Alexandre Lemille, directeur général d’Anthesis France, et Sarah Schönfeld, vice-présidente d’EC2027, échangent dans SMART IMPACT sur le thème de l’économie circulaire. Ils évoquent les freins et les pistes de solutions pour aller vers une circularité réelle. En partenariat avec le salon Produrable (9 et 10 octobre 2024).
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00:00Le débat de Smart Impact en partenariat avec le salon Pro Durable, on décortique les facteurs du succès pour la circularité,
00:14d'ailleurs c'est le thème d'une table ronde au salon à laquelle vous allez participer, Sarah Schoenfeld, bonjour.
00:19Bonjour.
00:19Bienvenue, vous êtes vice-présidente de C2027 et Alexandre Lemille, bonjour, et bienvenue d'être directeur général d'Enthesis France.
00:27On présente vos organisations, vos entreprises, EC2027, collectif d'experts, d'acteurs aussi de l'économie circulaire.
00:34Exactement, une jeune association qui a pour objet de diffuser dans toutes les décisions de la strata politique et publique l'économie circulaire.
00:44On est une association transsectorielle, on a aussi bien des acteurs de la mobilité, du textile, des équipements électriques, électroniques,
00:53mais tous qui partagent la volonté d'accélérer l'économie circulaire.
00:57Vous avez aussi bien des entreprises natives de l'économie circulaire que des grands groupes représentants de l'économie linéaire qui veulent se transformer vers plus de circularité.
01:05Oui, ça concerne tout le monde en fait, tous les secteurs d'activité, toutes les tailles d'entreprise, c'est ça le message qu'on peut aussi retenir.
01:11Enthesis, Alexandre Lemille, présentez-nous votre entreprise.
01:14Alors Enthesis, c'est d'abord un groupe international qui est présent sur cinq continents et qui est un groupement d'experts.
01:21On est des géologues, des ingénieurs, des agronomes qui aident les grandes entreprises, qui les conseillent aussi bien sur la stratégie ESG que l'économie circulaire, trajectoire climatique et les roadmaps en biodiversité.
01:37Donc on est vraiment ce qu'on appelle un one stop shop, donc on essaye vraiment de répondre à toute la problématique qu'une grande entreprise comme Danone, Suez, Veolia pourrait avoir sur ces sujets-là.
01:48Et est-ce que vous répondez de plus en plus à des questions justement sur l'économie circulaire, puisque vous avez un spectre très très large d'expertise ?
01:55Alors j'ai eu la chance de tomber dedans comme Obélix dans la soupe, dans la potion magique, en 2008, à la création de la fondation Hélène MacArthur.
02:03J'étais chez la première société qui finançait la fondation à l'époque et on avait des webinaires tous les mois avec Hélène MacArthur et c'est là où j'ai dit bon voilà, ça c'est l'économie de demain
02:15puisque les co-bénéfices de cette économie et les raisons d'être de cette économie c'est vraiment d'allier le nexus entre une économie soutenable et aussi bien une soutenabilité environnementale.
02:28C'est un petit peu ce qu'on cherche tous à mettre en place et cette économie circulaire a les moyens de décarboner notre économie et d'aller au-delà.
02:39Alors avec un objectif, il faut être ambitieux dans la vie, c'est l'objectif d'une économie 100% circulaire. Bon je lis ça, je dis super, mais est-ce que ce n'est pas totalement illusoire ?
02:49Mais sans illusion, en fait on vit dans l'illusion aujourd'hui. On n'est pas du tout dans l'économie du réel. Aujourd'hui on parlait tout à l'heure d'impact plutôt que de se focusser sur les revenus d'une entreprise.
03:03En fait cette économie circulaire, on a encore du mal à percevoir tout l'ensemble des co-bénéfices qu'elle pourrait créer et en fait elle pourrait résoudre nombre de problématiques auxquelles la France fait face actuellement.
03:18Par exemple sur la partie décarbonation, il n'y a pas que ça, parce qu'on parle beaucoup de décarbonation, mais c'est vraiment un gros sujet.
03:26On pourrait décarboner l'ensemble des biens, des produits qui circulent dans notre pays et diminuer cette empreinte carbone au niveau de la fabrication.
03:36Ça pourrait créer des emplois locaux qui ne seraient pas délocalisés et délocalisables.
