• il y a 3 mois
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Hervé Lehman, avocat, ancien juge d’instruction et auteur de "Soyez partiaux ! Itinéraire de la gauche judiciaire" aux Éditions du Cerf, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.

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Transcription
00:007h-9h, Europe 1 Matin. Il est 7h12 sur Europe 1. Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin
00:06l'avocat et auteur sur les questions de justice
00:08Hervé Léman. Bonjour Hervé Léman. Bonjour. Bienvenue sur Europe 1 Ancien Juge d'Instruction, avocat au barreau de Paris. Votre dernier livre, Soyez Partiaux
00:17itinéraire de la gauche judiciaire, c'est paru en 2022 aux éditions du CERF. On vous avait initialement invité Hervé Léman
00:23pour parler de la passe d'armes entre Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur et le garde des Sceaux Didier Migaud, à propos de
00:29l'efficacité de la justice. Et puis en soirée, nous avons appris l'arrestation du meurtrier présumé de
00:33Philippine, cette étudiante à l'Université Paris Dauphine, dont le corps a été retrouvé
00:37à moitié enterré dans le bois de Boulogne ce week-end. Alors il s'agit donc d'un Marocain
00:41sous obligation de quitter le territoire français, déjà condamné pour viol à sept ans de prison en
00:472021, mais il était dehors, il était en France, il n'aurait jamais dû croiser le chemin de sa victime.
00:51Que vous inspire cette affaire Hervé Léman ? Écoutez, c'est terrible, mais c'est malheureusement devenu notre
00:57quotidien, c'est-à-dire que toutes les semaines, aujourd'hui, on a une histoire comme ça, de quelqu'un qui
01:04n'est pas allé en prison alors qu'il aurait dû y aller, ou est en France alors qu'il aurait dû être
01:10expulsé. Donc c'est
01:13vraiment ce quotidien de tous les jours
01:17qui est
01:19la véritable insécurité, et pas simplement un sentiment d'insécurité comme
01:23le serine certains. Alors tout ça, dans ce contexte, on a cette joute
01:29d'emblée entre Bruno Retailleau, qui estime qu'en France on a créé, je le cite, un droit à
01:34l'inexécution des peines. Autrement, il est en train de nous dire, la justice est totalement stérile et inefficace.
01:39À quoi Didier Migaud, le garde des Sceaux, a répondu hier, alors qu'il était en visite à la prison de la santé, que
01:44non, le laxisme de la justice, ça n'existe pas.
01:48Oui, je ne sais pas à quoi s'attendait Michel Barnier en nommant un socialiste à la chancellerie.
01:56Ce que dit Didier Migaud, c'est ce que ont toujours dit les gardes des Sceaux socialistes,
02:02sous Macron, Mme Belloubet, ou M. Dupont-Moretti, sous Hollande, etc.
02:10Donc je ne suis pas surpris de cette position. Ce qui m'étonne, c'est que Michel Barnier,
02:16en souhaitant avoir une politique
02:19de lutte contre l'insécurité, ait choisi de
02:24reconduire un tandem, un peu comme le tandem précédent. On avait Gérard Darmanin, ministre de l'Intérieur de droite,
02:29avec Éric Dupont-Moretti, garde des Sceaux de gauche.
02:32C'est un grand classique, cette tension entre Place Vendôme et Place Beauvoir.
02:36Alors vous avez raison.
02:37Manuel Valls, Christiane Taubira, etc.
02:39Alors vous avez raison, vous avez toujours cette tension qui existe même dans des gouvernements de droite.
02:45Mais là, c'est au summum, quand vous mettez un ministre de l'Intérieur de droite et un garde des Sceaux de gauche.
02:52Mais je voudrais qu'on précise un peu, quand même, l'accusation qui est lancée, Hervé Léman.
02:55Il y a quelques semaines de cela, vous écriviez dans le Figaro, et on a l'impression que vous auriez pu l'écrire hier soir, vous dites
03:00« Sauf exception, la loi commande aux juges de ne pas envoyer les délinquants en prison ».
03:05Donc si j'ai bien compris, le laxisme n'est pas tellement celui des juges, des personnes, qui refuseraient d'appliquer la loi.
03:10Non, c'est la loi elle-même qui, finalement, organise l'inefficacité de la justice en France.
03:16Absolument, c'est tout à fait exact.
03:18C'est une loi qui a fait voter Christiane Taubira,
03:21une loi qui a
03:23aggravé, si je puis dire,
03:24Éric Dupond-Moretti, et c'est une loi qui dit qu'on ne doit envoyer les délinquants en prison qu'en dernier recours,
03:31si c'est indispensable, et s'il n'y a vraiment aucune autre solution.
03:35Mais pourquoi ? Parce qu'on n'a pas assez de places de prison ?
