• il y a 3 mois
L'AFP a diffusé la lettre d'une victime de Taha O., jeune marocain sans-papiers de 22 ans, interpellé en Suisse alors qu'il était sous le coup d'une OQTF en France, ce dimanche 28 septembre. Soupçonné du meurtre de Philippine, retrouvée morte et partiellement enterrée dans le bois de Boulogne, à Paris, il avait déjà été condamné pour viol.

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Transcription
00:00Bonjour Karen Noblinski, merci d'être avec nous ce matin. Vous êtes avocate en droit pénal. Mathias
00:10Tesson du service Police Justice de BFMTV nous accompagne également. On est trois jours après
00:14les obsèques de Philippines et c'est ce moment qu'a donc choisi la première victime du meurtrier
00:19présumé de Philippines pour sortir du silence, pour prendre la parole dans une lettre que l'on
00:24découvre ce matin, Mathias Tesson. D'abord c'est une lettre adressée à qui ? Alors c'est une lettre
00:29qui a été diffusée hier en fin de journée, qui a été adressée à nos confrères de l'agence France
00:33Presse dont on a pu prendre connaissance et quand on lit cette lettre et bien on découvre qu'elle
00:38s'adresse, cette jeune femme aujourd'hui âgée d'environ 28 ans, à plusieurs personnes. Elle
00:43parle d'abord à Philippines, elle parle aussi à la famille de Philippines mais finalement plus
00:48globalement elle s'adresse aux autorités dans cette lettre poignante puisqu'elle va s'adresser
00:52et on va le découvrir à la fois aux autorités judiciaires sur la question de la récidive
00:57mais aussi aux autorités administratives et également aux autorités politiques. Très
01:01concrètement, Mathias, qu'est-ce qu'elle dit ? Alors d'abord elle raconte son histoire, elle raconte
01:05les faits dont elle a été victime en 2019 dans cette forêt du Val d'Oise, à Tavernier,
01:13exactement. Elle raconte toute la procédure qui a alors été la sienne au moment des faits, le dépôt
01:19de la plainte, l'instruction, l'enquête qui aura duré près de deux ans au total. Mais le plus
01:25important, j'allais dire dans cette lettre, c'est toutes les pistes de réflexion que cette jeune
01:29femme propose sur la question de la récidive puisqu'elle s'adresse aux autorités judiciaires
01:33en se demandant pourquoi est-ce que la prison n'a pas réussi à enrayer la mécanique de
01:39récidive chez cet individu. Elle s'adresse également aux autorités administratives en
01:43questionnant les OQTF et la non-exécution de cet OQTF concernant le mise en cause et aux
01:49autorités politiques en se demandant s'il ne faudrait pas lancer une commission d'enquête
01:54sur la question de la récidive. On va reprendre toutes les questions effectivement qu'elle pose parce que c'est très intéressant. Elle ne met pas
01:58totalement en cause la justice, cette jeune femme, à ce que d'autres ont fait ces derniers jours. Elle dit
02:02justice a été faite, elle l'écrit, pour elle évidemment. La justice a été faite, mon agresseur a
02:06été condamné à la peine quasi maximale encourue pour ce type de crime. Ce qui la choque, et ça
02:11choque évidemment tout le monde, c'est la non-application de l'OQTF mais aussi la
02:16récidive. Pourquoi le système pénitentiaire a-t-il failli à prévenir cette récidive ? Je la cite
02:23encore, qu'il soit français ou étranger, que le viol ait lieu dans une forêt ou un appartement
02:27conjugal. Quel dispositif, et c'est la première question qu'elle pose, de coopération internationale
02:33existe pour prévenir la récidive de crimes sexistes et sexuels de criminels expulsés ? Est-ce que ça
02:40maître, c'est une vraie question ? C'est une vraie question et je pense qu'à travers ce nouveau drame,
02:46en fait, nous sommes à un moment clé de l'histoire en ce moment en matière de lutte contre les
02:51violences sexuelles et en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Et en fait, c'est
02:55la succession de drames qui nous amènent tous à cette conscientisation et qui nous amène à revoir
03:01en fait ce qui se passe aujourd'hui en matière de suivi thérapeutique des auteurs de violences
03:06sexuelles. Et c'est une question primordiale parce que plus que jamais, nous devons améliorer cette
03:12prise en charge en matière de moyens. C'est-à-dire, qu'est-ce qui se passe en prison, qu'est-ce qui se
03:17passe au moment de l'exécution d'une peine ? Est-ce qu'il y a un accompagnement suffisant dans les
03:23services psychologiques, psychiatriques ? Est-ce qu'il y a suffisamment de moyens ? Bien sûr qu'ils
03:27existent ces services, mais est-ce que le nombre de rendez-vous qui doivent être honorés, est-ce que
03:32les traitements qui doivent être honorés, est-ce que tout cela, toutes ces rencontres elles existent
03:37et est-ce qu'il y a suffisamment de moyens mis en place pour que justement on puisse accompagner
03:42les auteurs de violences sexuelles ? Parce qu'il n'y a seulement cet accompagnement qui
03:48permettra de se prémunir de tout passage à l'acte après, lors de la sortie de prison. Et c'est une
