• il y a 11 mois
C’est un sujet difficile et un débat hautement sensible qui va s’ouvrir en France : celui de la Fin de vie.

L’exécutif a régulièrement repoussé l’écriture et le vote d’une nouvelle loi, invoquant un temps légitime de réflexion. Alors comment les choses vont-elles se passer ?
Euthanasie, suicide assisté, aide active à mourir… Quels vont être les mots employés ?
Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.
Année de Production : 2023

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Transcription
00:00 Ici et maintenant au cœur d'une unité de soins palliatifs documentaire que j'ai donc réalisé avec Adrien Benoliel
00:09 qui décrit la réalité des bénévoles, des soignants et des malades en soins palliatifs.
00:13 En tout cas quand on veut bien y mettre ce qu'il faut, c'est-à-dire des moyens du personnel et même du cœur j'ai envie de dire.
00:19 C'est peut-être trop rare en France et cela fait partie des questions que l'on va se poser avec nos invités.
00:24 Avec nous aujourd'hui pour en parler Christine Bonfanty-Dossa, bienvenue.
00:27 Vous êtes sénatrice LR de Lotte-et-Garonne, membre de la commission des affaires sociales
00:31 et vous êtes pressentie au Sénat pour être la rapporteure du projet de loi fin de vie quand il arrivera au Parlement.
00:38 Je précise également parce que c'est important pour l'échange que nous allons avoir que vous êtes infirmière de formation.
00:44 Mireille Dumas, bienvenue à vous également. Vous êtes productrice, journaliste, animatrice.
00:48 Vous militez pour le droit de choisir sa mort depuis de très nombreuses années.
00:51 Vous êtes membre du comité d'honneur de l'ADMD, Association pour le droit de mourir dans la dignité.
00:56 Vous avez été vous-même confronté à une situation difficile avec votre maman en 2014.
01:00 Vous avez accédé à sa demande de mourir, ce qui en l'état actuel des textes n'est pas légal,
01:05 mais justement vous aimeriez que cela change.
01:07 Dr Alexis Burneau, bienvenue à vous également.
01:09 Vous êtes chef de service de l'équipe mobile de soins palliatifs sur le site parisien de l'Institut Curie.
01:14 Vous êtes membre de la SFAP, Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs.
01:18 Vous avez co-signé une tribune dans Le Monde intitulée "Fin de vie, comme observé dans certains pays,
01:24 ayant légalisé l'euthanasie et le suicide assisté, le déclassement de l'offre palliative serait en marche".
01:29 On aura l'occasion d'en parler.
01:31 Daniel Borillo, bienvenue.
01:32 Vous êtes juriste, enseignant-chercheur à l'Université de Paris-Nanterre et chercheur associé au CNRS.
01:37 Vous êtes l'auteur de plusieurs ouvrages sur les libertés fondamentales,
01:40 dont celui-ci, "La morale ou le droit", aux éditions L'Armatan.
01:44 Et comme Mireille Dumas, vous aviez signé le Manifeste des 109 pour faire évoluer la loi sur la fin de vie,
01:49 qui était parue dans l'Obs en mars 2023.
01:51 Merci beaucoup à tous les quatre d'être ici.
01:53 On a choisi la maison Jeanne Garnier parce qu'elle fait figure d'exception en matière de soins palliatifs.
01:59 Mais est-ce que le problème n'est pas là, justement, Christine Bofanti-Dossa ?
02:02 Pourquoi est-ce si exceptionnel des établissements qui proposent des soins palliatifs de cette qualité ?
02:08 J'ai eu l'occasion de visiter moi-même cet institut.
02:11 Nous avons, en 2021, commis un rapport sur les soins palliatifs avec deux de mes collègues sénatrices
02:18 et nous avons eu l'occasion de nous rendre sur place.
02:21 Alors bien évidemment, c'est l'émotion qui, tout au long de cette visite, c'est une émotion extraordinaire.
02:29 On se rend compte que c'est finalement l'éloge de la lenteur, parce qu'on prend le temps de prendre le temps.
02:36 C'est un peu la devise et des soignants, mais également de ces merveilleux bénévoles qui sont là la journée,
02:44 et je précise la nuit, comme on l'a vu dans ce reportage.
02:47 Donc bien sûr que si on développait les soins palliatifs en France, puisque je rappelle que 26 départements ne sont pas couverts,
02:55 s'il y avait cette équité territoriale, peut-être qu'effectivement, on pourrait repousser cette loi
03:02 et avoir un autre regard sur la mort, parce que chez les soignants, c'est un échec.
03:09 Et chez nous, c'est un tabou.
03:14 Moi je suis ravie de voir que Franck Chauvin a remis un rapport au mois de décembre sur une stratégie décennale des soins palliatifs.
03:23 Donc ça c'est très encourageant.
03:25 Je suis aussi très satisfaite parce qu'il reprend pratiquement les 45 propositions que nous avions faites dans ce rapport.
03:32 Donc ça aussi c'est très encourageant.
03:34 Mais le problème c'est que dans cette stratégie décennale, on parle de choses merveilleuses, mais on ne parle d'aucun moyen financier.
03:42 Et aujourd'hui, si l'on veut que les soins palliatifs soient un droit opposable réel, il va falloir donner des moyens.
03:51 Mireille Dumas, est-ce que vous aussi vous diriez qu'il faut absolument mettre en priorité les soins palliatifs ?
03:56 Est-ce que dans le cas que vous avez connu avec votre maman, par exemple, ça aurait été utile qu'elle ait droit, qu'elle ait accès à des soins palliatifs de grande qualité ?
04:06 Mais l'un et l'autre ne s'opposent pas.
04:08 Évidemment qu'il faut développer à tout prix les soins palliatifs.
04:12 Ça fait des années, des années, j'ai l'impression qu'on en parle, manque de moyens, de toute façon de moyens pour tout.
04:17 Mais bien sûr qu'il faut que tout le monde puisse avoir accès aux soins palliatifs, c'est une chose.
04:23 Et après, j'allais dire que c'est un problème philosophique.
04:29 Je pense que la vie, mon corps m'appartient comme la mort m'appartient et j'ai le droit de choisir ma mort.
04:37 Mais est-ce que vous pensez que...
04:38 Ça n'est pas...
04:40 Oui, oui, c'est pas incompatible.
04:41 Mais est-ce que si on soulageait les douleurs de ces personnes en fin de vie ?
04:46 Oui, mais je suis d'accord.
