La loi Claey-Leonetti est-elle suffisante ? La France pratique-t-elle déjà l’euthanasie ? Quel rôle a ou devrait avoir le médecin dans la fin de vie ? Quid du serment d’Hippocrate ? Ces questions sont on ne peut plus d’actualité à l’heure où le pays est plus proche que jamais d’obtenir la légalisation du suicide assisté. La loi sur la fin de vie a été stoppée par la dissolution de l’Assemblée nationale, mais le débat ne date pas d’hier. Alors, pour ou contre ?
Pour y répondre, nous avons posé la question au Dr Eric Fossier, médecin dans le champ des soins palliatifs et conseiller médical à la FNEHAD. Habitué à accompagner les patients en fin de vie, il parle de ses inquiétudes vis-à-vis de l’euthanasie, de ses dérives potentielles, et il met l’accent sur la nécessite de développer les moyens déjà existants, notamment l’hospitalisation à domicile. La fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile - pour laquelle il travail -, regroupe 280 établissement d’HAD. Elle démontre que des soins auparavant exclusivement réalisés à l’hôpital peuvent tout aussi bien s’effectuer à la maison ou dans un EHPAD.
Nous avons également reçu le Dr Denis Labayle, médecin et chef de service pendant 27 ans au Centre hospitalier sud francilien. Président d’honneur de l’association « Le choix », qui milite pour l’obtention d’une loi permettant à chaque Français de choisir sa fin de vie, il en est convaincu : le rôle du médecin, c’est d’accompagner son patient jusqu’au bout et selon ses volontés. Une lutte pour rendre la fin de vie humaine qu’il raconte dans son dernier livre « Le Médecin, la liberté et la mort » dans lequel il analyse ce combat qu’il a mené pendant plus de 20 ans. Un ouvrage empli d’anecdotes et d’ expériences, notamment ses rencontres avec les opposants médicaux, politiques et religieux. Il prône une nouvelle conception de l'éthique, plus respectueuse du choix du patient.
Pour y répondre, nous avons posé la question au Dr Eric Fossier, médecin dans le champ des soins palliatifs et conseiller médical à la FNEHAD. Habitué à accompagner les patients en fin de vie, il parle de ses inquiétudes vis-à-vis de l’euthanasie, de ses dérives potentielles, et il met l’accent sur la nécessite de développer les moyens déjà existants, notamment l’hospitalisation à domicile. La fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile - pour laquelle il travail -, regroupe 280 établissement d’HAD. Elle démontre que des soins auparavant exclusivement réalisés à l’hôpital peuvent tout aussi bien s’effectuer à la maison ou dans un EHPAD.
Nous avons également reçu le Dr Denis Labayle, médecin et chef de service pendant 27 ans au Centre hospitalier sud francilien. Président d’honneur de l’association « Le choix », qui milite pour l’obtention d’une loi permettant à chaque Français de choisir sa fin de vie, il en est convaincu : le rôle du médecin, c’est d’accompagner son patient jusqu’au bout et selon ses volontés. Une lutte pour rendre la fin de vie humaine qu’il raconte dans son dernier livre « Le Médecin, la liberté et la mort » dans lequel il analyse ce combat qu’il a mené pendant plus de 20 ans. Un ouvrage empli d’anecdotes et d’ expériences, notamment ses rencontres avec les opposants médicaux, politiques et religieux. Il prône une nouvelle conception de l'éthique, plus respectueuse du choix du patient.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Je trouve que le rôle d'un médecin, c'est d'accompagner son malade jusqu'au bout.
00:04Ce n'est pas d'imposer son idée, c'est d'écouter ce que veut le malade et d'accompagner.
00:08Moi, médecin de soins palliatifs, je me refuse à faire entrer dans le champ de ma pratique quotidienne,
00:14d'être un effecteur d'euthanasie.
00:17Je pense qu'il y a beaucoup de situations dans lesquelles les patients ne sont pas accompagnés
00:20sur le plan symptomatique et que si c'était le cas,
00:23les demandes d'euthanasie seraient probablement beaucoup plus rares.
00:26Le patient, il a d'abord envie qu'on s'occupe de lui,
00:29il a envie qu'on le rassure sur le fait qu'on prendra en charge ses symptômes.
00:32L'euthanasie, c'est un processus d'euthanasie,
00:35c'est-à-dire qu'on prend en charge ses symptômes,
00:37on prend en charge ses symptômes,
00:39on prend en charge ses symptômes,
00:41on prend en charge ses symptômes,
00:44L'euthanasie, c'est une demande marginale pour un certain nombre de patients.
