• il y a 3 mois
Un homme suspecté d'avoir tué Philippine, une étudiante de 19 ans retrouvée morte dans le bois de Boulogne samedi, a été arrêté en Suisse mardi. Visé par une obligation de quitter le territoire français, cet homme de 22 ans avait été assigné à résidence début septembre, une mesure qu'il n'a jamais respectée. La question de simplifier les procédures de ces OQTF fait débat. La droite républicaine va déposer une proposition de loi à ce sujet. 

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Transcription
00:00La droite républicaine a l'intention de déposer une proposition de loi pour, je cite,
00:05« mieux protéger la société des étrangers clandestins dangereux et faciliter leur expulsion ».
00:10Alors Bruno Retailleau va déjà dans ce sens dans ses dernières déclarations.
00:14Il le dit, il faut que la loi évolue. Écoutez le nouveau ministre de l'Intérieur.
00:19Cette barbarie qui fait tant de victimes parmi les Français,
00:22comme l'illustre malheureusement le meurtre abject de la jeune Philippine.
00:28J'ai pour elle, en cet instant, pour sa famille, une pensée émue face à ce drame
00:35qui révolte chaque Français. Toutes les leçons, naturellement, devront être tirées.
00:41Et donc, proposition de loi de la droite républicaine à l'Assemblée.
00:45Très concrètement, Yann Boucard, qu'est-ce que changerait votre texte
00:49par rapport à celui qui existe aujourd'hui ?
00:54L'objectif, c'est d'augmenter fortement le taux d'exécution des obligations
00:58qui font quitter le territoire français.
00:59Vous savez que vous avez moins de 10% des OQTF qui sont exécutés aujourd'hui,
01:03environ 7%. On estime qu'il y aurait environ 700 000 personnes sous OQTF
01:08ou ayant été sous OQTF qui sont illégalement sur le territoire français.
01:13C'est évidemment inacceptable.
01:15Aujourd'hui, vous ne pouvez pas conserver plus de 90 jours
01:18une personne étrangère en situation irrégulière en centre de rétention administrative
01:23hormis pour les actes terroristes, pour les dangers terroristes.
01:28Il y a des conditions. Et encore, comme c'est 90 jours,
01:30il faut qu'il y ait un juge qui se prononce plusieurs fois,
01:32qui justifie plusieurs fois de cette rétention administrative.
01:36On estime, nous, à la droite républicaine, autour de Laurent Wauquiez,
01:38qu'il faut alléger ce dispositif, le simplifier,
01:42pour pouvoir permettre de conserver plus longtemps en rétention administrative
01:47pour augmenter le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français.
01:51Il faudrait évidemment mettre la pression sur les pays d'accueil
01:53pour qu'ils délivrent les nécessités passées au consulat.
01:55Alors, plein de choses qu'on va détailler.
01:56Mais justement, la première notion que vous évoquez,
01:58c'est donc d'allonger la durée de rétention administrative,
02:01de la faire passer d'ailleurs à combien ?
02:03Et en quoi ça permettrait, parce que c'est évidemment le but de la manœuvre,
02:07ça permettrait d'être plus efficace ?
02:10Là, on le voit bien, en fait, on a plein de situations
02:13où au bout de 90 jours, la personne étrangère est en fait libérée,
02:17relâchée dans la nature et finalement disparaît,
02:19ne peut pas ensuite être expulsée dans son pays d'origine.
02:24L'objectif d'augmenter de 90 jours à 135 jours,
02:27voire à 210 pour les personnes qui sont dangereuses.
02:31Et là, c'était le cas dans l'affaire dont nous parlions.
02:33C'est une personne dangereuse qui a été libérée avant 90 jours d'ailleurs.
02:38Ça permettra d'augmenter ce taux d'exécution des QEF.
02:41Mais dans le même temps, il va falloir aussi augmenter le nombre de places
02:43en centre de rétention administrative,
02:45parce que c'est aussi un des problèmes majeurs dans ce dossier,
02:48c'est qu'il y a très peu de places.
02:50Vous avez tout à fait raison.
02:51D'ailleurs, dans le cadre de ce qu'on appelle la LOCMI,
02:53la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur
02:56qui a été votée il y a deux ans,
02:58la droite républicaine, qui s'appelait alors Les Républicains,
03:01avait fait adopter le doublement du nombre de places
03:04en centre de rétention administrative,
03:06ce qu'on appelle l'ÉCRA, pour les années à venir.
03:09On sera très vigilants à ce que ce doublement ait lieu,
03:12voire même à ce que, si c'est nécessaire, il y ait encore plus de places.
03:15Je pense que c'est une question aujourd'hui de souveraineté.