04:48 Bien entendu, puisque je l'ai vécu, moi, d'abord, j'ai fait beaucoup d'émissions sur ce thème, j'ai toujours entendu à peu près la même chose.
04:54 Je l'ai vécu avec ma mère. Bien évidemment que les soins palliatifs, quand vous êtes accompagnés, en tout cas les soins contre la douleur,
05:01 ça vous permet de mieux accepter ce qui se passe, cette fin de vie.
05:05 Mais ça n'a rien à voir.
05:07 Moi, je vais vous dire pourquoi je suis adhérente à la DMD.
05:13 Mais parce que s'il m'arrive un accident demain, que je suis en incapacité de dire aux médecins ce que je souhaite,
05:22 parce que je suis tout à coup paralysée, je ne peux plus parler, je ne sais pas,
05:27 je ne veux absolument pas, et ça me tranquillise, de savoir qu'on va respecter ma volonté
05:32 et qu'on va effectivement m'accompagner, me donner cette mort que je demande.
05:37 Je n'ai pas envie de vivre dans cet état-là. Je ne veux pas.
05:42 Donc pour moi, c'est une sécurité d'esprit, évidemment.
05:45 Et ça n'a rien à voir, vous voyez, avec la douleur.
05:47 Et c'est pour ça que je voudrais qu'on reste quand même quelques minutes encore sur cette question des soins palliatifs.
05:51 Docteur Burneau, est-ce qu'on les a boudés, les soins palliatifs, par tabou, par peur de la mort ?
05:57 Pourquoi cette inégalité territoriale ? Pourquoi on ne met pas les moyens ?
06:01 Ce qui est sûr, c'est qu'on ne s'y est pas engagé autant que la loi de 1999 le permettait.
06:06 1999, c'est un droit d'accès pour tous à ces soins palliatifs.
06:10 Ces soins palliatifs, c'est une belle discipline médicale.
06:12 Elles sont nées il y a 40 ans en rébellion, si vous voulez, à une certaine toute-puissance
06:17 parce qu'on était galvanisés par des réussites médicales incroyables.
06:20 On transplante, on ranime, etc.
06:22 Et puis, des hommes et des femmes, on dit "Ah, mais il y a des moments où on va trop loin,
06:25 "et puis il y a des moments où on précipite la mort des gens."
06:28 Est-ce qu'on ne peut pas trouver une voie qui ait du sens,
06:31 qui prenne soin des gens, qui les soulage, qui les soigne,
06:34 sans précipiter la mort et sans la vie à tout prix, sans la vie forcément...
06:38 - Oui, sans l'acharnement, vous lisez. - Exactement.
06:40 Et pour que ce temps qui reste à vivre soit réellement à vivre,
06:44 ait du sens et de la valeur.
06:45 Alors, ces soins palliatifs dont vous parlez,
06:48 ils doivent, pour pouvoir être mis en place, mobiliser en fait tout le monde.
06:53 Ce n'est pas que les seuls soignants qui peuvent les faire.
06:55 Parce que pour pouvoir rester à domicile, vous disiez tout à l'heure,
06:59 dans de bonnes conditions, il faut la famille, les aidants, les amis, le médecin traitant...
07:03 - Les bénévoles, on le voit dans Gilles. - Les bénévoles.
07:05 Il faut une politique de la ville qui fait que vous pouvez vous déplacer
07:07 et vous avez du prix aux yeux de ceux qui vous entourent.
07:11 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les soignants qui s'engagent dans cette voie de soins palliatifs,
07:16 ils doivent absolument avoir deux exigences qui sont indissociables.
07:20 La première exigence, c'est qu'ils doivent avoir des compétences en matière de soulagement.
07:25 C'est obligatoire, en particulier le soulagement de la douleur.
07:28 Deuxième exigence, malgré cette demande de compétences très forte,
07:32 c'est de pouvoir se dépouiller complètement lors de la rencontre,
07:37 pour la première fois avec l'une de ces personnes vulnérables, fragiles, malades, handicapées,
07:42 qui vient se poser devant vous et pour lequel vous allez passer du temps,
07:46 l'écouter très longtemps, c'est-à-dire se taire très longtemps,
07:52 et comprendre ce qu'il est, son parcours, son histoire, son chemin.
07:56 On est d'accord que ce n'est pas une spécialité en France, les soins palliatifs.
07:59 Le Dr Anne Delatour, dans le film, nous dit que c'est une spécialité dans les pays anglo-saxons,
08:03 ça ne l'est pas en France.
08:04 - Absolument. - C'est le cas.
08:05 - Absolument. - Et ça devrait l'être pour vous.
08:07 Ça devrait l'être parce que ça permettrait probablement de modifier l'enseignement et cette diffusion.
08:12 Vous voyez ce regard qui devrait imprégner finalement chaque soignant et tout le monde.
08:18 D'une certaine manière, elle pourrait ne pas exister, cette discipline,
08:21 mais comme on a fait tellement de progrès en médecine,
08:24 on a créé des situations encore plus complexes qu'avant,
08:26 qui nécessitent parfois quand même de l'expertise médicale,
08:29 et puis des lieux comme ceux que vous avez montrés.
08:31 - Daniel Borrello, pardon, juste pour terminer ce tour de table,
08:34 et je vous redonne la parole juste après, mais est-ce que si on avait tout cela,
08:37 tout ce qui est à la maison Jeanne Garnier, tout ce que décrit le Dr Bruno,
08:40 est-ce que même philosophiquement, on se poserait un peu moins la question
08:42 d'une autre loi sur la fin de vie qui irait jusqu'à l'euthanasie ou le suicide assisté, d'après vous ?
08:48 - Je ne sais pas si on se poserait la question, la question se pose de toute façon,
08:52 et je crois, comme l'a dit Madame Dumas, effectivement, la question des soins palliatifs
08:57 me semble une condition sine qua non pour une fin de vie,
09:00 enfin pour toute loi concernant la fin de vie qu'on appelle l'euthanasie ou le suicide assisté.
09:05 Je prends, bon, c'est vrai que la France est un peu en retard,
09:08 mais elle fait beaucoup de progrès en 10 ans.
09:10 Si on voit, la France est aujourd'hui à peu près à la moyenne du pays de la OCDE,
09:13 et avec un investissement de 1 500 milliards d'euros, donc ça coûte extrêmement cher,
09:18 et évidemment il y a encore beaucoup à faire,
09:20 parce qu'à peine 40% des gens qui ont besoin d'un soin palliatif en France y accèdent.