00:50Changer le paradigme du soin en y ajoutant la possibilité de tuer son patient,
00:55ça paraît extrêmement dangereux dans un moment où de nombreux patients ne sont pas bien pris en charge.
01:01En Belgique, vous n'avez que 2,5% des gens qui choisissent d'aller mourir.
01:05Vous avez 97,5% des gens qui ne choisissent pas cette solution.
01:09Mais les études qui ont été faites sur le plan sociologique,
01:1180% des Belges ne veulent pas qu'on revienne en arrière de la loi.
01:14Parce que cette loi désangoisse.
01:17D'avoir la possibilité de l'utiliser, sans obligatoirement l'utiliser,
01:21permet aux gens d'avoir une sérénité.
01:26Bien sûr, l'immense majorité.
01:28Il y a quelques situations de symptômes très complexes,
01:31de maladies très très graves où, en effet, on est dans une impasse.
01:35Il y a quelques situations aussi de patients qui ne veulent pas vivre ce temps-là.
01:39Ce qui pose un problème éthique qui doit être réfléchi et traité.
01:43Comme elle n'est pas connue, les gens confondent la sédation profonde et continue avec l'euthanasie.
01:47Les gens confondent la sédation profonde et continue avec la prise en charge des symptômes.
01:52Moi, des sédations profondes, j'en fais peu.
01:54Mais quand j'en fais, ce que je vois surtout, c'est que mon patient, il est soulagé.
01:59Je le vois dormir, je le vois apaiser.
02:01L'intitulé de la loi, très intéressant, on y croit.
02:04Sédation profonde et continue jusqu'au décès.
02:06Sauf que la plupart des médecins et la plupart des hommes politiques
02:09n'ont pas lu la méthodologie qui est proposée par la Haute Autorité de Santé,
02:14sous la coupe de la Société Française de Soins Actifs,
02:16où là, les indications sont extrêmement limites et la modalité est inacceptable.
02:20Déshydrater un corps, c'est inacceptable.
02:23Et faire une sédation qui prolonge l'agonie, c'est contraire même au serment d'Hippocrate.
02:28Pourquoi prolonger un corps dont on a supprimé la conscience ?
02:34Moi, j'accompagne depuis 35 ans des patients en fin de vie.
02:37Je crois que je les accompagne avec dignité.
02:39Je pense qu'eux sont dignes aussi.
02:41Et si on a déjà la question du suicide assisté qui est vraiment différenciée de l'euthanasie,
02:46alors on a déjà réglé une partie des difficultés.
02:49Quand on regarde en Suisse, ça ne concerne pas du tout les soignants.
02:52Ça concerne des associations,
02:54mais ça pourrait concerner des offices municipaux, régionaux ou je ne sais quoi.
02:59Je respecte tous les avis de dignité.
03:01Il y a des gens qui sont croyants et qui estiment qu'aller jusqu'au bout,
03:05tenir dans la souffrance est une façon de marquer leur dignité.
03:09Donc je respecte.
03:10Mais il y a d'autres qui disent non.
03:11Voir mon corps se dégrader, c'est une perte de dignité.
03:14Les gens doivent choisir, s'ils veulent, telle ou telle solution.
03:17Et c'est fonction de leur philosophie.
03:19Et ce sont deux philosophies qui sont incompatibles.
03:23Oui, clandestinement.
03:25C'est tout à fait exact.
03:27Qu'il y ait des passages à l'acte avec des euthanasies clandestines
03:31ou des surdosages médicamenteux qui ne disent pas leur nom.
03:34Probablement.
03:35Mais ce n'est pas parce qu'on va légaliser ça qu'il y en aura moins.
03:38Parce que dans les pays où on a légalisé l'euthanasie,
03:41ça n'empêche pas qu'il y ait des euthanasies clandestines
03:43parce qu'elles ne répondent pas forcément à tous les critères objectifs de la loi.
03:47Quand j'étais au repas à l'Elysée avec tous les représentants des cultes,
03:51Olivier Véran, je crois que ce n'est pas un scoop,
03:54a eu le courage de dire à la fin du repas
03:56« Mais moi aussi, j'ai aidé à mourir. »
03:58À ce moment-là, des gens du culte ont dit « Oui, mais tu n'avais pas le désir. »
04:01Je dis « Mais si, dans certaines situations. »
04:03Le problème, c'est qu'il y a un problème judiciaire.
04:05Il y a deux épées de Damoclès sur la tête des médecins.
04:07La justice républicaine et le conseil de l'ordre des médecins.
04:11Du jour au lendemain, cette institution hautement discutable
04:14peut vous interdire de fonctionner.
04:19Je pense qu'on a mieux à faire aujourd'hui pour accompagner nos patients.
