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Ecoutez l'interview du conseiller municipal de Evreux, vice-président de l'association Villes et Banlieues. Driss Ettazaoui a contribué au rapport Borloo sur la partie image des banlieues.
Regardez L'invité de RTL du 30 juin 2023 avec Amandine Bégot.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h45, excellente journée à vous tous qui nous écoutez.
00:10 Mandine Bégaud, vous recevez donc ce matin Dries Setazahouy, conseiller municipal à Évreux et vice-président de l'association
00:15 Ville et banlieue de France.
00:17 On a assisté, on le disait et on l'a entendu depuis très tôt ce matin sur RTL, à une nouvelle nuit de violence,
00:23 troisième nuit de violence avec des incidents qui ont désormais gagné le centre de Paris mais aussi Marseille.
00:29 Vous vice-présidez cette association Ville et banlieue de France.
00:32 Malgré les appels au calme, malgré les forces de police et de gendarmerie, 40 000 forces de l'ordre, on le rappelle, mobilisées cette nuit,
00:40 on a l'impression que rien n'y fait.
00:42 Souvenez-vous en 2005, les événements tragiques et
00:47 la mort de Zia Débouna, à Glichy-sous-Bois, les événements avaient duré trois semaines.
00:52 Mais ça veut dire que ça va durer ?
00:53 Au moins trois semaines.
00:54 C'est ce qu'on... En tout cas, on le craint et on ne le souhaite pas naturellement.
00:59 Il y a quand même une différence importante entre 2005 et aujourd'hui.
01:02 Vous avez deux sujets. Le premier, c'est qu'on a des vidéos, il y a des images, ce qui n'était pas le cas en 2005, et ces images,
01:08 eh bien, elles ont
01:10 mobilisé, elles ont créé un émoi, un choc
01:13 chez l'ensemble de nos concitoyens, en particulier chez les plus jeunes qui aussi se sont identifiés
01:18 à ce gamin qui est décédé, qui avait toute la vie devant lui. Ça, c'est le premier sujet. Le deuxième sujet qu'on n'avait pas en 2005,
01:24 c'est la prégnance des réseaux sociaux. Et aujourd'hui, tout le monde est connecté et interconnecté.
01:27 Et donc, la mobilisation,
01:29 l'organisation de ces événements, de ces violences, eh bien, elle se fait à travers Snapchat, elle se fait à travers les réseaux sociaux.
01:36 Et donc, c'est pour nous très compliqué. Et c'est la raison pour laquelle nous redoutons d'une part la contagion, mais également l'intensité de ces violences.
01:43 Vous évoquez bien sûr cette vidéo qui a choqué,
01:47 où l'on voit Naël être abattu, mais quand on voit ces scènes de casse, ces pillages aussi, on est quand même loin du soutien à Naël, non ?
01:54 C'est inacceptable. Moi, je pense qu'on ne lui rend pas justice et qu'on n'honore pas sa mémoire. Et que ces jeunes, finalement,
02:00 sont à rebours de ce qu'ils devraient faire. Plutôt que d'être dignes, plutôt que d'avoir accompagné cette marche de manière silencieuse et de porter
02:07 la dignité de l'incarner
02:09 dans ce qu'ils sont, dans ce à quoi ils aspirent, on a assisté pour une poignée d'entre eux, en tout cas. Parce que, attention,
02:16 nous souffrons d'essentialisation, faisant attention, finalement, à ne pas jeter l'opprobre sur l'ensemble de nos concitoyens
02:22 domicilés sur ces territoires.
02:24 Ce ne sont pas tous les jeunes et pas tous les jeunes.
02:26 C'est important de le redire, parce qu'on a le sentiment, vous savez, c'est comme pour la police,
02:30 le policier qui s'est mal comporté, c'est un euphémisme, eh bien, c'est pas la police républicaine,
02:35 il n'incarne pas ce qu'est, ce que doit être la police républicaine,
02:39 soucieuse du droit. Voilà. Donc, il faut faire attention, de faire preuve de discernement, que ce soit du côté de la police,
02:45 et Dieu sait qu'il est difficile aujourd'hui de construire et de reconstruire demain les liens entre notre population
02:52 et nos policiers, ça va être encore beaucoup plus compliqué, et la défiance va s'accroître.
02:55 - Driss Etazaoui, on est très frappé aussi par l'âge
02:57 de ces jeunes gens. 13, 14 ans pour un certain nombre d'entre eux, c'est très jeune.
03:02 - C'est très très jeune. La question de l'autorité parentale se pose. Vous savez, dans nos quartiers, vous avez une concentration de familles monoparentales.