09:24 - Eh oui.
09:25 - Et je prie par exemple la situation de l'Autriche, parce que l'Autriche est un pays,
09:28 je fais beaucoup de droits à comparer, je me suis beaucoup intéressé à l'Autriche,
09:31 parce que l'Autriche est un des pays qui a les plus développés les soins palliatifs,
09:34 et avec le double, enfin, d'investissement de ce qu'on fait en France,
09:38 c'est un des premiers pays en soins palliatifs au monde.
09:41 Eh bien en 2022, l'Autriche a adopté une loi sur le suicide assisté,
09:46 et je me suis posé la question de savoir, mais pourquoi ?
09:49 Alors qu'effectivement ça récule beaucoup la demande de suicide assisté ou d'euthanasie,
09:53 de l'or qu'il y a, qu'il y a effectivement de soins palliatifs efficaces,
09:57 eh bien il y a quand même des gens qui font la demande,
10:00 et je trouve que l'exemple autrichien est très très important,
10:03 un pays qui a beaucoup investi...
10:05 - Dans les soins palliatifs.
10:06 - Dans les soins palliatifs.
10:07 - Ça n'empêche pas la demande de choisir sa mort.
10:08 - Ça n'empêche pas.
10:09 - Méridien Mabrou.
10:10 - Parce qu'on peut avoir le droit de dire stop, voilà, on ne veut plus, tout simplement.
10:13 Je voulais juste réagir quand vous parliez beaucoup de la, justement,
10:17 de la souffrance soulagée, de la souffrance, la douleur, etc.
10:20 Il y a une souffrance qui n'est pas palpable, qui est la souffrance psychique.
10:23 - C'est sûr.
10:24 - Donc elle n'est pas quantifiable, celle-ci.
10:26 - Elle est évoluable.
10:27 - Je suis d'accord.
10:28 - Les liens que nous avons ensemble peuvent faire tout changer.
10:31 Nous sommes tous liés les uns les autres,
10:33 et dans la façon dont je vais choisir les mots, les gestes, les attitudes,
10:38 avec une personne que je connais ou que je ne connais pas,
10:40 eh bien si cette personne a une fragilité, a une vulnérabilité,
10:43 qu'elle traverse un moment difficile,
10:45 eh bien je peux contribuer, plus ou moins malgré moi,
10:48 à lui redonner un élan vital, ou au contraire,
10:50 à la faire précipiter vers un peu plus de gravité.
10:52 Donc tout ça est très, très fluctuant,
10:54 et nous, on en est témoin très régulièrement.
10:56 - Je voudrais votre avis sur le choix des mots.
10:58 On entend l'exécutif parler désormais de soins d'accompagnement
11:01 plutôt que de soins palliatifs.
11:02 Je vous vois lever les yeux au ciel, Christine Bofantido.
11:05 Ça, pourquoi ? Cette neuve langue vous agace ?
11:07 - Bah oui, pourquoi transformer quelque chose qui existe depuis 40 ans,
11:11 comme le disait le docteur, qui a très bien marché ?
11:14 Avant, cette loi, c'était une loi dite "la roque",
11:18 où c'était des personnes bénévoles, plutôt des religieuses,
11:23 qui venaient apporter ces soins de confort.
11:25 Puis la loi a donc évolué.
11:27 Il y a eu la loi de 99, puis il y a eu la loi de 2005 de Leonetti,
11:32 et la loi de 2016, du 2 février 2016, de Claes Leonetti.
11:37 Alors, pourquoi changer tout ça ?
11:39 - Parce que "soins palliatifs", ça fait peut-être "médical", "technique",
11:42 à côté de "soins d'accompagnement", vous voyez ?
11:45 - Non, je crois qu'on est en train de vous dire qu'effectivement,
11:47 ce n'est pas que technique, puisque la souffrance morale et psychologique
11:52 est prise en charge aussi.
11:53 La preuve, dans le reportage, il y a une psychologue qui est là,
11:57 il y a une manicure, et les échanges qu'il peut y avoir à ce moment-là
12:03 sont tout à fait merveilleux.
12:05 Vous vous rappeliez tout à l'heure, j'étais effectivement
12:07 pendant plus de 30 ans infirmière à domicile, infirmière libérale,
12:10 j'ai pu accompagner des tas de personnes en fin de vie.
12:13 Moi, j'ai connu des moments merveilleux qui m'ont grandi,
12:16 qui m'ont remplie d'humilité, qui m'ont fait pester vraiment
12:20 contre ce monde vraiment impitoyable, qui peine à reconnaître
12:24 la valeur inestimable de l'être humain.
12:27 Et on voit dans ce reportage que les liens humains, c'est important.
12:31 La plainte entendue, la main tendue qui caresse,
12:34 la présence silencieuse.
12:36 - Méridiuma, sur le choix des mots...
12:38 - C'est très important, d'ailleurs.
12:40 "Euthanasie", qui fait peur à tout le monde,
12:43 il faut rappeler que ça veut dire "mort douce" en grec.
12:46 Alors que quand on le prononce, ça fait très, très violent.
12:49 - Vous préférez "vous aide active à mourir",
12:52 c'est une expression qui vous parle d'amour ?
12:54 - Oui, moi, ça ne me dérange pas, l'euthanasie.
12:56 Ma mère était institutrice, j'ai grandi, elle m'a souvent...
12:59 D'ailleurs, elle a été ma propre institutrice,
13:02 et elle parlait souvent des animaux,
13:04 elle disait "on a plus de compassion".
13:06 Vous vous rendez compte, elle parle de ça il y a 50 ans.
13:09 "On a plus de compassion pour les animaux
13:11 que pour les êtres humains", elle parle ça il y a 50 ans.
13:14 Parce qu'elle voyait, justement, des gens mourir dans la douleur,
13:17 puisqu'il n'y avait pas encore de toute façon tout ça,
13:20 et, effectivement, on parlait de l'euthanasie pour les animaux.
13:23 À un moment donné, c'était en fin de vie, on arrêtait.
13:25 Donc moi, je suis habituée à ce mot.
13:27 Mais je sais qu'il fait très, très peur.
13:29 C'est pour ça que je me permets de rappeler
13:31 juste l'étymologie du mot.
13:33 Mais évidemment que les mots,
13:36 ça correspond à quelque chose,
13:38 dans le cerveau, il y a quelque chose qui se met en place.
13:41 Ils ont une connotation terrible, douloureuse.
13:44 - Forte, importante. - Morbide, même.