04:22Quand je vois qu'il n'y a pas de loi grand âge,
04:24quand je vois que le handicap n'est pas suffisamment pris en charge,
04:26quand je vois que le financement des soins palliatifs est insuffisant.
04:28Si, parce que de toute façon, il y a une loi aujourd'hui.
04:30Elle est punitive.
04:31Une société ne peut pas vivre sur la clandestinité.
04:36Je respecte tout à fait les médecins qui ne souhaitent pas.
04:39C'est leur droit.
04:40Moi, je pense qu'ils n'ont pas été jusqu'au bout de leur réflexion éthique.
04:42Mais, alors qu'ils n'empêchent pas les autres d'agir,
04:45que chacun fasse en fonction de sa conscience.
04:47Moi, j'ai eu toujours ma conscience absolument pour moi,
04:49sans avoir le moindre regret d'avoir aidé les gens à mourir.
04:52Je ne m'en vante pas, mais je trouve que c'était mon rôle.
04:55Car je trouve que le rôle d'un médecin, c'est d'accompagner son malade jusqu'au bout.
05:00Ce n'est pas facile.
05:01C'est émotionnellement dur.
05:03Mais ce n'est pas d'imposer son idée.
05:06C'est d'écouter ce que veut le malade et d'accompagner.
05:08Moi, médecin de soins palliatifs,
05:10je me refuse à faire entrer dans le champ de ma pratique quotidienne
05:14d'être un effecteur d'euthanasie.
05:16Moi, je fais de l'hôpital à domicile.
05:18Je ne veux pas être appelé à tout bout de champ
05:21par des collègues ou des patients ou des aidants
05:25qui me demanderont de les tuer alors que je ne les connais pas du tout.
05:28Aujourd'hui, nos jeunes collègues médecins qui sortent de la faculté
05:31qui voudraient faire des soins palliatifs,
05:33quand on leur dit peut-être que vous aurez aussi l'euthanasie,
05:36ils changent de voie.
05:39Euthanasie, ça veut dire
05:41thanatos, la mort, e, la bonne mort.
05:44C'est la mort sans souffrance.
05:45Chaque fois que j'ai dans un débat le mot tuer,
05:47je dis mais allez voir le dictionnaire.
05:49Ça veut dire quoi, tuer ?
05:50Tuer, ça veut dire retirer la vie de l'autre
05:52avec souffrance, avec douleur, avec violence même.
05:55Tandis que là, vous répondez dans un esprit de compassion
05:58à une demande.
05:59Ça n'a rien à voir.
06:00Ce mot doit être banni.
06:01Le mot tuer doit être banni de ce débat.
06:03C'est malhonnête.
06:04L'euthanasie, c'est l'injection d'un produit létal
06:06qui vous fait mourir dans les 15 minutes.
06:08Donc factuellement, l'euthanasie, c'est tuer.
06:10Donc l'aide à mourir, l'aide active à mourir,
06:12on se cache derrière notre petit doigt.
06:16Alors en tout cas, il faudrait changer le serment d'Hippocrate.
06:19Il faudrait changer le code de la santé publique.
06:21Il faudrait changer le paradigme de soins.
06:23Il faudrait que tout le monde sache dans tous les services
06:25et les patients en premier que peut-être qu'un jour,
06:27on va leur proposer de les aider à mourir.
06:29Le serment d'Hippocrate tel qu'il existe aujourd'hui
06:31n'a rien à voir avec le serment d'Hippocrate
06:33de M. Hippocrate qui a été écrit du reste
06:35400 ans après Hippocrate.
06:36C'est un serment qui est remis à jour régulièrement
06:38par le conseil d'œuvre des médecins
06:40et qui est plein de contradictions.
06:41D'un côté, il dit je ne donnerai pas la mort.
06:43Mais de l'autre côté, il dit je répondrai
06:45à la demande du patient.
06:46Je ferai en sorte qu'il ne souffre pas
06:48et je ne ferai pas, je ne prolongerai pas
06:50inutilement l'agonie.
06:51Alors je voudrais savoir comment ne pas prolonger
06:53l'agonie sans augmenter les cédatifs.
06:55C'est-il logique ?
06:58Si on disait aux gens vous aurez quelques sous
07:00mais il faut vous organiser.
07:02Il faut que tous les gens travaillent ensemble.
07:04Tous les acteurs du soins palliatifs doivent proposer
07:06un projet territorial de soins palliatifs
07:08organisé, gradué, lisible par tout le monde,
07:12accessible 24 heures sur 24 pour les professionnels.
07:15On n'aurait pas perdu notre temps.