03:41Mais alors vous prêchez un convaincu, on en parle régulièrement dans cette émission, mais on en est où aujourd'hui ?
03:45Que si on se dit, essayons d'arriver à 100% d'économie circulaire aujourd'hui, ça représente quoi ?
03:51Avant de préciser votre question sur où on en est, il y a un aspect des co-bénéfices qu'on n'a pas forcément l'habitude de mettre en lumière et qui est important aussi de souligner, c'est un avantage économique.
04:06Aujourd'hui, on a des entreprises françaises qui ont une certaine avance en matière d'économie circulaire par rapport à d'autres pays et investir dans l'économie circulaire, c'est aussi finalement investir dans la compétitivité,
04:17soutenir l'avance et la compétitivité des entreprises qui ont cette avance-là parmi d'autres. Premier point.
04:23Il y a des enjeux de souveraineté aussi qui sont très importants, mais il n'est pas neutre.
04:29Un avantage politique certain. Travailler l'indépendance économique de notre pays, c'est travailler sur sa souveraineté, c'est très important de le souligner.
04:38Mais il y a aussi, quand on investit dans l'économie circulaire, on crée du PIB en France. Créer du PIB en France plutôt que d'acheter des produits fabriqués à l'autre bout du monde, non seulement ça tombe sous le sens, mais en même temps ça permet d'arrêter de creuser notre balance commerciale.
04:53Ça c'est un argument aussi pour Bercy.
04:55C'est des très bons arguments. Et donc la question sur l'état des lieux, on en est où ?
04:59On en est où ? Alors aujourd'hui on a quand même un contexte législatif en France qui est très favorable. Très en avance, je le disais, on a une loi AJEC, anti-gaspilles pour l'économie circulaire, qui a été votée en février 2020, qui est très large, très ambitieuse, qui embrasse vraiment beaucoup d'aspects.
05:16Cette avance-là, elle est reconnue au niveau de l'Europe. L'Europe nous regarde très précisément sur comment on construit des indices de réparabilité, de durabilité, comment on met en œuvre un fonds réparation, un fonds réemploi, et elle aimerait un peu disséminer tout ça.
05:31Cet arsenal législatif, il est donc ambitieux. Il s'agirait maintenant, quand même, de faire un peu son service après-vente parce qu'on n'y est pas totalement.
05:42Il n'est pas suffisamment appliqué, c'est ça, cette loi ? Parce que moi j'en vois les effets dans mon émission, les secteurs, les uns après les autres, qui finalement, aiguillonnés par la loi AJEC, ont mis en place des systèmes de récupération, de circularité, de valorisation de ce qui était auparavant des déchets et qui sont aujourd'hui de la valeur.
06:01Oui, tout à fait. Sauf qu'on est, on va dire, à l'étape 1 de la fusée et il va falloir monter en puissance dans les années à venir. Par exemple, l'une des finalités de l'économie circulaire, c'est quand même de réduire nos déchets. Aujourd'hui, les déchets sont démultipliés dans une société de grande consommation.
06:21On continue de créer de plus en plus de déchets.
06:24En fait, il y a ce qu'on appelle un circularity gap. C'est un calcul du niveau de circularité, aussi bien en France que dans le monde entier, et ce ratio de circularité diminue d'année en année. Donc on passe d'un monde à 9 et quelques pourcents de circularité à un monde à 7% aujourd'hui.
06:42En fait, c'est dû au volume de biens qui sont produits chaque année. Quand vous entendez des Chine et des Témus où on essaye de réguler un petit peu le nombre de références produites par jour.
06:55Là, on parle de l'ultra fast fashion.
06:57Entre autres, c'est un petit peu l'exemple extrême, mais si vous voulez, l'économie circulaire a du mal à faire face dans un contexte de surconsommation à outrance.
07:07Et si on doit identifier des freins ou des limites à certaines solutions, lesquelles vous viennent ?
07:16Justement, ce que je commençais à mentionner, c'est ce frein culturel.
07:20On est dans un monde où on est dopé à la publicité.
07:25Et en fait, on a cet aspect de ce qu'on appelle l'obsolescence marketing.
07:30Il nous faut absolument ce prochain smartphone qui va sortir.
07:33Et donc, si on ne change pas de smartphone tous les ans, on n'est pas forcément dans le coup.
07:39Alors quand je suis avec mon téléphone modulaire, ça fait un peu jaser, surtout quand on a des adolescents.
