à-dire, est-ce qu'on peut imaginer hier soir
03:11qu'il n'y avait que Michel Barnier et Emmanuel Macron dans cette pièce
03:14ou sans doute Alexis Colère ?
03:16Il peut y avoir les directeurs de cabinet,
03:18notamment le secrétaire général de l'Élysée,
03:21qui est le collaborateur le plus proche du président de la République,
03:23et le directeur de cabinet du Premier ministre,
03:26parce qu'il y a aussi les mauvaises nouvelles à annoncer.
03:28En général, ce n'est ni le président de la République
03:30ni le Premier ministre qui s'en occupent, c'est plutôt les collaborateurs.
03:33Donc, quand il va falloir appeler quelqu'un pour lui dire qu'il n'est pas pris,
03:35c'est généralement le collaborateur qui s'en occupe.
03:37Donc, de ce fait-là, il y a aussi une répartition des rôles et des charges.
03:40Est-ce que ça vous est déjà arrivé, vous, d'avoir à appeler
03:43quelqu'un qui n'était finalement pas nommé à annoncer une mauvaise nouvelle ?
03:46Non, ce n'était pas ma fonction, mais il y en avait beaucoup qui m'appelaient
03:49pour savoir s'ils allaient être pris ou pas.
03:52Est-ce que ça vous est arrivé de lancer des faux noms pour brouiller les pistes ?
03:57Parce que là, pour le coup, vous étiez, je le rappelle,
03:59conseiller en communication de Nicolas Sargozy.
04:01Il y a un lien avec les journalistes qui cherchent tous,
04:04et c'est ce qu'on essaye de faire depuis plusieurs jours,
04:06à savoir qui sera dans ce gouvernement.
04:09Est-ce que vous avez déjà donné des fausses pistes, tenté des trucs ?
04:13La politique du dropping, ce n'était pas celle de Nicolas Sargozy à l'époque.
04:17Franchement, jeter des noms en pâture, ce n'est jamais bon,
04:19parce que d'abord, ça crée des tensions supplémentaires.
04:21Et en fin de compte, l'effet de surprise est beaucoup plus efficace.
04:24Il faut mieux voir apparaître des ministres dont on n'avait pas parlé avant,
04:28dont on ne se doutait pas du rôle qu'ils pouvaient avoir, etc.
04:32Donc franchement, ce n'est pas très efficace.
04:34Donc là, la liste de noms qu'on voit défiler depuis hier soir,
04:39je pense qu'il y en a certains qui sont déjà beaucoup d'ennemis,
04:43parce qu'on commence à décrypter leur prise d'opposition
04:46à l'endroit du président de la République,
04:48à l'endroit de la politique gouvernementale.
04:50Donc l'effet de surprise est quand même le meilleur atout
04:54pour pouvoir justement avoir au moins une dynamique pendant quelques jours
04:57sur la nouveauté d'un gouvernement.
04:59Parce que la nouveauté d'un gouvernement, il ne faut pas se leurrer,
05:01ça n'intéresse pas grand monde.
05:02Ce que veulent les Français, c'est des résultats.
05:04Ils ne veulent pas savoir qui le fait ou qui va être là ou qui ne va pas être là,
05:08ils veulent des résultats.
05:09Alors justement, passons au fond, Franck Louvrier.
05:12En tant que membre des Républicains, vous n'êtes pas trop déçu, vous, ce matin ?
05:16Moi, j'ai le sentiment que d'abord, il y a eu un changement très clair.
05:21Le président de la République, vu qu'il n'y avait personne qui avait gagné les élections,
05:28et donc le Premier ministre a pu s'appuyer,
05:31et le président de la République notamment,
05:33c'est un changement de comportement de ma famille politique.
05:36Alors qu'il y avait encore quelques semaines,
05:37les présidents de groupes parlementaires de droite considéraient
05:40que s'asseoir à la table du président de la République,
05:43en présence des membres de la majorité présidentielle,
05:45était en fin de compte inacceptable et même impensable,
05:48ils ont pu prendre leurs responsabilités face à ce blocage.
05:51Et donc, ça a vraiment changé totalement les cartes,
05:55et ça a permis notamment une avancée très claire pour composer un gouvernement.
05:59Sauf qu'à l'arrivée sur 16 ministres de plein exercice,
06:02on va se retrouver, a priori en tout cas,
06:05avec 10 pour la majorité sortante, pour les macronistes,
06:083 seulement pour les républicains.
06:11C'est quoi ? C'est du hot-dop de la part des macronistes ?
06:13C'est l'expression qu'ont employé certains hier soir ?
06:15Non, je ne pense pas.
06:17C'est le fait qu'il n'y avait pas d'équilibre possible,
06:20pour la simple bonne raison, c'est qu'il n'y a pas de majorité réelle.
06:22Et donc, chacun a pris ses responsabilités face à un blocage.
06:26La preuve, c'est que ma famille politique a accepté d'être dans un gouvernement
06:30où les macronistes sont largement majoritaires.
06:32Mais on est loin de la rupture promise par Michel Barnier quand même.
06:36Mais ce n'était en plus pas du tout ce qu'ils expliquaient il y a quelque temps.
06:38Mais vous savez, face à un blocage institutionnel,
06:41il faut bien prendre des décisions.
06:42Et à un moment donné, il faut lâcher prise.
06:45C'est, je pense, indispensable dans la situation dans laquelle on est,
06:48parce qu'il faut prendre ses responsabilités.
06:51Et c'est vrai que les perspectives ministérielles, pour certains,
06:53peut-être ont motivé les troupes.
06:55Il a lâché prise Michel Barnier, c'est ce que vous diriez ce matin ?
06:58Non, je ne pense pas.
06:59Je pense qu'il a essayé de faire un gouvernement équilibré,
07:02un gouvernement de combat, ce qui n'est pas simple,
07:05avec, bien sûr, des élus qui puissent être des élus d'expérience.
07:09C'est ça l'enjeu majeur.
07:11C'est exactement la difficulté auquel il fallait répondre.
07:15Il n'y aura jamais de gouvernement qui aura un soutien plein et entier.
07:19En tout cas, il y a une chose dont on est sûr,
07:21c'est que la majorité de circonstances d'aujourd'hui,
07:24et sur le papier, a le plus fort soutien parlementaire,
07:27même que le Nouveau Front Populaire.
07:28Donc ça, c'est une réalité.
07:29Merci beaucoup, Franck Louvrier, d'avoir été en direct avec nous
07:33depuis la Bôle-Mer, les Républicains de la Bôle.