07:16Et quand on aura fait ça, s'il manque encore quelque chose
07:19et s'il y a des choses pour lesquelles on n'a pas
07:21les réponses, on continuera à travailler.
07:23On a supprimé 25% des médecins.
07:25Où est-ce qu'on va trouver des médecins
07:26pour les soins palliatifs ?
07:27Il y a des articles qui ont montré que déjà
07:29actuellement, les unités existantes sont en crise.
07:31Deuxièmement, je maintiens que c'est au rôle
07:33des médecins.
07:34Donc il faut qu'il y ait une formation
07:36des médecins à la fin de vie.
07:37Une formation à la souffrance.
07:38Ça n'existe pas.
07:39Moi j'ai coutume de dire quand un patient
07:41est à domicile et que vous envisagez
07:44qu'il soit hospitalisé, est-ce que vous avez
07:45pensé à l'HAD ?
07:46Si on se posait tous cette question-là tout le temps,
07:48je pense qu'il y aurait moins de monde dans les lits
07:50à l'hôpital classique.
07:51C'est aussi une possibilité d'apporter à la maison
07:54des soins techniques, des soins relationnels,
07:56des soins de soutien psychologique,
07:58des soins de support nutritionnel.
08:00Donc finalement, d'exporter en dehors des murs
08:02tout un panel pris en charge
08:04qui sera très utile pour que le patient
08:07vive dans sa maison le plus
08:09confortablement possible.
08:11En Belgique, il n'y a aucune frontière
08:13entre les soins palliatifs et l'aide à mourir.
08:16C'est là où en France, on est complètement
08:18en retard et conservateur.
08:20Une personne qui veut aller aux soins palliatifs,
08:22elle va dans les soins palliatifs.
08:23Et si au bout de 15 jours, 3 semaines,
08:25elle dit ça suffit, j'en ai assez, etc.,
08:27il faut l'entendre, c'est tout.
08:28La difficulté, c'est pour les patients,
08:30leur famille et pour nous, c'est de se dire
08:32la même personne dans le même service
08:34peut soit décider de faire des soins palliatifs,
08:37soit décider de procéder à une euthanasie.
08:39Ça, c'est compliqué.
08:44Quand on observe les pays dits pionniers
08:46qui ont légalisé l'euthanasie,
08:48on voit qu'il y a une extension progressive
08:50des indications, il y a une augmentation
08:52assez rapide dans certains pays
08:53du nombre de demandes.
08:54Ça nous inquiète d'autant plus
08:56dans le champ de la santé d'aujourd'hui,
08:58où les moyens de l'hôpital, les moyens humains
09:00sont insuffisants, où il y a beaucoup
09:03de personnes âgées avec une démographie galopante,
09:05où on voit que même certaines mutuelles
09:07se disent qu'après tout, pourquoi pas,
09:09puisqu'il y a une demande.
09:10L'affaire Imbert, l'affaire Lambert,
09:12ce sont des dérives d'aujourd'hui.
09:14Alors bien sûr qu'il peut y avoir des dérives.
09:16Mais enfin, à Belgique, ça fait 23 ans,
09:19il n'y a pas eu de massacre.
09:21Les handicapés n'ont pas été tous massacrés.
09:23Enfin, il faut arrêter ce délire.
09:25La personne qui a 95 ans, qui a une polypathologie
09:28et qui demande à partir, oui, ça va se poser un jour.
09:31Mais est-ce que c'est une dérive ? Non.
09:33C'est aussi une façon de répondre
09:35à des problèmes de société qui sont difficiles,
09:37qui sont complexes.
09:40Ce que les médecins ne comprennent pas,
09:42c'est qu'à partir du moment où la maladie est curative,
09:46ils sont les maîtres, entre guillemets.
09:48À partir du moment où la maladie prend le dessus,
09:51et elle prend toujours le dessus à un moment,
09:53ils ne sont plus les maîtres.
09:54Et c'est le malade qui doit reprendre en main sa destinée.
09:56Et à partir du moment où le malade reprend en main
09:58sa destinée, il doit avoir autour de lui
10:00une fraternité, une sérénité, une solidarité
10:03dont le médecin fait partie.
10:05Quand le patient vous demande l'euthanasie,
10:07les psychanalystes disaient
10:09est-ce qu'en fait il n'est pas en train de vous demander
10:11si ma vie a de la valeur pour vous.
10:13Si vous lui répondez d'accord pour l'euthanasie,
10:15vous avez répondu à sa question.
10:17C'est qu'il est bien dans un état suffisamment indigne
10:19pour qu'on puisse lui dire
10:21vous avez raison d'envisager de tirer le rideau.
10:23C'est un vrai sujet de philosophie.