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Emmanuel Razavi, grand reporter et auteur de l'enquête "L’or des Mollahs : Trafics et fuite de capitaux", répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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NewsTranscription
00:00 Face à la révolte qui refuse de s'éteindre en Iran, le régime des molas serait-il aux abois ?
00:05 Paris Match révèle dans son édition de cette semaine que les gardiens de la révolution
00:09 ont sorti en catastrophe du pays des dizaines de tonnes d'or ces dernières semaines.
00:14 Bonjour Emmanuel Razavi.
00:16 - Bonjour, merci de me recevoir.
00:17 - Bienvenue sur Europe 1, Emmanuel, vous êtes grand reporter indépendant,
00:20 c'est vous qui signez cette enquête passionnante et surtout inédite.
00:24 Il y a trois mois de travail en amont, alors je vais donner le ton,
00:26 avec cette image par laquelle vous ouvrez votre papier des sacs de 70 à 100 kilos,
00:31 probablement remplis de billets ou de lingots chargés de nuit,
00:34 dans des avions qui n'apparaissent sur aucun registre, décollant pour des destinations inconnues.
00:39 Mais que se passe-t-il à Téhéran, Emmanuel Razavi ?
00:42 - Mais c'est exactement effectivement ce que nous racontons.
00:45 En fait, il faut savoir que le corps des gardiens de la révolution,
00:47 qui est le bras armé de la République islamique d'Iran depuis 44 ans,
00:51 a amassé un véritable trésor de guerre,
00:54 qui s'est constitué en fait sur le trafic d'armes,
00:57 le trafic d'or, de lingots d'or et de drogue.
01:01 En fait, ce sont les milliards qui sont issus des activités criminelles,
01:04 qui sont blanchis, placés sur des comptes à l'étranger,
01:07 qui partent par le biais d'avions qui appartiennent à une compagnie aérienne iranienne,
01:13 dont le nom est Mahan Air, dont nous parlons en l'occurrence,
01:16 dans l'enquête, puisque je l'ai réalisé avec Alfred Jacobzadeh,
01:19 le grand photographe d'origine iranienne, comme moi.
01:22 Et en fait, ce sont ces trafics que nous traçons,
01:25 qui permettent de montrer que les mollahs, les gardiens de la révolution,
01:30 évidemment, ont amassé énormément d'argent, comme je le disais,
01:33 sur ces trafics de stupéfiants, sur la prostitution en fait aussi.
01:38 Donc on est très loin de l'idéologie religieuse,
01:41 il s'agit clairement d'une mafia.
01:43 Et qu'aujourd'hui, ces trafics, ça accélère l'exfiltration,
01:48 je peux dire, des capitaux, de l'or, de cet argent mal acquis,
01:52 de cet argent criminel, partent quotidiennement,
01:57 par le biais de ces aéroports, de ces avions,
02:00 de cette ligne aérienne qui s'appelle Mahan, vers l'extérieur.
02:05 Alors, ce qu'on a pu tracer, c'est que cet argent part d'abord en Turquie,
02:08 de la Turquie, il part ensuite, si vous voulez, dans des pays comme la Suède,
02:11 pour arriver notamment au Canada, mais aussi dans des pays comme le Qatar.
02:16 - Alors ne dévoilez pas tout Emmanuel Razavi, on va laisser quand même...
02:19 - Je ne vais pas tout dévoiler.
02:20 - Non, il faut donner envie aux gens de lire le papier, qui est passionnant,
02:23 parce que vous décortiquez ce système, mais ce que l'on retient,
02:25 et vous l'avez déjà dit, c'est que ces gardiens de la révolution,
02:29 c'est l'État dans l'État, c'est le cœur du régime iranien.
02:32 En fait, vous le décrivez comme une kleptocratie,
02:35 un régime qui est complètement corrompu,
02:38 à des années-lumières de l'idéologie de pureté
02:41 que l'on prête d'habitude au molle, là.
02:43 - Mais en fait, vous avez absolument raison,
02:45 parce qu'évidemment, la république islamique d'Iran s'est construite
02:47 en image basée sur l'idéologie religieuse, l'islamisme, l'islam politique.
02:51 En l'occurrence, si vous parlez de kleptocratie, c'est une véritable mafia.
02:55 Quand on fait l'enquête que nous avons réalisée avec Alfred,
02:59 on a l'impression de se retrouver dans un épisode de la série Narco,
03:03 Narco, chez les molles, là.
03:04 En fait, il y a une véritable mafia.
03:06 On la raconte en deux mots, sans le détailler,
03:09 mais les gardiens de la révolution ont passé des accords
03:12 avec les mafias colombiennes ou mexicaines,
03:15 donc les marchands de drogue.
03:17 On est complètement là-dedans.
03:18 En réalité, ces gens-là ont pris le pouvoir il y a 44 ans.
03:21 Et évidemment, très rapidement, ils ont mis en place cette milice,
03:25 qui est, comment dire, que sont les gardiens de la révolution,
03:28 qui tiennent tout l'arsenal sécuritaire, en fait, iranien.
03:30 Il faut rappeler que les gardiens de la révolution,
03:32 ils ont leur propre force spéciale, leur marine,
03:34 ils ont leur propre aviation,
03:36 mais ils tiennent aussi plus de 60% de l'économie, en fait, iranienne.