13:46 Maintenant, cette façon de...
13:48 Vous savez, on est dans un monde
13:50 où tous les mots sont changés pour dire exactement...
13:52 - La même chose. - La même chose.
13:54 Comme vous dites, auprès de l'opinion, ça peut paraître plus doux.
13:57 Voilà, c'est plus doux,
13:59 quand on ne connaît pas le sens des mots.
14:01 - Daniel Bourilhaud sur ce choix.
14:03 - Il y a différents pays, différents mots.
14:05 Je pense qu'on pourrait s'inspirer, par exemple,
14:08 de la procréation médicalement assistée.
14:10 Il y a une liberté de procréer.
14:12 Mais pour procréer lorsqu'on est infertile,
14:15 on doit passer par un système médical.
14:18 Donc on pourrait peut-être penser à une aide médicale à mourir,
14:20 puisqu'effectivement, tous ces dispositifs
14:22 partent de la liberté fondamentale
14:24 de mettre fin à ses jours.
14:26 En France, le suicide n'est plus un crime,
14:29 comme c'était le cas pendant l'Ancien Régime.
14:31 Donc du moment que le suicide est admis comme une liberté,
14:35 il y a des moments où on ne peut pas,
14:37 soi-même, mettre fin à ses jours, à se suicider.
14:39 C'est une forme d'aide médicale,
14:42 à une liberté fondamentale, la liberté de mettre fin à ses jours,
14:45 qui n'existait pas aujourd'hui en France
14:47 et qui existe dans tous nos pays voisins,
14:49 ce qui est assez étonnant.
14:51 Car même en Italie et en Espagne,
14:53 des pays avec une société beaucoup plus pratiquante
14:56 d'un point de vue religieux,
14:58 qui glisse aussi très mobilisé,
15:00 l'Italie et l'Espagne, le Portugal,
15:02 ont déjà adopté des lois sur l'aide à mourir.
15:05 On est très en retard.
15:06 Et en même temps, quand on est contre l'euthanasie,
15:08 comme vous, Alexis Burneau,
15:10 est-ce que le fait de choisir une langue plus douce,
15:14 ça vous fait craindre que cela convainque davantage les Français ?
15:17 Je vais rénuancer un tout petit peu.
15:19 Oui.
15:20 Je ne peux pas dire avec aplomb comme ça
15:22 que je suis contre l'euthanasie.
15:24 Je suis très, dans un doute très fort,
15:27 sur une légalisation de l'euthanasie.
15:29 Je sais qu'ici et là, dans certaines intimités,
15:32 dans certaines histoires,
15:34 des gestes ont pu être posés.
15:36 Il n'est pas question que je les juge.
15:38 Je dis juste que quand un État décide
15:41 que maintenant, il va pouvoir organiser
15:43 la mort programmée des gens avec l'aide de la médecine,
15:46 bien sûr, dans certaines circonstances exceptionnelles,
15:49 eh bien, ce n'est pas rien.
15:50 Ça envoie un message.
15:52 Qui va avoir cette aide à mourir ou cette euthanasie ?
15:56 Des gens qui se sentent vulnérables,
15:57 des gens qui sont fragiles, des gens qui sont âgés,
15:59 des gens qui sont handicapés.
16:01 Qu'est-ce qu'on leur dit quand on dit ça ?
16:03 Est-ce que la société va être plus humaine après ça ?
16:06 Je fais exprès de poser la question
16:08 parce que vraiment, je suis dans le doute.
16:10 Je m'inquiète.
16:11 Et quant aux mots, si vous voulez,
16:14 c'est sûr, la discipline soit positive,
16:16 pour moi, elle a du sens, elle a une histoire,
16:18 je pense qu'on peut la raconter, elle est belle, etc.
16:20 Je ne suis pas contre que l'on change des mots,
16:22 mais ce qui est très important, c'est qu'est-ce qu'on met derrière ?
16:24 Quand on fait de l'accompagnement, c'est pour faire quoi ?
16:26 Quel moyen ? Est-ce que ça va changer la vie des gens ?
16:28 Est-ce que les personnes handicapées pourront mieux circuler,
16:30 mieux se déplacer, mieux être considérées ?
16:32 Est-ce que les personnes âgées vont être moins mises à l'écart,
16:34 moins isolées ?
16:35 Est-ce qu'on pourra faire en sorte que la vulnérabilité,
16:37 la fragilité, la vieillesse, le handicap,
16:39 puissent être au milieu de nous et qu'elles nous apaisent
16:41 parce qu'on va avoir des gens qui peuvent envisager la vie
16:43 malgré tout ça ?
16:45 Donc si c'est ça, l'accompagnement, très bien.
16:47 Ce qui compte, finalement, c'est qu'est-ce qu'il y a derrière ?
16:49 Il faut nommer les choses.
16:51 Si vous le voulez bien, je voudrais aussi qu'on parle des cultes,
16:53 des religions, parce qu'elles ont leur place dans ce débat,
16:55 à tort ou à raison, et c'est justement votre avis qui m'intéresse.
16:59 Est-ce que, par exemple, le chef de l'État tient compte des cultes
17:03 lorsqu'il envisage d'écrire un texte sur la fin de vie,
17:07 en tout cas par le biais de son gouvernement ?
17:09 Je vous pose la question parce que c'est l'interprétation
17:11 d'une partie de la presse, d'après le Huffington Post,
17:13 un texte exclusivement consacré aux soins palliatifs
17:15 serait une demande portée par les responsables chrétiens et juifs,
17:18 d'ailleurs tous ont donné une conférence de presse cette semaine
17:21 pour dire non à l'aide active à mourir.
17:24 Ce poids des religions, ce poids des cultes,
17:27 Daniel Borio, est-ce que vous dites que, oui, c'est à juste titre,
17:30 il faut en tenir compte, ou surtout pas ?
17:32 Je pense qu'il faut en tenir compte, comme on tient compte
17:35 de toutes les opinions dans une société plurielle et démocratique.
17:39 Je pense qu'il y a une différence entre la légalisation de la fin de vie,
17:43 comme on a tenu compte de la légalisation de l'IVG,
17:46 et l'IVG ou la fin de vie en tant que telle.
17:49 Je crois que personne n'est pour la mort,
17:52 personne n'est nécessairement pour l'IVG,
17:54 c'est pour la légalisation de l'IVG,
17:56 tout comme pour la légalisation de l'euthanasie ou du suicide assisté.