03:17Nous pensons que c'est une question de souveraineté.
03:19C'est une question aussi de respect de la République et des lois de la République.
03:22On ne peut pas accepter que des personnes violent ainsi les lois de la République,
03:26a fortiori quand elles sont délinquantes,
03:29a fortiori quand elles sont dangereuses.
03:31On ne peut pas accepter de conserver sur notre sol
03:33des personnes étrangères en situation irrégulière
03:36qui, en plus, commettent des actes de délinquance.
03:38C'est inacceptable pour les Français.
03:39Et on voit bien qu'en plus, ça pose de graves problèmes de sécurité.
03:42Mais encore faut-il, et je parle à Benjamin Duhamel,
03:45j'étais sûr que j'allais le faire,
03:47encore faut-il que les pays vers lesquels nous renvoyons ces délinquants
03:51acceptent de délivrer, évidemment, des laissés-passer consulaires.
03:54Ce qui n'est pas nécessairement le cas.
03:56Non, c'est l'un des problèmes majeurs qu'on a dans l'affaire.
03:59C'est-à-dire qu'on peut prononcer autant de QTF qu'on veut.
04:02Encore faut-il qu'elle soit fiable d'un point de vue juridique.
04:04Il y a quand même un gros taux d'annulation.
04:06Et derrière, il faut que les laissés-passer consulaires soient délivrés.
04:09Or, aujourd'hui, on est dans une situation diplomatique
04:12qui, souvent, rend ce type de délivrance relativement aléatoire.
04:17Tout bêtement, parce que regardez les rapports...
04:19Mais pourquoi ils bloquent ?
04:20Ils bloquent parce que, souvent, ils ne veulent pas reprendre leur ressortissons,
04:23pour des raisons, je dirais, de politique interne.
04:26Et puis ensuite, ils bloquent parce que c'est également un instrument diplomatique.
04:29Dans un rapport qui est multifactoriel,
04:31on a l'impression que, quand on négocie,
04:33l'immigration n'est que l'alpha et l'oméga des négociations.
04:36Ce n'est pas le cas.
04:37Il y a évidemment des relations économiques, des relations d'investissement.
04:40Il y a également, notamment pour les pays du Sel,
04:42des questions de lutte contre le terrorisme,
04:44des questions de trafic de drogue, etc.
04:46Donc, quand vous rentrez en négociation avec ces pays,
04:49ce sont tous ces facteurs qui sont pris en compte
04:51avec une position géopolitique aujourd'hui fragilisée.
04:53Les Chinois qui disent « Écoutez, nous, on n'a pas de problème d'OQTF.
04:56Donc, ce faisant, si jamais les Français décident de prendre des sanctions,
04:59nous n'en prendrons pas et nous investirons. »
05:01Et ces rapports diplomatiques font qu'aujourd'hui,
05:04quelles que soient les lois de droit interne que l'on modifie,
05:07leur application devient de plus en plus aléatoire.
05:09Mais est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait, par exemple,
05:11fixer des conditions comme le suggère Patrick Stéphanie,
05:13l'octroi de visas aux ressortissants de ces pays,
05:16conditionnés à l'acceptation, justement, de laisser passer consulaires ?
05:20C'est un bras de fer qui avait déjà été engagé par Gérald Darmanin
05:23quand il était ministre de l'Intérieur, notamment avec les pays du Maghreb.
05:27Et puis, ça s'était aplani avec le Maroc, ça restait un peu compliqué avec l'Algérie.
05:30En fait, il y a un décalage magistral entre le nombre d'OQTF prononcé
05:34par l'autorité administrative, je rappelle que ce n'est pas une décision judiciaire,
05:37et le nombre de places en centre de rétention.
05:39Il y a à peu près entre 50 000, 60 000, 70 000, ça dépend des années,
05:42OQTF prononcé, et il y a 2 000 places en centre de rétention administrative.
05:45Donc, on peut augmenter les délais, ça ne changera rien d'affaire,
05:48tant qu'on n'aura pas construit.
05:49Alors après, faut-il construire 60 000 places de centre de rétention administrative ?
05:52Je rappelle, dans un autre registre, il y a 60 000 places de prison en France.
05:56Donc, c'est pour vous donner des ordres de grandeur.
05:58Et par ailleurs, on rappelle que c'est une décision administrative,
06:01l'OQTF, et qu'elle donne d'abord un délai de 30 jours
06:03à la personne visée pour partir de son plein gré.
06:06Ce n'est pas un arrêté d'expulsion.
06:08Un arrêté d'expulsion, c'est une mesure administrative aussi,
06:10mais où vous envoyez des policiers, la force publique, expulser quelqu'un.