03:40 Et ils tiennent notamment, en fait, les frontières et les douanes,
03:43 ce qui fait qu'ils sont à la fois le gendarme et le voleur.
03:45 Donc, ils font exactement ce qu'ils veulent avec l'argent qu'ils amassent,
03:48 ils font ce qu'ils veulent avec les trafics qu'ils pratiquent.
03:51 Et en fait, on se rend compte que derrière, si vous voulez,
03:54 sous le saut de l'idéologie religieuse,
03:57 en réalité, c'est un système mafieux qui a confisqué les biens des grands.
04:00 Et c'est important de le dire parce que les iraniens,
04:02 le régime iranien, j'entends régulièrement,
04:05 dit que si le pays est au bord de la faillite,
04:06 c'est à cause des sanctions internationales.
04:08 Tous les spécialistes que nous avons interviewés,
04:10 et notamment d'anciens agents infiltrés, d'anciens agents secrets,
04:14 nous disent bien que si l'Iran se retrouve dans cette situation,
04:17 c'est à cause des trafics, si vous voulez,
04:19 et de la criminalité du régime.
04:22 Quand je parle de criminalité, il y a bien sûr les crimes contre l'humanité
04:25 qui sont commis par le régime, on le voit depuis le mois de septembre.
04:28 Mais je parle bien aussi des crimes mafieux.
04:31 - Oui. Alors d'ailleurs, c'est un régime qui est d'habitude est solide,
04:33 il y a peu de défections d'habitude, mais ça change depuis quelques mois.
04:36 Et votre reportage en est l'illustration.
04:38 La question qu'on se pose aussi, c'est parce que vous dites que
04:41 ces choses-là sont sues des spécialistes, des services de renseignement,
04:45 depuis très longtemps.
04:46 Pourquoi les langues se délient-elles maintenant, Emmanuel Razavi ?
04:49 Qu'est-ce qui vous a permis d'écrire ce papier
04:51 que vous n'auriez sans doute pas pu écrire il y a 2-3 ans de cela ?
04:54 - Alors, c'est ce qu'on a découvert, c'est qu'en fait,
04:56 tout ça est largement su depuis des années.
04:59 Les agents qu'on a pu, ou ex-agents secrets qu'on a pu interviewer,
05:03 nous ont expliqué que si tout ça n'était pas sorti,
05:06 c'est qu'il ne fallait pas que ça gêne les négociations sur le nucléaire,
05:09 notamment depuis 2015,
05:11 que parallèlement à ça, avant même les négociations sur le nucléaire,
05:14 dont on sait qu'elles sont mortes aujourd'hui,
05:16 c'est ce qui fait que les gens parlent,
05:18 c'est que de toute façon, il y avait énormément d'entreprises occidentales
05:20 qui faisaient du business avec l'Iran.
05:22 Et donc, il ne fallait pas gêner ces affaires.
05:25 Donc les rapports, si vous voulez, des services de renseignement occidentaux,
05:28 pas que français, c'était vrai pour les Américains ou les Anglais aussi,
05:31 donc les rapports existaient, mais il ne fallait surtout pas
05:34 que ça explose, parce qu'il ne fallait pas gêner
05:36 les relations économiques d'un côté avec l'Iran,
05:39 et ne pas gêner non plus, dans un deuxième temps,
05:41 depuis 2015, les relations diplomatiques.
05:43 Aujourd'hui, c'est ce que tout le monde nous dit,
05:45 l'accord sur le nucléaire iranien, il est mort,
05:47 d'ailleurs le président américain Joe Biden l'a dit il y a deux mois,
05:50 et donc c'est ce qui fait que tout ça sort
05:53 et peut être raconté finalement aux journalistes.
05:56 C'est ce que l'on a compris, c'est ce qui nous a permis en tout cas
05:58 d'obtenir ces témoignages, au-delà de l'enquête,
06:01 parce qu'il n'y a pas que les agents qu'on a interviewés,
06:03 mais aussi des opposants iraniens, des gens qui se cachent,
06:06 qui sont très très courageux, et qui témoignent
06:09 à visage découvert.
06:11 C'est important de le dire, parce que cette enquête
06:13 n'aurait pas pu être faite sans ces iraniens,
06:15 qui ont fait preuve d'un courage extraordinaire.
06:17 Dans les gens que nous avons interviewés,
06:19 il y a bien sûr des iraniens qui ont fui l'Iran,
06:21 mais il y a aussi des iraniens de l'intérieur,
06:23 des gens qui nous ont parlé depuis l'intérieur du pays,
06:25 qui ont été témoins de ces trafics,
06:27 ils ont pris un risque inouï en témoignant,
06:30 en racontant cela, et c'est important de le souligner,
06:33 parce que je crois que pour eux, c'est un véritable acte de résistance.
06:36 - Merci beaucoup Emmanuel Razavi, on va découvrir votre enquête.
06:39 L'or démolra cette enquête grand format,
06:41 sur plus de 8 pages, avec des photos magnifiques aussi.
06:44 C'est dans Paris Matchs, cette semaine.
06:46 Merci d'avoir été avec nous Emmanuel Razavi, bonne journée à vous.
06:48 - Merci infiniment.