17:59 Et du moment qu'on parle de légalisation, on franchit un pas,
18:02 c'est-à-dire c'est la différence entre la morale et le droit.
18:05 Chacun peut avoir sa morale, qui tient donc à voir
18:08 avec nos convictions également religieuses,
18:11 mais après la question cesse d'être une question morale
18:14 dès lors qu'on légalise, et là je crois qu'il y a un principe de laïcité
18:18 qui doit primer sur les convictions personnelles et la confiance.
18:22 - Parce qu'il y a une forme de pression, disons-le.
18:24 C'est évident que les représentants des cultes sont en train d'essayer
18:27 de convaincre l'exécutif de ne pas aller, de ne pas franchir le pas.
18:30 - Légaliser c'est pour encadrer, c'est justement pour éviter la dérive,
18:33 pour vous répondre.
18:35 - Nous avons fait aussi un rapport sur la fin de vie,
18:38 dernièrement, que je vous invite à parcourir.
18:42 Il a fallu qu'on aborde ceci, nous avions notre idée personnelle,
18:51 parce que nous avons tous certaines convictions,
18:54 mais moi j'avoue avoir été secouée parfois
18:57 par des idées tout à fait contradictoires, qui m'ont fait douter,
19:00 qui m'ont même parfois amenée à changer d'avis.
19:03 - Lesquelles ?
19:04 - Je ne vais pas vous refaire le tour de toutes les auditions que nous avons faites,
19:08 mais il y a parfois des personnes qui vous donnent des témoignages
19:11 avec beaucoup de passion et de conviction,
19:13 et évidemment vous pouvez dire "attends, est-ce que je suis dans le vrai ?"
19:16 - Qui sont favorables à l'aide active à mourir ?
19:18 - Qui sont favorables à l'aide active à mourir.
19:19 - Par exemple peut-être la maladie de Charcot,
19:21 qui est une des maladies pour lesquelles...
19:22 - Oui bien sûr, on sait très bien que c'est une maladie
19:24 dont on doit peut-être avoir une exception.
19:29 - Oui, Daniel Boury ?
19:30 - Oui, mais par exemple, j'avais suivi aussi la position du pape François,
19:33 c'est très intéressant, moi je suis argentin comme lui,
19:35 et je connais sa position, et lui il a dit
19:38 "ce n'est pas une question théologique, c'est une question d'humanité",
19:40 et lui il est contre l'euthanasie parce qu'il connaît la situation en Argentine,
19:46 et c'est pour ça qu'on dit que soins palliatifs
19:48 aident la condition sine qua non de la fin de vie.
19:51 Parce que dans des pays où il n'y a pas du tout de soins palliatifs,
19:54 c'est-à-dire il y a une loi des soins palliatifs,
19:56 mais il n'y a pas du tout de soins palliatifs,
19:58 c'est seulement les riches qui peuvent aller dans quelques cliniques privées très très chères,
20:01 accèdent à ce système d'accompagnement.
20:04 Donc là évidemment ce qu'il dit c'est une espèce d'idéologie du déchet,
20:08 c'est-à-dire ces gens-là vont souffrir, ils vont mieux les euthanasier,
20:11 ça c'est horrible bien évidemment,
20:13 et là quand il dit ça c'est dans sa pastoral,
20:16 dans ces contextes-là, dans des pays où il n'y a pas de soins palliatifs.
20:19 - Dr Birnaud ?
20:20 - Moi je pense comme monsieur qu'il n'y a pas de raison d'écouter plus les cultes que d'autres,
20:24 chacun sa parole.
20:25 Les personnes que j'ai rencontrées qui veulent que la loi avance dans ce domaine-là,
20:31 bien souvent ont été témoins de fins de vie qu'ils jugent inadmissibles,
20:36 ni pour eux, ni pour personne,
20:38 et voyant un peu le désarroi dont ils ont été témoins,
20:43 ils disent "bah si c'est pour ça, plutôt changer".
20:46 Moi-même j'ai été témoin, notamment au début de mes études médicales,
20:49 j'étais en pleine anécida, j'ai vu des situations épouvantables,
20:52 je suis sûr qu'à ce moment-là j'étais pour qu'il puisse y avoir un geste qui soit posé
20:56 pour que les choses s'arrêtent.
20:57 - Vous n'avez jamais eu à le faire vous-même en tant que médecin ?
20:59 - A l'heure d'aujourd'hui non.
21:00 - Non.
21:01 - Interdire ce n'est pas empêcher, à l'heure d'aujourd'hui non.
21:04 - Vous auriez accepté si on vous avait demandé ?
21:09 - Vous savez, je crois que dire à froid les choses, c'est tellement difficile.
21:14 - Sans être dans la situation.
21:15 - C'est tellement difficile, je mets un point d'interrogation.
21:17 Et très clairement j'ai changé d'avis,
21:20 j'ai changé d'avis parce que j'ai vu une autre façon de prendre en charge,
21:23 une autre façon de considérer.
21:24 J'ai vu des gens qui arrivaient à endurer quelque chose
21:28 et l'élan vital revenait.
21:30 Je ne veux pas faire de l'angélisme du tout,
21:32 il y a aussi des gens pour qui la fin de vie est vraiment difficile.
21:35 Mais le quotidien que je partage en équipe avec d'autres
21:39 et mes collègues des autres régions de France,
21:41 c'est bien souvent quelque chose qui est assez différent,
21:44 j'allais dire, de l'information forte que nous entendons
21:48 de dire "tout le monde veut l'euthanasie".
21:50 Et notre quotidien, c'est des gens qui nous demandent d'aider à mieux vivre.
21:53 Alors bien sûr il y en a, mais vraiment,
21:55 si c'était le cas au quotidien, je n'aurais pas ce discours-là.
21:57 - C'est très intéressant que vous disiez ça maintenant
21:59 parce que ça va faire complètement le lien avec l'extrait
22:01 que nous allons regarder ensemble, parce que globalement,
22:03 il faut le dire, les Français interrogés sont pour.
22:05 Dernière étude qui date d'octobre pour le point,
22:07 83% des sondés sont favorables à l'euthanasie,
22:10 67% sont favorables au suicide assisté,
22:13 le constat est très net et il l'est depuis plusieurs années maintenant.
22:16 Mais, effectivement, je voudrais qu'on regarde ensemble
22:18 une séquence du film qui dit quelque chose d'assez intéressant.
22:20 Il y a, comme vous dites, docteur Burneau,
22:22 ce que l'on dit lorsqu'on est bien portant
22:24 et ce que l'on dit lorsqu'on est confronté à la réalité
22:27 d'un choix entre la vie et la mort.