03:09 Vous avez des mamans isolées qui sont dans l'incapacité, eh bien, d'élever...
03:13 - Oui, tout à l'heure, on avait Latifa Ibenziaten avec nous en direct,
03:16 elle a lancé un appel à ses parents, en leur disant "c'est aussi votre job de parent que d'empêcher vos enfants de sortir",
03:21 et sur les réseaux sociaux cette nuit, on a vu des parents,
03:23 il y a notamment cette image d'une maman qui est entièrement voilée et qui vient chercher son fils au milieu des affrontements.
03:29 C'est cet appel aussi que vous lancez aux parents ?
03:32 - Plutôt que de venir le chercher, elle aurait pas dû le laisser sortir.
03:34 Il est juste inacceptable qu'on ait des enfants de 14, 15, 16 ans qui soient...
03:37 Je commentais l'actualité jusqu'à 1h, 2h du matin, mais comment est-ce possible ?
03:41 Et donc, la question de l'autorité parentale doit se poser.
03:43 Certains parents sont dépassés, auquel cas il faut les accompagner, les soutenir et les aider.
03:46 D'autres par contre, et ça existe aussi, ils font preuve de laxiste, vous savez, moi je parle sans tabou.
03:51 Et ceux-là, il va falloir rappeler leurs responsabilités et leurs obligations.
03:54 - Et les sanctionner ?
03:56 - Absolument, et trouver les moyens de la sanction.
03:58 - Comment fait-on pour faire revenir le calme ?
04:00 Vous me disiez, je suis très inquiète pour ces prochains jours, Eric Ciotti par exemple,
04:04 le patron des Républicains demande l'instauration de l'état d'urgence.
04:06 Est-ce que c'est la solution ?
04:08 On a vu qu'il y avait un certain nombre de communes qui avaient instauré dès hier soir un couvre-feu.
04:12 Est-ce qu'il faut passer par là ?
04:14 - Vous me parlez d'Eric Ciotti et tout de suite, le sentiment qui me vient à l'esprit, c'est l'obscénité.
04:19 Que ce soit chez Eric Ciotti, que ce soit au Rassemblement National, que ce soit aussi à l'extrême gauche,
04:23 je trouve que les commentaires auxquels nous avons assisté ne lèvent pas le débat public,
04:27 ne lèvent pas le débat politique.
04:29 Tout ça est assez sordide et on surf sur un drame, sur une affaire malheureuse,
04:33 pour soigner son électorat.
04:35 Et je trouve ça totalement, mais alors totalement déplacé.
04:37 Là où nous avons besoin de cohésion, là où nous avons besoin d'union et de rassemblement,
04:41 nous assistons finalement à des politiques qui jouent leur propre partition.
04:44 Et ça c'est dangereux pour le pays.
04:46 - Mais l'état d'urgence ou pas ?
04:48 - L'état d'urgence, je pense qu'il faut laisser le temps au ministre de l'Intérieur,
04:51 puisqu'il en a pris l'engagement en disant qu'effectivement, tout allait rentrer dans l'ordre.
04:55 Nous l'espérons, nous aussi.
04:57 Je pense que les élus locaux aussi ont une responsabilité.
04:59 Nous sommes en capacité de mobiliser nos médiateurs sociaux,
05:01 nous sommes en capacité de mobiliser des éducateurs spécialisés,
05:04 nous sommes en capacité de mobiliser des parents, le tissu associatif également.
05:07 C'est ce que nous avons fait à Évos, c'est ce qui a été fait à Charente-sous-Lévis.
05:10 On n'a pas eu autant d'incidents qu'on en a eu avant-hier, par exemple.
05:13 - Est-ce que 40 000 policiers et gendarmes, le REN, la BRI, c'est pas tenable ?
05:17 - Et puis c'est insuffisant, vous ne pouvez pas être partout, et pour tous, c'est juste pas possible.
05:21 Et dans ce cas-là, vous êtes obligés de prioriser.
05:23 Vous allez protéger un bâtiment, l'hôtel de ville, et en attendant,
05:26 eh bien, ils vont vandaliser les commerces du centre-ville.
05:29 - Il y a eu 14 plans banlieue depuis 40 ans, au moins 100 milliards d'euros au cours de ces 40 dernières années,
05:34 donc 46 milliards entre 2008 et 2018, ce n'est pas rien.
05:39 J'allais vous dire, il est passé où cet argent ?
05:42 - Alors, vous savez, j'entends la petite musique comme ça,
05:44 qui revient assez régulièrement, en particulier à l'extrême-droite, en disant,
05:47 "Vous savez, les quartiers de la politique de la ville, on y met des millions, c'est le tonneau des Danaïdes,
05:51 et finalement, on a le sentiment qu'il n'y a rien qui se passe."