03:37Parce qu'on estime que la prison, c'est criminogène ? Quel est le logiciel derrière ce fonctionnement ?
03:41Alors, le logiciel derrière, c'est le logiciel, c'est la pensée de la gauche judiciaire, qui est que la prison c'est mal,
03:47que la prison ça favorise la récidive, et que la prison, si on va même un peu plus loin...
03:53Alors c'est pas faux, l'absence de prison la favorise aussi quand même, c'est-à-dire que quand il n'y a pas de sanction, il y a récidive.
03:59Donc tout est dans un équilibre.
04:02L'intérêt de la sanction, le premier intérêt de la sanction, c'est que la personne, pendant qu'elle est en prison, elle ne récidive pas, au moins pendant qu'elle est sous les verrous.
04:09Mais il faut continuer à décrypter, parce que par exemple le ministre de la Justice dit aussi hier, et en cela il n'a pas tort,
04:14il dit que le taux d'exécution des peines n'a jamais été aussi élevé, je crois qu'on est à 95%.
04:18Ça veut dire quoi cette phrase ?
04:20C'est une manipulation des chiffres, c'est-à-dire que c'est un taux d'exécution, mais ce ne sont pas des exécutions de peine d'emprisonnement.
04:28Un bracelet électronique, c'est l'exécution d'une peine ?
04:30Exactement, vous êtes condamné à une peine de prison, on vous met un bracelet électronique, donc vous n'êtes pas en prison.
04:35C'est ça la réalité aujourd'hui, c'est-à-dire que les peines sont exécutées d'abord avec beaucoup de retard,
04:41il y a aussi un grand problème de lenteur de la justice, j'avais écrit un livre sur la lenteur de la justice il y a quelques années, je pourrais le republier aujourd'hui.
04:50Donc il y a d'abord une tardivité de la réponse judiciaire, et puis ensuite à la fin du processus...
04:56Parce que là, si on prend le cas par exemple de ce Tahao, le meurtrier présumé de Philippines,
05:03il a dû attendre deux ans son procès pour être condamné pour le premier viol qu'il a commis en 2019.
05:09Oui, c'est plutôt assez rapide, la moyenne pour une affaire criminelle c'est quatre ans.
05:12Quatre ans ?
05:13Quatre ans, oui, donc c'est très long.
05:15Alors là, dans cette affaire-là, nous sommes dans une situation qui est un petit peu particulière,
05:19parce qu'il a commis un premier viol, il a été jugé, il a été condamné, il a exécuté sa peine.
05:23Le problème particulier...
05:25Il a exécuté sa peine, il est condamné à sept ans, deux ans et demi plus tard il est dehors.
05:28Alors en réalité, il est resté cinq ans en prison, parce qu'il y avait la détention provisoire qui comptait.
05:33Le problème dans ce cas particulier, c'est la non-exécution de l'OQTF.
05:37Nous avons un énorme problème...
05:39Diplomatique alors ?
05:40Alors pas seulement diplomatique, de volonté politique, de recours judiciaire multiple, recours devant le tribunal administratif,
05:47après ça recours devant le juge judiciaire, etc.
05:49Donc nous avons un énorme problème de non-exécution des OQTF,
05:55qui s'ajoute au problème d'absence d'emprisonnement d'un certain nombre de délinquants.
06:02Mais peut-être vous pouvez expliquer aux auditeurs d'Europe 1, on finira là-dessus,
06:05il était en centre de rétention après être sorti de prison, parce que la France voulait l'expulser,
06:10d'où l'obligation de quitter le territoire français.
06:12Il est mis en centre de rétention pour s'assurer qu'il ne s'envole pas, qu'il ne s'échappe pas dans la nature,
06:16et puis on voit qu'à début septembre il est relâché, il est relâché.
06:20Comment ça se fait ?
06:21Parce que le système est comme ça, c'est-à-dire que vous avez des recours,
06:25et puis vous avez le juge qui finit par dire bon, on va le remettre en liberté, en attendant...
06:29Il y a un chronomètre, il y a un délai pendant lequel on est obligé de le relâcher.
06:35Oui c'est ça, mais c'est normal, on ne peut pas garder des gens en rétention administrative pendant 5 ans.
06:40Mais le problème c'est que vous avez la succession des recours,
06:43et puis finalement ça fait pchit, et puis les OQTF ne sont pas exécutés.
06:47Merci beaucoup Hervé Léman d'être venu sur l'antenne d'Europe 1.
06:50Je rappelle votre dernier livre « Soyez partiaux, itinéraires de la gauche judiciaire »,
06:54c'est paru aux éditions du CERF.
06:56Merci d'être venu sur Europe 1.
06:57Bonne journée à vous.

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