22:29 Et pour cela, je voudrais qu'on écoute ce que raconte
22:31 l'une des bénévoles, Anne-Marie, à propos des confidences d'une patiente.
22:34 Écoutez.
22:35 J'ai eu aussi ce matin un échange avec une dame
22:38 qui m'avait dit la semaine dernière qu'elle voulait l'euthanasie.
22:41 Et puis ce matin, elle me dit...
22:43 En fait, on m'a dit que je ne pouvais pas rester à Jeanne-Garnier
22:47 parce que je ne relève plus de cet établissement,
22:50 j'avais mieux.
22:52 Et du coup, j'ai médité
22:54 et en fait, je m'aperçois que j'étais pour l'euthanasie,
22:57 mais je ne suis plus pour l'euthanasie.
22:59 Parce qu'en fait, comme je vais un peu mieux,
23:02 j'ai envie de vivre.
23:04 Et j'aimerais bien que ce soit plus tard.
23:06 Mireille Dumas, j'aimerais savoir ce que cette séquence vous inspire.
23:10 C'est la vérité, c'est ce que j'ai vécu d'ailleurs avec ma propre mère.
23:16 Donc je pense que c'est ça aussi, être à l'écoute.
23:19 C'est que vous avez...
23:21 D'abord, il y a le principe.
23:23 Moi, je vous ai parlé du principe.
23:25 Si je ne peux pas, moi, communiquer, etc.
23:28 Si je suis en état de communiquer,
23:31 comme c'était le cas de ma mère,
23:33 je l'ai vue, puisque je m'en suis occupée,
23:35 pendant quand même quelques années,
23:37 je l'ai vue passer par des moments, effectivement, d'abattement,
23:40 où elle en avait assez,
23:42 où elle disait "je veux mourir",
23:44 mais son "je veux mourir" ne voulait pas dire
23:46 qu'elle voulait mourir.
23:48 - Elle ne voulait pas dire "faites-moi mourir".
23:50 - Voilà. Elle disait "j'en ai assez, ce n'est pas..."
23:53 - "Je veux en finir."
23:55 - Mais ça durait...
23:57 C'était un moment d'abattement, et juste après,
23:59 il y avait des moments de joie extraordinaire.
24:02 - Une pulsion de vie à nouveau.
24:04 - Moi, j'étais à cette écoute-là.
24:06 Il faut être très attentif,
24:08 et à un moment donné, parce qu'on a beaucoup parlé,
24:10 parce que c'était, je vous ai dit, mon institutrice,
24:13 donc c'était mon maître à penser, si je puis dire.
24:15 C'est elle qui m'a construite,
24:17 qui a fait la citoyenne que je suis,
24:19 et à un moment donné, j'ai vu qu'on était à la fin.
24:22 En tout cas, elle entrait dans une phase de douleur
24:25 très difficile, qu'on ne pouvait pas...
24:27 - Son âge.
24:29 - Voilà, et c'était le moment.
24:31 Elle avait 100 ans et un mois,
24:33 et je savais que l'acte, en tout cas, d'amour
24:35 que je devais lui apporter,
24:37 était de pouvoir lui apporter cette mort.
24:41 - Mais justement, les fluctuations...
24:43 - C'est là où, quand on parlait de l'égalisation,
24:45 ça me semble important, moi, j'avais les moyens,
24:48 entre guillemets, dire que je connaissais,
24:50 en tout cas, un médecin qui a accepté de venir à domicile.
24:53 Elle voulait mourir chez elle, chez moi.
24:56 Elle voulait être dans cet accompagnement.
24:59 Il est venu. Je ne suis pas sûre que tous les Français
25:02 aient accès comme ça, aient cette facilité-là,
25:04 justement, pour...
25:06 - Mais ces changements d'avis, et c'est exactement
25:08 ce que raconte la bénévole Anne-Marie Daniel-Borillo,
25:10 ce changement d'avis, est-ce que ça ne pose pas la question
25:12 d'écrire noir sur blanc dans un texte
25:14 où les directives anticipées, qui, vous le dites,
25:16 on peut écrire sur une directive anticipée,
25:19 "je veux qu'on mette fin à mes jours
25:21 lorsque je serai dans tel état", et puis, en fait,
25:23 une fois qu'on est dans tel état, qu'on ne peut plus communiquer,
25:25 comment dire, non, finalement, je ne veux plus ?
25:27 Est-ce que ça ne pose pas toutes ces questions ?
25:29 - Évidemment, ça pose toutes ces questions,
25:31 qui est la question du consentement libre et éclairé.
25:33 C'est-à-dire, toute la loi, tous les dispositifs de bioéthique
25:36 se fondent sur dispositifs de comment être sûr
25:39 que la personne a vraiment choisi
25:41 et a un consentement libre et éclairé,
25:43 y compris dans une situation d'extrême vulnérabilité.
25:45 C'est évident que tous les pays
25:47 qui ont mis en place des dispositifs de soins palliatifs efficaces
25:51 font réculer la demande dédactive à mourir.
25:54 C'est un fait, mais il y a toujours des gens qui les demandent,
25:57 pas simplement par rapport à la douleur,
25:59 mais aussi par rapport à l'image des soins.
26:01 Les gens qui ne veulent pas une image des soins dégradée...
26:04 - C'est d'abord l'image des soins, et la douleur n'arrive qu'à 25 %.
26:07 - Absolument. - Donc ça aussi, c'est intéressant.
26:09 - Mais par la suite, il y a tout un dispositif juridique
26:11 qui se met en place. Par exemple,
26:13 les droits à révoquer à tout moment.
26:15 Donc, il y aura des revocations de ce qu'on a dit,
26:17 puisqu'effectivement, on peut revenir et dire
26:19 "Maintenant, je ne veux plus passer par un dispositif d'aide médicale à mourir".
26:23 Ensuite, la collégialité, l'importance que ce soit plusieurs médecins
26:26 et pas un seul médecin.
26:28 Éventuellement aussi, la possibilité d'un contrôle judiciaire.
26:31 Également, le fait qu'il y ait une clause de conscience.
26:34 Il n'est pas obligé, les médecins qui ne veulent pas le faire, à le faire.
26:37 Et par la suite, effectivement, le fait que la possibilité de l'entourage
26:41 et qu'il y ait des indices entre l'entourage
26:44 et la possibilité de revenir sous directive anticipée,
26:47 on arrive à trouver un mécanisme, évidemment, toujours plus efficace...