05:53 Il faut juste rappeler que ces quartiers-là... - C'est faux ?
05:55 - C'est faux, mais c'est totalement faux.
05:57 Ce sont des quartiers qui ont décroché.
05:58 Ce sont des quartiers pour lesquels les écarts de développement urbain, économique et sociaux
06:02 sont tellement importants que la politique de rattrapage doit être à la hauteur,
06:05 ce qui ne l'est pas encore aujourd'hui. - Mais ça veut dire quoi ?
06:07 - On a vu Jean-Louis Borloo hier au téléphone, vous savez, et on rediscutait.
06:10 Ça fait quand même un certain nombre de mois et d'années qu'on tire la lame.
06:12 Rappelez-vous, ce mois de mai, à l'Élysée, j'y étais quand le président de la République a enterré.
06:15 Et le plan ? Et Jean-Louis Borloo.
06:17 Ça a été quand même une sacrée humiliation, alors que ce plan, au bout du bout,
06:20 la République en grand, c'est formidable, la République, la promesse républicaine.
06:23 Parce que c'est vrai, le sujet, c'est celui-ci, c'est pas qu'une question de moyens.
06:26 Ce dont on a besoin, c'est une question de considération.
06:28 Vous savez, ces enfants, ils ont le sentiment d'être les enfants du quartier,
06:31 et pas les enfants de la République. Leur frontière, c'est une frontière territoriale.
06:35 Et ils ne se projettent pas à ces enfants.
06:37 Et donc, il faut absolument changer le paradigme.
06:39 C'est comment est-ce qu'on considère ces enfants comme étant les nôtres, les enfants de la nation.
06:43 Et donc, on a besoin, vous savez, l'amour c'est bien, mais il nous faut des preuves d'amour.
06:47 Et ça, le président de la République, le gouvernement,
06:49 alors, un certain nombre d'annonces, normalement, devraient avoir lieu ce matin.
06:53 Attendons de voir... - Il y a une réunion à Matignon,
06:55 autour de ces questions-là, qui était prévue au départ. - Il y a une réunion à Matignon, avec Elisabeth Banque,
06:57 qui était déjà prévue.
06:59 - Vous évoquiez ce plan Borloo, auquel vous avez participé.
07:01 On se souvient de cette phrase, "deux mâles blancs qui font un plan, ça ne marche pas",
07:05 avait dit Emmanuel Macron.
07:07 "Enterrant", vous le disiez ce plan, et Jean-Louis Borloo au passage.
07:11 Est-ce que vous diriez qu'Emmanuel Macron a eu tort, qu'il a sous-estimé la situation ?
07:15 - La surprise, c'est qu'Emmanuel Macron était quand même le candidat,
07:19 avons-nous pensé, des banlieues, des quartiers,
07:21 le candidat de l'égalité des chances, le candidat de la promesse républicaine,
07:24 celui qui allait tendre la main à ces quartiers-là.
07:26 Il a soulevé une véritable espérance dans ces quartiers-là.
07:29 - En 2017, et en 2022, ça s'est retourné.
07:32 - Il avait constitué le conseil présidentiel, avec des talents, des expertises,
07:36 issues de ces quartiers-là, de manière à les consulter.
07:39 Il nous avait promis, à nous, Association des maires-villes et banlieues,
07:41 de nous rencontrer régulièrement, ce qui n'a jamais été fait.
07:43 - Mais vous êtes un élu déçu, du coup, c'est ça ?
07:45 - Je suis un élu mitigé.
07:47 C'est ma famille politique, pourtant, je pense qu'on peut faire beaucoup mieux.
07:50 Mais attention, beaucoup de choses ont été faites,
07:52 notamment sur le plan éducatif, sur le plan de l'emploi,
07:54 sur le plan du logement.
07:56 Il y a un certain nombre de sujets qui ont été faits,
07:58 mais force est de constater qu'on n'est pas encore allé suffisamment loin,
08:00 et qu'aujourd'hui, la politique de la ville, elle est sortie des radars de Matignon,
08:03 elle est sortie du radar des présidents de la République.
08:05 Et donc, il faut lui dire que ces quartiers-là, c'est 6 millions de nos concitoyens.
08:08 6 millions d'habitants qui sont domiciliés.
08:10 Et que 20% de la population française, 20% de nos jeunes, sont domiciles sur ces territoires.
08:14 Et donc, l'avenir du pays, il passe à travers ces quartiers.
08:17 - Merci beaucoup.
08:19 [SILENCE]

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