03:55question qui est primordiale et à laquelle il faut s'intéresser. Parce qu'on connaît l'état de la
03:59psychiatrie, j'allais dire, en ville. On imagine qu'en prison, c'est la même chose ou c'est même
04:05pire. C'est-à-dire que les moyens manquent. On imagine évidemment et les moyens manquent. C'est
04:09quelque chose que l'on peut confirmer aujourd'hui, qu'il faut investir plus de moyens dans ces
04:13questions, mais aussi au moment de la sortie de prison. Parce qu'évidemment qu'il y a des suivis
04:18socio-judiciaires et c'est la loi qu'on connaît de 1998. Et évidemment que le suivi socio-judiciaire,
04:24c'est un système qui est pris en charge avec le juge de l'application des peines et qui soumet
04:29un auteur de violences sexuelles à des obligations de suivi thérapeutique. Est-ce que ces suivis,
04:34ils sont correctement honorés ? Est-ce qu'il y a suffisamment de moyens entre la justice,
04:39ces personnes et les médecins pour les mener à bien ? Est-ce qu'en cas d'échec ou de défaut de ces
04:44suivis, est-ce que quelqu'un vérifie ? Bien sûr que les juges de l'application des peines les vérifient,
04:49mais est-ce qu'ils ont suffisamment de moyens pour les vérifier à la hauteur de ce qu'ils
04:52voudraient faire ? Mais est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'un violeur condamné qui a pu
04:56urger sa peine est aussi dangereux en sortant de prison que lorsqu'il y est entré ? Ce que je
05:01veux dire, c'est que la prison, elle doit avoir un sens. La prison, évidemment qu'elle est là pour
05:07sanctionner, qu'elle est là pour punir un comportement, mais qu'elle doit aussi permettre
05:11aux individus qui sont punis de conscientiser, de comprendre le passage à l'acte, de savoir et de
05:16comprendre la gravité des actes pour permettre évidemment que ces actes ne se reproduisent plus,
05:22ce qui est le cas dans bien des situations, mais qui ne doit pas toujours être le cas. Évidemment
05:26qu'on doit améliorer ce système. Dans le cas qui nous intéresse, il a bénéficié d'une prise en
05:30charge particulière en prison ? On n'a pas connaissance précisément de son dossier judiciaire
05:35et de les obligations auxquelles il était soumis au moment de sa détention, mais la simple
05:40observation qu'on peut faire, c'est que c'est un individu qui, quand il va sortir de prison,
05:44va être immédiatement placé en centre de rétention administrative. Et donc, dans ces
05:50structures, il est difficile d'imaginer que les personnes qui s'y trouvent soient soumis à un
05:57suivi particulier. Les centres de rétention administrative, c'est des sortes de salles
06:01d'attente en vue d'une expulsion, ça ne peut pas se substituer à une prise en charge psychologique.
06:07Est-ce qu'il y a un parcours particulier pour les violeurs condamnés en prison ? Justement,
06:11il y a cette question du suivi socio-judiciaire qui est une mesure qui est poste sententielle,
06:17qui est prévue par la loi de 98 et qui vise normalement les auteurs de violences sexuelles.
06:22Et ce qu'il faut savoir dans les chiffres que nous avons eu à lire depuis 24 heures,
06:26depuis la sortie de cette lettre, c'est qu'en moyenne, il y a 5% de récidives, c'est une étude
06:32de 2023, chez les auteurs de violences sexuelles. Et ces 5%, on ne peut pas fermer les yeux devant,
06:38et il faut dès à présent conscientiser cette situation et prendre les mesures nécessaires
06:43pour que sur tout le territoire, quelle que soit la prison, quelle que soit la ville où il y a ce
06:48suivi socio-judiciaire, où il y a des injonctions ou des obligations de soins, on puisse les vérifier
06:53pour qu'elles soient évidemment honorées. La jeune femme réclame dans cette lettre le
06:57lancement d'une commission d'enquête sur la prévention de la récidive. Une commission
07:01d'enquête, ça peut être une solution ? Je vais vous dire, je pense que tout est
07:05tout est bon à prendre. Et cette femme, elle dit quelque chose de très intéressant dans
07:09sa lettre. Elle dit, premièrement, j'ai tenu bon en me disant que ma démarche protégerait
07:13d'autres victimes. Et il ne faut surtout pas que ces drames qui se répètent dissuadent les victimes,
07:20souvent des femmes, d'aller déposer plainte et de se dire évidemment qu'elles seraient
07:25protégées. Et deuxièmement, je pense qu'on a beaucoup parlé de QTF depuis 24-48 heures et
07:31il est extrêmement intéressant que cette femme nous dise, attention, bien sûr qu'il faut parler
07:35du sujet des autres QTF, mais n'oublions pas la question de la récidive et du passage à l'acte
07:39qui est fondamentale et à laquelle il va falloir s'intéresser. Voilà, je finis par cette phrase,
07:43parce que c'est remarquablement écrit aussi. Philippine aurait pu être ma sœur, je ne peux
07:48être sa voix, je ne suis que la mienne. La parole que je porte se jointe à celle des femmes qui ont
07:53lutté et luttent encore aujourd'hui contre les violences sexistes et sexuelles. Merci d'être
07:58venue nous voir ce matin.

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