26:50 - Et globalement, c'est ce qu'il se passe avec ce que demande le patient.
26:52 - Qui est collégial.
26:53 - Qui ne repose pas sur une seule personne d'importance.
26:55 - Et pourtant, les médecins... - Ils demandent qu'il soit réitéré.
26:58 - Et pourtant, les médecins sont plutôt défavorables, je crois,
27:01 à aider les patients à mourir.
27:04 C'est la tendance, non ?
27:05 - Vous voyez, "aider à mourir".
27:07 Qu'est-ce que ça veut dire ?
27:09 Parce que moi, je n'ai pas au quotidien des gens à mourir,
27:11 mais peut-être autrement, avec une injection létale.
27:13 Vous voyez comment les mots sont importants.
27:15 Si on a aidé quelqu'un à mourir, l'autre, il comprend quoi ?
27:18 Qu'on a été là jusqu'au dernier moment à accompagner la vie qui s'éteint
27:21 et essayer d'aller soulager les symptômes
27:23 pour qu'il y ait quelque chose qui ait de la valeur jusqu'au bout.
27:25 Est-ce qu'au contraire, ça a été d'aller pouvoir déclencher quelque chose
27:28 parce qu'on trouvait que ici et maintenant, c'était ça qu'il fallait faire ?
27:31 Vous voyez comment c'est extrêmement important
27:33 et comment on doit nommer les choses.
27:35 Je vais me permettre de rebondir sur quelque chose que vous avez dit.
27:37 Comme c'est difficile d'imaginer ce qu'on va faire
27:41 dans une situation qui n'est pas la nôtre aujourd'hui,
27:44 et deuxièmement, comme c'est difficile
27:46 de nommer la qualité de vie d'une autre personne que soi-même.
27:50 Souvent, on se projette, on dit "lui, il a une qualité de vie qui est nulle",
27:53 et puis on l'interroge, il y a eu des études là-dessus,
27:55 et souvent, à commencer par les soignants,
27:57 les soignants donnent une note de qualité de vie
27:59 qu'ils imaginent pour la personne, qui est très mauvaise,
28:01 et la personne peut donner une meilleure note.
28:03 Je ne dis pas que ça marche à tous les coups, je ne veux pas encore faire de l'engagement,
28:06 mais c'est très intéressant.
28:07 Et quand on interroge notamment les gens qui ont été blessés
28:10 d'un accident et qui peuvent se retrouver paraplégiques,
28:13 voire tétraplégiques, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent plus bouger les quatre membres,
28:16 ils disent tous que, dans la suite de l'accident...
28:19 - Ils veulent mourir. - Mais bien sûr.
28:21 Ils veulent mourir, et s'il y avait la possibilité d'eux, ils le feraient.
28:23 - C'est très humain. - Et au fil du temps...
28:25 - Ils s'accrochent à autre chose. - Ils s'accrochent à autre chose,
28:27 mais surtout, ils veulent mourir parce qu'ils veulent la vie d'avant,
28:30 et ils ne l'ont pas.
28:32 - La loi ne s'appliquerait pas dans ces cas.
28:34 - Et le cadre est immense. - Ça ne s'applique pas du tout à ces cas-là.
28:36 - Normalement, ils retrouvent de la liberté dans un champ du possible,
28:39 mais il faut un chemin, tout ça est très long.
28:41 Et puis, dernière chose, moi, de temps en temps,
28:43 ça m'arrive d'en recevoir des gens qui demandent à mourir.
28:46 Franchement, c'est rare, mais ça arrive quand même.
28:49 Et là, si vous vous posez avec eux, que vous leur demandez
28:51 de raconter leur histoire, leur parcours, leur chemin, leur histoire,
28:54 leur famille, vous voyez des embûches,
28:57 vous voyez des moments de solitude, vous voyez des appels à l'aide,
28:59 et personne n'est venu. Et parfois, ce sont des gens, je dis "parfois",
29:02 parfois, ce sont des gens qui disent "si c'est ça, à quoi bon ?"
29:05 Ma famille ne me répond pas, l'hôpital, la presse dit en permanence
29:09 que tout s'écroule. Bon, qui va m'aider, me soulager,
29:11 me tendre la main, m'aimer un peu en cas de problème ?
29:14 - Vous invoquerez la clause de conscience, vous,
29:16 si le texte arrive à légaliser l'euthanasie, le suicide assisté ?
29:20 - Je vais vous dire, c'est difficile, ce sujet-là,
29:24 parce que si j'ai en charge quelqu'un qui me fait confiance,
29:27 qui a fait confiance à mon équipe, etc.,
29:30 je n'ai pas forcément besoin de ce paratonnerre,
29:33 de cet écran dont on a envie d'accompagner nos patients jusqu'au bout.
29:38 J'ai du mal à vous répondre aujourd'hui, je ne peux pas vous dire comme ça clair et net.
29:43 - Christine Bouffant-Thydossa, ce texte va arriver au Parlement,
29:46 avec toute la complexité qu'il va engendrer à tous les niveaux,
29:51 même en termes d'assurance, de causes de décès,
29:54 qu'est-ce qu'on dit, mort de suicide, mort de maladie,
29:57 comment vous allez vous préparer à cela au Sénat ?
30:01 - Nous sommes au Sénat pour avoir un modèle français de fin de vie.
30:07 Le rapport que nous avons fait dernièrement
30:11 privilégie les soins palliatifs
30:14 et une connaissance beaucoup plus approfondie de la loi Clet-Léonetti.
30:18 Vous parliez tout à l'heure, Monsieur,
30:20 en réalité, le problème, ne faut-il pas plus de pédagogie auprès des Français ?
30:26 Qui, aujourd'hui, a fait ces directives anticipées ?
30:29 Qui a choisi sa personne de consul ?
30:31 - 18% des Français.
30:33 - Et il y a... Les gens...
30:35 - C'est pas mal.
30:36 - Sur 67 millions de Français, c'est un peu inquiétant.
30:39 Donc, lorsque vous savez aussi qu'il y a un nombre très important de médecins
30:44 qui ne maîtrisent pas la loi Clet-Léonetti,
30:47 lorsque nous avons auditionné l'Ordre des médecins nationaux,
30:50 ils nous ont dit, nous partons maintenant de là en disant,
30:53 il va falloir que notre premier travail soit d'informer les médecins
30:57 que cette loi Clet-Léonetti existe
30:59 et dans quelles conditions on peut la mettre en place.