06:13Ce n'est pas non plus une interdiction du territoire français,
06:15ça c'est une décision judiciaire complémentaire d'une peine.
06:18Quand vous êtes condamné, on peut vous proclamer que vous êtes interdit de territoire pendant 10 ans.
06:21Mais en fait, dans le cas qui nous intéresse, dans le cas de Philippines,
06:24est-ce que l'OQTF, c'était la procédure la plus adéquate au cas de ce violeur ?
06:31Il avait été condamné pour viol.
06:33Pourquoi est-ce qu'on ne l'a pas expulsé ?
06:35C'est deux logiques différentes.
06:37En réalité, vous pouvez être condamné, vous purgez une peine auquel cas.
06:40De l'autre côté, l'expulsion, c'est en effet une mesure administrative,
06:44de même que va l'être l'obligation de quitter le territoire.
06:47Donc l'expulsion, ça n'arrive qu'au bout d'une logique,
06:50qui est une logique qui subit en fait le même type de problème.
06:55Pour une grave menace à l'ordre public.
06:57Pour une grave menace, et puis le problème reste le même.
06:59C'est-à-dire que si les pays qui sont les pays d'origine
07:01ne veulent pas récupérer leurs ressortissants,
07:03entre guillemets, quelle que soit la procédure, il y a blocage.
07:06Dans la proposition de loi de la droite républicaine,
07:09les députés voudraient aussi restreindre le rôle du juge des libertés et de la détention.
07:14Il est en cause dans l'affaire Philippine ?
07:20Il y aura une enquête évidemment qui le dira.
07:24Je ne suis pas là pour aujourd'hui.
07:27J'ai dit le discrédit sur le juge des libertés et de la détention.
07:30On verra bien ce qui a été fait.
07:32La réalité, c'est que si on veut être plus efficace sur les objectifs,
07:36il faut qu'il y ait moins de négociations,
07:38qu'il y ait moins de décisions à prendre.
07:41Je vous l'ai dit, aujourd'hui c'est 90 jours,
07:43mais en réalité ce n'est pas 90 jours.
07:44C'est une succession de décisions qui doivent être prises,
07:46qui doivent être motivées,
07:48qui peuvent être contestées les unes après les autres.
07:51Et pour revenir sur ce qui a été dit par vos deux intervenants,
07:53qui ont raison,
07:55évidemment qu'on pourra construire des places en crâne,
07:58évidemment qu'on pourra augmenter le délai de l'arrêtation administrative.
08:02S'il n'y a pas de vraie négociation avec les pays d'origine des étrangers en situation irrégulière,
08:08on n'avancera pas.
08:09Mais aujourd'hui, on doit faire de cette question une priorité très claire.
08:12Et on a quand même des axes.
08:13Les visas, vous l'avez dit, c'est une proposition de Patrick Stefanini.
08:16On peut avancer là-dessus.
08:17Il y a aussi la question de l'aide au développement.
08:19On a aujourd'hui tout un tas de pays
08:21qui sont particulièrement concernés par l'aide au développement versé par la France,
08:24qui n'acceptent pas de laisser passer le consulaire.
08:27Peut-être qu'on doit remettre en cause les aides au développement.
08:30Benjamin Duhamel, d'un mot,
08:33est-ce que ce texte peut cheminer et être voté par l'Assemblée ?
08:37Potentiellement, oui.
08:38C'est-à-dire qu'il y a une majorité probablement à l'Assemblée aujourd'hui pour le voter.
08:42Il faudrait voir quand même comment réagiront les macronistes.
08:44Ensuite, au Sénat, ça peut clairement passer,
08:47avec peut-être des amendements,
08:48parce que l'Union centriste, le groupe du centre,
08:50n'est pas sur la même ligne que l'ALR.
08:52Donc une version amendée, modifiée, peut trouver son chemin.
08:55Il y a la question de la constitutionnalité, après.
08:57Alors là, il y a une incertitude, notamment sur le délai.
08:59Les consuelistes ne sont pas les prophètes.
09:01Ce qu'on sait, c'est qu'il y a eu une jurisprudence très dure du Conseil fonctionnel en 1993,
09:05mais que depuis, le Conseil a assoupli sa jurisprudence
09:08et que la dernière décision de 2018 ouvre, je dirais, de manière assez large,
09:11la possibilité de pousser les délais.
09:13Ce n'est pas certain, mais ça peut passer.
09:14Merci beaucoup Benjamin.
09:15Merci à vous.
09:16Merci d'être venu nous voir ce matin.
09:17Merci beaucoup Yann Boucar.

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