07:46Mais si vous voulez, le consommateur est noyé par cette publicité.
07:51Il ne voit pas du tout ce dont on parle quand on parle d'économie circulaire.
07:56Et ensuite, il y a un autre aspect de l'économie circulaire, c'est qu'il va falloir rendre la sobriété beaucoup plus attractive qu'elle ne l'est aujourd'hui.
08:04Dans un monde où il va falloir consommer de façon plus responsable, réutiliser les objets, voire les pièces.
08:13Et cette sobriété, on a du mal à créer justement cet imaginaire commun.
08:18Le premier frein qui vous vient, c'est le frein culturel, l'imaginaire commun. Votre avis là-dessus ?
08:23Il y a un autre frein que je voudrais mettre un peu en avant, c'est le frein législatif.
08:27Je disais tout à l'heure que la loi AGEC était un très bel arsenal, qu'il suffisait de faire un peu plus son service après-vente.
08:34Il y a quand même une petite faiblesse dans cette loi, c'est qu'elle soutient extrêmement bien la demande des Français en produits et services circulaires.
08:44Typiquement, on a un fonds réparation qui est là pour soutenir, avec un bonus réparation pour venir alléger la facture finale.
08:50Mais on ne pense pas du tout dans cette loi le soutien de l'offre.
08:54C'est-à-dire comment on va faire pour faire émerger une véritable offre de réparateurs, une véritable offre de biens reconditionnés, réemployés,
09:02en permettant l'essor des acteurs historiques de ce secteur que sont les acteurs de l'ESS,
09:09mais aussi en industrialisant et en ouvrant les vannes pour que d'autres profils d'entreprises puissent se positionner sur ce marché et le faire décoller.
09:19Mais il y a aussi des effets pervers, je pense, parce que l'un des géants de l'économie circulaire, c'est Vinted, par exemple.
09:24On parlait de vêtements, et moi j'ai reçu ici des représentants d'associations, mouvements Emmaüs, etc., qui disent que ça tarie notre source.
09:33Vous voyez ce que je veux dire ? On a de moins en moins de vêtements, ils sont de moins en moins de bonne qualité.
09:37Et puis en plus, vous parliez du côté culturel ou psychologique, je peux acheter 15 t-shirts parce que de toute façon je les remettrai sur Vinted après.
09:47Vous voyez ce que je veux dire ?
09:47En fait, il y a aussi cet aspect du frein technique.
09:52Et sur l'aspect culturel, on met en place des start-up, on met en place des entreprises qu'on appelle circulaires avec une mentalité linéaire.
10:03On n'arrive pas à réfléchir en disant qu'il va falloir aller vers des systèmes avec de l'énergie diffuse, de l'énergie uniquement renouvelable, avec des systèmes doux et distribués complètement.
10:15Et en fait, on a du mal à comprendre ce concept d'économie circulaire.
10:19Il y a toute une culture circulaire à avoir parce que c'est assez technique.
10:24Il y a un ensemble d'acteurs à mettre en place puisque l'on parle d'un écosystème d'acteurs qui va pouvoir fournir ce type de service qui va justement essayer de ralentir l'économie de la consommation.
10:35Et comme cette barrière à la compréhension de l'économie circulaire, il y a plus de 300 définitions de l'économie circulaire dans le monde, comme cette barrière est assez forte, on se réfugie dans le recyclage.
10:46Et en fait, un exemple typique, c'est les déchets électroniques.
10:5198% des déchets électroniques sont recyclés.
10:53Le recyclage, c'est la destruction de la matière.
10:55On a une bouteille en verre, on va la détruire pour refaire une bouteille en verre.
10:58Donc on est encore dans l'énergie linéaire, avec des énergies fossiles qui vont pouvoir nous aider à recréer cette bouteille.
11:05Et en fait, moi je vais jeter une brique dans la marre, comme on dit, c'est que si on enlevait ce cycle du recyclage au modèle de l'économie circulaire,
11:15ça nous permettrait de réfléchir beaucoup plus à tout ce qui est réparation, réemploi, à nous remettre en cause.
11:21Très bien, merci beaucoup, merci à tous les deux.
11:23Désolé, bon salon Pro Durable.
11:25Le temps de ce débat est écoulé.
11:27C'est la rubrique start-up tout de suite.