31:02 Donc, voilà, pour moi, c'est une question de pédagogie...
31:07 - Et vous, vous ne voterez pas un texte qui franchit le pas de l'euthanasie ?
31:10 - Je considère... Alors, c'est tout à fait personnel.
31:13 Aujourd'hui, on dit que le suicide, c'est une façon de mourir dignement.
31:18 On dit que l'ultime liberté, c'est l'euthanasie.
31:21 On dit que de donner la mort, c'est un encouragement.
31:24 Je ne le pense pas. Je pense qu'il faut accompagner.
31:30 Alors, pour accompagner, le docteur le disait tout à l'heure,
31:33 il faut former, il faut former les soignants, il faut former les proches.
31:37 C'est une équipe qui a besoin d'être formée.
31:40 Ensuite, il faut anticiper, c'est-à-dire que ces soins palliatifs
31:43 ne soient pas faits au dernier moment, parce que, dans l'esprit des gens,
31:46 et vous en parliez tout à l'heure, soins palliatifs, ça y est, c'est la mort.
31:49 Or, ce n'est pas ça. Et il faut enfin donner des moyens.
31:52 Quand on parle des maisons d'accompagnement,
31:55 où on dit qu'il en faut partout, bien sûr qu'il en faut partout.
31:58 Moi, je travaille avec un médecin de soins palliatifs en Lotte-et-Garonne, à Agin,
32:03 pour monter une unité de soins palliatifs, alors une petite unité de 10 lits,
32:07 en dehors de l'hôpital. Cela, bientôt, va faire 3 ans.
32:12 Je suis allée rencontrer avec le docteur toutes les entités politiques du département.
32:17 On nous dit que c'est très bien, c'est merveilleux, mais ce n'est pas nous qui payons.
32:21 Donc aujourd'hui, si on n'a pas les moyens,
32:24 cette loi sera très difficile à être admise.
32:29 Et je terminerai en vous disant ceci,
32:32 la Convention citoyenne, on est à 75,5% de personnes qui sont favorables à l'aide active à mourir.
32:40 Moi, je pense que ni la Convention citoyenne, ni les sondages d'opinion,
32:45 ils ne représentent pas toute la France.
32:48 Et aujourd'hui, on ne peut pas s'affranchir de faire un texte qui concerne tous les Français,
32:55 sans leur demander leur avis.
32:57 Donc moi, je réclame un référendum.
32:59 D'ailleurs, je ne sais pas si... Alors, il l'a dit d'une manière très fugace,
33:03 le président de la République, du bout des lèvres, a dit qu'il ferait peut-être un référendum.
33:08 Et les questions, la question qui est à poser, elle a aussi de l'importance.
33:12 Vous savez, ceux qui veulent, au bout du bout, recevoir cette aide active à mourir,
33:19 donc l'euthanasie ou le suicide assisté, représentent 0,4% de la population.
33:25 Et la question que posait d'ailleurs François Bayrou,
33:28 je trouvais pour une fois que c'était une bonne question,
33:31 faut-il, pour 0,4%, faut-il créer un service public à mourir ?
33:36 Voilà, il faut aussi poser les bonnes questions.
33:39 - Alors, on entame la conclusion. - Justement ?
33:42 - Non, mais je voulais juste vous reprendre sur ce que vous avez dit,
33:45 l'ultime liberté, c'est l'euthanasie.
33:47 Non, l'ultime liberté, c'est le droit de choisir sa mort.
33:50 - Que ce soit l'euthanasie ou autre chose.
33:52 - Oui, mais alors, je l'ai dit comme ça, parce que c'est souvent comme ça que cela s'interprète.
33:58 Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais on fait des raccourcis.
34:01 Et ce raccourci, l'ultime liberté, c'est l'euthanasie, on l'entend trop souvent.
34:05 - Et tout le monde peut intervenir. - Et pour 0,4%, c'est une question philosophique.
34:08 - Et on arrive à la fin de ce débat, je voudrais justement votre mot de conclusion,
34:11 alors peut-être rebondir sur cette question du référendum,
34:14 ou en tout cas un texte qui arrive, qu'est-ce que vous avez envie de dire à l'exécutif
34:17 avant que ce texte n'arrive ? Daniel Borio ?
34:19 - Je voudrais dire que j'aimerais vivre dans une société où j'ai la possibilité
34:23 de choisir aussi ma mort, même si peut-être personnellement, moi je ne suis pas pour,
34:27 mais j'aime vivre dans une société où la possibilité m'est donnée.
34:30 - Question philosophique, Méric Dumas ?
34:32 - Bien sûr, c'est ce que j'ai dit, une question d'ordre philosophique.
34:36 Mais pourquoi pas un référendum ?
34:38 - Il faut changer la constitution. - Merci, merci.
34:41 - Mais je suis sûre, moi je suis persuadée que, franchement,
34:48 la majorité des Français est vraiment pour.
34:51 - Dr Birnaud, pour conclure ce débat ?
34:54 - Il y a des gens qui ont vécu des expériences, et par leurs expériences,
34:58 ou des opinions, ils sont tout à fait respectables, il faut les entendre,
35:01 je ne sais pas jusqu'où on ira, en tout cas, il est très important
35:05 de nommer les choses, sinon je crains qu'on fasse des bêtises énormes.
35:09 Notre planète, elle a été, ou elle est encore un peu euthanasiée,
35:14 et il y a des gens qui essayent de l'aider à la faire vivre.
35:17 Je crois qu'il faut qu'on fasse aussi attention à l'être humain,
35:20 de ne pas faire la même chose, et vous avez en ce moment des gens
35:23 qui font un travail absolument remarquable dans l'accompagnement,
35:26 avec les aidants, avec les personnes âgées, avec les personnes vulnérables.
35:29 On peut aussi faire lumière là-dessus et s'aider.
35:33 Ces personnes, finalement, bien souvent, elles nous disent
35:36 que la vulnérabilité n'empêche pas la vie, et c'est très apaisant.
35:40 En tout cas, moi, ça m'apaise.
35:41 Et on s'arrêtera sur ces jolis mots.
35:42 Merci, merci beaucoup à tous les quatre d'avoir participé
35:45 à cet échange, plus qu'à ce débat d'ailleurs.
35:47 Et merci à vous de nous avoir suivis comme chaque semaine.
35:49 À très bientôt sur Public Sénat. Merci.
35:51 Merci.
35:52 ♪ ♪ ♪
36:06 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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